Chapitre 23 : Nul en magie, doué pour les ennuis

  —  Tu as choisi le club des objets magiques ?!

Thalion opina, et Eris éclata de rire, renforçant sa mine lugubre. Ses amis et lui, accompagnés de Calysse, parcouraient le couloir en direction de leur prochaine activité. Une activité qui ne l’enchantait pas.

C’était lundi. Et le lundi, la fin de journée était destinée aux clubs. À travers la fenêtre, la lumière déclinait, ce qui ne signifiait qu’une chose : Thalion allait intégrer son nouveau club pour la première fois. Dans la matinée, Mme Luciphella avait finalement validé son choix, à son grand désarroi. Le magérien aurait largement préféré réserver ce créneau à ses recherches sur la bibliothèques secrètes. Si les résultats jusque-là n’étaient pas fructueux, Thalion ne perdait pas espoir.

Outre cet obstacle à son investigation, le jeune homme était frustré de perdre ce précieux temps libre. Il ne comprenait pas pourquoi l’académie rendait les clubs obligatoires. Pour la plupart des élèves, c’était un plaisir, mais pour lui, c’était un calvaire !

Thalion n’avait pas la possibilité de discuter les ordres de la proviseure adjointe. Il avait accepté son sort et s’était préparé à faire un effort social. Il ne pouvait pas se faire exclure une seconde fois. Qui sait, en intégrant ce club, il pourrait faire une belle découverte.

Enfin, ça, c’était ce qu’il pensait avant d’en apprendre plus.

  —  Je ne vois pas ce qu’il y a de drôle, bougonna-t-il devant l’hilarité de son amie.

  —  Tu as intégré le club le plus chiant de l’académie ! Tu passes ton temps à trier. Même le club de lecture est plus palpitant.

  —  Eh ! s’exclama Calysse, outrée par les propos de sa meilleure amie. Mon club est très intéressant. Rien que la dernière fois, on a pu lire un grimoire vieux de plusieurs cent…

  —  Lire des bouquins trouvables à la bibliothèque ne m’intéresse pas, la coupa Thalion, ce qui lui valut les gros yeux de la part de la magérienne. À part le club de duels, rien n’a l’air excitant.

  —  Si ! le contredit Eris. Le club de rituels et sacrifices. Tu aurais dû choisir ça. On a sacrifié une poule noire la dernière fois.

Les trois magériens affichèrent aussitôt une mine dégoûtée en imaginant la pauvre poule, la tête tranchée. Cette pratique était largement moins répandue qu’à l’époque, mais certains continuaient de sacrifier des animaux en guise d’offrande aux dieux. Leur sang était ensuite réutilisé pour des enchantements runiques. De plus en plus d’apprentis dénonçaient cette pratique ancestrale cruelle que les anciens défendaient, prétextant entre autres que le dieu de la mort aimait recevoir les âmes fabriquées par Amphéré. Eris avait choisi ce club essentiellement pour des raisons culturelles. En dehors des sacrifices, d’anciens rituels d’arts magiques, souvent tombés dans l’oubli, étaient enseignés. Malgré tout, pour l’intégrer, il fallait avoir le cœur bien accroché.

  —  Bien que ce club ait l’air fort… divertissant, je ne peux pas m’y inscrire. Rappelle-toi, je n’ai pas le droit d’intégrer un club qui peut potentiellement éveiller ma magie noire. Ceux qui me font utiliser un minimum de magie, en gros.

Or, cette condition lui interdisait la plupart des clubs un tant soit peu attrayant. Thalion avait tenté de retarder autant que possible son inscription pour éviter de rejoindre tout groupe collectif, mais M. Vandré avait d’autres projets pour lui. Le professeur l’avait encore une fois mis au pied du mur et l’avait menacé de l’enfermer jusqu’à ce qu’il se décide à s’inscrire. La séquestration n’était pas légale, mais Thalion n’avait pas voulu mettre en doute sa parole. Il aurait pu choisir le club de cuisine et se retrouver avec Nohan, d’autant plus qu’il était bon cuisinier, mais il avait envie de faire quelque chose de nouveau. Après avoir fait son choix, il avait appris que le club des objets magiques avait la réputation d’être… peu distrayant. Il n’y aurait que des gens bizarres et un bazar pas possible.

