Chapitre 25 : Intervention d'urgence, frais supplémentaires et mutilation.

[ 1 ]

Début juin. Yerin était au téléphone avec un de ses cousins éloignés. Un certain Kim Jae-il. Il avait des problèmes avec des élèves de son école. Des harceleurs. Il n'était pas entré dans les détails, ce que Yerin pouvait comprendre. Personne n'avait envie de s'étaler sur les humiliations qu'on leur faisait subir. Tout ce qu'elle savait c'était qu'ils étaient grands, forts, et terriblement cruels. Ils faisaient souffrir leurs camarades de classe de façon atroce et personne n'osait leur tenir tête. Ces ordures méritaient un tour en prison, mais ils étaient couverts par les adultes de l'école, du fait de leur statut et de la pression des parents qui étaient tout aussi pourris.

— Je vais voir ce que je peux faire. Je te rappellerai.

— C'était qui ? demanda Jong-goo en jetant un œil par-dessus son épaule.

— Jae-il. Un de mes cousins éloignés. Il est en huitième année au collège. Il y a des élèves de sa classe qui lui font la misère. Et pas qu'à lui, apparemment.

— Tu veux que je m'en occupe ? Il est riche, ton cousin ?

— Probablement. Son père est chef d'entreprise. Je crois qu'il est sous-traitant pour une des sociétés de mon père.

— Je veux bien faire une intervention, mais dis-lui bien que mes services ne sont pas gratuits. S'il veut que je dératise son école, va falloir me payer. Et bien.

— Tu ne penses vraiment qu'à l'argent, soupira Yerin. Tu veux combien ?

— Un million de wons par tête. Cash. Hors frais supplémentaires.

— Tu veux le saigner, le pauvre ?

— Je trouve que c'est un bon investissement pour ne plus jamais se faire racketter de sa vie. Combien tu crois que ces raclures lui extorquent chaque jour ?

— Vu comme ça... Je vais le rappeler et je te dirai.

[ 2 ]

Yerin avait accompagné Jong-goo. Juste au cas où.

— Tiens ! Voilà Jae-il.

— Hey ! fit son cousin en les saluant avec de grands signes de la main. Yerin ! Tu es là ! C'est lui, le gars dont tu m'as parlé ?

— Oui.

— Tu peux m'appeler Goo.

Jae-il ajusta ses lunettes. Il était sous le charme. Ce mec avait l'air beaucoup trop cool. Et super fort aussi. Yerin avait de la chance d'avoir un ami comme lui. Ou bien peut-être qu'il sortait ensemble ? Les mecs étaient toujours prêts à faire une bonne action pour frimer devant leur copine. Est-ce qu'il pourrait se trouver une copine un jour, lui aussi ? Ce serait bien...

— Dis, ça t'embête si je dis aux autres que t'es mon cousin, toi aussi ? demanda-t-il avec des étoiles plein les yeux.

— Pas si tu me payes. Ce sera cinq cent mille wons supplémentaires.

— Euh... O-ok. Tu veux que je te donne l'argent maintenant ?

— Non. Après. On ne sait jamais. Pourrait y avoir d'autres frais supplémentaires.

Yerin secoua la tête en signe de désapprobation. Ce monstre assoiffé d'argent était vraiment irrattrapable.

— Je vous attends ici. Appelez-moi si y a un souci. Et Jong-goo, vas-y mollo. On est là pour aider Jae-il, pas pour mettre toute l'école sens dessus dessous.

— J'te promets rien, mais j'essayerai de faire ça vite et sans vagues.

[ 3 ]

Sans vagues, mon cul.

C'était un véritable tsunami qui avait ravagé la salle de classe. Trois caïds étaient en train de torturer deux pauvres gamins deux fois plus petits qu'eux. Jong-goo avait une image en tête. Celle de gamins cruels qui faisaient cramer des fourmis avec une loupe. Ces mecs ne voyaient pas leurs victimes comme des humains, mais comme de vulgaires insectes.

Puis il y avait la majorité silencieuse. Tous les élèves à leur bureau, le dos tourné, les yeux fermés, les oreilles bouchées. Ils avaient peur d'être les prochains sur la liste s'ils intervenaient.

— T'es qui toi ? s'exclama une des trois brutes. Hé, la cigale ! C'est toi qu'a ramené ce trouduc ?

— La cigale ? fit Jong-goo avec étonnement. C'est ton surnom ? Pourquoi la cigale ?

