Chapitre 24 - Enfin baisser la garde

Éric m’appela vers 16 heures. Redevenue Léa depuis peu de temps, j’étais assise dans le tram. Depuis son train, il me proposa un bowling pour le soir même, en compagnie d’un pote qu’il n’avait pas vu depuis longtemps. Il me suggéra d’inviter Mélanie puisqu’il avait compris que nous étions très liées elle et moi, sans se douter ni pourquoi ni à quel point. Je me dis qu’après le paintball avec Charlotte je pouvais bien faire un bowling ! J’invitai Mélanie à dîner chez moi avant de nous y rendre.

Ayant un peu de temps, je préparai des lasagnes, prête à subir le jugement d’une Sicilienne sur mon tour de main et ma recette. Nous profitâmes de ce dîner en tête à tête pour faire le point sur nos vies et notre activité commune.

 

-Tiens j’ai vu un client à toi, il s’appelle Martin.

-Ah oui, le mec qui veut te faire l’amour à chaque séance ?

-Il t’a fait le coup aussi ?

-Et oui !

-Bon à part ça il est sympa, mais ça peut devenir lourdingue s’il te fait des propositions à chaque séance.

-C’est pour ça que lui, tu vois, je ne lui ai jamais proposé de body.

-Ah ouais, surtout pas. Sinon dis-moi, tu tournes principalement avec des habitués, maintenant, ou t’as encore pas mal de nouveaux ?

-Ça dépend des périodes.

-Parce que je me disais que ce serait bien, à partir d’un moment, de ne fonctionner qu’avec un groupe de réguliers.

-Oui, en théorie c’est vrai, mais après c’est difficile d’assurer toutes les séances comme ça. Les plus réguliers viennent une fois par semaine mais ils sont rares. Un client « fidèle » va venir une fois par mois ou une fois par trimestre.

-Ah oui donc il en faudrait beaucoup pour avoir assez de rendez-vous.

-Mais par contre maintenant, je me permets plus facilement de refuser des nouveaux. Au moindre doute dans l’approche par téléphone, la voix, la façon de parler, je zappe. Ça au moins c’est un luxe que je peux me permettre grâce aux quelques clients récurrents qui remplissent quand même une bonne moitié de mon planning. Voire plus.

-Oui c’est pas mal, comme ça.

-Le client de demain, pour notre quatre-mains, Axel, il est chou tu vas voir. Lui je lui propose des body de temps en temps.

-Jeune, vieux ?

-Entre trente et quarante.

-Il l’a demandé comment, le quatre-mains ?

-Il n’avait pas vu l’annonce modifiée. En fait il a enregistré mon numéro et quand il a une petite envie, il m’appelle sans repasser par l’annonce. Donc en papotant l’autre jour je lui ai appris que j’avais une collègue blonde ! Il a été très intrigué et très curieux.

-Et il a voulu faire connaissance.

-Voilà, je lui ai dit « appelez-la » mais il a tout de suite pensé au quatre-mains. Je crois que c’est seulement après qu’il alternera entre toi et moi.

-Ok.

-Sinon toi, tu t’es remise d’Agnès ?

-Tu sais quoi ? Elle m’a laissé un message sur le portable.

-Ah oui quand ça ?

-Le lendemain. Un message gentil, et elle m’a dit que le massage lui aurait réveillé la libido, et qu’elle avait couché avec un mec dans la foulée et ressenti les choses différemment.

-Ah mais ça plusieurs clients me l’ont dit. Et ceux qui sont un chouïa précoces, ben apparemment ça les aide ! Visiblement ça a des effets sur les nanas également.

-Qu’est-ce qu’on est douées…

-Tu l’as dit ma poulette ! Mais donc, Agnès ?

-Ben quoi, Agnès ?

-Tu as encaissé ?

-Mais oui, pourquoi ? C’est si incroyable ce qui s’est passé ?

