[ 1 ]
Ils avaient tout mis sur le dos de Kwon Hyeon-seok. Son père était médecin et sa mère était directrice d'une clinique de chirurgie esthétique, ils étaient riches, mais ils n'avaient aucun pouvoir politique. Possession illégale de kétamine et utilisation sur un tiers à des fins criminelles, séquestration, agression sexuelle avec circonstances aggravées, chantage et intimidation. Il avait été condamné à trois ans de réclusion criminelle en centre de détention pour juvénile, une amende de cent millions de wons qui serait reversée sous forme de dommages et intérêts aux victimes, ainsi que cinq ans de sursis probatoire.
En comparaison, après un accord passé sous la table entre M. Kim et ses deux acolytes du ministère de la Justice, Noh Su-ji et Ban Min-gyu avaient été jugés pour complicité avec circonstances atténuantes. Ils s'étaient presque fait passer pour des victimes. Kwon Hyeon-seok les faisait chanter, il leur mettait la pression et avait essayé de les corrompre en leur proposant de grosses sommes d'argent. Après tout ce cinéma, ils s'en étaient sortis avec deux ans de sursis probatoire et une amende de cinquante millions de wons. Une somme dérisoire que leurs parents n'auraient aucun mal à payer.
Song Hye-ji était également passée devant le juge, mais étant donné son âge, sa vulnérabilité, et les pressions qu'elle avait subies, elle avait été acquittée. Jong-goo aussi avait échappé à une nouvelle condamnation car, cette fois, la légitime défense avait été retenue en sa faveur et il avait été blanchi de tous soupçons. Heureusement, car il était encore en période de probation après l'affaire Ahn Gi-eun.
Quant aux membres du gang des perles qui avaient été arrêtés ce jour-là, ils avaient écopé d'un an de sursis probatoire pour violence en bande organisée. À part Kwon Hyeon-seok, personne n'avait été renvoyé de l'école. Plus personne n'était assez compétent pour prendre la tête du gang des perles. Personne ne voulait prendre ce risque, pas avec Kim Jong-goo dans les parages. C'était la fin du gang des perles et le début d'une longue période de prospérité pour Payback. Les badges en or ou en bronze avaient remplacé les bracelets en cuir tressé. Ils s'étaient imposés dans le paysage de la KGS et, contrairement aux perles, leur vue inspirait un sentiment de respect et de sécurité.
En revanche, ceux qui n'avaient rien gagné dans cette affaire, c'étaient les parents de Min-ji. L'agence de contrôle sanitaire avait levé la fermeture administrative, mais le mal était fait. Ils avaient renoncé à porter plainte pour diffamation. Ils n'avaient pas les moyens d'engager des poursuites légales contre les parents de Hye-ji pour réclamer des dommages et intérêts.
La réputation reposait sur un équilibre précaire et fragile. C'était quelque chose qui demandait du temps à construire et qui pouvait s'écrouler en un clin d'œil. Hye-ji avait présenté une excuse publique sur les réseaux sociaux, mais les affaires étaient au plus bas pour le restaurant de poulet frit. Les gens se laissaient plus facilement influencer par les retours négatifs, même infondés, que par les commentaires positifs.
[ 2 ]
— J'ai une idée ! s'exclama Yerin en bondissant du canapé. J'aurais dû y penser avant !
Jong-goo sursauta, surpris par le mouvement soudain de son amie.
— Tu m'as fait peur ! Pourquoi tu t'excites comme ça, tout à coup ?
— J'ai trouvé un moyen d'aider les parents de Min-ji à relancer leur activité !
— Ah bon ? Vas-y, ça m'intéresse.
— Tu te souviens de Kang Ma-ri ? La fille qui tournait un vlog culinaire au restaurant ? C'est grâce à elle qu'on a coincé Hye-ji.
— Ouais. Et ?
— Elle nous a dit qu'elle était présidente d'un fan-club officiel de DG. Et DG est notre voisin. Et si on lui demandait d'organiser une séance de dédicaces au restaurant de Min-ji ? Et de faire la promotion de leur poulet frit ? Ça ferait revenir les clients, c'est sûr !
— Il ne voudra jamais... Pourquoi est-ce qu'il se soucierait du sort d'un restaurant au bord de la faillite ?
