Chapitre 25

Notes de l’auteur : Elara et Lirion continuent leur aventure... Sur la route du rhum pendant l'happy hour.

MAJ : 20 juin

Poste de garde, Citée d’Alenvel – Brocéliande

 

Elara relisait avec plaisir un des multiples carnets qu'elle avait noircis lors de son passage à la grande bibliothèque d’Alenvel tout en écoutant Lirion jouer un morceau pendant que leur monture était harnachée et chargée de leurs bagages.

 

D’après lui, la reine ne tarderait pas à convoquer ses gardiens à la capitale, et il n’était pas question qu’il y aille seul. Il avait suggéré une visite chez son oncle pour glaner des informations et lui montrer la ville où il avait grandi.

— Prête ? Demanda-il en l’embrassant.

— Oui, répondit-elle en se dirigeant vers le Lannluch.

Lirion l’aida à grimper sur la créature mille pattes géante et frotta son nez dans le cou d'Elara puis se métamorphosa en oiseau pour guider la monture.

La sensation d'ondulation quand la créature se déplaçait ne plaisait pas trop à Elara, mais une sorte de selle improvisée avait été ajoutée pour rendre le voyage plus plaisant.

Les Lannluch étaient apparemment des sprinteurs hors pair qui offraient leur dos pour voyager dans tout Brocéliande. En contrepartie, les Korrigans qui étaient malins, avaient installés des sortes de relais un peu partout pour que les Lannluch s'y arrêtent.

Ils étaient très vaniteux et aimaient que leur carapace formée de petites plaques articulées à la manière d'un tatou soient bien lustrées, car chaque clan avait une couleur particulière qu'ils voulaient exhiber. Ils passaient leur temps libre à se prélasser dans les sous-bois frais, humides et sombres et leurs excréments servaient de compost naturel apprécié des cultivateurs.

Elara termina de prendre des notes alors qu'ils étaient à mi-chemin de leur périple.

Elle avait profité du trajet rapide qui la contraignait à s'agripper à la selle pour bombarder Lirion et sa monture de questions.

Une fois arrivée au grand pont menant à la presqu'île qui était la capitale, le Lannluch partit se faire dorloter par un couple de korrigans bavards.

Tous les dessins, gravures ou représentations de la citée d'Ys qu'Elara avait vu à la grande bibliothèque d'Alenvel ne rendaient pas justice à la beauté et la grandeur de la splendide citée.

Elle était époustouflée et Lirion lui fit une visite rapide des grands axes et différents quartiers représentatifs de la ville.

Ils s'arrêtèrent dans un bar étudiant « Ysgol Adar»  où de jeunes Brocéliandins prenaient un pot après leurs cours.

Elara avait l'impression de voir des élèves de Poudlar en version « monde féerique» prendre une bière au beurre.

Toutes les populations se mêlaient dans le bar : des korrigans échangeaient des rires, des fées voltigeaient autour des luminaires, des hommes batraciens bavardaient dans un coin, tandis qu'une créature terrifiante ressemblant à un loup-garou patrouillait, surveillant les environs. En hauteur, des dizaines d'oiseaux perchés picoraient des graines et observaient l'agitation de la salle. Parmi eux se trouvaient deux Tylwyth Teg rouges, l'espèce aviaire la plus familière à Elara.

Lirion regardait une petite scène au fond de la salle, nostalgique.

— C'est ici que j'ai donné mes premiers concerts, quand j'étais étudiant, dit-il. Mon père était totalement contre, mais un de mes oncles me couvrait et j'ai passé les meilleurs moments de ma scolarité ici.

— C'est sympa, j'ai aussi des souvenirs étudiants, même si j'étais souvent à la bibliothèque.

— Pourquoi ça ne m'étonne pas.

— He ! Je me faisais pourtant inviter régulièrement.

— Pour attirer les garçons ?

— P.…peut-être, je me faisais souvent draguer. Mais je ne me suis intéressé aux garçons que très tard, j'aimais tellement ce que j'étudiais que je m'étais mis comme objectif de passer mon master en sautant un maximum d'années. 

— Pourquoi est-ce que tu voulais être diplômée avant ?

— Ne te moque pas, mais quand j'étais gamine je voulais une famille nombreuse, pour ne plus être seule et que mes parents aient plein de petits enfants, puisque nous étions que nous trois. Alors je voulais faire un métier qui me plaise et bien gagner ma vie au plus vite pour fonder une grande famille. Mais plus je vieillissais et plus je me disais que c'était un idéal qui n’était pas réaliste.

— Mais tu devais avoir du succès.

