Assis sur une branche aux côtés de Sinya, Orn regardait le soleil de Ryloth embrasser le haut des arbres verts encore humides. La pluie avait cessé depuis quelques heures, et déjà des rapaces et des petits animaux sortaient de leurs cachettes, sentant les nouvelles odeurs soulevées par l’humidité. Un silence paisible flottait entre les deux Twi’leks, qui accueillaient la chaleur des rayons de soleil avec joie. Le chasseur et sa mère avaient passé leur nuit à discuter de ce que chacun était devenu, sans parler une seule fois de l’accusation de Sinya qui avait scellé le destin de son fils, ni de son intervention qui avait aidé à rétablir la vérité. La Twi’lek, malgré la honte et la culpabilité qui voilaient son regard, avait posé des tas de questions à Orn, voulant savoir les moindres détails de sa vie. Ce dernier lui avait répondu presque avec entrain, n'omettant aucun détail. Même s’il ne restait qu’un seul jour sur Ryloth, il ne s’était pas attendu à revoir sa mère, et il devait admettre que discuter avec elle lui faisait du bien.
Beaucoup d’émotions contradictoires l’avaient traversé, et certaines persistaient, mais il savait que Sinya avait été saisi des mêmes sentiments que lui à la mort de Taano. Tous deux avaient cherché un coupable atteignable, et tous deux l’avaient trouvé en lui. Bien sûr, cela n’était en rien une excuse, mais le chasseur ne pouvait se résoudre à renier entièrement Sinya. Si cette dernière ne faisait pas exactement partie de sa famille ni de sa vie, Orn n’avait pas oublié tous les moments passés avec elle dans son enfance, et la revoir, malgré tout ce qu’il avait subi par sa faute, soulevait en lui une forme de soulagement. Lui parler était rassurant, et il sentait le regard aimant de sa mère le couvrir chaque seconde. Sinya posait de simples questions, sans jamais le pousser à répondre ni le forcer à ressasser de mauvais souvenirs. Elle respectait la distance instaurée silencieusement par le Twi’lek, qui avait toujours des incertitudes vis-à-vis d’elle. Elle le comprenait entièrement, et se réjouissait simplement de cette deuxième chance que son fils lui offrait malgré ses actions. Sinya ne se faisait pas d’illusion, cependant. Elle savait que le chasseur allait bientôt partir, et que sa place n’était pas à ses côtés. Certes, il lui donnait l'opportunité d’une toute nouvelle relation avec son fils, lui donnait la chance de faire mieux, mais elle savait qu’elle avait trop tardé. Mais peu lui importait, s’il partait aujourd’hui pour ne plus revenir, Sinya profitait déjà du privilège qu’il lui offrait en s’asseyant près d’elle et en répondant, avec un sourire qu’elle avait pensé ne jamais revoir, à ses questions presque incessantes.
Puis, avec légèreté, le silence qui s’était installé se brisa lorsque Orn se leva, et s’étirait après tout ce temps passé assis. Sa mère l’imita, prête à lui dire au-revoir. Après tout, le chasseur n’était venu que pour une chose, et il l’avait obtenue. Maintenant, il devait tenir ses engagements auprès de Fett et retourner à Tatooine pour reprendre les chasses. Il savait parfaitement bien que Jabba se réjouirait de son retour et lui donnerait une mission intéressante. Alors le Twi’lek se tourna vers Sinya, qui inclina légèrement la tête, lui faisant signe qu’elle savait qu’il allait partir.
"Merci de m’avoir parlé, Ornat’Ualin," dit-elle simplement.
Entendre ce nom qui lui avait été retiré semblait étrange pour le chasseur. À bien y penser, Orn n’aimait pas ce prénom-là. Il appartenait à quelqu’un d’autre, à une époque dont il ne se souvenait presque plus. Au fond, le Twi’lek savait qu’il n’allait jamais retourner dans son ancien clan, ni reprendre son ancien nom. Il était parfaitement content avec celui qu’il avait, et il n’abandonnerait pour rien au monde sa vraie famille. Il se contenta d’hocher la tête en réponse à Sinya, avec un léger sourire, sincère et chaleureux.
