Chapitre 23 : Un nouveau départ

Les jours passaient rapidement dans la grotte, agitée d’une atmosphère nouvelle et légère. Orn passait son temps assis devant son établi, le dos courbé et les yeux concentrés sur une feuille où il dessinait différents motifs pour son casque. Garder le même symbole, un vautour surplombé d’une couronne, lui semblait inapproprié. C’était avec ce même symbole qu’il s’était fait connaître en tant que Chasseur Impérial, le Twi’lek ne pouvait donc plus l’arborer fièrement, comme avant. Alors, depuis plusieurs jours, il cherchait un nouveau motif à peindre sur son casque et sur vaisseau, pour se détacher un peu plus de l’Empire et de ses mensonges destructeurs. Cela n’était pas simple, et Twik ne l’aidait pas, râlant régulièrement pour exprimer son impatience. Tout ce temps passé dans l’antre secrète du chasseur était une rupture brutale de leur quotidien d’ordinaire mouvementé et rempli de chasses multiples. Orn ne prêtait néanmoins pas attention à l’ennui de son co-pilote, restant fermement assis, ne quittant la table que pour manger ou dormir, plongé dans un travail qu’il jugeait de la plus haute importance. Après tout, ce symbole avait toujours reflété son identité, et signalait au reste de la Galaxie sa présence.

Lorsqu’il avait tué Enfys Nest pour prouver à l’Empire qu’il lui était toujours utile, un an après l’embuscade, le chasseur avait inscrit son symbole sur le casque de la Maraudeuse pour marquer son passage. Ce motif ne devait donc pas être n’importe quoi, et devait le représenter dignement, tout en étant suffisamment proche du premier pour qu’il soit reconnu facilement et que les autres mercenaires de la Galaxie le craignent toujours. Orn se mettait déjà l’Empire à dos en le quittant, alors il voulait à tout prix éviter d’autres ennemis qui pourraient le rendre encore plus menacé. Le chasseur restait donc perché sur ses croquis, les modifiant, en faisant d’autres, ou les effaçant lorsqu’ils ne lui convenaient pas. Nasha venait l’aider, lui donnant son avis ou le conseillant sur quelques détails. La Twi’lek s’avérait être une très bonne critique, et avait toujours le bon coup d’œil. Elle avait proposé à son ami d’insérer le symbole de l’Ordre Jedi, mais ce dernier avait refusé à contre-cœur, trouvant ce sigle trop voyant pour être arboré en public. Ils étaient cependant tous deux d’accord pour garder la base du motif original, le vautour, et cela faisait donc quelques jours que le chasseur cherchait une variante, avec l’aide brillante de Nasha.

Cette dernière était d’ailleurs ravie de voir Orn s’activer ainsi après des mois d’immobilité sombre. L’aider était un pur plaisir, et la Twi’lek se réjouissait avec son ami, dont l’enthousiasme grandissait avec les jours. Il avait trouvé un nouvel objectif, et s’y donnait à cœur joie, presque soulagé de retrouver une activité demandant de l’attention et importante. Nasha découvrait donc une nouvelle facette du chasseur, qu’elle n’avait jamais cru artiste ou dessinateur. Pourtant, ses croquis étaient d’une précision impressionnante, avec des traits durs mais légers, comme s’il dessinait lors de ses heures perdues. Il était vrai que la Twi’lek, depuis qu’elle avait rejoint l’équipage du Vautour Couronné, n’avait pas connu de véritables moments de repos ou de flottements. Elle n’avait donc jamais vu Orn se poser, et c’était une vision dont Nasha ne se lassait pas, profitant elle aussi de cette activation dans la grotte pour s’éclipser régulièrement pour voir les Rebelles. Ces derniers préparaient leur départ avec minutie, étiquetant chaque élément qu’ils emportaient avec eux. S’ils ne disaient pas tout à la Twi’lek, ils lui faisaient confiance et lui avaient annoncé qu’ils partiraient pour Sullust rejoindre le reste de la Rébellion, où une réunion importante allait se dérouler. Les Rebelles n’en dirent cependant pas plus, attisant la curiosité de Nasha, qui, avec l’aide d’un droïde dénommé Chopper, avait découvert qu’un autre Fulcrum allait les rejoindre à Tatooine dans deux jours. La Twi’lek avait donc hâte de découvrir ce nouvel arrivant, d’autant plus que le robot, Chopper, avait semblé ravi à cette nouvelle. Seul Orn avait remarqué ses aller-retours incessants, mais il ne la confrontait pas sur cela, sachant très bien que Nasha allait finir par lui expliquer un jour ou l’autre. Comme elle partait au crépuscule, il ne se faisait pas de soucis, persuadé que l’obscurité cachait les détails de la Twi’lek, qui mettait toujours un point d’honneur à porter son propre casque.