Jae-il baissa la tête, les poings serrés et les larmes aux yeux. Il n'avait rien fait de mal, mais il avait tellement honte. Tellement honte qu'il aurait voulu disparaître dans un trou et ne jamais en ressortir. Tellement honte qu'il aurait pu mourir. Il n'oublierait jamais comment ils l'avaient obligé à grimper à un poteau en sous-vêtements et à chanter à tue-tête jusqu'à ce qu'il s'épuise. S'il glissait ou tombait du poteau, il se faisait battre.

Et comme si ce n'était pas suffisant, ils filmaient et faisaient tourner la vidéo entre eux.

Ils lui prenaient son argent tous les jours et se servaient de lui comme d'un coursier. Ils l'envoyaient courir à gauche à droite pour leur acheter des snacks à la pause ou leur ramener leurs affaires pour le cours suivant. Il devait laver et repasser leurs tenues de sport pleines de sueur et cirer leurs chaussures en les léchant pendant qu'ils écrasaient leurs mégots de cigarettes sur sa tête. Il ne pouvait rien dire. S'il refusait d'obéir à leurs ordres, ils le menaçaient de poster ces vidéos humiliantes sur les réseaux sociaux. Pourtant, il pouvait s'estimer heureux. Lui, au moins, il n'avait pas fini comme Lee Eun-tae...

— Laisse tomber, dit alors Jong-goo. J'ai pas besoin de savoir. Je suis là pour me faire du fric, pas pour jouer les confidents.

— On t'a posé une question, connard ! T'es qui ? Tu sors d'où ?

— Moi ? Je suis un scélérat, comme vous. Et je suis là pour vous casser la gueule, petits merdeux.

— La cigale, t'as perdu la tête ! J'arrive pas à croire que tu sois allé pleurer dans les jupes de ce rigolo. Tu veux mourir ?! Joo-bin, règle-lui son compte. Grouille, avant que les profs rappliquent.

D'un coup de pied dans le ventre, Jong-goo fit voler le dénommé Joo-bin à travers la salle. Il percuta le mur et s'effondra sous la fenêtre, trop sonné pour se relever immédiatement.

— À qui le tour ?

Un mec en survêt rouge leva les poings dans sa direction.

— Hé ! Jae-il. Le gros lard là, il a l'air lourd. Ce sera cinq cent mille de plus.

— Hein ? D'accord, mais t'es sûr que tu peux les prendre tous les trois ?

C'était du vol, mais le plaisir de voir ses bourreaux se faire défoncer valait chaque won dépensé.

— Pour le juste prix, je prends qui tu veux où tu veux.

Le gros lard lui balança son poing. Trop lent. Trop lourd. Sa garde était complètement ouverte. Quelle vaste blague. Jong-goo ne s'était même pas donné la peine de sortir les mains de ses poches. Un coup de genou dans le nez, suivi d'un coup de pied bien senti dans les bijoux de famille. Sa victime tomba à terre en se tordant de douleur. Deux de moins. Il n'en restait plus qu'un. Le meilleur pour la fin.

[ 4 ]

Jong-goo se tourna vers le chef de cette petite bande de dégénérés. Il s'appelait Hoon. Ce gars-là, il avait quelque chose de différent. Ce n'était pas un harceleur ordinaire. Il avait un regard de psychopathe. Et il était armé.

— Hé ! Jae-il. Les armes c'est cinq cent mille wons supplémentaires.

— Encore des frais ? Je vais être ruiné à ce rythme-là...

Pour la première fois depuis qu'il était entré dans la salle de classe, Jong-goo s'intéressa aux deux gamins qui tentaient de tenir tête à leurs agresseurs. L'un d'entre eux avait encore les poings levés devant lui, prêt à en découdre.

C'était un petit maigrichon sans une once de force en lui, mais il avait un regard incroyablement déterminé. Le courage à l'état pur. Ce gamin avait osé tenir tête à ses bourreaux pour protéger son ami. Il n'avait aucune chance de gagner, mais il était prêt à se battre jusqu'au bout. Il irait loin dans la vie.

— Hé ! Toi, là-bas. C'est quoi ton nom ?

— Lee Eun-tae. Et lui c'est mon ami, Park Beom-jae. Tu veux nous frapper, toi aussi ?

— Ha ha ! Non. Je ne suis pas là pour vous. C'est eux qui t'ont fait ça ?

Jong-goo désigna les marques de mutilations qui couvraient le corps du pauvre garçon. Ces salauds avaient utilisé un stylo à tatouage pour graver des gros mots et des dessins obscènes sur son corps. Les plaies étaient encore rouges et sanguinolentes. La tragédie que craignait Yerin s'était déjà produite.

