La terrible catastrophe qui avait mis le royaume d’Eldarya à feu et à sang devint tristement connue sous le nom de Nuit Sanglante. Les Élinois étaient en deuil. La population de la cité d’Eel s’élevait autrefois à près de trois cent soixante-dix mille habitants. À la fin du décompte, permis par une minutieuse récolte de données, ainsi qu'une coopération étroite avec le Ministère des Races et Peuplements, ils avaient recensé pas loin de trente mille morts parmi les civils, soit environ huit pour cent de la population. Quant à la Garde d’Eel qui comptait environ sept mille membres, ils avaient perdu près d’un quart des effectifs. La garde la plus touchée avait été celle de l'Ombre ; elle ne comptait plus que huit cents et quelques gardiens encore aptes au combat.
La folie des Berzerkers avait touché quelques milliers d'individus, mais le phénomène semblait être directement lié à la destruction du Cristal et les cas s’étaient faits de plus en plus rares et isolés au fil des semaines. Certains causaient encore des dégâts, mais les autorités royales et la Garde d’Eel avaient joint leurs forces pour les traquer et les arrêter. Ils avaient pour ordre de les tuer s’ils s’avéraient trop dangereux à maîtriser.
Si Eel – épicentre de l'accident – et ses environs avaient été sévèrement touchés, le reste du royaume n'avait pas été épargné non plus. Les premiers réfugiés des régions voisines affluaient déjà vers la cité. La cité ayant subi de gros dégâts matériels, dont la destruction de plusieurs bâtiments, ils manquaient de locaux pour accueillir les populations nomades. Des camps de fortune avaient donc été montés dans les plaines à l'extérieur de la cité. Les réfugiés s'étaient joints à l'effort collectif pour aider à creuser les fosses communes, à évacuer les décombres et à reconstruire la ville, tout cela en échange d'un refuge sûr et d'un repas chaud.
Les nains de la Banque d'Eel et les Purrekos de la Guilde des Marchands avaient aussi prêté main-forte. Sous la direction de la Garde d'Eel qui, malgré la perte de ses membres, continuait d'assurer son rôle de protecteur de la cité, les choses s'étaient peu à peu organisées. Des soupes populaires avaient été installées dans les principaux quartiers de la ville, sous l'œil avisé de Karuto et de son équipe qui surveillaient de près le rationnement et s'assurait que chacun avait accès à sa part, mais la nourriture commençait à manquer. La déperdition de mana avait aussi affecté la fertilité des terres. Certaines récoltes avaient dépéri. Le bétail résistait mieux, mais sans végétaux pour les nourrir, ils couraient à la famine.
***
Les émissaires des principautés et gouvernements autonomes qui formaient le royaume fédéré d'Eldarya s'étaient réunis à Regalia, sous l'impulsion du Chancelier, qui s’exprimait au nom du roi Ennius I, pour discuter de l'avenir alimentaire du pays. Miiko avait été conviée à la réunion, car cette question était intimement liée au Cristal et aux perturbations dans l'équilibre magique qui avaient suivi sa destruction.
— L'heure est grave, annonça le Chancelier solennellement. Si j’en crois les derniers rapports, nos greniers sont presque vides, et les dernières récoltes sont insuffisantes pour nourrir nos sujets. Nos réserves s'épuisent à vue d'œil et, même en redoublant d’efforts et en pratiquant un rationnement plus sévère, nous ne tiendrons pas plus de quelques mois.
— C'est une crise sans précédent, acquiesça l'ambassadeur des Terres d'Encens. Une crise dont on ne se relèvera peut-être pas…
— Ne soyez pas si pessimiste, Al Zaïf ! s'exclama un vieil homme au bouc grisonnant qui répondait au nom de Feng Zhi Fu, et qui représentait l'Empereur de Jade, souverain sacré des Terres du Soleil. Dame Miiko, vous êtes la seule à savoir dans quel état se trouve le Cristal à l'heure actuelle. N'y a-t-il vraiment aucun espoir de rétablir l'équilibre magique ?