Après tout, elle avait terriblement conscience d’être recherchée par Taar-Y, même s’il elle n’avait jamais surpris de discussion à son sujet. Elle n’avait pas non plus tenté de se renseigner sur cette traque, jugeant cela trop risqué. Elle pouvait parfaitement se faire reconnaître à Mos Espa, alors Nasha se contentait simplement de rendre visite aux Fulcrums en faisant profil bas au passage obligatoire près de la ville. Lorsqu’elle revenait, à l’aube, la Twi'lek s’assurait de prendre un chemin différent, pour brouiller les pistes si jamais elle était suivie. Cependant, elle ne se faisait pas de soucis. L’antre du chasseur, qu’il avait utilisé depuis longtemps, n’avait jamais été découvert. C’était un endroit bien trop proche du village de Tusken Raiders détruit, et si des locaux apercevaient une silhouette roder près de ces lieux, ils prendraient grand soin à éviter de se retrouver face à face avec cette dernière.

Ainsi, tout le monde s’occupait dans la grotte, et même Fett, malgré son arrivée récente dans l’équipage, participait à l’effort commun. Il faisait régulièrement des plats, toujours critiqués par Twik, bien que le droïde ne mangeait pas. Le Mandalorien avait également profiter de son temps libre pour réparer le jetpack attaché à son armure, de peur que cet élément typique de son peuple ne dysfonctionne plus tard. Nasha en profita donc pour l'embêter, lui ressortant toute sa tirade sur les Mandaloriens.

"Je croyais que tu n’étais pas de ceux qui cachaient leurs défaites," dit-elle, un sourire narquois et fier flottant sur ses lèvres.

Si le concerné fit d’abord une moue outragée et presque blessée, il finit par secouer la tête pour rire doucement.

"Ce n’est pas la même chose… Si mon jetpack ne fonctionne pas correctement, il risque de s’activer sans prévenir, et je ne veux pas finir dans une fosse pour devenir le repas d’un monstre.

— Ça ne paraît pas très judicieux d’en avoir un, alors," remarqua Nasha.

Fett hocha la tête, concédant à la logique de la Twi’lek.

"C’est vrai. Il faut faire plus attention, mais c’est aussi très utile. Si on sait bien s’en servir, on peut facilement gagner contre un adversaire plus puissant que nous," précisa-t-il néanmoins, bien trop attaché à son armure pour ne pas défendre ses atouts.

Nasha hocha simplement la tête, voulant bien croire le Mandalorien. Elle s’approcha pour mieux observer le jetpack, n’ayant encore jamais eu l’occasion d’en voir un d’aussi près. Même si elle avait travaillé sur des modèles technologiques pré-empiriques lorsqu’elle travaillait pour Watt-O, la Twi’lek n’avait que peu de connaissances sur les armures Mandaloriennes, dont les porteurs restaient cachés du reste de la Galaxie. Les jetpacks étaient d’autant plus rares de ce fait, puisque les Mandaloriens qui en portaient étaient peu nombreux. Fett la laissait observer son matériel librement, bien qu’il gardât toujours un œil sur Nasha. Après tout, son jetpack était équipé d’un missile au centre, qui était suffisamment gros pour détruire toute une partie de la grotte, et le Mandalorien n’en avait que deux de rechange. Orn était resté non loin d’eux pendant leur discussion, écoutant leurs échanges sans rien dire. Néanmoins, il ne put s’empêcher d’intervenir innocemment, un sourire aux lèvres.