— On devrait au moins lui expliquer la situation et lui demander de nous aider, s'il refuse tant pis, mais ce ne serait pas très cool de sa part. Je ne pense que DG soit comme ça. Il a l'air vraiment gentil et serviable à la TV.
— Mouais... à ta place je ne me fierais pas trop aux apparences, mais si tu insistes, on ira le voir ensemble.
[ 3 ]
Ils avaient sonné trois fois à la porte de l'idole.
— Peut-être qu'il n'est pas chez lui, songea Yerin. On repassera un autre jour.
Ils allaient tourner les talons lorsque le bip du déverrouillage de la porte retentit dans leur dos.
— Qu'est-ce que vous voulez ? Ah, c'est toi, Jong-goo ? Qu'est-ce que tu fais là ?
Son regard froid s'illumina lorsqu'il remarqua la présence de Yerin. Il lui offrit un sourire radieux.
— Ah, mais tu n'es pas seul ! C'est la fille de M. Kim ? Kim Yerin, c'est ça ?
— Ouais.
— Ça tombe bien, je ne suis pas seul non plus. Je suis avec Choi Soo-jung, la fille de M. Choi.
— M. Choi a une fille ? s'étonna Jong-goo. Depuis quand ? Et qu'est-ce qu'elle fout chez toi ?
— Depuis quatorze ans, au moins, répondit DG avec un rire franc. On se connait depuis qu'on est gamin. Je la considère presque comme ma petite sœur. Allez, entrez.
L'idole de K-pop aux cheveux roses et au sourire ravageur les invita dans son vaste salon. Il y avait un portrait grandeur nature de son illustre personne accroché au-dessus du canapé panoramique. Les murs étaient décorés d'albums dédicacés, de guitares de collection, et de posters de son propre groupe.
Une jeune fille un peu rondelette et boutonneuse, une paire de lunettes aux verres ronds et épais juchée sur son nez épaté, était assise dans le canapé, un verre de thé glacé à la main. Dans l'autre, elle tenait un cookie à moitié mangé. Elle avait fait tomber des miettes sur sa jupe d'uniforme qui lui arrivait aux genoux et laissait entrevoir des mollets potelés. Ce n'était pas comme ça qu'il s'était imaginé la fille du terrible M. Choi, mais ce n'était pas ce qui avait attiré son attention. Il se tourna vers le garçon assis à côté d'elle.
— Gun ?! Qu'est-ce que tu fous là ?
— Oh ! Hey ! Goo ! fit-il en le saluant de la main. Ah, je t'ai pas dit ? Je vais au même collège que Soo-jung. C'est la fille de M. Choi.
— Je sais, DG me l'a dit. Oh, merde... Alors comme ça, toi aussi tu t'es fait avoir ? Il t'a engagé comme garde du corps pour que tu surveilles sa fille ?
— Hé ! s'exclama alors Soo-jung en jetant un regard noir à Jong-goo. Je suis juste là, vous savez ! Park Jong-geon n'est pas mon garde du corps. Je ne sais même pas ce qu'il fait là. Quand j'ai dit à mon père au téléphone que j'allais voir DG après les cours, il a décidé de venir avec moi. Il m'a même menacée si je refusais... J'ai accepté seulement parce qu'il travaille pour mon père et qu'il m'a demandé de le prendre avec moi et de lui présenter DG.
— Et elle a oublié de préciser qu'elle m'a foutu une baffe, ajouta Gun avec un sourire amusé. Tout ça parce qu'elle ne voulait pas croire que j'étais fan de DG. Je voulais juste un autographe, moi !
Jong-goo devinait à son ton sarcastique que ce n'était pas pour ça qu'il était là. Peut-être qu'il essayait d'en apprendre plus sur la mystérieuse relation entre DG et M. Choi. Il lui poserait la question plus tard.
— Jong-goo, dit alors Yerin. Ce n'est pas très poli d'engager la conversation comme ça. On devrait se présenter d'abord. Excuse-moi... Soo-jung, c'est ça ? Je m'appelle Kim Yerin. Je suis la voisine de DG, j'habite juste au-dessus. Et ça c'est mon frère, Kim Jong-goo.
— Frère adoptif, corrigea-t-il.