Il jeta un coup d'œil vers le coupable. Il tenait l'arme du crime entre les mains. Un stylo de tatouage dans l'un, et un cutter dans l'autre. Grave erreur.

— Jae-il. Oublie les frais supplémentaires pour les armes. C'est la maison qui offre.

— C-comment ça ? Pourquoi tant de générosité tout à coup ?

— ll y a une arme... et il y a une victime. Tu sais ce que ça veut dire ? Ça veut dire que je n'ai plus besoin de me retenir. J'ai la justification parfaite pour battre ces ordures à mort !

Un large sourire malsain éclaira son visage déformé par la cruauté.

— Ta gueule, connard ! Je vais te planter ! Crève !

Alors que la racaille se jetait sur lui avec son cutter, Jong-goo le frappa au visage avec une chaise qu'il venait d'attraper à la volée. Son adversaire tomba à genoux, la bouche en sang.

— C'est pas très fairplay ça, d'utiliser une lame.

— Tu m'as pété les dents, putain de merde ! Tu vas me le payer ! Pose cette chaise ! Pose-là !

Jong-goo esquissa un sourire cruel. Il leva la chaise au-dessus de sa tête puis l'abattit avec force sur la tête de sa victime. Les yeux révulsés par la peur et la douleur, Hoon toussait et crachait du sang. Jong-goo s'agenouilla près de lui et lui tira la tête en arrière. Il lui avait bel et bien pété les dents, mais ce n'était que le début.

— C'est avec cette main que tu comptais me planter ? Y a un gars dans mon école qui a voulu me planter une fois. Je lui ai brisé tous les doigts. Comme ça.

Jong-goo se releva puis lui piétina la main avec violence. Hoon hurlait de douleur alors que ses phalanges cédaient sous les coups de talons. Il abattait son pied avec force, encore et encore, jusqu'à ce que sa main soit réduite en bouillie. Serrant sa main déformée et ensanglantée près de sa poitrine, sa victime le dévisageait avec crainte et animosité.

— Putain. Merde... gémit Hoon. Pourquoi tu fais ça ? Qu'est-ce qu'on t'a fait ? On te connait même pas...

— Tu ne sais pas pourquoi je fais ça ? Vraiment ? Ce que tu as fait à ces gamins. Je te fais exactement la même chose. Je te tabasse et je te mutile sans raison. Parce que je suis plus fort que toi et parce que c'est drôle. Toi et moi on est pareil, on se comprend. On n'a pas besoin de raison pour défoncer quelqu'un. Il suffit d'en inventer une !

Une pensée traversa l'esprit du bourreau devenu victime. Il allait mourir. Si quelqu'un ne venait pas à son secours, ce démon allait le tuer. Il n'était qu'un cafard sous la chaussure de ce monstre sanguinaire. Il avait tellement peur qu'il était presque certain de s'être pissé dessus, mais il s'en fichait. Il avait tellement peur pour sa vie qu'il n'avait même pas le luxe de se sentir humilié. Il voulait juste qu'on lui laisse la vie sauve.

[ 5 ]

Les professeurs avaient fait irruption dans la salle de classe, mettant aussitôt fin au carnage.

— Q-qui a fait ça ? s'écria le professeur principal. Où sont les coupables ?! Dénoncez-vous !

— Bonjour ! les salua Jong-goo avec un grand sourire. Je ne fais que passer, ne faites pas attention à moi. Je n'ai aucune idée de ce qu'il s'est passé ici. C'était pas moi.

— C'est pas vrai ! protesta une des victimes. C'est lui qui nous a fait ça ! Il a débarqué de nulle part et il nous a tabassé sans raison. Il a failli nous tuer ! Il est même pas de cette école !

— C'est vrai ? Jeune homme, suivez-moi. Nous allons tirer cette histoire au clair dans le bureau du principal. Et vous aussi, là-bas. Oui, oui. Tout le monde.

— Je veux bien vous suivre, mais vous permettez que je passe un coup de fil d'abord ?

— Hm. Très bien, mais faites vite.

C'était partout pareil. La direction aurait dû appeler la police, mais cela aurait terni la réputation de l'établissement. Ils ne voulaient même pas avertir les parents. Ils préféraient étouffer l'affaire et forcer les élèves à trouver un accord à l'amiable. Ce n'était pas plus mal. Jong-goo ne tenait pas spécialement à ce que la police soit impliquée. Il préférait faire profil bas.

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