"Quand je reviendrais pour visiter la tombe de Taano, j’irais te voir," lança-t-il, un éclat d'impatience perçant doucement sa voix.
À vrai dire, Orn s'étonnait lui-même. Il n'avait jamais pensé que ce long et simple échange avec sa mère aurait pu changer tant de choses. Lui qui avait pensé ne plus jamais la voir et vouloir lui parler, voilà qu'il espérait revenir sur ces terres familières pour lui rendre visite, comme il l'avait fait avec Xyrr, lorsqu'il débutait en tant que chasseur de primes. La vieille marchande avait presque assumé le rôle de mère pour le Twi'lek, en le protégeant enfant et en lui confiant son antique armure adulte. Et alors que lui et Xyrr s'étaient naturellement éloignés, Orn retrouvait sa mère biologique, qui ne voulait de lui que sa présence et sa joie. Le regard que Sinya posait sur son fils était empli d'amour et de regrets, et son fils savait qu'elle tentait avec une volonté puissante de réparer ses torts, tout en ayant conscience qu'elle ne pouvait pas effacer ce qu'elle avait fait. La Twi’lek ne retint pas son sourire lorsqu'il annonça son possible retour. Elle hocha la tête, avant de faire un faible mouvement vers lui, le retenant sans un mot avec une requête timide. Sinya commença à ouvrir la bouche pour parler, puis se ravisa d'un coup, évitant à nouveau le regard du chasseur en face d'elle. Ce dernier fronça les sourcils, étonné et intrigué par ce spectacle. Le malaise présent lors de leur retrouvaille se mit à revenir doucement, comme pour prouver à Orn que rien ne pouvait changer.
Et l'espace d'une seconde, il crut ce que cette sensation étrange lui disait. Il regarda sa mère comme une étrangère, se rappelant de son visage déformé par la douleur et de ses mots tranchants et cruels. Peut-être que rien ne pouvait s'arranger, finalement. Peut-être que le Twi’lek s'était voilé la face en pensant tourner la page par une discussion superficielle. Peut-être se serait-il trompé sur sa mère et sur Fett. Peut-être devrait-il retourner à sa vie d'avant, isolé et seul avec Twik. Ses pensées allaient en escaladant, enchaînant les pires scénarios et imaginant pires trahisons que celles qu'il avait déjà subies. Son esprit l'enfermait à nouveau dans une boucle vicieuse, tentant de détruire tous ses efforts pour aller de l'avant et se remettre de ce qu'il avait vécu. Ses pensées devenaient de plus en plus bruyantes, avant que cette symphonie douloureuse ne soit interrompue par un geste de Sinya, qui se décida finalement, après quelques fractions de seconde, de planter ses yeux bleus dans ceux de son fils. Ce mouvement soudain ramena le chasseur à la réalité, éclatant la bulle sombre qui l'avait saisi sans raison. Et avec un calme qui le surpris, repoussa les débris de ces pensées nocives, certain de ne pas se tromper sur ses actions et ses décisions. Orn regarda en retour la Twi’lek, attendant qu’elle parle.
"Prends soin de toi, s’il te plaît. Et… Pardonne-toi. Tu n’y es pour rien," dit-elle doucement, avant de prendre brièvement sa main dans la sienne et de la relâcher presque aussitôt, d’un geste tendre.