"Dis-moi, Fett… Tu n’as pas failli te faire attraper par un Ibdis Vorace sur Bracca, en volant avec ton jetpack ?" demanda-t-il d’un air ignorant et presque angélique.

À ce souvenir peu agréable, le Mandalorien fit la grimace, tandis que Nasha et Twik échangèrent un regard, curieux et hâteur de connaître la suite.

"Tu t’en souviens toujours ?

— Comment oublier que le grand Boba Fett a failli mourir d’une manière aussi ridicule ? C’était hilarant," répondit Orn, se retenant de rire face à la scène qui se rejouait devant ses yeux.

Réprimant un sourire, le concerné hocha la tête, un peu embarrassé de cette erreur qui aurait pût lui coûter la vie. Néanmoins, avec le recul, c’était un événement qui ne manquait jamais de le faire sourire. Après tout, le chasseur avait raison. Ça avait été ridicule. 

"C’est sûr que pour toi, c’est drôle ! Ça l’était moins pour moi, sur le moment…"

Le Twi’lek hocha la tête d’une manière approbatrice, un sourire animant toujours son visage. Lui-même avait eu la peur de sa vie à ce moment-là, lorsqu’il avait vu les appendices de la bête, dont la bouche constituait un énorme trou béant dans le sol, saisir le Mandalorien qui avait volé trop près de la terre. Il avait cru, à ce moment, qu'il était en train de perdre une des seules personnes qu'il aimait. Les deux mercenaires avaient été envoyés à Bracca, une planète pauvre servant de dépôt de vaisseaux à l’Empire. En cherchant leur cible, un ferrailleur qui avait de nombreuses dettes envers Jabba, Fett avait activé son jetpack pour arpenter les zones inaccessibles à pied et avoir une vision claire du terrain. De son côté, le chasseur se déplaçait de carcasses de vaisseaux en carcasses de vaisseaux, évitant les ouvriers démantelant ces engins et se renseignant au fil des rencontres. Seulement, le Mandalorien avait volé bien trop bas, et l’Ibdis Vorace, qui semait la terreur chez les ferrailleurs, avait senti sa présence. Avec un de ses appendices, il avait saisi la jambe de Fett, avant de l’emmener dangereusement près de sa bouche.

Orn avait bien cru que Fett allait mourir devant lui, alors qu’il était perché sur un vaisseau délabré, impuissant. Il eut néanmoins un sursaut d’action et sortit de sa torpeur, avant de lancer une bombe thermique dans la gueule de la bête. Cette dernière avait hurlé de rage et de douleur, poussant ces cris stridents douloureux à entendre, et avait desserré son emprise sur le Mandalorien. Le mercenaire avait pu facilement se libérer et s’était éloigné aussi rapidement que possible de l’Ibdis. Le Twi’lek avait ensuite aidé son collègue à se poser au sol, en tirant sur le monstre pour éviter une nouvelle attaque. Une fois en sécurité, les deux mercenaires s’étaient dévisagés un court instant, à la fois horrifiés par ce qu’il venait de se passer et rassurés par l’issue de ces événements, avant de finir par exploser de rire. Depuis, les deux collègues riaient de ce drame qui s’était bien terminé, bien que Fett pensait - et espérait - que Orn avait oublié cela. Dans tous les cas, il savait que de tels rappels embarrassants étaient une des conséquences de vivre avec l’équipage du Vautour Couronné, qui semblait avoir adopté à l'unanimité l’humour de Twik. Ce dernier était d’ailleurs en train de s’esclaffer en imaginant la scène, accompagné par Nasha, qui se retenait tout de même de pouffer par respect pour le Mandalorien. Ce dernier, se décidant d’adhérer à cet humour particulier, lança un regard empreint de malice à son collègue.

"J’ai peut-être failli mourir d’une manière ridicule, mais au moins, mon vaisseau ne s’envole pas sans moi à l’intérieur…" dit-il, l’air de rien.