— J'avais surtout une réputation de recluse. J'ai passé mon master à vingt et un ans en candidat libre et j'ai même été assistante de professeurs alors que d'anciennes copines étaient encore étudiantes dans la classe où je donnais des conférences. J'étais la fille carriériste qui ne voulait pas se mélanger aux autres à leurs yeux. J'ai commencé à me faire des amis quand je travaillais et que ma réputation d'anthropologue s’est stabilisée vers vingt-six ans je crois.

— Est-ce que tu m'en voudras si je pense égoïstement que je suis content que tu te sois concentré sur ta carrière ?

— Pourquoi je t'en voudrais, je trouve ça mignon. Puis c'est mon cheminement. Je ne serai pas celle que je suis aujourd'hui si j'avais décidé de sortir danser ou boire des verres pendant mes années étudiantes.

— Est-ce que tu veux que je te montre mes bars préférés où j'ai joué en secret ?

— Oui. Est-ce que c'est une stratégie pour me faire boire ?

Il sourit et l'attrapa pour l'embrasser.

— Je n'ai pas besoin de te faire boire. Et ce n'est pas sous l'emprise de l'hydromel que je gagnerai ton respect ou ton amour.

Elle rit et lui caressa la lèvre inférieure de son pouce.

— C'est vrai. Montre-moi ton passé secret en pleine prohibition. Les anarchistes rebelles éveillent toujours une petite flamme dans mon cœur.

— Tu me rends dingue ma chérie.

— Je suis cinq fois plus jeune que toi, tu devrais pouvoir me gérer, répondit-elle fièrement se levant face à lui une main sur la taille.

— Tu me fais perdre mes moyens, je n'y peux rien.

Elle arborait un grand sourire faisant pétiller ses yeux verts.

— Allons voir ta route du rhum avant la fin de l'happy hour.

— Ça n'existe pas ici. 

Elle lui lança un regard taquin et il se rendit compte qu'elle le savait parfaitement, elle jouait avec lui.

Ses sentiments pour elle devenaient de plus en plus durs à contrôler au fur et à mesure qu'elle sortait de sa mélancolie, lui présentant le meilleur d'elle ; son caractère doux, mur, réfléchis et sa détermination. Il sentait ses tripes se serrer en imaginant qu'elle pouvait le rendre plus amoureux que ça, elle était dangereuse et il voulait y succomber.

 

Arrivés au troisième bar le « Gwreiddiwn i'r Awyr» , dans le quartier vertical des oiseaux, ils en profitèrent pour dîner. La vue de la ville la nuit était enchanteresse et son Elara, les joues rosies par l'alcool, partit reprendre du vin au bar.

Partout où ils étaient passés, ils avaient entendu la rumeur comme quoi l'Ankou, leur représentant du croque mitaines avait trouvé une épouse, c'était l'actualisé du jour.

Puis plusieurs patrons et clients l'avait reconnu et Elara s'était fait enivrer par eux pendant qu'il donnait quelques représentations en l'honneur du bon vieux temps, fêtant sa réussite comme gardien.

 

Alors qu'elle discutait au comptoir avec une harpie aux cheveux d’un rouge flamboyant nommée Aeronwy, un groupe de mâles et femelles de la même espèce entra dans l’établissement, attirant le regard de la plupart des clients.

 

Une femelle harpie se dirigea confiante vers Lirion qui descendait de scène, mettant en avant son opulente poitrine.

— Oh ! Ça faisait longtemps que je n'avais pas vu de Drindod, s’exclama la harpie prenant une pause aguicheuse.

— Je suis accompagné et si vous cherchez des hoper de ma lignée vous avez l'embarras du choix, répondit sèchement Lirion, qui maudit ses cheveux si reconnaissables.

 

Elara qui avait vu la scène interloquée, revint vers Lirion, une coupe dans chaque main, suivit de sa nouvelle amie.

Alors qu'elle s’apprêtait à prendre le bras du Hoper clairement agacé, un coup d’aile de la harpie la fit reculer.

Aeronwy rattrapa Elara avant qu'elle ne perde l'équilibre, puis s’interposa entre les deux femmes, voyant que ça risquait de dégénérer.

— Dites-moi, vous chassez les hoper en couple maintenant ? demanda sarcastiquement la flamboyante.

— Quoi ? C’est toi sa compagne ? demanda la harpie en poussant un sifflement outré, faisant gonfler ses plumes dorsales.

— Non, c’est moi, répondit Elara en se faufilant entre les deux grandes silhouettes ailées.

L’aguicheuse détailla la jeune femme d’un œil mauvais et lui arracha la médaille qui pendait à son cou, la jetant par terre.

— Ne crois pas que ça te protégera de tout ! Les humains n’ont rien à faire ici, cracha la harpie.

Lirion tenta de s’interposer, furieux, mais Elara le retint du plat de la main.

— Et pourquoi donc ? Qu’est-ce que vous nous reprochez ? interrogea-t-elle d’une voix ferme, bien que ses jambes flageolantes trahissent son inquiétude.