— Au fait, fit DG en leur servant chacun un verre de thé glacé. Vous ne m'avez toujours pas dit ce qui vous amène chez moi ?
Après avoir pris place autour de la table basse, Yerin leur avait brièvement expliqué la situation. Jong-goo était certain que DG allait décliner leur offre mais, contre toute attente, il avait accepté de participer à la mission de sauvetage du restaurant de Min-ji.
— La dernière fois que je t'ai invité chez nous, tu as refusé, lui fit remarquer Jong-goo en lui jetant un regard suspicieux.
— Parce que j'avais rien à y gagner, mais là c'est pas pareil. C'est un événement public avec mes fans. Ça va booster ma popularité. En plus ça tombe à pic. Mon nouvel album sort la semaine prochaine. Si on fait l'annonce maintenant, les ventes vont s'envoler. Tout le monde voudra se procurer un album avant la séance de dédicaces.
— Puis ce sera bien pour ta réputation aussi, ajouta Soo-jung avec un hochement de tête approbateur. Tu feras une bonne action et on pourra mettre ça en avant sur les réseaux sociaux.
— Ha ha ! rit DG en gratifiant son amie d'une tape amicale dans le dos. Dommage que tu sois encore au collège, tu aurais fait un excellent manager ! Ça m'aurait changé de ce vieux grincheux de Park Hae-won qui ne me lâche pas la grappe. Il a la phobie du scandale. Je ne peux même pas respirer dans la direction d'une fille sans qu'il pète un plomb.
Soo-jung n'avait pas l'air touchée par le compliment de son ami. Elle se tourna vers Yerin.
— On va s'en occuper. Je vous laisse en parler aux parents de vos amis. Il va nous falloir leur accord signé. L'agence de DG les contactera d'ici quelques jours pour trouver un compromis et fixer une date.
Elle se comportait vraiment comme un manager. Elle était extrêmement froide, calme et réfléchie pour une collégienne de quatorze ans. C'était un peu déroutant mais, après tout, c'était la fille de M. Choi. Avec un père comme lui, sa fille ne pouvait pas être quelqu'un d'ordinaire.
[ 4 ]
Il était trois heures du matin. Jong-goo avait soif. Il était descendu dans le salon pour se servir un verre d'eau. Il sursauta lorsqu'il alluma la lumière. Yerin était recroquevillée sur le canapé, ses genoux ramenés contre sa poitrine, la tête enfouie dans ses bras. Elle releva la tête en se couvrant les yeux, éblouie par la lumière qui venait d'illuminer le salon. Elle avait l'air épuisée et il voyait à ses rouges et humides qu'elle avait pleuré.
— Jong-goo... Qu'est-ce que tu fais là ?
— Je suis descendu boire un coup. Toi, qu'est-ce que fais là, assise dans le noir ?
— Je n'arrive pas à dormir...
— Tu as fait un cauchemar ?
Yerin acquiesça. Un an après l'incident avec Ahn Gi-eun, elle commençait enfin à se remettre de son traumatisme. Elle avait même arrêté les séances chez le psychologue, mais les derniers événements avaient ravivé de terrifiants souvenirs et fait ressurgir des peurs qui la tenaient éveillée une nuit sur deux. Elle faisait des cauchemars horribles associés à des épisodes de paralysie du sommeil. Elle rêvait qu'elle se faisait agresser par un homme au visage masqué. Elle sentait ses mains sur son corps, mais elle ne pouvait ni bouger ni crier.
Les sensations étaient si réelles que lorsqu'elle parvenait à se libérer de l'hallucination, elle était incapable de se rendormir. Elle avait mal au ventre. Elle avait envie de vomir. Parfois, elle faisait des attaques de panique. Elle n'arrivait plus à respirer, elle avait l'impression qu'elle allait mourir. Elle avait appelé sa mère au secours plusieurs fois déjà. Sa mère restait avec elle pour la rassurer et rester à ses côtés jusqu'à ce qu'elle se rendorme, mais Yerin ne voulait pas l'inquiéter et la tenir éveillée toute la nuit comme ça.
Yerin avait décidé de reprendre les séances chez le psy, mais sa nouvelle thérapie ne commencerait que dans deux semaines. En attendant, le médecin de famille lui avait prescrit des calmants, même si se bourrer de médicaments pour se sentir mieux n'était pas la meilleure solution.