Le chasseur sourit faiblement, sentant des larmes monter et faisant briller ses yeux. Il ne savait quoi répondre, alors il se contenta d’acquiescer. Se pardonner entièrement lui semblait moins impossible qu’avant, mais il savait que cela allait prendre du temps et du courage. Pour le moment, il essaierait, et c’était amplement suffisant. Après un dernier au-revoir, le Twi’lek se sépara de Sinya et se dirigea vers son vaisseau, le pas un peu plus léger qu’à son arrivée. Maintenant que son clan connaissait la vérité, Orn pouvait enfin reprendre du travail. Jabba l’attendait, et il se ferait une joie de l’envoyer chasser quelques proies. Le seigneur du crime de Tatooine se ferait une joie de récupérer un de ses meilleurs employés, surtout depuis son alliance avec Fett. Le chasseur espérait simplement que son retour ne soulèverait que peu de questions, même s’il en doutait. Arrivé au pied du Vautour Couronné, le Twi’lek sourit face à la nouvelle apparence du vaisseau. Il n’y était pas encore habitué, mais ce changement était rafraichissant. Il semblait également que la pluie de Ryloth venait toujours nettoyer le Vautour des nombreuses saletés des déserts de Tatooine, le faisant luire faiblement. Bien sûr, le vaisseau restait reconnaissable entre tous, mais si jamais des personnes avaient fait de Orn leur cible, ils auraient sans doute une fraction d’hésitation avant de tirer, ce qui était déjà un grand avantage. Le Twi’lek savoura un dernier instant la douce chaleur du soleil de sa planète natale, qu’il regretterait dès les premiers rayons de ceux, plus rudes, de Tatooine. Avec un léger pincement au cœur, il pensa à Nasha, qui devait être à Sullust, qui aurait adoré voir Ryloth ensoleillée et sans pluie, pour une fois.
À vrai dire, il n’avait pas hâte de retourner sur la planète-désert, même si cela signifiait reprendre du service et revoir son compagnon. Mais, debout sur cette terre qu’il avait foulée enfant, Orn ne pouvait pas s’empêcher d’imaginer ce qui aurait pût être, s’il n’avait pas été banni. Il n’arrivait pas non plus à détacher ses pensées de la vie qu’il pouvait avoir s’il décidait de rester ici, avec son clan. Il ferait probablement partie des guerriers, et s’occuperait de chasser les visiteurs indésirés. Il aurait une vie plus calme, en participant de loin à la lutte contre l’Empire, et en restant isolé des affaires sombres de la Galaxie, bien protégé dans cette grande forêt verdoyante. Au fond, le Twi’lek savait que ce n’était pas une vie qu’il pouvait supporter ni qu’il voulût véritablement. Il aimait se battre, il aimait le risque, et il brûlait d’agir avec fracas contre l’Empire, malgré la peur qui l’enserrait à chaque fois que l’idée de rejoindre la Rébellion le frôlait. Secouant sa tête comme pour chasser ces idées, Orn s’apprêta à avancer vers son vaisseau lorsque la porte s’ouvrit dans un faible bruit, relâchant de la fumée à cause du mécanisme. Twik se trouvait au beau milieu de l’entrée du Vautour, les bras croisés et un air ennuyé.
"Dis, je comprends parfaitement ton envie de rester planté là, mais ce n’est pas exactement intéressant…," lança le droïde, provoquant un rire de la part de son co-pilote.
Le concerné entra sans attendre dans le vaisseau, un sourire toujours plaqué aux lèvres lorsqu’il annonça le succès de sa mission à Twik. Ce dernier, bien que surpris, se réjouit de cette nouvelle, réellement content. Avec une bonne humeur qui n’était pas habituelle de la part du robot, il activa le Vautour et le prépara au décollage, pendant que son ami se rassasiait, mangeant quelques biscuits posés sur le poste de contrôle. En vérifiant certains paramètres pour s’assurer du bon fonctionnement du Vautour Couronné, Twik suspendit son geste, avant de se tourner, embêté, vers Orn, qui le regardait avec incompréhension et la bouche pleine.
"Nous n’avons pas assez de carburant pour aller jusqu’à Tatooine…
— Il doit y avoir quelques planètes avec des puits de carburant sur le chemin," répondit le chasseur, prenant la carte holographique développée par Nasha.