— Les humains ne feraient que diluer notre pureté. Imaginez un croisement entre un Hoper et une humaine : cela donnerait un être difforme, sans ailes, à coup sûr, répliqua la harpie en riant, adressant un regard à ses amis à plume qui venaient de la rejoindre.

— Ou dépourvu de magie, je parie, ajouta un mâle au plumage sombre, dévisageant Elara avec dédain.

 

Lirion se plaça à côté de l’humaine, rabattant son bras sur son épaule de manière protectrice.

— C’est à cause d’idiots dans votre genre que nous vivons encore en décalage avec le reste d’Aldaria, les humains ont beaucoup à nous apprendre, répondit Aeronwy en fixant la harpie. Ils valent mieux que certaines qui cherchent juste le meilleur mâle reproducteur.

— Comment ôse-tu Aeronwy ! Ta remarque ne restera pas impunie, s’offusqua la harpie.

— A ton avis, répliqua Lirion d’une voix glaciale, quelle serait ta punition pour avoir attaqué la compagne d’un gardien ?

La harpie à la forte poitrine écarquilla les yeux et recula de deux pas.

— Tu es Lirion Drindod ? demanda le mâle ailé en tirant la harpie derrière lui.

— Oui et toi, qui es-tu ? l’interrogea Lirion.

— Personne…Nous… Allons-y, s’adressa-t-il au groupe qui commençait à reculer, à l’exception de la bimbo qui fulminait, criant "qu'elle ne remettrait plus une plume dans ce bar miteux".

 

Les harpies sortirent du bar avec fracas, humiliés devant les clients.

 

Aeronwy roula des yeux et Lirion resserra ses bras autour d’Elara.

— Ne t'inquiète pas, ils ne sont pas méchants, juste un peu étroits d’esprit, dit Aeronwy d’une voix légère, en lui ramassant sa médaille.

Elara douta qu’elle s’en sorte indemne si elle un jour elle se retrouvait seule avec eux, mais ne dit rien, pour ne pas envenimer la situation et décida plutôt de changer de sujet.

— Je te présente Aeronwy qui travaille au Palais comme chercheuse, on a le même genre de spécialité, dit la brunette en se tournant vers Lirion.

— Nous nous connaissons déjà ! les Drindod fréquentaient régulièrement le Palais, lui répondit-il.

— J’aurai dû m’en douter… Vu votre longévité et depuis le temps que tu es gardien, tu as été souvent convoqué par la Reine.

Il lui sourit puis fixa Aeronwy.

— Merci de les avoir chassés, dit enfin Lirion qui avait retrouvé son calme.

— C’est surtout pour Elara que j’ai fait ça, je n’ai pas encore eu d’échantillons de ses cheveux ou autre ! répondit-elle d’un air taquin.

Cette dernière éclata de rire devant cette tentative d’humour, et ils terminèrent leurs verres en discutant des progrès génétiques sur Terre, un sujet qui fascinait la harpie mais que Lirion avait du mal à suivre. Il attendit qu’Elara commence à dodeliner de la tête de sommeil pour encourager Aeronwy à les laisser seuls.

Elle se tourna une dernière fois avant de partir.

— Ah ! Fais attention, Lirion. Il se passe pas mal d'événements inhabituels en Brocéliande en ce moment. Je l’ai entendu de Dùil Drindod !

C’était le nom de son oncle, qu'il comptait justement visiter le lendemain.

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Bleumer
Posté le 25/04/2024
Pas grand chose à dire, comme ça peut arriver, mais on a une ellipse d'une semaine. Il faudra donc qu'on ait la semaine des autres filles pour éviter de rendre la chronologie encore plus confuse.
En parlant de confusion, la scène avec les harpies l'est un peu justement: Combien rentrent dans le bar? Qui va parler avec Lirion? Avec Elara? Le fait qu'elles appartiennent à la famille de la "Trinité" nous fait induire qu'elles sont trois, mais est-ce le cas? On est un peu confus...
Papayebong
Posté le 21/06/2024
Bonjour Bleumer,
le chapitre a été remanié, j'ai bien compté tous les jours depuis le début de l'histoire pour que tout arrive à point nommé dans la chronologie quand on parlera de vider le chalet d'Elara.
J'ai retravaillé le passage sur le bar, pour que ce soit plus clair et pour intégrer la notion de haine des humains. Effectivement tous les Brodéliandins n'accueillent pas les humains à bras ouverts et c'est un point important qu'il fallait développer car on ne le ressentait pas assez dans mes écrits (Garen en parle, Calys aussi comme tu me l'as fais remarqué, mais ça passe "trop vite").
j'ai laissé tombé l'idée de la trinité, c'est un élément de background qui ne sera pas traité.
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