Brillant de mille feux sous les rayons des Soleils de Tatooine, le Vautour Couronné se dressait fièrement face aux deux chasseurs de primes. Fin et long, il contrastait violemment avec le sable presque blanchâtre et les dunes rocailleuses jaunes de la planète. La peinture noire, entièrement refaite par le Mandalorien, donnait un air immaculé au vaisseau, qui était, pour la première fois depuis longtemps, propre et dénué de toute trace d’impact ou de projectiles. Cette vue émut le Twi’lek grandement, qui se forçait à retenir ses larmes dans sa gorge serrée face à ce Vautour qui lui semblait désormais être un phœnix. Situé au-dessus du cockpit, le nouvel emblème du chasseur flamboyait d’un rouge sang aussi puissant que voyant, et ses ailes, grandes et magnifiques, recouvraient les côtés du vaisseau du bout de ses plumes. Orn ne pouvait détacher ses yeux du Vautour Couronné, ne croyant qu’à moitié ses yeux. Jamais son vaisseau n’avait eu l’air aussi digne et aussi fier. Laissé sans voix, il ne disait toujours rien à son compagnon, qui, quant à lui, ne dissimulait pas son sourire.
Aucun remerciement, aucun compliment ne pouvait égaler la joie et la gratitude qu’il ressentait en observant la réaction du chasseur. Fett avait fait de son mieux pour faire ce qu’il admettait être son meilleur travail sur un vaisseau. Il avait répliqué à la perfection le symbole que son collègue avait dessiné, et avait calmé avec difficulté tous ses doutes à chaque coup de pinceau. Le Mandalorien n’avait voulu qu’une chose : que cela plaise à Orn; et c’était le cas. Il avait presque poussé un soupir de soulagement en voyant les yeux de son compagnon briller doucement avec les larmes montantes. Alors, tandis que le Twi’lek admirait tous les recoins du Vautour, comme s’il voulait absorber les moindres détails, Fett observait son visage, guettant tous les changements d’expression afin de connaître le sincère et véritable avis de son compagnon. Et plus il passait du temps à analyser sa réaction, plus le Mandalorien voyait l’étrange fardeau qui pesait sur Orn le quitter. Il n’avait jamais vraiment su ce qui s’était passé sur la Cité des Nuages, mais il en avait assez vu pour comprendre que tout avait changé pour le chasseur, et que cela lui pesait également sur les épaules. Ces derniers mois, il n’avait été qu’à la merci de ce qu’il avait découvert, or, désormais, il était évident que le Twi’lek faisait ses aurevoirs à ses démons. Et cet au-revoir, cet adieu, se finissait par la transformation du Vautour Couronné, reflet éternel de son pilote.
Pourtant, dans ce tableau presque irréel du vaisseau noir et rouge flambant neuf, un seul détail ramenait Orn à la réalité : un ancien droïde de combat qui ne faisait que de tourner autour du Vautour. Scrutant les moindres petits recoins de l’engin, Twik vérifiait avec une attention impressionnante si Fett avait causé ne serait-ce qu’une minuscule égratignure sur le matériau lisse et métallique du Vautour. En vérité, il était totalement subjugué par le résultat du travail du Mandalorien, et pensait sincèrement que son vaisseau ne pouvait être plus beau, mais l’avouer devant le chasseur à l’armure verte était tout simplement impossible. Il se cantonnait donc à examiner d’un œil expert chaque détail, laissant son co-pilote savourer seul cet instant, aux côtés de son compagnon. Mais plus le droïde observait le vaisseau, plus il prenait conscience de la propreté du travail de Fett.
Bien sûr, le robot n’espérait pas que le Vautour soit abîmé, mais il n’avait aucune confiance en ce Mandalorien, et ne serait pas étonné si son travail n’était pas parfait. Seulement, forcé de constater le contraire, Twik lâcha un soupir discret avant de se tourner vers Fett et de le fixer. Ce dernier lui rendit son regard, l’air presque inquiet, s’attendant à recevoir une quelconque remarque. Malgré lui, son regard s’assombrit, pour finalement laisser paraître sa surprise lorsque le droïde hocha la tête en signe de compliment, avant de rentrer discrètement dans l’antre. Orn, les yeux toujours rivés sur son vaisseau, ne vit pas son collègue suivre du regard Twik d’un air étonné et presque dubitatif. Bien sûr, il ne s’en plaignait pas, mais il n’avait jamais cru possible que Twik lui adresse un sentiment positif aussi distinctement. Le Mandalorien n’eut cependant pas le temps de réfléchir trop sur cet événement presque impossible, la voix hésitante du chasseur coupant court à ses pensées.
