Plus il courait, plus la chaleur des flammes gonflait autour de lui, colonisant la zone au même titre qu’une fumée noire et épaisse. Une fois le bâtiment en vue, Sofiane dut s’arrêter pour cracher ses poumons, les mains sur les genoux. Il pleurait sans que ça n’empêche les émanations toxiques de lui brûler les rétines.
Il devait se trouver une tenue. Les pompiers étaient-ils déjà sur place ?
Il s’essuya les yeux et tenta de percer les environs embrumés. Il ne distinguait que des silhouettes agitées, cherchant de l’eau, tenter de s’approcher de l’immeuble. Pas de pompiers, pas de protection.
Le déclic se fit d’un coup. Il n’avait pas besoin de protection. Il se redressa et s’efforça d’expirer lentement, visualisa les fumées toxiques s’échapper de lui. C’était à peine s’il percevait la chaleur ravageuse, désormais. Un sentiment de toute-puissance l’envahit, aussitôt écrasé par la pression du devoir.
— Éloignez-vous, je m’en occupe ! déclara-t-il à quelqu’un sur le chemin.
— Je viens aussi.
L’inconnu avait la voix étouffé par le t-shirt noué autour de son nez et de sa bouche, le regard abrité derrière des lunettes de soleil. Une grosse mouche bien intentionnée.
— Certainement pas ! ordonna Sofiane. Il me faut quelqu’un ici pour réceptionner les gens. Tenez-vous près du sol et dès que vous récupérez quelqu’un, écartez-vous des exhalaisons.
Il franchit les derniers mètres qui le séparaient de l’immeuble et entra. Il avait compté six étages. Le feu avait pris au cinquième. Il espérait que tout le monde était sorti jusque là.
Il régnait dans les murs un silence étrange. Sofiane monta les escaliers quatre à quatre, et attrapa un extincteur au premier. Trois portes, toutes ouvertes.
— Y a quelqu’un ? hurla-t-il à chaque vestibule.
Il délogea de force un vieil homme qui ne comprenait pas la gravité de la situation, et fit une pause sur le pallier du quatrième. Le feu ronflait en haut des escaliers. Sofiane ne souffrait pas de la chaleur mais la sueur lui couvrait le dos et gouttait au bout de son nez.
Il avança prudemment, appela du plus fort qu’il put.
— S’il y a quelqu’un, essayez de faire du bruit ! J’arrive !
Presque aussitôt, des coups étouffés se firent entendre sur sa gauche. Les murs étaient cloqués, le battant presque entièrement noirci. Sofiane la fit céder d’un coup d’extincteur. La chaleur le devança comme un chat affamé entendant les croquettes. On ne voyait plus le plafond sous les fumerolles. Une toux rauque se mêla aux coups qui le guidèrent dans la cuisine.
L’adolescent cessa de cogner ses casseroles pour lever sur lui un regard épouvanté et soulagé. Un sanglot lui échappa, ce qui accentua sa toux. Son petit-frère s’aggripait à lui, le visage contre son torse. L’ado lui avait enroulé des torchons humides sur la tête.
— Suis-moi, dit Sofiane.
Il arracha le plus jeune de ses bras – quatre ans peut-être – pour le porter, et enjoignit le plus grand à se tenir à son pull. Ils traversèrent l’appartement pliés en deux. Le feu commençait à gagner le quatrième étage.
Sofiane fit attendre l’adolescent pour courir mettre le plus jeune à l’abri, avant de remonter et de descendre le frère en faisant barrage de son corps.
Il leur ordonna de déguerpir et remonta.
Il n’y avait personne dans l’appartement du milieu, mais une femme inconsciente dans celui d’à côté. Il la porta jusqu’au deuxième, où il tomba sur quelqu’un qui prit le relais. À bout de souffle, Sofiane courut retrouver les flammes.
— Sibèle !
Il se retourna, haletant ; Nérée le rattrapait en avalant les marches quatre par quatre, un masque sur le nez.
— Je viens avec toi, dit-il une fois à son niveau.
— Sois pas stupide, cracha Sofiane en essuyant la sueur sur son front. Tu vas cramer.
— Il y a trois personnes et un chien au dernier étage. Plus je m’approcherai, plus je sentirai où ils sont. Je te guiderai, t’y verras rien avec la fumée.
— Tu vas cramer, répéta Sofiane un peu faiblement.
L’adrénaline retombait. Il se sentait faible, fiévreux, menacé par un vertige qui lui avait déjà aspiré les organes et les os. Encore trois personnes et un clebs. La terreur remontait son dos comme une araignée.
— J’ai besoin d’être utile, trancha Nérée. Et je refuse de te laisser seule. Viens !
Il saisit son coude et Sofiane se laissa entraîner sur deux mètres avant de le devancer. Il songea que Nérée n’avait pas été inutile, ce que Leïla lui avait appris comptait. Nérée avait protégé des gens, contribué au bien commun du mieux possible. Il était animé de bons sentiments, malgré tout, et s’il n’était pas exempt de fautes, il n’était certainement pas inutile.
Mais il économisa son souffle pour gagner péniblement le quatrième étage que, désormais, le feu dévorait pleinement.
Je crois que jusqu'ici tu écrivais "Sybèle" et non "Sibèle". La comparaison du chat et des croquettes m'a fait rigoler, vu le contexte ça me questionne un peu, je me suis demandé si tu cherchais à faire passer un effet d'altération de la gravité de l'incendie, genre "le lecteur doit pas spécialement se faire de souci, je raconte le déroulé des choses mais personne ne craint rien" ; et si comme je le soupçonne il va arriver des bricoles à Nérée dans la suite, eh bien c'est très vilain de laisser entendre qu'on peut rigoler un coup ici xD (bon je plaisante évidemment. Mais voilà ça m'a questionnée !)
Allez j'enchaîne !!
Je n'ai pas trop accroché à l'image de la chaleur et du chat affamé entendant les croquettes. Ca ne m'a pas parlé