Chapitre 25 - Manon

Notes de l’auteur : Bonjour ! Voici le vingt et cinquième chapitre ! J'espère qu'il vous plaira :) Je compte sur vous pour me lire et me donner votre avis ! :)

Putain.

Putain.

Putain de merde.

Je ne suis pas assez forte mentalement.

Je me doutais qu’elle allait revenir.

C’est comme une mauvaise herbe, elle revient toujours. Et cela malgré la tonne de désherbant que je mets.

C’est comme la chute d’une montagne russe. Inévitable.

Chaque instant de bonheur, chaque pansement que je mets sur mon coeur, est arraché par elle. Comme un détraqueur ayant peur que sa victime commence à ne plus ressentir que de la peur.

Son SMS m’avait pourtant prévenu. Elle revient. Mais entre tous ses mensonges, je pensais qu’il en s’agissait d’un à ajouter à la longue liste. Cependant, si j’étais déçue de ne pas les voir se réaliser étant plus jeune, je suis maintenant agacée de voir qu’elle tient parole. Comme quoi, les choses changent vraiment. Mais pas ma rancoeur.

Elle m’a vu.

Et je ne peux pas retourner en arrière.

M’enfuir.

Pourtant c’est ce que ferait n’importe qui face à son pire cauchemar.

Je suis juste tétanisée.

Elle est là devant moi. Dans son putain d’ensemble rose pâle avec des escarpins blancs. Sans oublier, ses cheveux javellisés mis en avant avec un serre-tête de perles. Toujours aussi longiligne, toujours parfaite de la tête au pieds.

Devant ma maison.

Mon royaume.

Mon havre de paix.

Ma putain de forteresse.

Et comme toujours, elle brise une de mes certitudes.

J’inspire un bon coup, je me doute que je ne pourrais pas éternellement l’éviter. Même si je ne peux pas l’empêcher de venir chez moi, rien ne m’oblige à lui adresser la parole. Je passe donc devant elle tout en me retenant de lui donner un coup de sac. Ce serait un terrible accident si je glisse après tout ma maladresse est connue de tous. Mais je ne fais rien, parce que je suis faible.

Mais qu’est-ce qu’elle fout là ?

- Je dîne avec ton père et toi ce soir.

 

Et maintenant, elle peut lire dans mes pensées. Ca ne m’étonne pas venant d’une sorcière. Sans m’arrêter; je déverrouille la porte. Je me félicite mentalement de ne pas trembler. Je ne suis peut-être pas foutu, finalement.

- Ce sera donc lui qui t’ouvrira, lui dis-je en lui claquant la porte au nez.

- Ca ne m’étonne pas de toi.

 

J’allais me faire taper sur les doigts par mon père, je n’ai pas été élevée comme ça. Mais bon qu’est-ce que ça fait du bien de lui fermer son clapet. Je n’ai que quelques minutes de répit, dès que j’atteins ma chambre, j’entends mon père rentrer. A l’inverse de ce que je pensais, il ne me demande pas pourquoi je n’ai pas ouvert à l’autre mégère. Il me laisse même tranquille, venant juste toquer à deux reprises. La première pour me dire bonjour après cette journée sans m’avoir vu. Et la deuxième pour me dire que le dîner est prêt et qu’il est l’heure de descendre.

Le moment où je traverse le salon est le pire. J’ai l’impression de faire un retour en arrière et d’être de nouveau une petite fille sans défense. Pourtant rien d’effrayant ne se trouve dans ce salon lumineux et sur cette table bien dressée pour l’occasion. La table blanche est recouverte par une épaisse nappe vert sapin assorti avec des serviettes. Les verres sont alignés, triés par ordre de grandeur, encadrant les assiettes, elle-même disposés sur des sets de table noirs. Comme à son habitude, ma place est située aux côtés de mon père. Chose qui ne change pas depuis cinq ans. Depuis son départ. Elle nous attend, assise à l’autre bout comme si nous pouvions lui refiler la lèpre si nous étions trop proche. Toujours droite comme un I, attendant qu’on la serve comme une princesse. Une princesse avec une règle implantée dans le … dos. Voyons…

- Mon chéri, tu es toujours aussi beau. Le costume te va toujours autant, c’est incroyable.

 

Je vais vomir.

Mon père rougit comme un bleu et se gratte la tête tout en regardant sa tenue de tous les jours. Comme toujours, il porte son pantalon de costume noir, en fonction des jours, chose qui se différencie des autres professeurs de sport que l’on a tous connu au collège qui ont trois ensemble de jogging qu’ils portent tous les jours. Le sport est une institution chez lui, le costume est donc obligatoire le vendredi, même pour les joueurs. Je l’entends encore m’expliquer quand j’étais petite pourquoi il s’habillait aussi sérieusement : “si on souhaite qu’ils nous prennent au sérieux, il faut leur montrer que nous sommes sérieux. La tenue est toujours ce que les gens voient en premier, il faut donc mettre le pâté pour les impressionner.”

- Et toi, tu n’as visiblement pas fait d’effort sur la tenue, dit l’intruse en me jaugeant de la tête au pieds.

 

Je suis plus mature qu’elle, ça ne sert à rien de rentrer dans son jeu. Je me force à faire un petit sourire et à m’installer à ma place. A mes côtés, mon père s’installe et nous sert les différents aliments. Je me réfugie dans un silence, que je souhaiterai éternel et concentre mon attention sur mon plat.