"Il est vraiment… Magnifique. Merci," souffla ce dernier, détachant enfin ses yeux du vaisseau pour faire face à son compagnon.
Le concerné esquissa un grand sourire, mais fronça légèrement les sourcils en remarquant l’air étrange du Twi’lek. Orn était véritablement heureux d’avoir mis derrière lui ce titre de Chasseur Impérial en se débarrassant de tous ses anciens symboles, mais une partie de lui demeurait hésitante, et presque nostalgique. Il avait arboré cet emblème pendant des années, et l’Empire constituait un énorme pan de sa vie. Même si ce nouveau départ était pour le mieux et était porteur de vérité, tourner cette page, certes sombre, n’était pas simple. Le chasseur n’aurait pas pu se tenir ici, en vie, sans rivaux assez courageux pour l’affronter, sans l’Empereur. Il avait été protégé, payé et même apprécié par les impériaux, et en faire maintenant ses ennemis frôlait la stupidité et le suicide. Il espérait simplement que Vador l’avait oublié et que l’Empire ne prévoyait pas de lui faire payer son changement de camp, même s’il était loin d’être un Rebelle. Orn avait peur, et pas seulement du Seigneur Sith, mais aussi de cette nouvelle page qui commençait. C’était à la fois grisant et effrayant de se lancer dans un futur aussi inconnu qu’incertain, encore plus sans Nasha à ses côtés.
Elle n’était partie que depuis deux mois, mais son absence pesait déjà sur les cœurs des deux mercenaires du Vautour Couronné. Le Twi’lek aurait aimé passer ce moment à admirer le vaisseau avec son amie, pour connaître son avis et partager sa joie avec la Rebelle. Il lui semblait que ce renouveau signifiait que chaque moment de joie, de bonheur ou de plaisir serait mélangé d’une discrète nostalgie d’un temps où il vivait paisiblement dans l’ignorance aux côtés de son équipage au complet. Mais cela était logique, Orn le savait. Un nouveau départ, comme un coucher de Soleils, était une fin, et chaque fin portait avec elle d’anciennes joies qui devenaient inaccessibles, et laissaient partir des êtres aimés suivant leur propre chemin. Le chasseur baissa légèrement la tête, avant de la relever lorsque Fett posa sa main sur son épaule, l’air compréhensif. Un faible sourire se dessina sur le visage du Twi’lek, qui, malgré l’absence de son amie et les craintes qu’il ressentait, était heureux. Après tout, il pouvait enfin reprendre son vaisseau pour parcourir la Galaxie à nouveau. Il avait une planète à visiter et un trône à reprendre aux côtés du Mandalorien. D’un signe de tête, il lui fit comprendre qu’il allait bien, en dépit de son expression exprimant sa mélancolie. Son collègue savait que Nasha lui manquait, et se doutait que Orn était assailli de peurs. À sa place, lui aussi aurait peur, face à un Empire qui perdait son chasseur.
"Ça va aller, Orn ?" demanda-t-il doucement.
Le concerné hocha la tête.
"Je dois retourner à Ryloth, maintenant que le Vautour est prêt. Tu… Penses-tu pouvoir nous accompagner ?"
Le Twi’lek n’aurait jamais pensé poser cette question quelques semaines plus tôt, et évita donc le regard de son collègue, qui sembla surpris un instant.
"J’aimerais, mais Jabba veut absolument me voir ce soir. De nouveaux clients viennent à son Palais, et il souhaite leur montrer Solo. Il demande aussi ta présence…"
Orn acquiesça, réfléchissant à ce qu’il devait faire. Aller à Ryloth puis revenir à Tatooine prenait environ trois jours, et il avait besoin d’un nouveau travail, pour au moins faire acte d’existence. En travaillant à nouveau pour Jabba, il pourrait faire profil bas, tout en ayant suffisamment d’argent pour garder son confort. Vivre comme cela lui permettrait de réfléchir plus longtemps à ses actions prochaines. Le chasseur voulait certes se détacher de l’Empire, mais il ne pouvait pas nier que Nasha avait raison : rejoindre la Rébellion était la meilleure solution, et la plus juste également. Seulement, il avait peur. Alors il hocha la tête, plus pour lui-même que pour son interlocuteur, sachant que revenir au Palais de Jabba était l’unique façon pour lui de gagner du temps avant de réellement agir.