Il l’activa, et d’innombrables planètes apparurent et se mirent à danser, quelques pixels disparaissant au rythme de leurs mouvements. Orn sélectionna le système de Tatooine, et chercha des planètes susceptibles d’avoir du carburant. D’un geste de la main, il faisait défiler les astres de la Galaxie, lisant rapidement les informations que son amie Rebelle avait récoltées sur ces planètes et étoiles. Un lieu en particulier attira l’attention du Twi’lek : Shimia. C’était une petite planète que l’Empire gardait sous son emprise pour ses énergies fossiles. De nombreuses usines avaient été installées depuis l’occupation impériale, dont de nombreux endroits où prendre du carburant. Située entre Ryloth et Tatooine, elle n’était qu’à quelques heures de la planète natale du chasseur, le choix parfait pour les deux mercenaires. Orn se dépêcha donc de faire les calculs pour le saut en hyperespace, tandis que Twik fit décoller le vaisseau, laissant derrière eux Ryloth et son climat agréable. Le trajet ne dura que quelques heures seulement, pendant lesquelles le Twi’lek faisait les comptes et déterminait quelle quantité de carburant était nécessaire. Le Vautour en avait suffisamment pour aller jusqu’à Shimia, mais pas assez pour aller à la planète suivante, ni faire de détour. Alors le droïde gardait un œil prudent sur le radar, vérifiant que personne ne les suivait ou qu’aucun vaisseau familier et possiblement agressif était derrière eux. Si tel était le cas, les deux mercenaires ne voyaient aucune alternative, aucune option pour perdre un potentiel ennemi. Shimia n’était pas une planète très connue, et ses seuls visiteurs étaient l’Empire ou ceux qui, comme Orn, était à la recherche de carburant.
Même les habitants de cet astre cherchaient à quitter Shimia, trop étouffés par le nouveau système de classes. Alors, sans surprise, aucun autre vaisseau que le Vautour Couronné se trouvait sur cette route, et même une fois arrivés près de Shimia, presque aucun signe de vie n’était observé dans l’espace. Quelques Destroyers impériaux encerclaient la planète, simple surveillance habituelle que l’Empire accordait aux planètes qui lui apportaient des ressources. Çà et là, deux ou trois vaisseaux de voyages bougeaient dans toutes sortes de directions, sans qu’aucun ne s’approche trop près des navires impériaux, dont la taille imposante suffisait à dissuader même les chasseurs de primes les plus téméraires. Le Twi’lek ne s’inquiétait pas de la présence des forces de l’Empereur. Officiellement, il ne s’était pas détaché de l’Empire, qui serait d’ailleurs le dernier à annoncer la perte d’un allié précieux. Le chasseur déplaça donc son vaisseau le plus naturellement possible, restant tout de même en alerte, juste au cas-où, imité par son co-pilote, qui guettait avec attention le mouvement de chaque vaisseau présent autour d’eux. C’était la première fois que Orn se montrait en public depuis la Cité des Nuages, et même si Shimia n’était pas le cœur de la pègre, il devait se montrer aussi sûr et confiant que s’il était en face des autres associés de Jabba.
La planète n’était pas la plus grande que les deux mercenaires avaient eu à contempler, mais elle faisait partie des plus belles. De vastes étendues de zones bleutées entouraient les quelques continents, bien plus petits et moins imposants que les nombreux océans. Des sillons blancs se mouvant lentement et avec grâce voilaient des pans entiers de Shimia, annonçant la présence de violentes brises de vent à la surface. L'atterrissage devrait donc se faire avec prudence, mais aucun des pilotes ne s'inquiétait de cela. Cependant, lorsqu’ils s’approchèrent d’un des Destroyers surveillant la bordure de la planète, l’atmosphère dans le Vautour changea. Orn s’empara des commandes et dirigea le vaisseau avec une vitesse suffisamment lente pour ne pas paraître tendu, mais le temps lui semblait infini, près de cet immense navire renfermant des milliers de chasseurs TIE près à tirer sur les visiteurs suspects. Bien sûr, l’Empire n’avait - si Vador avait gardé le silence - aucune raison de suspecter le Chasseur Impérial, et ce dernier restait convaincu que le Seigneur Sith n’avait rien dit de leur échange sur la Cité des Nuages. La planète se rapprochait de plus en plus, et, bientôt, des bourrasques de vent secouèrent légèrement le Vautour, entré sans encombre dans l’atmosphère de Shimia. Ils survolèrent pendant quelques minutes l’océan immense et d’un bleu magnifique, cherchant du regard un port où ils pourraient se procurer du carburant. Après un certain moment de recherches, Orn finit par remarquer une station, et y dirigea le vaisseau. Il y a eu d’autres navires spatiaux sur les plateformes, mais aucun signe de vie en vue, ce qui n’échappa pas à l’attention du Twi’lek. Le droïde posa doucement le Vautour, essayant de faire le moins de bruit possible, ayant aussi remarqué l’étrangeté de l’atmosphère du port. Dans ce genre d’endroits, il n’était pas rare de voir des marchands, ou des mercenaires parcourir les plateformes pour trouver leur vaisseau ou au contraire le quitter. Des marchands, il n’y avait comme signe de passage des établis abandonnés, avec quelques produits gisant encore sur les tables.