  —  Ça se trouve, ce n’est pas aussi nul qu’on le dit, tenta de le réconforter Nohan.

  —  Et l’objectif, ce n’est pas que tu t’éclates mais que tu ne te fasses pas une nouvelle fois virer du club. Y parvenir serait une belle avancée, si tu veux mon avis, ajouta Eris.

  —  Ton avis ne m’était pas nécessaire, répliqua-t-il sèchement.

  —  Moi, je ne vois pas comment ça pourrait mal se passer… intervint timidement Calysse. Il va juste observer et classer des objets magiques.

  —  C’est que tu connais mal Corvus… Ne me regarde pas comme ça, même Nohan est d’accord avec moi !

  —  C’est vrai que tu as le don de t’attirer des ennuis…

Thalion soupira, plus irrité que jamais. Ce n’était pas de sa faute si les choses ne se passaient jamais comme il le souhaitait ! Quand ça le concernait, rien n’allait jamais. Mais cette fois-ci, le magérien était déterminé à leur montrer qu’il n’était pas qu’un aimant à problèmes.

  —  Ne vous inquiétez pas, je gère, déclara-t-il avec assurance.

Ses amis affichèrent une moue dubitative que Thalion ignora. C’est d’un pas décidé qu’il arriva devant l’entrée de la salle du club. Mais en apercevant l’individu qui se tenait devant, il se figea.

Nom d’un troll qui pète à l’envers. Peut-être que Thalion était réellement un aimant à problèmes, finalement. Un aimant à Camille.

  —  Tiens, Corvus, tu es aussi dans le club ? Ça promet d’être plus divertissant que prévu, ricana le magérien avant d’entrer dans la salle.

Le maudit pouvait sans mal deviner le désespoir qui envahissait ses amis en ce moment même.

  —  Tu as vraiment un don pour les ennuis, en fait, soupira Eris, désabusée.

  —  Je comprends mieux votre inquiétude maintenant, souffla Calysse.

  —  Corvus, promets-moi que tu ne réagiras pas aux provocations de Camille, paniqua Nohan. Quoi qu’il dise, ne réagit surtout pas !

  —  Ne vous inquiétez pas, je gère, répéta-t-il avec la même assurance avant d’entrer à son tour dans la salle.

Camille ou pas, ça ne changeait rien. Thalion était déterminé à ne pas faire de vague.

La pièce était petite et pleine à craquer. Il y avait une série d’armoires vitrées exposant des artéfacts, ainsi que des tables où s’étalaient une multitude de babioles en tout genre. Certains jonchaient le sol comme des obstacles à éviter. Le comble était l’absence de fenêtre. Si les lampes volantes n’éclairaient pas si bien, Thalion se serait senti oppressé par tous ces objets qui occupaient le moindre recoin. Quelques personnes étaient assises aux tables et le fixaient avec effroi, la bouche grande ouverte. La routine, en somme.

Thalion ne se préoccupa pas plus longtemps d’eux car Camille l’accueillit avec son habituel sourire narquois.

  —  Tu as développé un crush sur moi pour me suivre partout comme ça ? Attention, Nohan risque d’être jaloux.

  —  Et toi, tu as des sentiments pour moi pour m’attendre ainsi derrière la porte ? Tu attends nos discussions passionnées avec autant d’impatience ?

Ses yeux s’écarquillèrent tandis que sa bouche formait un « o » tout rond. L’air outré qu’il affichait était jouissif. Thalion n’appréciait pas que Camille fasse sans cesse référence à son attirance pour les hommes, comme si c’était quelque chose d’honteux. Thalion assumait, mais qu’il l’utilise ça pour le provoquer n’en était pas moins agaçant, d’autant qu’il ne savait concrètement rien de son orientation sexuelle.