"Dis-lui que je reviens dans quelques jours, et que je viendrais le voir.
— Très bien. À bientôt, alors," répondit le Mandalorien.
Les deux amis se regardèrent, sans trop savoir comment se dire au revoir. D’un accord tacite et quelque peu maladroit, ils se serrèrent le bras d’un geste ferme mais tendre, avant que Fett ne mette son casque vert. Il se dirigea vers un speeder, tandis que Orn partit chercher son casque, resté dans la grotte, où Twik se trouvait également. Prenant avec délicatesse le précieux casque, le Twi’lek se tourna vers son co-pilote.
"Est-ce que tu peux préparer le Vautour au décollage ?" demanda-t-il, commençant à partir vers son vaisseau.
Le concerné porta son attention sur lui, se mettant à le suivre malgré son manque d’entrain flagrant.
"Merci de me prévenir à l’avance de tes plans…," dit-il sous son souffle, d’un ton presque blessé.
"C’est une décision assez récente, tu sais. On retourne à Ryloth, j’ai besoin de parler à Warat’Ualin. Je dois lui dire comment Taano est morte," expliqua le chasseur d’un air désolé.
Le droïde, sortant avec son ami de la grotte, hocha la tête, songeur.
"Qu’est-ce qui te fait penser qu’il va te croire ?
— Rien… Mais je veux seulement qu’il le sache, c’est tout. S’il ne me croit pas, tant pis pour lui. Il ne pourra pas dire qu’il ne savait pas."
Twik ne trouva rien à redire dans cette logique, et se contenta donc d’entrer dans le Vautour Couronné en hochant la tête. Les deux mercenaires se posèrent à leur siège, contents d’enfin retrouver leur place dans cette maison mobile. Posant son casque sur le poste de contrôle, Orn se mit rapidement à effectuer les calculs pour le saut dans l’hyperespace, tandis que le robot s’empara des commandes pour faire décoller le vaisseau. Un tremblement familier anima l’engin, et un léger vrombissement se fit entendre, comme si le Vautour était, lui aussi, heureux à l’idée de voler à nouveau. Le vaisseau se souleva lentement, dépassant les dunes qui l’entouraient et le cachaient, avant de s’élancer dans le ciel de Tatooine gracieusement, formant une petite tempête de sable à son passage. Le chasseur ne put s’empêcher de lâcher un petit rire en activant le levier de vitesse, redécouvrant le plaisir de la vitesse lumière et des étoiles et planètes qui devenaient un simple point lumineux. En une fraction de seconde, la planète-désert était loin derrière eux, et Ryloth se rapprochait de plus en plus. Pris d’un désir de vitesse, Orn mit le vaisseau à sa capacité maximale, sous le regard mi-dépité mi-excité de son co-pilote, qui gardait un œil prudent sur le radar du Vautour. Les deux amis se sentaient vraiment chez eux, à leur place dans cet engin fin et étroit, qui était toujours aussi rapide et puissant qu’avant. Le temps passa aussi vite que ce dernier, ne laissant pas le temps au Twi’lek de profiter longtemps de la vue. Il dut rapidement manger, puis dormir, bercé par le bruit familier et réconfortant du Vautour Couronné. Twik, quant à lui, profitait du silence agréable et observait l’intérieur avec tendresse et précision, s’assurant que rien n’était endommagé ni rouillé. Pour leur premier trajet depuis des mois, il était content que le voyage ne durât qu’un seul jour. S’il avait été plus long, le droïde savait que le chasseur n’aurait pas trouvé le calme aussi facilement et aurait eu besoin d’un arrêt intermédiaire pour changer d’air. Le robot profita de ce temps libre pour vérifier le niveau du carburant, et se fit la remarque que ce dernier était plutôt bas. Il fit une note mentale pour tâcher de prévenir son co-pilote à leur arrivée, tout en admirant le tunnel bleuté de l’hyperespace.