Si l'instinct du chasseur lui intimait de partir immédiatement de cet endroit sombre et vide, le peu de carburant restant au Vautour rendait sa fuite impossible. Il poussa un long soupir d'appréhension, avant d’échanger un regard entendu avec Twik. Le robot garda le vaisseau activé et prit dans ses mains le radar, guettant le moindre petit mouvement, tandis que son co-pilote se leva et attrapa son casque. Il le contempla un instant avant de le mettre d’un geste incertain, puis remonta sa capuche pour cacher ses lekkus. Orn ferma les yeux un instant, se réhabituant à ce casque qui lui avait tant manqué, avant de prendre ses armes et de sortir du vaisseau, avec une démarche assurée et un pas léger, ayant l'impression de respirer pour la première fois. La vision teintée par sa visière noire lui conférait une sensation de sécurité et de calme, comme si ses sens s’en retrouvaient décuplés. Le bruit atteignait ses oreilles différemment, de manière filtrée et claire comme une eau de roches. Il n’apercevait même pas les séquelles de la cassure sur son casque. Orn redécouvrait le monde, redécouvrait enfin la liberté. Il était entier, protégé; il lui semblait être devenu lui-même. C’était comme si les couleurs de l’univers étaient revenues, comme s’il sortait, après des mois sans son casque, de l’obscurité. Le Twi’lek inspira profondément, savourant toutes ces sensations familières et pourtant nouvelles car si lointaines. Il ferma les yeux, souriant légèrement, et apprécia le poids du casque sur sa tête, rassurant et réconfortant. Lorsqu’il rouvrit les yeux, des petites larmes coulèrent légèrement sur ses joues, mais il n’y prêta pas attention. Des mois de travail l’avaient mené à cet instant, et la sérénité qui l’enveloppait égalait sa joie profonde et mélancolique. Il n’avait plus rien du Chasseur Impérial. Il était seulement lui-même, et rien ne pouvait le rendre plus heureux, ni plus triste. La main posée sur le Vautour, il resta immobile pendant quelques minutes, ne pouvant chasser son sourire et ses larmes. Orn se força finalement à inspecter les environs, ce qu’il fit avec une sensation de découverte entière, car son casque lui conférait une nouvelle perspective qui lui avait manqué.
Malgré toute l’attention que le chasseur démontrait pour trouver quelque signe de vie extérieure, il ne voyait aucun mouvement, aucun bruit, excepté celui du vent, qui claquait et grondait. Même les vaisseaux environnants semblaient vides, sans personne perchée sur les postes de commandement et percevables à travers la vitre. Si c’était inquiétant, Orn ne voyait pourtant pas contre qui se protéger, ou à quoi s’attendre. Il continuait son avancée aussi silencieusement que possible, le bruit de ses pas couverts par ceux des bourrasques violentes. Machinalement, il s’empara d’un de ses blasters, plus rassuré avec une arme dans ses mains. Le vide était écrasant, imposant, et créait une atmosphère pesante et stressante. Le Twi’lek avait la désagréable sensation d’être observé, mais partout où il regardait, il ne voyait rien, que des vaisseaux abandonnés et des établis laissés seuls. C’en devenait presque étouffant. Non loin, Orn remarqua la réserve de carburant, et se mit immédiatement en tête d’aller en chercher. Après tout, il était venu pour ça, et plus vite il partirait, plus vite il se sentirait mieux. Il n’y avait rien de plus effrayant qu’un silence qui ne devait pas exister.