-Moi je trouve, oui, mais si toi tu le vis normalement, tant mieux. 

-Je sens comme une pointe de doute …

-Disons que je ne sais pas si t’es dans un certain déni, ou si t’es juste super bien dans tes baskets, dans ta sexualité, et que cette séance ne te pose effectivement aucun problème.

-Je suis bien au sens où déjà je n’ai pas fait l’amour avec elle, où je connais mon orientation sexuelle et n’en doute pas, et puis l’homosexualité ne me dégoûte pas, donc le fantasme qui était le sien ne me choque pas et à la limite y avoir participé ne me pose aucun problème.

-C’est rationnel.

-Je sens toujours une pointe de doute.

-Non, non, mais c’est moi qui t’ai proposé de me rejoindre dans cette activité. Je me sens un peu responsable. Si ça devait merder pour toi, je m’en voudrais.

-Et tu penses qu’avoir fait jouir une femme est le signe avant-coureur que je peux merder ?

-Non. Je me dis juste que moi, je ne l’aurais pas fait. Mais ça ne veut pas dire du tout que c’est mal que tu l’aies fait. Encore une fois je n’ai aucun jugement moral. J’essaye simplement d’être sûre que c’est juste parce qu’on est différentes, et que tu ne te fourvoies pas dans une sorte de défi personnel.

-Bah au contraire, depuis un mois tout va mieux dans ma vie. J’ai plus qu’un seul cours particulier au lieu de trois ou quatre, j’ai pu arrêter le baby-sitting, j’ai un copain, j’ai pu me faire un peu plaisir et faire plaisir à Charlotte… ce serait stupide de partir maintenant dans un délire ou un défi ou je ne sais quoi !

-D’accord ma poulette. Mais dis-moi, tu ne devais pas revoir Nicolas ?

-Si, si, j’en reviens.

-C’est bien ce qui me semblait. Il est accroc à toi depuis l’autre fois.

-Il avait bien envie de me revoir en effet.

-Ça s’est bien passé ? Il voulait un body ?

-Voilà, mon premier toute seule.

-T’as refait ton petit saut de cabri sur la table ?

-J’ai même fait un numéro complet de gymnastique.

-Ah oui ?

-Je l’ai massé avec mes pieds, debout sur la table, et avec mes fesses.

-Oh la vache ! Tu l’as gâté !

-Oui ben j’ai mal aux abdos, maintenant.

-Tu m’étonnes. Tu t’es tenue comment sur la table pour faire le massage avec ton cul ?

-Euh, comme je pouvais, à quatre pattes en extension et j’ai fait des pompes inversées.

-Oui alors là moi j’essaye même pas. Ça t’est venu comment ?

-Je sais pas. Parfois j’ai des idées comme ça qui me passent par la tête. Et quand je suis Lola, bah bizarrement, rien ne m’empêche de les réaliser.

-…

-Ok je vois, c’est exactement ça qui t’inquiète.

-Tout juste, ma poulette.

-Je te promets d’y réfléchir.

-Très bien. Et donc Nicolas ? Au paradis ?

-Quand il a joui j’ai cru que les testicules allaient sortir avec le sperme.

-Je suis en train d’essayer de visualiser ton image, là…

-Enfin bref, ça allait pas trop mal pour lui.

-Dis donc, sur un autre sujet ?

-Oui ?

-Elles sont top, tes lasagnes !

 

Les femmes aimant toujours se faire désirer, nous arrivâmes avec un bon quart d’heure de retard au bowling où mon Éric et un grand black sympa nous attendaient. J’avais gardé ma tenue du jour, et à la façon dont Éric parcourut des yeux le mètre-quatre-vingt-un de féminité qui venait vers lui, je compris qu’à l’instar de Nicolas dans l’après-midi, il appréciait le pantalon beige dégageant mes chevilles et le col roulé blanc très près du corps. Mélanie avait une robe longue hivernale qui lui allait très bien mais qui s’avéra être la plus stupide des idées pour ce qui est de jouer au bowling. Le grand black s’appelait Marvin. Il avait des petites lunettes, me dépassait nettement, et était tout fin. Son visage respirait la gentillesse. Nous fîmes connaissance en descendant à la caisse puis en enfilant les chaussures spécifiques.