Cette vue lui avait manqué, tout comme elle avait manqué à Orn, qui, lorsqu’il sortait de son sommeil peu profond, l’observait d’un œil endormi. S’il avait eu quelque doute vis-à-vis de ce retour sur sa planète natale, il n’en n’éprouvait plus aucun, sûr de cette décision qui visait simplement à s’assurer autant qu’il pouvait que la mémoire de sa sœur ne fût pas salie. Peu lui importait si son ancien clan ne le croyait pas, tant qu’ils avaient la connaissance de la vérité. C’est sur ces pensées qu'il tomba à nouveau dans son sommeil, fermant ses yeux sur les centaines de planètes qui l’entouraient.
Profondément endormi, le chasseur protesta par réflexe lorsque son ami secoua son bras pour le réveiller. Hésitant un instant à le gifler pour un réveil plus rapide, Twik se ravisa finalement, et se contenta simplement d’allumer la radio du Vautour au maximum. Une voix appartenant à un officier impérial retentit à travers le vaisseau, faisant sursauter violemment Orn, qui manqua de crier d’effroi, son cerveau encore trop embué par le long sommeil pour comprendre ce qui se passait. Lorsqu’il se rendit compte qu’il était en sécurité et que la voix inconnue venait de la radio, il se calma immédiatement, avant de lancer un regard meurtrier à Twik, qui lâcha un soupir de contentement, satisfait de l’effet obtenu. Alors que son ami allait lui demander la raison de ce réveil brutal, le droïde désigna le pare-brise d’un mouvement de la main. Le Twi’lek suivit ce geste des yeux, comprenant en voyant le paysage vert et sombre de Ryloth. Comme à sa dernière visite, une fine pluie descendait du ciel pour s’abattre sur le sol, faisant bouger les feuillages des grands arbres et l’herbe comme si un vent brusque soufflait. Seulement, cette pluie était violente, abondante, et au lieu d’être figée dans le temps, elle bougeait incessamment, filant rapidement et sans pitié, comme pour inonder les lieux. Avec un léger pincement au cœur, Orn pensa à Nasha, qui aurait adoré cette vue magnifique et spectaculaire.
La jeune Rebelle n’avait sans doute jamais encore vu d’averse, malgré les tempêtes de sable qu’elle avait dû essuyer sur Tatooine. Pour Twik, cependant, ce temps n’était pas bon pour ses circuits, et il bougonnait, commentant que Ryloth n’était pas une planète habitable. Le chasseur se contenta simplement de lever les yeux au ciel, ne pouvant ignorer la discrète joie qu’il ressentait en voyant ces grandes forêts qui se dressaient fièrement contre la pluie. Le climat du territoire du clan Tualin était toujours capricieux, et, les jours ensoleillés, la verdure des végétaux, flamboyante et resplendissante, témoignait de cette pluie abondante qui nourrissait les sols sans cupidité. La nuit était déjà tombée, et cachaient les oiseaux et les animaux qui fuyaient le Vautour Couronné, et que le Twi’lek savait nombreux. Avec un petit soupir d'appréhension, il abandonna son observation du paysage et se leva, se dirigeant vers la sortie pour affronter le chef de son ancien clan. Un mauvais pressentiment le poussa à prendre ses deux blasters et ses poignards, qu’il cacha sous sa cape noire, rabattant sa capuche sur sa tête pour se protéger de la pluie.
"Ton casque est toujours sur le poste de contrôle, Orn," remarqua Twik, étonné que le chasseur ne le mette pas.
Le concerné secoua la tête avant d’ouvrir la porte du vaisseau, qui s’abaissa et projeta de l’eau à sa chute.
"Il ne me servira à rien. Ils connaissent mon visage," répondit-il simplement avant de sortir, omettant sa peur de remettre ce casque.