Alors le chasseur fit son chemin vers la réserve, qui était un petit bâtiment grisâtre, avec une enseigne au-dessus de l’entrée, où de la mousse se créait. Le nom du port y était inscrit, et une borne d’eau se situait non loin de la porte, elle aussi grisâtre et sale. Elle était entrouverte, entourée de quelques petits vaisseaux de transport, comme des speeders. Il émanait du bâtiment tout entier une aura inquiétante et lugubre, augmentée par deux fenêtres ne laissant rien transparaître et dont un carreau était brisé. Arrivé au seuil de la porte, Orn sentit son corps entier se crisper. Des bouts de verres gisaient çà et là, et seul le bruit de l’eau de la borne perturbait le silence imposant. Avec une main hésitante, Orn attrapa la clenche sale, puis s’immobilisa, hésitant. Il tendit l’oreille, tentant de faire abstraction du vent et de l’eau pour essayer d’entendre des possibles bruits venant de l’intérieur de la station, sans succès. Avec un petit soupir contrôlé, il ouvrit le plus lentement possible la porte, son blaster près à tirer dans son autre main, visant l’intérieur. À son plus grand désarroi, les gonds se mirent à crisser dans un bruit qui lui parut monstre. Réprimant un juron, il se précipita à l’intérieur, s’emparant de son deuxième blaster pour une bonne mesure. Le chasseur analysa rapidement son nouvel environnement, conscient d’être trop exposé.
Il n’y avait qu’une unique salle, avec nombre de bricoles à vendre et de produits locaux de Shimia. Tout était gris, et la noirceur de la pièce empêchait le Twi’lek de voir avec discernement. Il aperçut cependant une sorte d’établi, où de nombreux bidons étaient posés. En s’approchant avec prudence, il comprit qu’il y avait eu dedans du carburant, mais qu’ils étaient désormais vides. Orn scanna la salle à la recherche d’autres bidons, jusqu’à voir une nouvelle porte, où il était inscrit "Réservé au personnel du Port". Avec une démarche lente et silencieuse, il s’y dirigea puis ouvrit la porte avec plus de précaution que la précédente. Fort heureusement, celle-ci ne grinçait pas, et Orn se faufila à l’intérieur avant de la refermer, pour assurer ses arrières un minimum. Sans surprise, plusieurs bidons de carburant étaient présents, tous remplis, cette fois. Avec attention, il observa chacun de ces réservoirs, en prenant un dans sa main pour juger son poids.
À l’évidence, tous contenaient une quantité de carburant amplement suffisante pour assurer un voyage sans encombre jusqu’à Tatooine, au moins, ce qui était la seule chose qui importait au chasseur à ce moment-là. Ce n’était pas non plus très lourd, et il pourrait donc se défendre au besoin tout en en transportant un. Il espérait simplement que ses potentiels agresseurs n’étaient pas des Mandaloriens, adeptes de lance-flammes particulièrement dangereux en présence de ce carburant. Le Twi’lek continua son inspection rapidement, cherchant le bidon contenant le plus de carburant pour s’assurer que son retour à Tatooine pourrait supporter quelques détours au besoin. Rapidement, il en trouva un qui le satisfaisait, et le prit donc dans sa main libre, le pesant pour vérifier qu’il ne serait pas trop désavantagé. Il tendit une nouvelle fois l’oreille mais le vent, qui s’était fait plus violent, envahissait tout, brisant même un carreau par sa puissance. Ce bruit fort et soudain surprit le chasseur, qui, par réflexe, se retourna immédiatement, avant de regretter son choix. Une terreur froide s’empara de tout son être, l’empêchant de crier de surprise et de peur. Sa respiration s’accéléra, tandis que son corps entier se raidit et s’immobilisa sans attendre à cette vision effrayante. Sa respiration se bloqua instinctivement, avant de repartir, tremblant et secouant avec violence ses épaules. Le chasseur pensa à mille actions pour s’enfuir, n’en faisant rien, ayant la terrible connaissance qu'aucun échappatoire ne lui était permis. Il ne lâcha cependant pas le bidon de carburant, ni son blaster, qu’il pointa inutilement devant le nouvel arrivant, sachant parfaitement que tout acte de résistance était futile.