Miiko le gratifia d'un signe de tête poli. Elle connaissait bien Fen Zhi Fu, l'oncle par alliance et précepteur de sa plus tendre amie, l’apprentie Phénix Huang Hua.
— Le Cristal a été détruit, c'est vrai, mais il est encore vivant, si je puis dire. Ses fragments sont encore chargés de mana et ceux qu'on a pu trouver jusqu'à maintenant ont été absorbés par le Cristal. Si on arrive à tous les rassembler, on pourra le reconstituer et il devrait retrouver sa puissance d'antan. Nous avons déjà commencé à fouiller Eel et ses environs, mais nous n'avons pas trouvé autant de fragments que nous l'espérions. Je crains qu'ils aient été propulsés bien plus loin, peut-être même jusqu'aux confins du royaume, et que certains soient plus difficiles à récupérer que d'autres.
— Dans ce cas, il nous faudra unir nos forces pour reconstituer le Cristal au plus vite, acquiesça le Chancelier. Que chaque région coopère avec la Garde d'Eel pour effectuer des fouilles aussi minutieuses que possible sur leur territoire. Notre survie en dépend.
Tous acquiescèrent gravement. Pour la première fois depuis longtemps, ils prenaient conscience du danger que posait une telle dépendance, non seulement envers la magie du Cristal, mais également envers leur organisation politique. Sans une collaboration étroite entre les onze régions autonomes du royaume, les choses auraient été bien plus compliquées.
***
L’émissaire de la Terre des Anciens, un érudit venu tout droit de Xoïs, la cité du savoir, avait timidement suggéré d’aller se ravitailler sur Terre. Une telle suggestion avait fait frissonner l’assemblée d’horreur. C’était une idée dangereusement blasphématoire qui comportait d’énormes risques. Se rendre sur Terre pour piller les réserves des humains, ce serait non seulement prendre le risque de révéler leur existence aux Terriens, mais également celui de déclarer une guerre contre leur espèce.
— Pourquoi voulez-vous que cela mène à une guerre ? demanda alors l’érudit de Xoïs sans se démonter. Ne pourrions-nous pas user de la diplomatie pour les convaincre de nous aider ? Nous pourrions envoyer des émissaires, pour leur expliquer notre situation, et trouver un accord…
— Vous avez perdu l’esprit ? s’exclama Herrick Forsyth, prince de la cité-État de Mareth, et représentant des Terres Nobles. C’est bien mal connaître les humains et leur esprit belliqueux ! Pour un érudit de la Cité du Savoir, je vous trouve bien ignorant. Ils passent déjà leur temps à se faire la guerre, ne savez-vous donc rien de leur Histoire sanglante ? La Seconde Guerre mondiale, ça ne vous dit rien ? Ils ont massacré des millions de leurs congénères, tout comme ils ont essayé de nous éradiquer par le passé. Ce sont des barbares avides de pouvoir et d’argent. Les Terriens ne savent rien de notre existence. Ils ignorent tout de notre monde, et il faut que cela reste ainsi. Ils sont bien plus nombreux que nous et possèdent des ressources qui dépassent de loin les nôtres. Leur armement est redoutable. Sans la magie du Cristal pour nous soutenir et combattre leur technologie, nous ne faisons pas le poids contre eux. S’ils trouvent le moyen de nous envahir, c’en est fini d’Eldarya. Avez-vous déjà oublié la raison pour laquelle nos ancêtres ont créé ce monde ? Pour que nous puissions fuir les persécutions des Terriens et vivre en paix, loin de leur cruauté et de leur haine sanguinaire.
— Forsyth a raison, acquiesça une femme en armure platine. Ce serait totalement inconscient. Nous avons déjà perdu trop de monde, nous ne pouvons pas impliquer les Terriens dans nos affaires.
C’était une Valkyrie du nom de Rodana Svadottir. Elle dirigeait les Terres Blanches depuis de nombreuses décennies. Elle n’aimait pas beaucoup son homologue des Terres Nobles qu’elle trouvait parfois un peu extrême dans sa haine à l’encontre de la race humaine, mais pour une fois, elle s’était rangée à son avis.