Twik se garda de tout commentaire, et jeta un coup d’œil rapide sur le radar. Ils n’avaient croisé aucun vaisseau lors de leur trajet, et le radar n’indiquait aucun danger. Le droïde hocha donc simplement la tête, faisant comprendre à son co-pilote qu’aucun risque ne semblait le guetter. Lorsque le chasseur posa son pied sur la terre ferme, il sentit immédiatement un froid mordant entourer sa chaussure. Le vent, pourtant léger, brûlait la peau par sa fraîcheur, et la pluie forçait Orn à s’essuyer le visage régulièrement. La température n’était définitivement pas la même que celle sur Tatooine, et ce changement brusque arracha un éternuement au Twi’lek, qui, en rouvrant les yeux, se rendit compte qu’il n’était pas seul. En un geste, il força la fermeture du vaisseau puis sortit son blaster, tournant sur lui-même pour comprendre qu’il était encerclé par des combattants sachant se fondre dans l’obscurité. Analysant rapidement la situation, le chasseur reconnut les guerriers du clan Tualin. Armés de longs fusils de précision, leurs armes étaient utilisées pour la chasse, mais s’avéraient d’une redoutable efficacité contre des perturbateurs. Et si ces fusils étaient destinés à des combats à longue distance, Orn savait qu’ils excellaient également au corps-à-corps. Il ne doutait pas de sa supériorité en tant que chasseur de primes, mais gagner un tel combat, contre une vingtaine de guerriers expérimentés, était loin d’être facile. Un petit rictus animant son visage, il regardait tour à tour ceux qui semblaient prêts à l’attaquer si besoin, ou s’ils en avaient l’envie. Pourtant, aucun de ces Twi’leks ne bougeaient, restant immobiles et campés sur leurs positions. Leur visage était inexpressif, montrant simplement leur concentration.
La nuit cachait leurs yeux, mais Orn savait, sentait qu’ils étaient rivés sur lui, guettant ses moindres mouvements. Il avait la sombre impression d’être tombé dans un piège pourtant évitable. Jamais, depuis son départ forcé, des guerriers l’avaient attendu. Il n’avait croisé Warat’Ualin que deux fois pendant toutes ses excursions ici, mais n’avait pas pensé que, après leur dernière rencontre, il oserait rallier ses guerriers contre lui. Alors le chasseur ne bougeait pas, alerte et la main serrant son blaster, prêt à se défendre et à leur faire entendre la vérité. Il s’apprêta donc à parler, conscient que personne ne l’écouterait vraiment, lorsque le chef des Tualin apparut, surgissant des ombres de la forêt. Un sourire froid et satisfait aux lèvres, le vieux Twi’lek à la peau jaune réajusta sa toge sombre d’un geste calme et posé. Il ne semblait pas affecté par la pluie battante qui s’acharnait sur lui et ses guerriers, se contentant de secouer la tête pour faire tomber les quelques gouttes qui l’embêtaient. Il s’avança avec grâce, se frayant un passage entre deux Twi’leks. Posant ses yeux cruels sur Orn, il le toisa de haut en bas, tout en restant à une certaine distance. Les deux hommes se jaugeaient avec attention, entourés par un cercle de guerriers qui semblait attendre une attaque de la part du chasseur.
"Orn… Je pensais pourtant avoir été clair, la dernière fois. Tu n’as aucun droit d’être sur mes terres. Pars maintenant, avant que je sois obligé de t’y forcer," dit le vieux chef d’un ton presque désolé.
Le concerné manqua de rire face à son jeu d’acteur, et s’obligea à baisser son arme. Il ne partirait sans avoir fait ce pourquoi il était venu, et peu lui importait s’il ne s’en sortait pas indemne. Alors il leva la tête, avec un mélange de défiance et de fierté, et plongea ses yeux dans ceux du vieux Twi’lek, qui ne laissa rien paraître de sa surprise.
"Je sais comment Taano est vraiment morte."
Cette phrase à elle seule eut un effet immédiat. Quelques guerriers baissèrent légèrement leurs armes, tandis que d’autres échangèrent des regards, presque disposés à écouter celui qui devait être un meurtrier. Warat’Ualin, quant à lui, leva un sourcil, intrigué mais toujours aussi implacable.
"Laisse-moi deviner… Tu l’as tuée ? Ou un Jedi l’a fait à ta place ?" demanda-t-il d’un ton nonchalant, s’attendant à l’histoire habituelle que lui avait plaidé Orn plusieurs fois.