Le chasseur s'arrêta de sourire un instant, surpris par la réplique du Mandalorien, qui venait décidément de marquer son entrée définitive dans l'équipage du Vautour avec cette phrase, bien qu'il eût son propre vaisseau. Orn leva sa main, comme pour lui dire d'attendre et lui laisser le temps de se remettre de cette vengeance cruelle mais méritée. Il ne put cependant empêcher un sourire sincère de se peindre sur ses lèvres, et soupira devant l'air intrigué de Nasha, qui l'observait désormais avec des yeux ronds, n’ayant encore jamais entendu cette histoire.

"Une fois ! C'est arrivé une fois ! Et ce n'est pas ma faute, mais celle de Twik…," dit-il finalement, lâchant un petit rire après avoir accusé son co-pilote.

Ce dernier ne rigolait pourtant pas, bien que son ami sût parfaitement qu'il n'avait jamais éprouvé aucun remord vis-à-vis de cet accident, qui, aux yeux du Twi'lek, n'en était pas vraiment un. Le droïde croisa les bras, se voulant révolté et dédaigneux, et tourna la tête de sorte à ne pas croiser les regards des trois autres personnes. Pour un robot au visage inexpressif, sa mimique était parfaite et ne manqua pas de tous les faire rire, même le Mandalorien qui ne l'avait jamais vraiment apprécié. En réalité, Twik se plaisait à jouer cette comédie débutée par Orn.

Cette ambiance d'ordinaire habituelle entre lui et le chasseur lui avait manqué, et partager ce genre de moments avec Nasha et Fett ne le dérangeait pas, bien au contraire. L'atmosphère détendue et joyeuse qui régnait dans la grotte faisait un bien fou, enlevant un poids lourd à tous ceux présents dans la cachette. C'était le signe que la situation s'était améliorée, ainsi qu'une indication que, pour une fois, l'espoir d'une vie meilleure et dotée d'une raison d'être pouvait être imaginé, voire même être attendu. Tous pouvaient oublier, l’espace d’un moment, leurs soucis et leur passé chargé. Twik le ressentait aussi bien que Nasha et Orn, même si ce dernier se forçait à étouffer ce sentiment, ne voulant pas se montrer trop enthousiaste de peur que le futur lui réserve une surprise pire que les précédentes. Alors, le robot continuait son petit jeu d'acteur, avant de lever le menton avec un air de fierté faussement blessée.

"J'ai simplement fait ce que tu m'as demandé. J'ai démarré le vaisseau, c’est tout," marmonna-t-il sous sa barbe, comme s'il était véritablement outré.

Le groupe éclata de rire, et les deux mercenaires continuèrent à se lancer des anecdotes du même genre, ravivant des souvenirs agréables et doux. La discussion se changea vite en souvenirs plus précis d'anciennes cibles mémorables, où le Twi'lek comptait ses faits d'armes avec une pointe de fierté. Le Mandalorien renchérissait également, se rappelant avec joie les premières missions de son enfance avec son père. Nasha buvait chacun de leurs mots, emportée par ces récits d'aventures et de dangers. Bien qu'elle eût conscience de la dureté de leur vie, elle ne pouvait s'empêcher d'envier leur liberté et leurs nombreux voyages. Ils avaient traversé la Galaxie entière, rencontré des Duros, des Zabraks, des Trandoshans ou encore des Kel Dors. De temps à autres, Orn lançait des noms que la Twi'lek ne connaissait que de réputation, et se faisait l'image de la personne avec les descriptions des deux mercenaires. Elle se rendait compte qu'elle n'avait encore rien vu de cette grande Galaxie, et ses yeux se remplissaient d'étoiles à l'idée de partir l'explorer un jour, quand la Rébellion n'aura plus de raison d'être.

Emportés par ces récits passionnants et trépidants, l'équipage ne s'aperçut pas immédiatement de la nuit tombée. Lorsque Nasha remarqua les trois Lunes de Tatooine combattant fièrement l'obscurité du ciel, elle se leva rapidement, mettant court à la discussion. La Twi'lek prétendit être fatiguée et fit mine de partir se coucher, avant de se diriger vers le repaire des Rebelles lorsqu'elle fut seule. Elle n'avait pas oublié son rendez-vous quotidien avec les Fulcrums, et ne voulait absolument pas le manquer. Nasha devait continuer à se renseigner sur leur départ, et s'assurer qu'ils l'attendraient au moins quelques instants avant de quitter la planète-désert pour Sullust. Elle se dépêcha donc de les rejoindre, mettant son casque sur le chemin et espérant qu'aucun de ses amis ne l'avait surprise en train de quitter leur cachette. Heureusement, Fett et Orn étaient trop occupés à se charrier sur leurs anciennes erreurs pour avoir remarqué son mouvement sur le radar, et Twik s'était occupé à nouveau de son bras, s'assurant, comme tous les soirs, que son système fonctionnait toujours aussi parfaitement. À vrai dire, le robot était épaté par le travail effectué par la Twi’lek.