  —  Je ne suis pas… commença-t-il à s’emporter, avant qu’une petite voix interrompt leur échange.

  —  E… Excusez-moi, vous… vous êtes les deux nouveaux ?

Thalion tourna la tête vers le garçon aux cheveux raides qui se tenait face à eux. Ce visage ne lui était pas inconnu. C’était son voisin venu lui transmettre un message de madame Delacroix. Il le reconnut notamment à son geste mécanique pour remonter ses lunettes. Camille renifla avec dédain.

  —  Ouais. Où est la responsable, Madame Soribel ?

Le garçon désigna une armoire en fer qui se tenait dans un coin de la salle. En s’approchant, Thalion entendit une voix émaner de l’intérieur qui répétait la même chose en boucle, comme un vieux disque rayé.

  —  Je suis protégée, je suis protégée, je suis protégée…

  —  Madame… ?

  —  JE SUIS PROTÉGÉE !

Bon. Soit elle était du genre à craindre qu’une météorite tombe sur l’académie, soit elle faisait partie de ceux qui devenait hystérique en sa présence. D’après son expérience, Thalion pencherait sur la deuxième option.

Camille, qui s’était avancé jusqu’à lui, ricana.

  —  On dirait bien que tu lui files la pétoche.

  —  Sans blague, répliqua-t-il, irrité.

  —  Ne… Ne vous préoccupez pas d’elle, intervint le garçon. Elle est du genre craintive, mais pas méchante, je… je vous assure !

Thalion ne savait pas si le garçon tentait de le réconforter ou de défendre Madame Soribel. Dans les deux cas, ça n’arrangeait pas son humeur.

Camille se posta devant l’armoire dans l’optique de faire sortir la femme de sa cachette. Au moment où sa main frôla la poignée froide, le placard s’ouvrit brusquement. Mais au lieu d’une professeure apeurée se trouvait une énorme cavité buccale. De petites dents pointus émergeaient de la chaire rose de façon irrégulière et une épaisse langue gluante s’élançait vers le magérien. Si le garçon n’avait pas tiré sur le bras de Camille pour le faire reculer, il se serait fait gober par l’armoire en une seule bouchée. Choqué par ce qui venait de se passer, le regard de son colocataire ne cessait de faire des allers-retours entre son sauveur et la monstrueuse armoire dont les portes s’étaient refermées dans un claquement retentissant.

La scène s’était passée si vite que Thalion n’avait pas eu le temps d’esquisser le moindre mouvement. Ses épaules se détendirent en constant qu’aucune blessure n’était à déclarer, et sa stupeur laissa place à la moquerie.

  —  On dirait bien que l’armoire t’a trouvé appétissant.

—  C’était quoi, ça ?! s’écria Camille en retrouvant l’usage de la parole une fois le choc passé.

Il dégagea son bras de la poigne du garçon qui dansait un pied sur l’autre en bafouillant.

  —  C’est… C’est l’armoire… l’armoire bouffe-tout… Elle mange… tout ce qui l’approche…

  —  Et la prof ? lui demanda Thalion en fronçant les sourcils. Elle est à l’intérieur.

  —  Elle dit… qu’elle se sent bien dedans. Et l’armoire vomit tout en fin de journée.

  —  Complétement tarée, siffla Camille en s’éloignant de l’armoire, furieux. Vous êtes tous complètement tarés de garder des objets comme ça ici ! Et la prof, n’en parlons pas !

Le garçon baissa les yeux, honteux. Se sentait-il mal à cause de l’incident de l’armoire ou bien par la mauvaise impression de Mme Soribel ? Quoi qu’il en soit, Thalion déclara, un sourire ourlé sur les lèvres :

  —  Moi, j’ai bien aimé cet objet. C’était marrant.

  —  Tu dis ça parce que ce n’est pas toi qui as failli te faire bouffer !