Le chasseur ne broncha pas à cette question censée le déstabiliser. Il savait quel rôle il avait eu dans la mort de sa sœur, et il savait comment elle était morte, ainsi que qui l’avait tuée. Le vieux Twi’lek pouvait continuer à débiter ses commentaires haineux, Orn n’était plus atteint par cela. Alors il secoua simplement sa tête, gardant son sang-froid et restant aussi calme qu’il l’était en réalité, presque en paix avec lui-même.
"Pas exactement. C’est Vador qui l’as assassinée dans le Temple," répondit-il avec un ton posé.
Si certains Twi’leks parurent surpris et enclins à le croire, leur chef éclata d’un rire cristallin, avant de retourner son attention sur le nouveau venu.
"Vador ? Vraiment ? Tu changes de version comme tu respires, il faut croire. Dis-moi donc, comment peux-tu en être si sûr ? Ou es-tu simplement désespéré et manques d’idées pour t’innocenter ?
— Je… J’ai eu une vision, un écho dans la Force," répondit Orn, sans mentir, avec une honnêteté presque vulnérabilisante.
Warat pencha sa tête, réfléchissant un instant. Pendant une fraction de seconde, une étincelle de doute troubla ses yeux violets, mais elle disparut aussitôt. Bien qu’il sût que le chasseur était sensible à la Force, il ne pouvait pas croire que celui en face de lui n’avait pas tué Taano. S’il s’était trompé tout du long, cela voulait dire qu’il avait envoyé un enfant innocent et sans défense dans une Galaxie de violence et de sang. Il ne pouvait s’être trompé. C’était impensable pour lui. Non, Orn devait mentir, pour tenter encore une fois de clamer sa fausse innocence.
"Comme c’est pratique…," finit-il par lâcher, au plus grand désarroi du chasseur devant lui.
"Et pourtant c’est vrai,” intervint une voix féminine.
Les deux Twi’leks cessèrent de s'affronter du regard, et se tournèrent d’un seul homme vers la nouvelle venue. Lorsque son regard se posa sur elle, Orn sentit son cœur manquer un battement. Il la regarda avec une expression étrange, sans réellement comprendre ce que sa mère faisait ici. Les yeux voilés par une mélancolie mystérieuse, la Twi’lek dépassait le vieux chef par sa taille. Elle avait le nez aquilin de ses jumeaux, ainsi qu’une peau rouge-sang, ornée de tatouages noirâtres. La mère du chasseur ne regardait pas exactement son fils, honteuse et désolée d’avoir compris trop tard la vérité. C’était d’elle que Orn et Taano avaient hérité leur sensibilité à la Force, et si elle n’était pas une Jedi, la Twi’lek avait connaissance de mystères et de pouvoirs aussi anciens que la Galaxie. Sa sensibilité et son savoir lui donnaient le rôle de sage dans le clan des Tualin. Son avis était placé au-dessus de tous, et, à cet instant, tous la regardaient, ne comprenant pas pourquoi elle revenait sur ses paroles, plus d’une vingtaine d’années après.
Avec Warat’Ualin, elle avait accusé Orn d’avoir tué sa sœur, trop blessée et désespérée pour entendre raison. La Twi’lek avait eu besoin d’un coupable, tout comme son fils, et elle avait accusé celui dont les mains avaient été tachées du sang de sa fille. Et pourtant, après des années de conviction obligatoire pour se donner bonne conscience et avoir un meurtrier à punir, elle avait compris qu’elle s’était trompée depuis le début. Mais, non loin d’elle, son fils la fixait. Le chasseur n’avait jamais pensé revoir un jour sa mère, et encore moins pour qu’elle puisse prendre sa défense. Il ne lui en avait jamais voulu de l’avoir accusé, sachant parfaitement que sa détresse avait réfléchi à sa place. Néanmoins, Orn ne voulait plus rien avoir avec elle, ni son ancien clan. Qu’elle l’aide à faire entendre la vérité sur la mort de Taano n’était qu’un bonus, une petite chance dont il n’avait pas réellement besoin. Sa mère, comme son clan, n’était plus rien pour lui qui avait une véritable famille, avec Twik, Nasha et même Fett. Seulement, la voir après si longtemps faisait remonter en lui des émotions contradictoires de colère, d’amour perdu et d'incompréhension. Le Twi’lek ne savait que dire, ne perturbant pas le silence qui s’était abattu autour d’eux, silence que seul Warat’Ualin osa briser.