Nasha était véritablement douée dans ce domaine, et le droïde admirait son savoir et son intuition. Savoir que ses talents avaient été ignorés et que la jeune femme n'avait pas pu vivre de ses passions avant qu'elle ait rejoint l'équipage l'enrageait. Twik se fit une note mentale pour demander à Orn d'aller visiter Taar-Y un jour prochain, rêvant de plonger son point métallique dans la face du Toydarian. Il observa du coin de l'œil son co-pilote se coucher tranquillement. S'il avait pu sourire, le droïde l'aurait fait à la vue de son visage reposé et détendu, une expression qui avait quitté ce visage rouge et blanc depuis bien trop longtemps. Twik posa ensuite son regard sur l'établi, où une petite pile de croquis gisait, et lâcha un soupir léger. Il savait que le chasseur allait bientôt lui demander son avis, et il savait également qu'il allait devoir lui faire comprendre qu'il devait choisir par lui-même. Le robot laissa son système se mettre en pause doucement, jusqu'à se reposer entièrement, avec les deux mercenaires déjà endormis.

Les deux Soleils de Tatooine commençaient à peine à se lever dans le ciel jaunâtre et terne, quand un cri de rage retentit dans toute la plaine. Orn se leva en sursaut, reconnaissant immédiatement la voix de Nasha. Non loin de lui, Fett se tenait debout, enfilant rapidement son jetpack, solidement accroché à son armure. Il échangea un regard rapide et inquiet avec son collègue, qui se précipita hors de la cave, prenant un poignard au sol. Le Mandalorien le suivait de près, et tous deux accélérèrent leur course en entendant un nouveau hurlement de douleur et de colère. Ils s'arrêtèrent d'un seul homme, soulevant du sable, lorsqu'ils se retrouvèrent devant trois hommes armés, dont l'un d'eux tenait Nasha.

Cette dernière avait du sang sur son visage, mais ses yeux verts brillaient d'une détermination brûlante et dangereuse. Le chasseur de primes qui la retenait pointait un blaster contre sa tempe, et esquissa un sourire narquois en apercevant le Twi’lek sans son casque. Les deux autres guerriers qui l'entouraient prirent les nouveaux arrivants en joue, et Orn fit une moue de rage et de dégoût. Il restait entièrement immobile, de peur qu'un mouvement de sa part ne scelle le destin de son amie. Il était évident que ces trois hommes étaient au service de Taar-Y, et voulaient la prime sur la tête de Nasha. Le Twi'lek se forçait à paraître calme sûr de lui, imité par Fett, qui se mura dans son silence typique et froid. Leur expression sérieuse contrastait avec celle victorieuse du premier chasseur, qui pencha la tête.

"Regardez-moi ça… Le grand Chasseur Impérial est un Twi'lek !" lança-t-il, ravi de cette découverte.

— Dis-moi, Twi'lek, qui as-tu tué pour être banni ?" demanda le mercenaire à gauche, un sourire fier animant son visage.

Orn ne répondit pas, trop assourdi par sa rage et sa haine pour parler. Il se sentait impuissant, piégé, et il détestait cela. Le chasseur savait qu'il ne pouvait encore rien faire et que ces hommes ne faisaient que de le provoquer. Seulement, il rêvait de leur faire regretter ces paroles dont ils ne comprenaient rien. À ses côtés, Fett fit un mouvement imperceptible vers lui, signe qu'il le soutenait et qu'il était prêt à se battre, même s’il jugeait imprudent d’agir immédiatement. Si Orn s'énervait, il risquait de mettre Nasha en bien plus grand danger qu'elle ne l'était déjà, il le savait. Alors, il s'oligea à rester le plus immobile, et planta ses yeux jaunes dans ceux du mercenaire qui tenait la Twi’lek. La colère sourde dans ses yeux surprit un instant ce dernier, qui se rappela avec qui il avait vraiment affaire, même s’il restait certain de sa sécurité.