- Damien, je suis ravie de te revoir. Tu m’as énormément manqué, ton équipe se porte bien ?

- C’est … sympa de te voir aussi. Oui les gars se portent bien, on fait une très bonne année et on part demain en voyage pour le championnat.

- J’ai suivi votre parcours, tu passes d’ailleurs toujours aussi bien à l’écran, dit-elle en faisant un rire aigu. Tu te souviens quand l’on était parti en voyage de noces et que sur toutes les photos et vidéos tu illuminais l’espace. Surtout la photo où tu avais le soleil derrière toi, c’était comme si un ange avait été photographié.

 

Se remémorant ce souvenir heureux, mon père s’esclaffe.

- Oh et la fois où on était au restaurant et les serveurs n’arrêtaient pas de nous remplir nos verres dès que l’on buvait une gorgée. C’était hilarant, tu te faisais un défi de finir ton verre avant qu’ils n’aient eu le temps de le remplir, son rire rejoint celui de mon père.

 

Elle pousse un petit soupir, en ajoutant :

- Qu’est-ce que l’on était bien tous les deux.

 

Mon père ne remarque pas. Il n’entend pas non plus le violent impact que vient de prendre mon coeur. Je pose mes couverts au travers de mon assiette, ne pouvant plus rien avaler. Je me doute de l'épiosde qui va suivre. Je me force à relever les yeux pour observer mon père. C’est une erreur que je peux ajouter à la longue liste de mes conneries. Il étincelle, son regard heureux passe de ma mère à moi. Ce qui me fait encore plus mal. Je sais qu’il voudrait tellement que l’on s’entende bien, que tout redevienne en ordre. Lui n’a jamais eu de problème avec notre famille, ce n’est qu’un dommage collatéral qui a dû choisir entre deux amours.

Et je m’en veux. Une pluie de culpabilité me submerge. Ma gorge devient sèche, tandis que je vois s’échanger un regard plus que sous-entendu entre mes deux parents. Ma mère coupe enfin son contact visuel et daigne poser son regard sur moi.

- Tu ne manges plus, Manon ?

 

Elle reprend avant même que je n’ai le temps de répondre.

- Tu as raison de surveiller ton alimentation, tu pourrais perdre du poids. Tu sais à ton âge, j’étais déjà avec ton père et on était ensemble les meilleures versions de nous-mêmes. Si tu faisais des changements dans ta personnalité et sur ton apparence, tu pourrais peut-être trouver quelqu’un qui veut de toi.

- Si cela ne te dérange pas, j’aimerais bien éviter d’entendre tes conseils sur la vie amoureuse.

- Vous… Tu n’as pas le droit de me tutoyer, Manon. Le vouvoiement est une preuve de respect. En tout que mère, je me dois de t’éviter de foncer droit dans un mur, avec ce genre de comportement tu ne trouveras jamais quelqu’un qui veut de toi et tu ne seras qu’une gêne entre ton père et à moi.

- Lyly, gronde mon père.

- Damien, elle doit savoir maintenant que c’est elle qui nous empêche de vivre notre amour. C’est une tique qui ne te lâche pas, si seulement elle déménageait je pourrais revenir, on serait tellement bien de nouveau tous les deux.

- Ma fille ne partira pas de chez moi parce que tu ne sais pas gérer tes émotions. Maintenant, tu te comportes comme une mère décente ou tu quittes cette maison, lui répond mon père tout en serrant les poings.

 

Ce qui fait le plus mal, c’est que je sais que c’est vrai. Je ne vis constamment dans le déni. Même si je préfère la plupart du temps fuir la réalité pour empêcher toutes mes émotions de ressurgir. Je me mords doucement l’intérieur de ma joue pour retenir l’acidité de mes propos. Je pourrais l’insulter, lui hurler dessus. Mais honnêtement à quoi ça servirait ? Je ne serais jamais assez bien pour elle Je ne suis que la chose qui l’a privé de l’amour inconditionnel de mon père. Trop grande. Trop grosse. Trop fragile. Trop pleureuse. Trop de répartie. Pas assez de recul. Pas assez docile. Jamais assez ou trop. Rien ne va, tout est à changer ou à jeter.

- Mon chéri ne t’énerve pas comme ça. Je m’inquiète juste pour ma fille unique, si elle ne change pas elle va finir vieille fille, personne n’aura envie d’être avec elle, roucoule t-elle.

 

Mon père grince des dents, ce dîner prend une mauvaise tournure. Son front commence à perler du sueur, je déteste le voir comme ça. Il ne sait pas comment faire, ce qu’il faut dire ou comment régler les problèmes que je rencontre avec ma mère.

- Laisse-tomber papa, je dois de toute manière vous laissez, j’ai des devoirs à faire.

 

Sans attendre leurs réponses, la chaise grince lorsque je me relève. Je ne prends pas la peine de remonter dans ma chambre, je ne veux pas respirer le même air qu’elle une seconde de plus. Mes chaussures m’attendent sur le sol de l’entrée et je me remercie d’être aussi paresseuse et d’avoir laissé toutes mes affaires traînées sur le sol. Ma veste enfilée, je sors de la maison dans laquelle je me sens maintenant étrangère. Je ne sais pas où je vais, ni pour combien de temps j’en ai. Je sais juste que je veux quitter les cris qui commencent à se faire entendre dans le salon. 

 

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