Ce fut un moment convivial et agréable. Un peu comme au paintball le week-end précédent, gagner ou perdre ne comptait pas. J’étais heureuse de retrouver Éric, qui était affecté par l’ambiance entre ses parents, dont le divorce semblait être l’issue inévitable des tensions actuelles, et Mélanie se montra ravie de se rapprocher de Marvin. Ses aventures avec Amine et Vincent ne lui suffisaient donc pas, et Éric et moi nous amusâmes de la voir lancée dans un grand numéro de séduction. Si la longue robe était plutôt un obstacle pour jouer correctement au bowling, sa coupe et sa texture en laine qui lui donnait un côté stretch, en faisait un excellent atout pour magnifier ses courbes et sa proie du jour n’en perdit pas une miette. Ce garçon était un ami d’enfance d’Éric, qui avait partagé certaines classes avec lui à l’école puis au collège, avant que des orientations différentes ne les éloignent géographiquement. Marvin vivait désormais près de Paris mais revenait de temps en temps dans sa province et en profitait pour faire le tour de ses amis, dont Éric était visiblement le principal.

Après quelques parties et quelques cocktails au bar nous rentrâmes tous les quatre. Sans la moindre surprise, Marvin s’engouffra dans l’appartement de Mélanie. Éric et moi nous retrouvâmes tous les deux dans mon studio. Il était préoccupé et je l’écoutai longuement se livrer et me raconter ses tourments familiaux. J’avais envie de faire l’amour. Mais je reconnus que le fait qu’il ne soit pas trop d’humeur m’arrangeait finalement. Ça me faisait bizarre de m’apprêter à coucher avec lui, quelques heures seulement après avoir fait éjaculer trois hommes, dont l’un allongée entièrement nue à ses côtés et livrée à ses bras. J’avais l’impression que l’huile de massage était encore sur mon corps, et que bien que celle-ci fût sans arôme, Éric trouverait un parfum, une texture, enfin quelque chose de louche. J’aurais bien sûr réussi à mentir, à expliquer que j’avais fait des soins, ou été me faire masser chez Yves Rocher… Mais à tout prendre je préférais mentir par omission que d’inventer une histoire. Je savais très bien que les mensonges s’accumulent jusqu’à ce qu’ils finissent par nous dépasser quand survient fatalement la contradiction.

 

De l’autre côté du mur, quelques gloussements étouffés nous firent éclater de rire. Éric fut le premier à rompre notre silence, déjà brisé par l’activité sexuelle de ma voisine méditerranéenne.

 

-Mais le mec avec qui elle était le jour où toi et moi on …

-… s’est embrassé pour la première fois…

-voilà… tu sais le grand gars un peu typé…

-Amine.

-Oui ! Bah elle ne sortait pas avec lui ?

-Elle couche avec lui, nuance.

-Donc là elle nous la joue bigame.

-Elle n’est pas mariée avec Amine. Même pas « avec » Amine, tout court. Et d’ailleurs depuis Amine, il y a eu Vincent. Et il y aura de nouveau Amine. Et visiblement pour l’heure, il y a Marvin.

-Y’en a du monde, qui passe dans son lit, dis donc.

-Aurait-elle tort ?

-Pas du tout. Les mecs qui la fréquentent sont dans le même état d’esprit ?

-Pour ce que j’en sais, oui. En tout cas Amine est exactement la version masculine de Mélanie. Et elle est honnête, elle n’aura pas raconté à Marvin qu’elle va l’épouser dès demain, t’inquiète pas.