"Qu'est-ce que vous lui voulez ?" demanda Orn, d'une voix froide et contrôlée.

"Rien… sinon de la ramener à Taar-Y. C'est son esclave, après tout," répondit le troisième homme, qui tenait son arme fermement.

"Je ne suis pas une esclave."

Nasha avait prononcé ces mots avec fermeté, et releva légèrement le menton d'un geste fier et mauvais. Le sang sur sa peau violette lui donnait un air dangereux et presque royal. Elle n'avait pas peur de cette arme contre sa tempe, ni de ces chasseurs dévoués à Taar-Y. La Twi'lek ne broncha pas lorsque celui qui la retenait pressa un peu plus son blaster contre elle.

"Vraiment ? Et d'après qui ?

— Moi."

À cette réponse, le mercenaire lâcha un rire dédaigneux, et Orn s'apprêta à l'attaquer, mais fut arrêté par Fett, qui le retint en se plantant devant lui. Les trois hommes du Toydarian se mirent immédiatement en alerte, analysant les moindres mouvements du Mandalorien.

"Laissez-la," dit-il simplement de sa voix rauque.

Le deuxième chasseur s'avança légèrement, d'un pas assuré et hautain.

"Avez-vous entendu ça, les gars ? L'homme qui partage sa voix avec des milliers d'autres Clones vient de parler…"

Si les autres rirent, le concerné serra sa mâchoire, mais se força à secouer la tête, lâchant un petit rire au passage. De son côté, le Twi’lek se jura de tuer ces hommes qui profitaient trop d'une situation qui n'était pas à leur avantage.

"Jaloux ?" lança Fett, un sourire fin aux lèvres.

"De quelqu'un qui a été élevé dans un laboratoire ? Je ne crois pas…," répondit l'homme.

À cette remarque, Fett ferma son poing d'un geste enragé. Il ne put s'empêcher de répondre pour rétablir la vérité, malgré le soutien que son collègue lui apportait, en s'approchant doucement de lui jusqu'à le frôler.

"Je n'ai jamais vécu dans un laboratoire… Mon père m'a élevé jusqu'à sa mort," siffla le Mandalorien.

L'homme qui tenait Nasha se mit à rire.

"'Père' ? 'Donneur' serait plus approprié…"

Son commentaire eut l'effet escompté, et le Mandalorien s'apprêta à se jeter sur lui, mais Orn attrapa son bras d'un geste ferme, avant de s'avancer.

"Bravo, chasseur… tu as réussi à m'énerver," cracha-t-il avec haine.

Alors que les mercenaires se dévisageaient tous entre eux, Nasha écrasa le pied de son agresseur avant de baisser ses bras violemment, lui faisant lâcher prise. Ce dernier poussa un grommellement de surprise, mais ne put répliquer, devancé par la Twi'lek qui utilisa son gant pour l'électriser. L'homme tomba lourdement au sol, inconscient, tandis que ses acolytes restèrent immobiles, surpris par la rapidité et la réactivité de Nasha, dont un rictus haineux animait ses lèvres, laissant apercevoir ses dents pointues. Ses deux amis ne laissèrent pas le temps aux autres mercenaires de comprendre entièrement ce qui venait de se passer, et se précipitèrent chacun vers un adversaire. Fett activa son jetpack pour se projeter en avant et utilisa son élan pour frapper violemment le chasseur de droite, qui tomba sous la force du coup. Le Mandalorien continua son combat à main nue, effectuant des mouvements secs d'une violence inouïe et percutante. L'homme de Taar-Y était à sa merci, n'arrivant qu'à décocher que quelques légers coups, qui faisaient pâle figure face aux frappes de Fett, donc la force était décuplée par sa colère.