Jong-goo avait parfaitement conscience que Yerin traversait une période difficile. Il avait été réveillé plusieurs fois par des pas dans le couloir. Il était sorti une fois pour voir ce qu'il se passait, mais Mme Kim l'avait gentiment renvoyé dans sa chambre en lui disant que ce n'était rien et qu'il n'avait pas besoin de s'inquiéter. Plus facile à dire qu'à faire. Non seulement il était inquiet, mais il était surtout rongé par la culpabilité. Tout était de sa faute et il ne pouvait rien faire pour elle. Rien de très utile, du mois.
— Attends, dit-il à Yerin en se dirigeant vers la cuisine. Je vais faire de la tisane.
Il avait préparé une infusion aux chrysanthèmes. Des fleurs connues pour leurs vertus apaisantes. Il tendit un mug à Yerin avant de s'asseoir à côté d'elle. Ils burent leur boisson en silence jusqu'à la dernière goutte.
— Yerin... fit Jong-goo, le regard perdu dans le fond de sa tasse où flottaient quelques fleurs de chrysanthème flétries. Je suis vraiment désolé... Tout ça, c'est ma faute. C'est à cause de moi que tu t'es retrouvée dans cette situation...
— Qu'est-ce que tu racontes ? En quoi est-ce que c'est de ta faute ? Tu n'as rien fait de mal ! Ce n'est pas toi qui as attaqué directement le gang des perles. Ils s'en sont pris à nous juste parce qu'on essayait d'aider les élèves qu'ils maltraitaient. C'est eux les méchants de l'histoire, et personne d'autre...
— Peut-être, mais... Si j'avais été plus fort, rien de tout cela ne serait arrivé... Si j'étais assez fort et qu'ils me craignaient vraiment, ils n'auraient pas essayé de te faire du mal.
Jong-goo savait que Yerin était son plus gros point faible. Son seul point faible. Du moins, c'est comme cela que ses ennemis la percevaient. Une cible facile à travers laquelle ils pouvaient l'atteindre. Ils avaient raison. L'idée que quelqu'un puisse s'en prendre à Yerin le rendait fou de rage et de désespoir. Il ne pouvait pas continuer à la mettre en danger. Il ne pouvait pas se contenter de voler à son secours à chaque fois qu'elle était prise pour cible. Un jour, il risquait d'arriver trop tard. Il le savait. S'il voulait vraiment la protéger, il devait inspirer la terreur à ses ennemis pour qu'ils n'osent même pas rêver de s'en prendre à Yerin.
Son amie le dévisageait avec peine. Il avait l'air vraiment abattu. Elle n'aimait pas le voir comme cela. Elle préférait le Jong-goo insouciant et désinvolte qui faisait toujours l'idiot et qui riait de tout sans jamais rien prendre au sérieux. Elle passa ses bras autour de lui pour lui faire un câlin aussi tendre que rassurant.
— Ne t'inquiète pas pour moi, dit-elle d'une voix douce et réconfortante. Ça va aller, j'ai juste besoin d'un peu de temps pour m'en remettre. Tu n'y es pour rien. Au contraire. Tu es toujours là pour moi, alors merci. Merci de venir me sauver à chaque fois, Jong-goo.
Jong-goo ne lui avait pas rendu son étreinte. Son geste tendre et affectueux lui avait fait l'effet d'un coup de poing dans le ventre. Les bras ballants, il fixait l'écran noir de la TV. C'était elle qui souffrait le plus de cette situation, alors pourquoi est-ce que c'était lui qu'elle consolait ? Il se sentait nul. Nul et pathétique. Un véritable loser.
Il se libéra de ses bras pour prendre ses mains dans les siennes. Il les regarda un moment avant de lever les yeux vers elle. Elle ne l'avait jamais vu aussi sérieux.
— Yerin, j'aimerais te faire une promesse... Je te promets qu'à partir de maintenant, je ne laisserai plus jamais rien t'arriver. Je ne te laisserai plus jamais seule. Pas une seule seconde. Et je deviendrai plus fort, pour que tu n'aies plus rien à craindre de personne. Je ferai tout pour que tu sois heureuse.