— C’est le serpent qui se mord la queue, dit alors le Prince Noir qui régnait en maître sur les Terres du Crépuscule, le territoire le plus sombre et le plus lugubre de tout le royaume. Vouloir faire appel aux Terriens pour nous venir en aide, pourquoi pas, mais encore faudrait-il pouvoir ouvrir un portail vers la Terre. Et sans la magie du Cristal, cela est impossible. La priorité est de reconstituer le Cristal. Tout reviendra dans l’ordre à ce moment-là, normalement, et la question des Terriens ne se posera plus.
— Je suis d’accord avec Lord Odarion. Faire appel aux Terriens, c’est de la folie. Mais pourquoi ne pas demander l’aide des Atlantes ? suggéra alors Ro’onui Vaipua, l’ambassadeur des Terres d’Azur, un vaste archipel dans le sud du royaume. Ils n’ont pas la même source de magie que nous, la destruction du Cristal ne les a probablement pas affectés comme nous. Ils pourraient nous ravitailler en nourriture.
— Vous semblez oublier qu’un tyran règne sur les Neuf Cités Marines depuis ces cinq dernières années, réplique le Grand Chancelier en haussant un sourcil. Le roi Galifaël a rompu ses liens diplomatiques et économiques avec Eldarya. Il a scellé la Porte Marine. Plus personne n’entre ou ne sort de son royaume, sous peine de mort.
— Certes, admit Ro’onui Vaipua en hochant la tête. Toutefois, la situation est sans précédent. Si nous envoyons en espion comme émissaire pour lui faire parvenir un message et que nous faisons appel à sa bienveillance…
— Sa bienveillance ? répéta Rodona en lâchant un rire incrédule. Vous connaissez beaucoup de tyrans qui font preuve de bienveillance ? Galifaël ne nous aidera pas. Il n’a aucune raison de le faire. Il n’a rien à y gagner. Qu’avons-nous à lui offrir en échange ? Rien. Votre espion va se faire exécuter sans sommation. Voilà tout. S’il est bienveillant, il vous enverra peut-être sa tête par la voie des mers.
— Nous pourrions lui livrer des dissidents atlantes qui ont fui le royaume quand il a pris le pouvoir, suggéra Herrick Forsyth. Ce pourrait être notre monnaie d’échange.
— Vous n’y pensez pas ! s’exclama Miiko qui était restée silencieuse jusque-là. Ce sont des réfugiés politiques qui ont obtenu l’asile à Eldarya par décret royal. Au nom du roi, nous sommes tenus de les protéger. Si nous les livrons au tyran, ils seront torturés et exécutés. Nous ne pouvons pas sacrifier des innocents de la sorte !
— Je suis d’accord avec Dame Miiko, renchérit Rodona en hochant la tête, les bras croisés sur sa poitrine. Si nous nous abaissons à cela, nous ne valons pas mieux que le pire des barbares.
— Je crains que nos options soient limitées, dit alors le Chancelier en poussant un soupir résigné. Notre priorité est de reconstituer le Cristal. Pour ce qui est des Atlantes, le Conseil royal se penchera sur la question et prendra une décision en fonction de l'évolution de la situation, mais ce n’est qu’une solution de dernier recours. Le roi Hélios n’est plus, mais un décret royal perdure éternellement, il ne sera pas aisé de la révoquer sans une raison absolument incontestable. En outre, il faut le vote unanime de tous les ministres et du Conseil royal, ce qui ne sera pas une mince affaire non plus. Rassurez-vous donc Dame Miiko sur le sort de ces réfugiés atlantes, ils n’ont rien à craindre pour le moment.
***
Dès son retour à Eel, Miiko avait déployé presque tous les gardiens pour les envoyer explorer les onze territoires qui composaient le royaume d’Eldarya.