  —  C’est vrai. Mais estime-toi heureux que l’armoire t’ait trouvé à son goût. À sa place, j’aurais vomi mon estomac rien qu’en te voyant.

  —  Espèce de…

  —  C…  Comme Madame Soribel n’est pas disponible, je vais m’occuper de la visite… d’accord ? proposa le garçon en sentant venir les insultes.

Thalion hocha la tête. Quitte à rester ici, autant en profiter pour découvrir le plus d’objets magiques. Peut-être qu’il tomberait sur certains trucs intéressants. Et comme les autres membres semblaient peu enclin à venir vers eux, les observant de loin depuis leur chaise, il pouvait bien s’en occuper.

  —  C’est quoi ton nom, déjà ? l’interrogea Camille après avoir accepté.

  —  L… Loyd. Maximilius Loyd.

  —  Bien. On te suit, Max.

Max les guida jusqu’à une porte que les nouveaux venus n’avaient pas remarquée, dissimulée par quelques cartons remplis à ras bord. Lorsque le garçon dégagea le passage et actionna la poignée, les deux magériens ne parvinrent pas à cacher leur stupéfaction en découvrant la salle sur laquelle la porte donnait. C’était un bazar. Un bazar sans nom. Des centaines, non, des milliers d’objets étaient rassemblés, entassés les uns sur les autres. On n’en voyait pas la fin. Certains tas d’objets atteignaient la taille d’un immeuble à trois étages, et ne touchaient même pas le plafond ! Thalion craignait qu’ils ne s’écroulent à tout moment sur eux. Même son grenier était mieux rangé que ça !

  —  C’est ici que sont rassemblés tous les objets du club, expliqua Max.

  —  Vous êtes sûr qu’ils y sont tous ? ironisa Camille.

Leur ébahissement redoubla en le voyant secouer négativement la tête.

  —  N… non. Certains ont été perdus dans le château, d’autres rangés ailleurs ou… ou volés.

C’était impressionnant. Thalion se demanda si le garçon était capable de les guider dans ce bazar. Il fut étonné de le voir avancer sans hésitation.

Max commença la visite guidée. Apparemment, il y avait bel et bien une organisation dans cet immense bazar. Leur guide les amena à la première partie : les objets utiles. Sans étonnement, il n’y avait aucun rangement. Ils étaient tous amoncelés les uns sur les autres.

  —  C’est quoi, ça ? demanda Camille.

Il pointa une pierre rectangulaire, grise et plate, aussi grande que lui. Elle n’avait rien d’extraordinaire, à l’exception d’un ensemble de runes inconnues gravées dessus.

Max jeta un coup d’œil à l’objet désigné en remontant les lunettes sur son nez.

  —  La pierre d’éloquence… Si on l’embrasse la tête à l’envers, elle donne le pouvoir d’éloquence…

  —  Tu devais le faire, Camille, suggéra Thalion en ricanant. Ça augmentera un peu tes chances de réussite lors de ta déclaration d’amour à Roxanne.

  —  … ou bien un pouvoir nul…

  —  Ça, c’est pour toi, Corvus. Avoir un pouvoir nul, c’est mieux que de pas en avoir du tout !

Thalion s’apprêtait à lui lancer une remarque bien sentie, mais Max intervint en les enjoignant à le suivre avant que ça ne finisse en bain de sang. Il se dépêcha de les conduire vers une autre partie du gigantesque bazar : le coin des objets inutiles. Les deux magériens circulèrent en observant les différentes babioles qui passaient sous leurs yeux. Les quantités rassemblées avait doublé. Les objets utiles devaient être plus rares que les objets inutiles. Thalion saisit une jolie flûte en bois sculptée et souffla dedans. Il n’avait produit que quelques notes lorsque tout ce qui ce qui se trouvait autour de lui se mit soudainement à rapetisser. Désormais, il était aussi grand, voire plus, que les tas d’objets à ses côtés. Il craint d’ailleurs qu’ils ne s’écroulent à cause de sa taille démesurée, mais ils finirent par se stabiliser.