Yerin hocha la tête en esquissant un sourire un peu triste. C'était une promesse qui impliquait de lourdes responsabilités. Elle l'avait acceptée malgré la tristesse qui pesait lourd sur son cœur. Elle ne voulait pas qu'il se sacrifie pour elle comme ça, mais elle ne voulait pas lui faire de la peine en rejetant un geste aussi sincère. C'était à elle de l'aider à tenir sa promesse. Elle ferait tout ce qui était en son pouvoir pour alléger le fardeau qui pesait sur ses épaules.
[ 5 ]
DG avait tenu sa promesse. PTJ Entertainment avait contacté les parents de Min-ji pour leur faire une offre alléchante. Non seulement ils étaient d'accord pour organiser une séance de dédicace dans leur restaurant, mais ils leur proposaient aussi un contrat publicitaire exclusif. DG était prêt à devenir l'égérie du restaurant. L'établissement de poulet frit s'engageait à mettre en avant les activités de l'idole et à prêter leur salle pour des séances de dédicaces, à raison d'un week-end, trois à quatre fois par an. En échange, il ferait la promotion de leur restaurant sur les réseaux sociaux.
La première session de fansign avait été un succès. Les fans qui avaient acheté le dernier album de DG avaient été tirés au sort pour participer à l'événement. Ils étaient repartis avec un autographe de leur idole et un petit carton de poulet frit gratuit pour découvrir le fameux Hallyu Set dont la mère de Min-ji était si fière. Elle avait entièrement revisité la recette pour l'occasion.
Jong-goo, Yerin et Min-jun étaient venus voir comment les choses se passaient. Choi Soo-jung et Gun étaient également là pour assister à la séance de dédicaces. Son manager, aidé de deux agents de sécurité engagés pour assurer la protection du chanteur, régulait le flux de fans qui faisaient la queue devant le restaurant. Les yeux rivés sur sa montre, il chronométrait chaque passage avec précision. Une minute par dédicace. Pas une seconde de plus. Les traînards étaient gentiment mais fermement invités à laisser la place aux suivants.
La présence du groupe d'ados, assis à une table dans le coin de la salle, n'était pas passée inaperçue auprès des fans qui ne manquaient pas une miette de la vie de leur idole favorite. Ses plus ferventes admiratrices se demandaient qui étaient ces collégiens et quelle relation ils entretenaient avec DG. Ce n'était pas des membres de son groupe, ni de futures idoles en formation chez PTJ. Ils avaient l'air de jeunes tout à fait ordinaires.
— T'as vu la fille avec les lunettes ? murmura une fille à son amie. Elle ressemble à rien ! En plus, elle n'arrête pas de se goinfrer de poulet frit. Tu m'étonnes qu'elle soit aussi grosse. Tu crois que c'est une amie de DG ?
— Elle ? Impossible ! Pourquoi est-ce qu'il serait ami avec une truie comme elle ? DG oppa a des standards bien plus élevés que ça !
— En tout cas, les garçons sont plutôt mignons. Surtout le blondinet avec des lunettes, là. C'est tout à fait mon genre.
— Hm. Je préfère le brun avec les lunettes de soleil. Même si je ne sais pas pourquoi il porte des lunettes de soleil à l'intérieur...
C'était à leur tour de passer. Tout sourire, elles tendirent leur album au chanteur qui les signa rapidement sans leur adresser un regard. Il tendit l'album vers la fille qui avait insulté Soo-jung en premier. Il le retient un instant. Derrière son sourire de façade, son regard était froid et hostile.
— Je ne sais pas si vous méritez d'être mes fans. Excusez-vous.
— P-pardon ? fit la fille, l'air confus. Qu'est-ce qu'on a fait ?
— Vous avez dit du mal de mon amie. Je vous ai entendu. Vous avez raison, j'ai des standards élevés. Et vous, vous ne lui arrivez pas à la cheville. C'est grâce à elle que je suis devenu ce que je suis aujourd'hui. Sans elle, je ne serai pas là à signer des autographes à des pestes comme vous. Alors excusez-vous et je laisserai passer pour cette fois.
Les deux filles échangèrent un regard interloqué. Elles s'inclinèrent aussitôt en s'excusant avec profusion, les larmes aux yeux.