"De quoi est-ce que tu parles, Sinya ?" demanda-t-il d’une voix basse et troublée, comprenant enfin qu’il s’était possiblement trompé sur toute la ligne.
La concernée s’avança de quelques pas, faisant reculer imperceptiblement son fils, dont la respiration se faisait de plus en plus rapide. Ses yeux bleus se tournèrent enfin vers le chef, pendant qu’elle pesait ses mots afin d’être la plus claire possible.
"Il y a quelques mois de cela, je… J’ai ressenti la présence de Taano, à travers la Force. Elle était lointaine et presque imperceptible, mais je sais qu’à l’endroit où son souvenir se manifestait, cette présence était forte. Et… crois-moi, j’aimerais avoir tort, mais je sais que Orn dit la vérité," souffla-t-elle avec hésitation, tentant un regard furtif vers son fils.
Ce dernier resta silencieux, mais, en réalité, il ne savait que dire ni comment réagir. Il laissait les deux Twi’leks parler entre eux, sans intervenir, espérant que la conclusion de cette discussion permettra la diffusion de la vérité. Le chef des Tualin continua pendant un certain temps de nier ce que Sinya disait, mais fut forcé d’admettre sa défaite face à la Twi’lek, dont l’avis était bien souvent au plus proche de la réalité. La Twi’lek puisait ses savoirs dans la Force elle-même, et son ton, se faisant plus dur à chaque protestation de Warat, montrait sa certitude. Voyant que Sinya n’allait pas lui dire ce qu’il voulait entendre, le chef se tourna alors vers Orn, le regard inquiet et empreint d’espoir. S’il s’était trompé, alors cela faisait de lui un monstre, et il ne pouvait pas imaginer avoir banni un enfant innocent. Cette pensée lui était trop douloureuse, trop insupportable pour être vraie. C’était la seule chose sur laquelle il ne pouvait se permettre de se tromper, l’unique action qu’il se devait d’avoir fait justement.
"Est-ce… Est-ce que c’est vrai, Orn ?" demanda-t-il, espérant que le chasseur répondrait par la négative et que ce qu’il craignait au plus haut point s’avérait être faux.
D’abord surpris par cette question, le concerné garda le silence. Mais lorsqu’il se décida à secouer la tête, le chef baissa les yeux, dévasté et frappé par des milliers de regrets. Il fit, d’un geste lent et mou, signe à ses guerriers de se mettre au repos. Bien sûr, la moitié, ou presque, avait déjà fait cela, ayant immédiatement cru Sinya sur parole. Après cet ordre muet, le vieux chef s’obligea à regarder Orn droit dans les yeux, avec mille et un regrets le traversant. À ses côtés, la Twi’lek demeurait silencieuse, et ne fit aucun mouvement lorsqu’il racla sa gorge serrée d’émotions et s’adressa au chasseur.
"Orn, je… Je suis sincèrement désolé. Vraiment. Et… Je sais que rien n’annulera ce que tu as traversé par ma faute. Néanmoins, je… Je tiens à m’excuser et… Tu es le bienvenu ici, pour toujours. Tu peux retrouver ton nom d’avant, et surtout, tu es à nouveau un Tualin, bien que tu aurais toujours dû l’être. ," annonça-t-il d’un ton mi-cérémonieux mi-tremblant.
Malgré les larmes bordant ses yeux, Orn resta concentré sur la raison de sa venue. Bien sûr, il était étrange d’être à nouveau accepté dans ce qui avait été sa famille, mais il savait, au plus profond de lui, que ce retour était trop tardif. Plus aucun lien, même pas ceux avec sa mère, ne le liait à ce clan. Il avait vécu bien plus longtemps hors de Ryloth, avec sa véritable famille, qu’ici, entouré de ses semblables. Alors il s’essuya simplement les yeux, ne sachant si des larmes avaient réellement coulé ou si c’était des gouttes de pluie qu’il chassait. Néanmoins, être cru et ne plus être perçu comme le meurtrier de sa sœur était presque irréel. Il sentit ses épaules s’affaisser de soulagement, et se força à rencontrer le regard embué de regret de Warat’Ualin.