"J’ai bien peur que nous ayons laissé notre discussion en suspens, la dernière fois que nous nous sommes vus, Ornat’Ualin," lança Dark Vador, avec un ton détaché.
Ce dernier se tenait droit, bloquant la sortie, avec les bras croisés. Sa tenue noire le rendait presque invisible dans la pénombre du bâtiment, et sa respiration n’était audible seulement parce que le Twi’lek avait désormais connaissance de la présence du bras droit de l’Empereur. Orn ne broncha même pas en entendant son ancien prénom retrouvé, que Vador n’était ni censé connaître, ni censé savoir que le chasseur avait été réintégré dans son clan la veille. Il était étonné, certes, mais finalement, cela était logique. Si le Seigneur Sith avait connu Taano, alors il avait sans doute entendu parler de son frère resté à Ryloth et dont l’entraînement Jedi avait été refusé. Mais cela n’enlevait rien à la terreur sourde qu’il ressentait en face de cet ancien chevalier de l’Ordre. Recouvrant finalement ses fonctions motrices, le Twi’lek recula instinctivement de quelques pas, gardant néanmoins son arme rivée sur le nouvel arrivant.
"Vous faîtes bien vos recherches, Seigneur Vador," se força-t-il à lancer, tentant de cacher avec échec sa peur écrasante.
"Et vous, chasseur, êtes incroyablement stupide si vous pensiez que je vous laisserais arpenter la Galaxie avec ce nom…," rétorqua le concerné, faisant un pas en avant, tel un prédateur.
Ce mouvement fit reculer Orn, qui sentait de plus en plus un piège se refermer sur lui pour ne plus jamais le laisser partir. Il tenta vainement de contrôler sa respiration, cherchant quelque réponse pouvant le sauver.
"Je… Je crains ne pas savoir de quoi vous parlez," mentit-il avec peu de conviction.
Il semblait que si Vador pouvait rire, il l’aurait fait. Il laissa ses bras tomber le long de son corps, où le chasseur savait que son sabre-laser se trouvait. Il se mit en tête de le distraire, d’improviser quelque histoire pouvant empêcher le bras droit de l’Empereur de dégainer son arme redoutable et imparable. Mais avant qu’il ne puisse ajouter quelques mots, Vador le devança.
"Ne jouez pas aux ignorants, chasseur. Vous savez que votre sort est scellé. Vous ne pouvez pas m’échapper.
— Je sais… Mais vous n’allez pas me tuer," répondit le concerné, se surprenant lui-même.
"Et pourquoi cela ?
— Parce que vous m’avez déjà tué. Lors de la Grande Purge, au Temple de Coruscant. Vous m’avez tué en tuant ma sœur. Je l’ai sentie mourir comme si c’était moi qui avais reçu le coup à sa place… Vous l’avez tuée comme si elle n’était rien. Comme si elle n’était qu’un déchet, alors qu’elle était tout pour moi. Je suis mort à cause de vous. J’ai tout perdu à cause de vous… Mais vous êtes une machine. Vous ne comprenez même pas ce que je vous dis. Vous n’avez aucune idée de ce que c’est de tout perdre, et de penser que c’est de votre faute," souffla Orn, lâchant tout ce qu’il n’avait jamais dit auparavant.
Étonnement, il était calme, sans peur qui l’enserrait. Il avait parlé d’une voix tremblante, mais peu lui importait. S’il devait mourir maintenant, alors au moins il aurait respiré une fois, en exprimant ce qu’il s’était refusé d’exprimer depuis des années. Son arme était baissée, mais il avait, sans s’en rendre compte, gardé dans son autre main le carburant, comme s’il allait repartir de cette pièce vivant. Le Seigneur Sith restait planté devant la porte, sans rien dire, les yeux rivés sur le chasseur.