-Oh je ne m’inquiète pas, il y a pire dans la vie que de s’envoyer en l’air avec Mélanie.

-Non mais dis donc toi !

-Je dis ça en toute objectivité, hein !

-Oui, tout comme tes fantasmes de douche partagée avec Serena Van der Woodsen.

-Avec qui ?

-Blake Lively.

-Ah oui, en effet.

-Tu sais quoi ?

-Dis-moi.

-T’as bien raison, elles sont canons toutes les deux.

-Mais toi alors… avant moi… ?

-Oulah ! Ça sent l’enquête de la brigade des mœurs.

-Et j’ai les moyens de te faire parler !

-Je n’en doute pas un instant.

 

Éric se rapprocha de moi. Nous avions papoté un long moment assis sur mon lit, et étions désormais allongés habillés l’un à côté de l’autre. Son visage était tout contre le mien et ses yeux me scrutaient avec tendresse mais curiosité.

 

-T’as eu aussi des moments comme Mélanie ?

-Tu veux savoir si j’ai accumulé les plans culs en t’attendant, c’est ça ?

-Je ne l’aurais pas dit comme ça. Non, juste où tu en étais vis-à-vis des mecs. Moi je t’ai pas mal parlé de ma dernière relation compliquée avec mon amie d’enfance.

-Rassure-moi, c’était pas Marvin ?

-J’aurais adoré, mais non.

-S’cuse, continue.

-Oui donc moi je t’ai raconté cette histoire et même quelques autres. Mais toi tu restes un peu secrète. Je le respecte, mais bon en même temps … j’ai envie de savoir. C’est con, hein ?

 

C’était tout sauf con. Et cette soirée s’avérait décidément riche en prises de conscience. Sans m’en rendre compte, ma double vie m’avait conduite à me barricader derrière un voile de mystère que j’entretenais afin que le moins de détails possibles ne pussent éveiller des soupçons chez Éric, dont j’avais très vite compris qu’il était pour moi bien plus important qu’une aventure de quelques jours. Ne voulant pas gâcher ce qui pouvait devenir une belle histoire, mon inconscient avait eu ce réflexe protecteur de ne pas livrer d’informations trop détaillées, m’enveloppant malgré-moi dans cette image énigmatique que soulignait mon petit ami pour la première fois, alors même que je l’avais longuement écouté, et pas uniquement ce soir, me parler de lui, de son ex, d’autres filles connues avant elle, de ses parents, de son enfance… J’étais une oreille attentive et empathique, mais ne renvoyais pas l’ascenseur des confidences qui permet à deux amoureux de se découvrir peu à peu. Pourtant, cela m’avait fait énormément plaisir qu’il fasse la connaissance de Charlotte. Mais Charlotte m’ancrait dans ma vie d’avant les massages, puisqu’elle-même n’était pas au courant de mes activités censurées. Je décidai de faire tomber les murailles.

 

-Non, c’est pas con. Avant toi j’ai vécu une histoire très importante avec un mec qui s’appelle Gaël. J’ai été deux ans avec lui. On s’est rencontré en fac, il a intégré la deuxième année de ma licence et on a été un couple solide pendant les deux dernières années. Il connaissait mes parents et Charlotte, je connaissais sa famille, la route commençait à se tracer. Et puis l’été dernier il a eu une opportunité assez phénoménale. Il avait fait un stage dans une boite canadienne qui a des bureaux en France, et une fois la licence en poche, on lui a proposé un job à Montréal. Et il a fallu choisir.

 

-Mais dans le choix il n’y avait pas la relation à distance, c’est ça ?

-Exactement. A une telle distance c’était vain d’essayer. Et nous n’avions ni envie d’interrompre, lui son début de vie professionnelle, moi mes études, et n’avions pas non plus le cœur à réclamer ce sacrifice à l’autre. Dans ces conditions il n’y avait plus qu’une issue.

-Tu étais très amoureuse ?