"Merci…," murmura-t-il d’abord. "Ce qui est vraiment important, c’est que Vador a tué Taano. Maintenant, il faut agir en conséquence, pour elle.
— Oui… Tu as raison," répondit le vieux Twi’lek, semblant retrouver ses esprits. "Je… Je vais rallier le clan Tualin à l’Alliance Rebelle, pour libérer Ryloth de l’occupation impériale. Ce n’est pas grand-chose, mais… il est temps d’agir."
Un mouvement d’anticipation parcourut les guerriers, tandis qu’un léger sourire illumina faiblement le visage de Sinya. Le chasseur, quant à lui, regarda pendant un certain temps Warat, surpris. Il n’avait jamais imaginé être cru, et encore moins voulu donner à la Rébellion plus de pouvoir. C’était plus que ce qu’il avait osé espérer, même dans ses rêves les plus flous. Sans lui laisser le temps de répondre, le vieux chef serra son épaule, murmurant une ultime excuse, avant de partir avec ses guerriers, qui le suivirent sans dire un mot. Certains jetèrent des regards à Orn, sans savoir quelle attitude adopter face à cet étranger revenu dans le clan. Seule Sinya resta, ne bronchant pas face à la pluie qui ne voulait pas se calmer. Les deux Twi'leks ne disaient rien, se regardant à peine. Le chasseur se concentrait uniquement sur le fait qu'il avait réussi à se faire entendre, et que la vérité avait été acceptée sans aucun problème. S'il s'était préparé à recevoir des refus et des dénis, il ressentait un grand soulagement face à ce déroulement presque irréel de cet échange. Cela n'aurait pas été possible sans sa mère, et Orn ne savait que penser de cela. Après tout, Sinya avait été la première à l'accuser, et voilà qu'elle était désormais la première à l'accepter à nouveau, et à le croire. Il tenta un regard timide et incertain vers elle, qu'elle lui rendit avec un léger soupir de soulagement et de mélancolie.
Sinya s'approcha vers lui, doucement, lui laissant le temps de reculer ou de l'arrêter si son fils le voulait. Mais le Twi’lek ne bougea pas, et fit même un mouvement imperceptible vers elle, avant d'être entouré tendrement par les bras de sa mère. Il lui rendit son étreinte d'un geste incertain et presque tremblant, avant de fermer les yeux, submergé par d'anciens souvenirs d'une vie perdue. Cette embrasse était rassurante, douce et empreinte de regrets innombrables et de nostalgie. Aucun ne brisait le silence, ponctué par la pluie violente et abondante qui ne cessait de tomber. Sinya, de son côté, profitait de cet instant, sachant pertinemment que ce fils qu'elle étreignait allait bientôt partir retrouver sa vraie famille. Elle acceptait ne plus être de sa vie, comprenant qu'elle était la seule fautive, mais se laissait, l'espace d'une embrasse, retrouver son seul enfant survivant. Orn, lui aussi, se retrouvait plus d'une vingtaine d'années en arrière, avant la Purge, avant l'Empire et ses mensonges. Il savait que ce moment n'était que de courte durée, mais le chasseur se permettait ce retour, avant de revenir dans le présent et de décider de ses prochaines actions. Mais, en attendant, il se laissait aller dans un réconfort qu'il savait perdu à jamais.
Cela dit ça fait du bien de reprendre l'action et la route dans l'espace.
La mère de Orn et le chef du village ils nous ont fait une Miiko, jpp. x) Par contre, accuser son fils du meurtre de sa propre jumelle juste pour trouver un coupable et de faire une raison, c'est chaud un peu. La Force en Sinya n'était pas très sage et avisée.
Autant le chef, je comprend, il a suivi les paroles de la mère de Orn qui a l'air d'avoir beaucoup d'influence et d'être une sorte de guide spirituel, mais pour le coup je comprend que Orn ne se sente pas trop à l'aise avec sa mère après ça, encore qu'à la fin ils semblent plus ou moins se réconcilier.
Par contre les gens de son clans sont vachement plus courageux et déterminés que lui. "Vador a tué Taano ?" Allez hop, on rejoint la Rébellion et on va lui faire la peau ! Ils ont pas froid aux yeux eux, j'aime bien ! x)