C’était dans les Terres d'Émeraude que se trouvaient la cité d'Eel et Regalia, la cité royale. C’était également le plus petit des onze territoires, composé essentiellement de ces deux villes, situées à trois heures de route à cheval l’une de l’autre, et séparées par une immense forêt verdoyante et touffue. Le reste du territoire était également composé de forêts vierges et sauvages où se terraient quelques clans d’humains natifs d’Eldarya qui tentaient de se faire discrets dans leurs villages cachés. Plus au nord, sur le même continent, on entrait dans les Terres Nobles, le territoire central le plus étendu qui avait été autrefois le royaume des Elfes avant qu’ils ne tombent en disgrâce. Au nord-ouest, se trouvaient les Terres Grises, vaste étendue volcanique recouverte de cendre, c’était le pays natal des Nains et des Elfes de Gris qui menaient une vie exclusivement souterraine et exploitaient les ressources minières qu’offrait ce territoire désolé en surface, mais riche en métaux précieux et en joyaux.
Au sud-ouest, on pouvait se rendre dans les Terres de Feu aux déserts arides et rocailleux, pays de l’esclavage et du grand banditisme, pays des wyverns et des vers de sable, également. On y cultivait toutes sortes de céréales, mais également du coton, du lin et du chanvre pour la confection des textiles. L’esclavage représentait la majorité de la main-d’œuvre employée pour nourrir et vêtir une bonne partie du royaume à moindre coût. L’esclavage était de deux natures : héréditaire ou judiciaire. Les criminels de droit commun les moins à risque de poser problème étaient envoyés là-bas pour purger une peine allant de quelques mois à plusieurs années. Le reste des esclaves étaient de nature humaine ou faelienne, une servitude qui se transmettait de génération en génération. C’étaient les deux seules races qui n’avaient aucun droit à Eldarya, à l’exception de Terres d’Émeraude où l’esclavage avait été banni par décret royal après l’ascension d’Hélios III sur le trône. C’était une terre d’asile et un refuge que beaucoup d’esclaves rêvaient d’atteindre pour enfin goûter aux joies de la liberté, parfois au péril de leur vie.
Si l’on traversait les Terres Nobles jusqu’au nord, on se heurtait à l’infranchissable cordillère des Anges, au-delà se trouvaient les Terres Oubliées qui abritaient l’antique peuple des Tahuan, mais aussi de redoutables créatures telles que les Goules mangeuses de faeries et les Harpies dévoreuses d’hommes. Au sud-est, on entrait sans peine dans les Terres d'Encens, pays de sable et d’épices où régnaient les djinns. Au nord-est, c’était les Terres du Soleil qui nous accueillait avec joie et ravissement. C’était un pays de montagnes et de verdures protégées par l’Empereur de Jade. Le monde étalé sur un planisphère, ces sept territoires formaient le continent le plus important en termes de superficie.
Ce continent central était entouré de quatre grandes îles — ou quatre petits continents, selon les points de vue. Après avoir traversé les mers du sud-est, on apercevait les côtes des Terres d'Azur, vaste archipel verdoyant morcelé en îles de toutes tailles, terre des yôkais et des esprits de la nature. De l’autre côté, tout au sud-ouest, un petit continent désertique formait les Terres des Anciens, fief des anciens dieux qui naguère façonnèrent ce monde à leur image, et terrain de recherche privilégié des Érudits qui cherchaient à percer les secrets de l’univers en explorant de vieux temples pré-Trinitaires en ruines. Au nord-ouest, un courant froid menait au continent glacé des Terres Blanches, dirigé par l’Ordre des Valkyries.
Enfin, les Terres du Crépuscule, une île isolée tout au nord-est du royaume, non loin des Terres du Soleil, n’offrait que peu de charmes. Sous un soleil rouge sang voilé par une magie aussi obscure qu’ancienne se côtoyaient Elfes du Chaos, Elfes lunaires, vampires, loups-garous, banshee et autres créatures de la nuit et des ténèbres. C’était aussi un bagne où l’on envoyait nombre de criminels en exil pour purger leur peine sous l’oeil vigilant des Sentinelles du Prince Noir.