  —  Euh… La flûte fait rapetisser ?

  —  Crétin ! Elle t’a fait grandir ! cria Camille qui lui arrivait à la cheville.

Thalion se mit à rire en entendant la voix aigüe du magérien. On dirait celle d’une souris énervée.

  —  Rassure-toi, Camy, on ne voit pas la différence avec ta taille habituelle !

Le concerné lui donné un coup de pied qu’il ne sentit même pas, ce qui fit redoubler son hilarité. Max intervint une fois de plus en tendant à Camille une espèce de ukulélé noir verni.

  —  Joue quelques notes pour… pour le faire rapetisser.

Le magérien s’exécuta et effectivement, Thalion rapetissa.

  —  Idiot ! Tu l’as fait exprès ! s’époumona le maudit, devenu aussi grand que son orteil.

  —  J’ai terriblement envie de t’écraser avec mon doigt.

Camille illustra son propos en approchant son index du magérien, le poussant de droite à gauche. Thalion aurait donné cher pour pouvoir lui faire ravaler son sourire moqueur.

Heureusement pour lui, Max ne le laissa pas mettre son plan à exécution et utilisa la flûte qu’il avait laissé tomber pour lui rendre sa taille normale. Thalion foudroya Camille du regard qui affichait une moue boudeuse, avant de soupirer. Selon lui, cette répartition était insensée. Les deux précédents objets semblaient plus utiles que la pierre d’éloquence qui n’avait rien d’un objet utile. Thalion ne comptait pas s’investir dans le club au point de s’occuper lui-même de cette réorganisation générale, mais il allait suggérer l’idée à Max.

Ce dernier les guida vers le dernier coin du bazar : les objets qui n’avaient pas encore été répartis. Soit on ne connaissait pas leur fonction, et c’était l’une des tâches des membres du club de le découvrir, soit on hésitait quant à leur placement entre les deux premières catégories.

Camille s’arrêta devant un tapis pour le dérouler. De couleur rouge et bleu, les motifs orientaux qui l’ornaient étaient somptueux.

  —   Ne me dit pas que…

  —  Si… Un tapis volant, confirma Thalion.

Une excitation nouvelle s’empara de Camille qui sautillait sur place, des étoiles dans les yeux. Max tenta de le dissuader, mais il avait que faire de ses avertissements.

Le magérien impétueux s’assit sur le tapis, sans qu’il n’y ait aucun changement visible. Déçu, il s’apprêtait à se mettre en colère, et Thalion à se moquer, quand le tapis se souleva brusquement du sol. Si Camille ne s’était pas accroché aux pompons, le tapis aurait filé sans lui dans les airs. Un cri de joie résonna pendant qu’il virevoltait dans la salle, guidant le tapis comme un pro. Il s’éloigna de plus en plus, volant entre les montagnes d’objets. Max se mit à le poursuivre en l’intimant de s’arrêter, jusqu’à ce qu’ils disparaissent tous les deux. Thalion se retrouva seul parmi les tas de babioles disposés autour de lui.

Ne sachant pas quoi faire, il observa un miroir d’une taille similaire à celle de la pierre d’éloquence. Sur le métal froid était gravé « miroir des âmes ». Comme son nom l’indiquait, il reflétait les âmes. Son apparence était identique à celle du physique, donc l’image montrée par l’objet ne changeait pas. Chose étrange : son reflet n’apparaissait pas clairement. Il était… flou. Comme si des vagues l’empêchaient de le voir nettement ou que plusieurs reflets se superposaient. Pourtant, les objets derrière lui étaient correctement reflétés. Thalion ne s’y attarda pas plus que ça et poursuivit son exploration, nullement troublé. Ce miroir devait être cassé.