À ses côtés, Orn avait dégainé son poignard et l'avait activé, s'en servant pour désarmer son ennemi. Il le plaqua au sol dans un grognement de rage, avec une vitesse impressionnante. Le Twi'lek se forçait à agir avec rapidité pour assurer la sécurité de Nasha. Alors il n'hésita pas un instant à trancher la gorge du chasseur de son Petar Kyuzo, qui laissa s'échapper un râle léger avant de mourir, son sang tachant les mains du Twi'lek. Ce dernier se releva rapidement, et lança le poignard vers son collègue, qui l'attrapa au vol sans aucun souci, par vieille habitude. Son adversaire recula, titubant et ensanglanté, mais le Mandalorien ne montrait aucune pitié. Il le fit tomber au sol d'un coup de pied, puis planta le poignard dans son ventre, avant de l'enfoncer encore plus pour achever sa victime. Du sang éclaboussa son armure verte, mais il n'en prit pas compte, et il se redressa sèchement et raidement, avec une expression presque de pitié. Fett se tourna ensuite vers ses deux amis avant de rendre à Orn son arme, enjambant le corps de son adversaire avec dédain. Le chasseur le remercia d'un hochement de tête avant de se diriger vers Nasha, qui avait toujours les yeux rivés sur le mercenaire qui l'avait tenu. Ce dernier était toujours inconscient, et semblait dormir paisiblement sur le sable, sa peau claire brillant face aux rayons des Soleils. Elle le regardait d'un air indescriptible, n'enregistrant pas encore totalement ce qui venait de lui arriver.

"Nasha, que veux-tu faire de lui ? Tu veux le tuer ?" demanda le Twi’lek, tendant son poignard à son amie.

Pour ce dernier, il lui semblait normal que Nasha se venge. Même s'il ne la voyait pas comme une tueuse, cet homme l'avait mérité. Pourtant, la concernée détacha son regard de son agresseur, avant d'hocher les épaules, le visage inexpressif.

"Fait ce que tu veux de lui. Je m'en fiche. Il ne mérite pas mon attention," dit-elle simplement.

Elle partit ensuite vers le Vautour Couronné et ramassa son casque, puis le secoua pour enlever le sable. Nasha continua à marcher, vers l'entrée de la grotte cette fois, mais s'arrêta lorsque son ami attrapa son avant-bras délicatement. Elle se tourna vers Orn, qui la regardait avec inquiétude et tendresse.

"Est-ce que ça va ?" demanda-t-il.

La Twi’lek ne savait que répondre. Elle supposait que oui, mais en réalité, son cœur battait à tout rompre. Elle n'avait pas eu peur. Pas de mourir, en tout cas. Elle avait eu peur de devoir retourner chez Taar-Y et de revenir à cette ancienne vie qu'elle ne pouvait que détester. Mais Nasha se sentait décalée vis-à-vis de ce qui venait de se passer. Contrairement à son ami ou à Fett, elle n'avait pas l'habitude de se battre ou d'avoir sa vie qui ne tenait que sur un fil.

"Je ne sais pas…," avoua-t-elle d'une voix basse.

Le chasseur esquissa un faible sourire, et étreignit la Twi’lek, qui le remercia doucement, rassurée par ces bras amicaux qui lui enlevaient la sensation d'être encore entre des mains cruelles et froides. Elle lâcha un soupir de soulagement, puis rompit l'étreinte tendrement, un faible sourire fatigué animant son visage. Orn pressa son front contre le sien, rapidement mais avec amour, avant de laisser Nasha repartir dans l'antre pour se reposer et se remettre de ses émotions. Il se tourna ensuite vers son collègue, qui semblait particulièrement énervé, bien qu'il gardât un calme exemplaire.

"Bon, lequel de nous deux le tue ?" demanda le Mandalorien d'un ton ennuyé.

Orn haussa les épaules, et s’agenouilla à côté du mercenaire toujours inconscient.

"Nasha s'est vraiment dépassée, avec sa nouvelle invention," remarqua-t-il.