-Oui.

-Merci pour ta franchise. Ça a été dur ?

-Terrible. Tout s’est écroulé. C’était pas mon premier chagrin d’amour, mais après une histoire aussi sérieuse, si. J’ai été une espèce de loque pendant tout l’été. Mélanie s’est un peu occupée de moi pendant que je déprimais, histoire que je ne sombre pas totalement. En septembre j’étais plus ou moins opérationnelle pour commencer mon master et je me suis investie là-dedans.

-Telle que je la connais, Mélanie a dû essayer de te recaser.

-Non, elle a surtout essayé de me faire baiser.

-Oui, en effet. Elle a réussi ?

-Non. J’ai un peu oublié que j’avais une sexualité.

-T’as de beaux restes, cela dit.

-Ohh mais tu sais parler aux femmes, monsieur l’architecte !

-Bon ok je sors.

-Ça va, reste. Je le prends comme un compliment.

-C’en était un, cela dit. Nul, mais un compliment quand même…

-Donc j’ai bossé, j’ai bossé, j’ai bossé. Mes parents et Charlotte croyaient que je dépérissais, j’ai perdu du poids, enfin bon c’était pas la très grande forme. Au réveillon de Noël j’ai suivi Mélanie à une fête et je me suis laissé brancher par un mec, j’ai couché avec lui…

-Sans plus ?

-Je ne saurais même pas le reconnaitre si je le croisais.

-D’accord.

-Et puis février est arrivé. Et un soir où j’avais pas le moral et où je trainais dans un bar, un type a voulu me piquer ma bière.

-Tu y as gagné au change !

-Avec le type ?

-Non, avec son punch à la carambole.

-Ah c’était ça le goût discret qui faisait penser à de l’ananas ?

-Ouais.

-Ah ben voilà, je n’arrivais pas à identifier la chose. Je m’étais juré de percer le mystère, quitte à faire le sacrifice de mon corps en couchant avec toi pour te faire parler !

-Et maintenant tu vas m’éliminer et un nettoyeur viendra dissoudre mes restes à l’acide chlorhydrique dans ta baignoire.

-Il y a une vie après Luc Besson, tu sais.

-A propos, je t’accompagnerais bien dans ta douche, moi.

-Chiche ?

 

Quand le désir s’en mêle, se laisser aller est le meilleur remède contre les craintes, les appréhensions et les doutes. Éric et moi fîmes l’amour dans ma cabine de douche, enlacés, de l’eau dans les yeux qui nous coulait sur le corps dans un ballet de rigoles sexy. Quand il voulut attraper un préservatif, je le retins. Je n’avais pas envie qu’il sorte de la cabine. J’avais au contraire envie qu’il entre en moi. Tel quel. Lui, vraiment. Sa peau, sa chair. Nous nous étions suffisamment raconté nos vies pour savoir que nous pouvions nous faire confiance. Il savait que je prenais la pilule. L’heure avait sonné. Le ventre collé au mien par l’eau, la bouche mordant mes lèvres pour en extraire le goût, les mains lovées sous mes fesses, Éric me prit face à face et quand le plaisir nous inonda bien davantage que l’eau de ma douche, je sentis avec bonheur une onde de tiédeur m’envahir tandis que ses doigts se crispaient sur mes hanches.

 

Le lendemain matin, je fus tirée de mon sommeil comme dans un magnifique rêve lubrique. Dans mon dos, Éric m’avait prise dans ses bras. Par-dessus le coton mauve de ma nuisette, ses mains tentaient de réveiller mes seins en même temps que moi. Chez lui, en revanche, tout était en éveil ! Quelque chose de très dur poussait dans le bas de mon dos et cette sensation, autant que les caresses maladroites mais efficaces à cheval entre le décolleté et ma peau, liquéfièrent mon bas ventre. Il me dit bonjour à sa manière.