***
Les territoires avaient été attribués en fonction des préférences et des compétences de chacun, mais il y en avait un qui rencontrait une certaine réticence de la part des gardiens.
— Je sais que les Terres du Crépuscule ne sont pas très accueillantes et que beaucoup de vous répugnent à y mettre les pieds, mais il faut bien que quelqu'un s'y colle, déclara Miiko en balayant l'assemblée d’officiers de son regard sévère.
— Moi, je veux bien y aller, lança alors Valkyon en levant la main.
— Moi aussi ! renchérit Ujiao qui n'avait rien contre un peu de danger.
— Soyons fous, soupira Shelly, une des rares rescapées de la Garde de l'Ombre. Ce sera l'occasion de renouer avec mes origines de banshee. Puis si je me distingue dans cette mission, peut-être que je monterai en garde.
— C'est même prévu, acquiesça Miiko avec un sourire amusé. Votre mission est d'ordre capital. Toute la survie du royaume en dépend. Vous serez donc récompensés à la hauteur de vos efforts et de vos résultats. Prenez vos meilleurs hommes et prenez garde à vous. Le Prince Noir et ses Sentinelles vous épauleront sur place.
Grâce aux encouragements de la générale, deux autres officiers supérieurs s'étaient portés volontaires pour participer aux recherches dans les Terres du Crépuscule. Miiko les avait rassurés en leur expliquant que le Prince Noir, qui régnait depuis plusieurs centaines d’années sur ce territoire à la sombre réputation, était un ami proche du Roi Hélios III. Ils n'avaient donc pas à craindre pour leur sécurité tant qu'ils coopéraient avec les crépusculaires.
Ce n’était pas une mission sans danger. Miiko savait que les gardiens d’Eel risquaient leur vie, que ce soit dans les Terres du Crépuscule ou ailleurs. Ils avaient perdu quelques dizaines de membres au cours de ces missions d’exploration à la recherche des cristaux de mana. Ce n’était rien comparé au nombre de morts causé par la destruction du Cristal, mais chaque gardien qui perdait la vie lors d’une mission était un crève-cœur pour leurs camarades et pour leurs supérieurs qui se sentaient responsables de leur mort.
***
Malgré les difficultés rencontrées et les pertes essuyées, l'opération avait été un succès. Le Cristal avait retrouvé près d’un tiers de sa taille d'origine. Le rayonnement magique émis par le Cristal leur avait permis de réactiver les portails de téléportation et de relier les régions les plus proches d’Eel, ce qui facilitait grandement le transport de marchandises et permettait d’acheminer plus rapidement les denrées alimentaires d’une ville à l’autre. Malheureusement, les régions les plus excentrées étaient encore complètement isolées. Quant aux lignes manéiques, elles étaient encore trop instables pour produire un sol suffisamment fertile, et les greniers peinaient à se remplir. Ce n’était pas suffisant pour enrayer la famine qui touchait de plus en plus de régions. Tout ce qu'ils pouvaient faire, c'était redoubler d'efforts dans la recherche de fragments.
C'était sans compter les émeutes et les soulèvements de population qui mobilisaient une bonne partie des effectifs de la Garde et des autorités locales. Affamés et apeurés, les gens cédaient à la panique et devenaient incontrôlables. Certains greniers avaient été pillés, les riches étaient accusés de garder la nourriture pour eux – accusation qui n'était pas sans fondement – et des actes de violence et de répression étaient perpétrés un peu partout.
Au milieu de ce chaos ambiant, alors la Garde n'avait de cesse d'œuvrer à la reconstitution du Cristal et à la protection de la population, le Cristal avait été reconstruit aux deux tiers. Ils pouvaient désormais ouvrir des portails jusque dans les Terres des Anciens, les Terres d'Azur et les Terres d'Encens, mais cela était encore loin d'être suffisant. Grâce à la Guilde des Marchands, une partie des ressources alimentaires était acheminée dans les régions les plus éloignées, encore privées de portail, par voie terrestre ou par voie des mers, mais à chaque solution, son lot de problèmes.