— Pas à moi, répliqua froidement DG. À Soo-jung. Allez la voir et présentez-lui vos excuses. Allez-y. Je vous regarde.
— DG, fit son manager en se penchant vers lui. Ce n'est pas le moment de faire une scène. Tout le monde nous regarde et l'heure tourne.
DG leva la main pour le faire taire. Il se tourna vers lui en lui jetant un regard meurtrier.
— Silence ! C'est une affaire personnelle alors ne t'en mêle pas, ou je demande au PDG de te virer et de me trouver un autre manager.
Park Hae-won s'était plié à la volonté du jeune homme. Il ne voulait pas le mettre en colère. DG était terrifiant quand il se mettait en colère et ce n'était pas le moment de créer un scandale. Pas quand tous les regards étaient braqués sur eux.
Les deux filles avaient cédé à l'injonction de leur idole adorée. C'était humiliant, mais elles avaient ravalé leur fierté et s'étaient excusées auprès de la jeune collégienne.
— Excuse-nous. On ne savait pas que tu étais l'amie de DG... Si on avait su-
— Quoi ? Vous auriez gardé vos pensées dégoûtantes pour vous ? Vous appelez ça des excuses ? répliqua Soo-jung sèchement. Je ne veux pas même écouter ce que vous avez à me dire. De toute façon, vous n'êtes pas sincères. Disparaissez.
Elle les chassa d'un geste de la main irrité. Les filles jetèrent un regard nerveux en direction de DG qui leur répondit par un hochement de tête affirmatif. Dès qu'elles furent parties, il gratifia Soo-jung d'un clin d'œil complice que son amie ignora superbement. Il ne s'en était pas offusqué. Elle était toujours aussi froide et insensible. Elle était comme cela depuis le décès de sa mère quand elle avait dix ans. Elle s'était réfugiée dans la nourriture. En quatre ans, elle avait pris pas mal de poids, mais son apparence n'était pas la seule à avoir changé. Elle s'était coupée du monde. Elle passait son temps à broyer du noir et à ruminer de sombres pensées. DG était une des rares personnes qu'elle appréciait un tant soit peu, même si elle ne le montrait pas.
— Wow ! fit Gun en faisant mine de frissonner d'effroi. Tu fais froid dans le dos, Choi Soo-jung. Rappelle-moi de ne jamais te contrarier. Tes mots sont plus mortels que des balles de revolver.
— Tais-toi, Park Jong-geon. Pourquoi tu me suis partout ?
— Parce que tu traînes avec des gens intéressants. DG, je sens un truc chez lui. Il sait se battre ?
— Qu'est-ce que j'en sais ? répliqua Choi Song-jung avec irritation. De toute façon, il n'a pas intérêt à se battre dans sa position. Ce serait un coup fatal à sa réputation. Il doit faire attention à son comportement. Rien que de penser aux répercussions après ce qu'il vient de se passer aujourd'hui, j'en ai mal à la tête. Ça va encore jaser sur les réseaux sociaux. Regarde la tête de son manager. On dirait qu'il va faire une syncope.
— Moi je trouve qu'il a eu raison de faire ce qu'il a fait, dit Yerin qui estimait de plus en plus DG. En tant qu'idole, il doit montrer l'exemple. Ces deux filles méritaient qu'on les remette à leur place. Et je pense que le fait qu'elles aient été réprimandées par l'idole qu'elles admirent tant devant tout le monde a fait son impact.
— J'ai l'habitude... fit Choi Soon-jung en haussant les épaules. Je me fiche de ce que pensent ces filles prétentieuses et superficielles.
Elle n'allait pas se laisser marcher sur les pieds par ces pestes qui ne s'en tenaient qu'aux apparences et qui n'avaient pas moindre once de sympathie ou de compassion pour leurs pairs. Elles ne la connaissaient pas. Elle ne savait rien de sa vie, de ce qu'elle avait enduré jusque-là, et du combat qu'elle menait contre elle-même. Elle savait qu'elle était malade. Elle souffrait d'hyperphagie boulimique. Un trouble du comportement alimentaire qu'elle essayait de soigner en suivant une thérapie comportementale, mais c'était un processus aussi long que lent et difficile. Faire un régime ne servait à rien. Elle devait d'abord se sentir mieux dans sa tête avant de songer à changer son corps.