"Vous vous trompez," murmura Vador, si bas que le Twi’lek pensa avoir imaginé sa réponse.
Pourtant, l’attitude de l’ancien Jedi avait changée. Il paraissait moins imposant, plus humain, comme à la Cité des Nuages. Orn attendait, toujours immobile, que son interlocuteur continue sa phrase, mais il ne le fit pas. Le chasseur savait, à ce moment, que quelque chose se passait, quelque chose d’important, mais il ne pouvait le comprendre qu’à un niveau primaire, le ressentant plus que le saisissant. En face de lui, cependant, le Seigneur Sith comprenait entièrement ce qu’il se passait, mais tentait, faiblement de le refuser. Il n’était pas trop tard, ni pour Orn, ni pour Anakin, pour se faire pardonner. L’un avait retrouvé une raison de se repentir, avec un fils présumé mort qu’il avait retrouvé, tandis que l’autre pouvait réparer ses torts en aidant une Alliance Rebelle, et en protégeant de sa nouvelle famille. Les deux criminels se fixaient en silence, sans qu’aucun ne bouge ou ne prononce un mot. Aucun ne renchérissait sur ce que l’autre avait dit, aucune hostilité n’émanait d’eux. La peur que le chasseur éprouvât envers Vador avait quelque peu diminué, bien que toujours présente, sentant que l’ancien Jedi ne représentait plus une menace, pour le moment. C’était étrange, ce calme qu’il ressentait après avoir dit tout cela, et après avoir eu si peur. Finalement, il ne fut même pas étonné quand le bras droit de l’Empereur, la respiration plus forte que d’habitude, tourna les talons puis partit, laissant le Twi’lek en vie malgré ses savoirs. Il lâcha un soupir de soulagement à la sortie du Seigneur Sith, soudain fatigué, et ne croyant pas avoir réussi à survivre à cette confrontation. Orn attendit cependant que la porte d’entrée crisse pour bouger à nouveau, avec des gestes incertains et tremblants. Il se força à avancer, puis sortit de la pièce, avant de s’arrêter à nouveau.
Il valait mieux attendre que Vador et ses stormtroopers soient vraiment partis. Et, en vérité, le chasseur était à nouveau effrayé, réalisant peu à peu ce à quoi il avait échappé. Il s’appuya contre un mur, puis ferma les yeux. Il avait au moins la raison de cette absence lourde de vie, Vador, qui avait sûrement dû ordonner l’abandon des lieux pendant un certain temps. Après tout, le Seigneur Sith avait déjà démontré une certaine aptitude à deviner ce qui allait arriver. Sa présence n’aurait pas dû l’étonner. Après ce qui lui semblait être quelques minutes, Orn se décida enfin à se détacher du mur pour sortir de la station, et de rejoindre le Vautour, carburant et blaster en main. Casqué, avec son arme en main comme à son habitude, il était difficile pour le chasseur de ne pas se sentir à l’aise à nouveau. Il retrouvait peu à peu sa vraie nature, celle d’un prédateur, et brûlait de descendre une nouvelle proie.
L'échange avec sa mère était pas mal du tout, on voit que c'est un lien qui reste important pour lui, même s'il a aussi sa propre vie, mais cette fois il veut la vivre parce que c'est ce qui lui correspond, et par pour survivre ou pour se venger.
J'aime toujours autant tes descriptions des planètes, on s'y croit vraiment, donc dès qu'on découvre un nouvel endroit, je suis toujours captivée.
Et cet échange avec Vador aussi il était super bien réussi je trouve, très humain et posé, mais au final assez crédible, et ça change des échanges plus violents et haineux des chapitres précédents. J'y ai pensé en plus quand Orn a dit que Vador ne pouvait pas comprendre ce que ça faisait de tout perdre et de se croire responsable de la mort de ses proches. Je me suis qu'au contraire y avait probablement personne d'autre qui savait ça mieux que Vador, et au final sa réaction va dans ce sens.
Je l'ai lu avant qu'il disparaisse donc c'est bon pour moi, mais je trouve qu'il mérite d'être lu.