Fett hocha la tête, tandis que le chasseur trancha rapidement la gorge de l'homme, d'un geste expert et précis, choisissant la meilleure manière pour faire couler le moins de sang possible. Il se releva aux côtés de son collègue, remarquant immédiatement l’effet qu'avaient eu les mots des trois hommes. Orn fronça les sourcils et posa légèrement sa main sur l'épaule du Mandalorien, qui le regarda avec des yeux blessés, malgré l'air fier et impassible qu'il voulait se donner.

"Boba… Ils ont juste dit cela pour te provoquer. Et, contrairement à eux, ton père te voulait," ajouta-t-il, espérant arracher un sourire à son compagnon. 

Ce dernier ne sourit pourtant pas, même s'il le remercia d'un regard empreint d'amour et d'une rage blessée.

"Je vais aller voir Taar-Y… Il ne peut pas se croire en sécurité quand ses hommes insultent mon père," annonça-t-il.

Orn acquiesça d'un air sérieux et approbateur, et laissa son collègue prendre les insignes des trois chasseurs morts. Ces badges attachés à leurs vêtements montraient leur statut en tant qu'employés de Taar-Y, et étaient également gravés des noms de leurs propriétaires. Ils constituaient une preuve qu'ils avaient bien été tués, et Fett allait s’en servir pour appuyer son propos à la Cantina. Après avoir lancé un au-revoir au Twi'lek et enfilé son casque vert sur sa tête, le Mandalorien prit un des speeders des hommes non loin du Vautour, puis s’élança vers Mos Espa, déterminé de montrer à toute la Galaxie qu'insulter un Fett était une erreur fatale.

Avec ce petit véhicule rapide, le Mandalorien arriva en un instant à la Cantina de Taar-Y, et y entra fièrement et silencieusement, poussant le rideau jaunâtre sale qui faisait office de porte. Certains mercenaires tournèrent immédiatement la tête pour observer le nouvel arrivant, et tous baissèrent les yeux aussitôt, comprenant à la démarche raide du Mandalorien que ce dernier était énervé. Il était rare que Fett visite ce lieu à Tatooine, préférant rôder près du Palais de Jabba plutôt que de fréquenter des Cantina de ce genre. Il fit lentement son chemin vers le comptoir où le gérant l’attendait, voletant doucement pour se maintenir à son niveau. Soulevant du sable avec ses pieds, le Mandalorien n’avait pas besoin de jouer des coudes, et se contenta de balayer la salle d’un regard rendu impassible et froid par son casque que tous connaissaient. Il s’arrêta enfin devant le comptoir et resta dangereusement silencieux. Taar-Y commençait à sentir que quelque chose n’allait pas, et se força à accueillir Fett l’air de rien, comme si tout était normal.

"Ah, Boba Fett ! Es-tu venu pour un boulot ?" demanda-t-il d’un ton enjoué mais inquiet.

"Non. Je suis venu te rendre ceci," répondit sèchement le concerné, posant les trois badges sur le comptoir, comme s’il s’agissait de Crédits.

Le sourire du Toydarian disparut en un instant. Il avait reconnu les insignes de ses chasseurs, et lut silencieusement les noms qui y étaient gravés.

"Je… J’avais envoyé ces hommes à la recherche de mon esclave-

— Peu importe leur affaire. Tes hommes ont attaqué mes amis et insulté mon père et son héritage. Je n’ai pas pour habitude de laisser passer ce genre de choses," le coupa le Mandalorien, crachant presque ses mots.

Le gérant de la Cantina commença à balbutier quelques excuses et explications, mais ses phrases dénuées de sens moururent dans sa gorge quand Fett frappa le comptoir avec violence.

"Je n’ai que faire de tes excuses, Toydarian. Si jamais je recroise un de tes hommes, je le tue sur-le-champ. Et si jamais ils s’attaquent encore à Nash’Amersu ou au Chasseur Impérial, je te tuerais toi."

Taar-Y ne trouva rien à dire et se fit petit, voyant rapidement que toutes les têtes s’étaient tournées vers eux. Le Mandalorien, lui, n’en fit rien, et se dirigea tout aussi lentement vers la sortie, satisfait de son effet. Il s’arrêta néanmoins au seuil de la porte, et ne prit pas la peine de se retourner avant de lancer :

"Oh, et au passage… Merci pour les speeders."