[ 6 ]
Le cercle d'amis s'était étendu à Choi Soo-jung et Park Jong-geon qu'ils voyaient de plus en plus souvent. Quand ils ne sortaient pas en ville, ils se réunissaient tour à tour chez Yerin ou chez Min-ji, parfois même chez DG quand il était disponible. Après le festival culturel du mois de juin, organisé par la KGS, et les examens du premier semestre, les vacances d'été étaient de retour. Cette année, Soo-jung et Gun s'étaient joints au séjour à Jeju-do. Un séjour qui avait duré un mois entier puisque, cette fois-ci, Jong-goo et Gun n'avaient pas été contraints de passer tout l'été en centre de rééducation.
La vie suivait paisiblement son cours jusqu'au mois d'octobre. Alors que l'automne faisait rougir les feuilles des arbres, une tragédie avait secoué le monde politique et le monde du crime. Kim Gap-ryeong, gangster notoire qui s'était racheté une conduite après un long séjour en prison et qui s'était lancé dans la politique dès sa libération, avait été retrouvé sans vie dans une ruelle de Gangnam, derrière un bar à hôtesse qu'il avait l'habitude de fréquenter. Il avait été poignardé à mort.
Parmi les nombreuses figures politiques et barons du crime qui avaient assisté aux funérailles du héros de l'ombre, il y avait Lee Do-gyu, le tigre blanc de Baekho HRM, Choi Dong-soo, et Kim Byeong-cheol. Ces derniers avaient assisté à la cérémonie avec leur famille.
C'était le fils unique de Kim Gap-ryeong qui menait la procession. Il avançait en tête du cortège en portant le portrait du défunt dans ses bras.Vêtu d'un costume noir, il portait un brassard rayé noir et blanc au bras droit. C'était le signe porté par le chef de deuil. C'était à lui d'assumer l'entière responsabilité du décès de son père. Il était chargé de consoler sa mère éplorée, accueillir et saluer les invités, tout en s'assurant que tout se déroule bien du début à la fin de la cérémonie. C'était un lourd fardeau à porter pour un garçon de treize ans à peine qui venait de perdre son père.
Il pleuvait à verse. Son expression parfaitement neutre, Kim Gi-myeong avançait à la tête du cortège. Il endurait bravement la pluie glaciale qui dégoulinait sur son visage et pénétrait ses vêtements. C'était une chance qu'il pleuvait autant. Comme ça, personne ne verrait qu'il ne pleurait pas la mort de son père. Cet homme qu'il détestait plus que tout au monde. Il se fichait de ce qui lui était arrivé. De toute façon, ce n'était qu'une question de temps avant qu'il se fasse tuer par un de ses ennemis. Il avait juste hâte que tout ce cirque soit terminé.
Jong-goo et ses amis avaient assisté au banquet après l'incinération du défunt. Kim Gi-myeong était brièvement passé à leur table pour les saluer et manger en leur compagnie, encouragé par sa mère qui voulait qu'il passe un peu de temps avec des enfants de son âge. Il les avait poliment remerciés pour leur présence en acceptant gracieusement leurs condoléances. Il n'avait pas décroché un seul mot de tout le repas. Dès qu'il eut fini de manger, il s'était levé et s'était incliné respectueusement avant de prendre congé.
— J'ai de la peine pour lui, fit Yerin en poussant un soupir lourd de chagrin. Ce doit être terrible de perdre son père à un si jeune âge.
— Tu as de la peine pour tout le monde, répliqua Jong-goo en plantant ses baguettes dans le plat de bulgogi. À part toi, tout le monde ici a perdu un parent voire deux, et on s'en sort très bien.
Choi Soo-jung lui jeta un regard de travers. Soo-jung aimait bien Yerin, mais elle trouvait Jong-goo insupportable, pour ne pas dire désagréable. Elle avait beau essayer de lui trouver de bons côtés, elle n'arrivait pas à l'apprécier. Il n'avait aucun tact. Elle ne voyait pas ce que Yerin lui trouvait. Ils étaient tout le contraire l'un de l'autre. Peut-être que c'était comme le disait l'expression. Les opposés avaient tendance à s'attirer.