 

-J’en peux plus, ça fait une heure que je te regarde dormir, avec ta nuisette indécente…

-Elle est très jolie ma nuisette, je l’ai mise exprès parce qu’on dormait ensemble.

-Allumeuse.

-Et comment !

-Soit je te saute, soit je me branle, mais là je suis à bout !

-Va te branler, alors.

-Garce.

-Allez, il y a mieux à faire.

 

Je me redressai et soulevai ma nuisette pour l’enlever.

 

-Euh non attends…

-Tu veux que je la garde ?

-Euh oui, depuis une heure que je te vois dedans, là, j’ai bien envie …

-Voyez-vous ça !

-Ça te dérange ?

-Absolument pas.

 

Mon corps couvert d’une minuscule nuisette parme en coton, à fines bretelles et tellement courte qu’elle ne recouvrait que vingt centimètres de mes cuisses, vint se coller à sa peau moite d’attente libidineuse. Je l’embrassai toute langue dehors et ma main désormais experte empoigna le pénis qui frôlait le priapisme. Éric glissa une main entre mes cuisses et je sentis sa queue frémir d’aise quand il constata à quel point mon sexe était trempé. Nous nous caressâmes ainsi un très long moment et, sans m’en rendre compte, je fis subir à son gland quelques-uns des fameux mouvements éprouvants que j’avais pu tester sur mes clients, sa lubrification naturelle jouant le rôle de l’huile. Éric se tordit plusieurs fois de plaisir et, j’imagine, de surprise. Quand ses doigts quittèrent les lèvres grandes ouvertes de mon sexe ainsi que mon clitoris, je me demandai si une de ses anciennes copines lui avait déjà prodigué de telles caresses. Je différai le questionnement sans intérêt à plus tard, alors qu’il s’insinuait entre mes cuisses, le bas de ma nuisette relevé sur mon ventre, et que son dard entrait en moi, à nouveau sans intermédiaire plastique empêchant les sensations de se diffuser et les fluides intimes de se mélanger. Il se cabra et m’embrassa entre les seins, jouant avec le petit ourlet de dentelle qui tenait lieu de décolleté, puis d’intenses coups de reins m’envoyèrent sur une orbite salace. Echaudée par ce réveil, je jouis très vite, les mains retroussées autour de son cou, et mon amant se laissa aller, dressant son dos et son torse, une main sur ma cuisse, l’autre prise au piège sous la bretelle de la nuisette, pouce coupable contre mon téton, doigts emprisonnés, et il se répandit en moi.

 

Il partit vers 11h, après que nous eûmes projeté de se faire un resto en amoureux le lendemain soir, samedi.  Quelques minutes seulement après, Mélanie vint toquer. Je lui ouvrai.

 

-Ça y est c’est fini les ébats du matin ?

-Pour une fois que c’est toi qui m’entends et pas l’inverse.

-T’as dormi avec cette nuisette ?

-Oui pourquoi ?

-Ok donc il ne pouvait pas partir sans te faire ta fête, ou alors il est impuissant.

-Il ne l’est pas.

-J’ai entendu, oui.

-Marvin, gentil garçon, non ?

-Aucune idée.

 

Le sous-entendu me fit rire. Mélanie était venue m’informer qu’elle avait des copines de son cours de kiné à voir, et qu’on se retrouverait directement au local un peu avant 18 heures pour notre quatre-mains avec Axel. Quand elle fut partie, je me retrouvai seule avec Lola, prête à faire la bascule dans le sens contraire de la veille au soir et me fondre à nouveau dans le personnage de la masseuse érotique, les allers et retour accélérés entre mes deux visages tissant une toile de plus en plus tendue sur mon quotidien, sans que je ne sache encore laquelle des deux filles elle emprisonnait.  

 

All the lovers

That have gone before

They don’t compare to you

Don’t be running

Just give me a little bit more

They don’t compare

All the lovers

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire.
Vous lisez