À cause d'un rationnement sévère qui offrait tout juste de quoi subsister aux faeries, et une famine qui sévissait durement dans les territoires les plus reclus, une nouvelle forme de criminalité, jusqu'alors très marginale à Eldarya, avait fait son apparition : celle de la piraterie, des bandits de grand chemin et de la contrebande. Les convois maritimes ou terrestres étaient régulièrement attaqués, leur cargaison pillée pour être écoulée sur le marché noir au plus offrant, et certains marchands peu scrupuleux s'enrichissaient ainsi sur le dos des nécessiteux.
***
La Garde d'Eel et les gouvernements locaux peinaient à faire face à tous ces problèmes qui surgissaient les uns après les autres. Les campagnes de recrutement allaient bon train pour renforcer les effectifs, et la promesse de trois repas par jour, même maigres, était ce qui attirait le plus les nouvelles recrues. Ces volontaires n'avaient aucune formation, il fallait les prendre en charge, les former sur le terrain et leur inculquer une discipline sans faille pour en faire des gardiens dignes de confiance et honorables.
Miiko savait que ce n'était qu'une solution temporaire, mais elle tenait à ce que rien ne vienne ternir la réputation déjà mal en point de la Garde d'Eel. Elle mettait donc un point d'honneur à ce que chaque recrue soit surveillée de près, et que les gardiens novices soient sévèrement punis en cas de faute grave.
La situation s'était enfin stabilisée, mais elle restait précaire. Force était de constater que les recherches stagnaient. Les cristaux se faisaient de plus en plus rares, ils étaient de plus en plus difficiles à dénicher, et la présence de fragments de mana pure dans la nature avait engendré un certain nombre de problèmes, dont la mutation magique de créatures qui avaient été en contact avec un morceau de cristal ou l'avait ingéré. Ces monstres représentaient un nouveau danger pour les populations locales.
Certains faeries souffraient également de cette contamination manéique. À la différence des Berzerkers, leur folie n'était pas due à une rupture de leur flux de mana qui engendrait des troubles psychiques, mais à un surplus énergétique qui décuplait leurs pouvoirs dont ils perdaient alors le contrôle. Il suffisait d'extraire le fragment logé dans leur corps pour qu'ils recouvrent leurs esprits, mais c'était plus facile à dire qu'à faire.
D’autres faeries, à l’inverse, souffraient d’une déficience en mana qui les affaiblissait grandement et provoquait un mal chronique et des crises violentes pouvant parfois entraîner la mort. Keroshane faisait partie de ses infortunés qui devaient vivre avec une épée de Damoclès au-dessus de leur tête.
Ezarel Aether’ion, en sa qualité de nouveau capitaine de la garde Absynthe, avait mis au point un système de transfusion de mana qui permettait de gérer ces crises et de stabiliser l’état des patients en transfusant du mana directement des flux magiques du donneur à ceux du receveur. C’était une technique nouvelle qui comportait des risques. Le secret de cette transfusion magique était donc connu de quelques médecins de confiance seulement, mais l’Oracle seul savait ce que certains pourraient faire d’une telle innovation s’ils trouvaient un moyen de la détourner à des fins moins louables.
Le royaume d'Eldarya avait encore de bien sombres jours devant lui.
D'ailleurs, la création de ce monde est fortement intéressante. On comprend davantage les liens avec la terre. C'est du beau planté récolté depuis le chapitre 1. Du coup, j'imagine que ses créatures un peu racistes envers les humains son devenu des légendes pour nous. J'aimerais beaucoup voir le point de vue des terriens. Peut être qu'eux non plus n'ont pas été si sympathique. Dans les histoires païennes, les fées sont parfois de grosse saloperie. Coucou la cour unseelie.
Sur ton autre histoire et dans l derniers chapitres, je t'ai parfois reproché des phrases trop longues. Ici, je trouve que ça fonctionne parfaitement. Je ne veux surtout pas créer de biais de négativité.