Du coin de l’œil, un éclat de lumière attira son attention. Il s’approcha et vit une élégante boîte à bijoux argentée. Intrigué, il l’ouvrit et découvrit une série de bague également faite en argent. Il y en avait plusieurs mais elles étaient toutes uniques. Le magérien en prit une au hasard entre ses doigts pour l’analyser de plus près. Bien que les bijoux n’étaient pas ses accessoires préférés, Thalion la trouvait raffinée avec ses motifs ciselés. En plus de son allure distinguée, la bague était légère. La tentation de la prendre le saisit à la gorge, mais s’il se faisait prendre en train de voler…

  —  Tiens, voilà l’enfant perdu ! retentit la voix railleuse de Camille.

Thalion reposa la bague dans la boîte à bijoux avant de se retourner. Tandis que la canaille affichait une mine ravie, Max était à deux doigts de vomir ses tripes.

  —  Il n’a pas arrêté de courir derrière moi. C’était marrant, dit Camille sans la moindre once de remord.

 Thalion n’eut même pas envie de sacrifier sa salive pour l’insulter, et se contenta de le toiser du regard. Il se tourna ensuite vers le pauvre garçon.

  —  Je pense qu’on en a vu suffisamment pour aujourd’hui.

Max acquiesça, l’air soulagé. Ils se dirigeaient vers la porte quand Camille attira son attention. Une fois le regard du maudit fixé sur lui, il sortit de sa poche un petit morceau de tissu. Thalion dut plisser les yeux pour comprendre qu’il s’agissait en réalité du tapis volant. Camille l’avait rapetissé pour le voler discrètement. Une lueur de défi brillait dans son regard, et Thalion saisit immédiatement ses intentions. Il voulait le pousser à voler quelque chose. En comprenant que ce n’était nullement son objectif, Camille articula silencieusement un mot, le faisant grincer des dents. « Trouillard ».

Thalion s’était promis de ne pas s’attirer d’ennuis, et jusque-là, il s’en était bien sorti. Mais Camille avait le don de le provoquer et de toucher son orgueil. Il ressentait le besoin irrépressible de lui prouver le contraire. Thalion n’allait pas non plus nier que Camille lui fournissait une excellente excuse pour obtenir cette bague qui lui faisait envie.

Après tout, voler n’était un problème que lorsqu’on se faisait prendre, n’est-ce pas ? En tant que voleur récidiviste, il se devait de faire honneur à sa réputation.

Thalion jeta un coup d’œil à la boite à bijoux encore ouverte. Max se trouvait devant lui, occupé à contenir ses haut-le-cœur. Il ne le vit pas sortir sa baguette.

  —  Héla, murmura-t-il en pointant la baguette sur la bague.

L’objet vola vers Thalion comme s’il était attiré par un aimant, et il le saisit en plein vol. Quand il adressa un sourire victorieux à son colocataire, nullement impressionné, il n’aperçut pas la deuxième bague qui filait droit sur lui, à l’image de la première. Thalion reçut le petit bijou dans la tête, ce qui était extrêmement douloureux.

  —  Aïe ! s’exclama-t-il en se frottant le crâne.

Camille éclata de rire. Thalion rattrapa la bague juste avant que Max ne se retourne, le regard interrogateur. Il le rassura brièvement en cachant les deux bagues dans le creux de sa main. Le garçon n’était pas surpris de voir la baguette sortie, ni par l’hilarité de Camille. Il supposa que les deux magériens s’étaient chamailler en silence derrière son dos. Max reprit le chemin, complètement indifférent.

Thalion fixa les deux bagues dans le creux de sa main. Il savait exécuter un sort d’attraction. Comment se faisait-il qu’une deuxième bague soit arrivée jusqu’à lui ?

Au final, c’était sans importance. À part prendre la poussière dans le tiroir de sa table de nuit, ces bijoux ne lui seraient d’aucune utilité. En y repensant, les voler était un peu irréfléchi de sa part. Thalion soupira, contrarié de s’être laissé influencé. Il rangea les deux bagues dans son sac et s’empressa de rejoindre Max, laissant derrière lui un Camille hilare.