Bon, il est temps de partir en quête du grand puzzle magique pour sauver l'humanité.
À tu fais une carte de cette univers ? Ça serait intéressant. Je ne sais absolument pas comment faire. Ce n'est pas quelque chose de nécessaire, ne t'en fais pas !
J'ai zappé de répondre après l'histoire des cartes, désolée ! ><
Je suis super contente que le worldbuilding te plaise et que ce soit cohérent tout au long du tome ! ^^
Et encore la Cour Unseelie au final n'était pas si maléfique que ça, ils étaient un peu plus liés à la mort et à des choses funestes, mais ils étaient pas forcément mauvais. La preuve, les banshees par exemple, étaient vénérées par les grandes familles nobles irlandaises, elles veillaient sur eux et leur descendance, et elles étaient simplement des annonciatrices de la mort (elles criaient ou se lamentaient quand un membre du clan ou de la famille qu'elles protégeaient allaient bientôt mourir), et elles accomagnaient son âme vers l'au-delà. Les banshees sont associées à la Cour Unseelie du fait de leur lien avec le monde des morts, mais elles ne sont pas forcément perçues comme maléfiques ou dangereuses.
Après vu que je bosse énormément sur le foklore celtique / irlandais, je reprends beaucoup de choses en lien avec les Seelie / Unseelie, et je démystifie aussi certaines choses concernant le côté "démoniaque" qu'on prête parfois injustement à ces créatures.
Après le style de Radiance est très différent de celui de Rena, donc c'est normal ! J'adapte mon style en fonction du type d'histoire que je veux écrire ou de l'impacte que je veux avoir sur le lecteur. Dans Radiance, je veux quelque chose de plus poétique et onirique, presque chimérique. Avec Rena, on est dans de l'aventure / fantasy assez classique, donc j'ai opté pour un style plus direct.
Pas sauver l'humanité du coup, sauver les Faries ! xD Les humains eldariens tout le monde s'en fout. =')
Déjà, on plonge plus profondément dans la politique d'Eldarya, ce que je trouve ultra intéressant. Tu mêles informations données par le narrateur et celles données par les personnages dans les dialogues.
Puis ensuite, tu fais tout un portrait de l'univers, on pourrait presque en faire une carte tellement c'est précis ! Il y a beaucoup d'informations, mais à aucun moment je me suis senti submergé par ça. Au contraire, c'est vraiment cool de connaître le monde en dehors de Eel, où toute l'histoire se passait avant. En plus, tu installes vraiment ce sentiment que c'est bien le monde entier qui est menacé, pas juste les protagonistes.
C'est toujours la merde, visiblement, mais savoir qu'un tiers du Cristal a été retrouvé, c'est déjà énorme. Tu fais un résumé parfait de la situation, vraiment, j'ai adoré.
Vraiment, j'ai l'impression qu'à chaque nouveau chapitre, c'est un peu plus la catastrophe, avec toutes les nouvelles infos qui sont globalement "bon, bah eux, ils galèrent, tel autre peuple est pas mieux...". Faut que ça s'arrête ahah ! Y a plus rien qui va pour personne, dans cette histoire (sauf l'antagoniste, j'suis sûr qui souffre pas de la famine, pff)
Et sache d'ailleurs que si c'est si précis, c'est parce qu'il y a effectivement une carte que j'ai créé exprès pour pouvoir visualiser mon monde de façon plus claire. Et aussi que j'ai tellement exploité l'univers en JDR avec mes amis que j'ai pu en profiter pour développer plein de choses du lore de façon officieuse.
C'est aussi pour ça que je l'ai apporté plutôt sur la fin et de façon à ce que ce soit pertinent avec le contexte de catastrophe mondiale.
Après le titre c'est La Chute, donc forcément tout se casse la figure. x)
Mais quand on est au fond du trou, on ne peut que remonter, comme dit. ^^
L'antagoniste faut se dire que s'il en est arrivé à vouloir détruire le Cristal, c'est qu'il doit pas se sentir très bien non plus. x)