Chapitre 26

Jour 4 

 

Anastae n’eut pas besoin de retourner à l’intérieur : Thalion se trouvait devant le bordel, une feuille dans la main, les sourcils froncés, et incapable de lâcher ce malheureux morceau de papier de ses yeux. Ce fut seulement grâce à son oreille elfique, quand son propre talon racla les dalles de la rue, qu’il releva la tête et commença à dire : 

- Pourquoi tu es… 

Il écarquilla ses yeux rubis qui brillaient dans la nuit en voyant son bras, la sueur qui coulait sur son visage, son regard hagard, perdu, alors qu’elle brûlait encore tellement comme si les effets de l’eau glacée s’étaient déjà effacés. La feuille qu’il tenait entre ses mains tomba par terre et il se dirigea à grands pas vers elle. 

Anastae, quand elle sentit ses mains froides sur ses épaules brûlantes, eut le sentiment de se reconnecter avec la réalité et sursauta, en s’arrachant à son toucher. Elle déglutit, battit des cils, et coupa Thalion alors que ce dernier ouvrait la bouche, choqué par ce qu’il voyait : 

- Je me suis faite attaquer. J’ai réussi à repousser l’elfe et il est parti mais… 

Sa gorge la brûla tellement qu’elle dût faire une pause, avant l’impression qu’on était en train de lui arracher la langue : 

- Je ne sais pas où il est. Il a semblé prendre peur, de quelque chose ou de quelqu’un, et il s’est enfui. Je suppose que c’est une bonne chose, sinon il m’aurait tuée sans hésitation. 

Elle toussa, voulut continuer son mensonge, mais se retrouva dans l’incapacité de dire un mot de plus, ce qui arrivait quand ce dernier était trop long et fastidieux à formuler : même à demie-humaine, elle avait ses limites en tant que demie-fée. Thalion ne sembla pas s’en formuler et demanda : 

- Tu es gravement blessée ? 

- Il a manqué de m’arracher le bras, continua-t-elle, les mots pesant lourds sur sa langue meurtrie. Je ne sais pas quand cette plaie va guérir.

Anastae écarta légèrement son châle ensanglanté de sa blessure pour lui montrer une profonde entaille qui courait sur tout son avant bras qui saignait encore un peu sans pour autant produire des flammes. 

L’elfe l’étudia du regard : 

- Tu as de la fièvre, après avoir effleuré son front de ses doigts. Je pense que tu as été empoisonnée, il faut vite que nous trouvions un remède. 

- Non, siffla-t-elle. Impossible. Je crois que c’est juste le fait que j’ai perdu beaucoup de sang. Je vais m’en remettre. 

- Anastae, siffla Thalion. Hors de question qu’on ne fasse rien alors que tu es dans cet état, si il y a du poison qui court dans tes veines, tu ne passeras pas la nuit.  

Est-ce que je mérite seulement de survivre à cette nuit ? N’aurait-il pas fallu que je meurs à sa place ? 

Le Prince continuait de parler, sérieusement inquiet pour elle, mais la jeune fée se sentait à deux doigt de tomber par terre et ses jambes devenaient de plus en plus lourde : elle voulait s’allonger sur son lit délabrée, fermer les yeux, et voulait dormir, pour oublier, pour que demain matin, tout soit déjà plus lointain. 

Anastae tendit alors sa main vers le bras de Thalion, et la posa sur ce dernier : sans même le regarder, elle murmura : 

- Je veux juste m’allonger, allons à l’auberge. Je t’en prie. 

Le Prince trembla sous sa main, mais finit par pousser un soupir : 

- Si tu prends un antidote contre les poisons… 

- J’en prendrai un, murmura-t-elle. Mais rentrons. 

 

Elle riait.
La tête rejetée en arrière, gorge déployée, elle avait l’air si heureuse. Son amie la fixait avec un petit sourire au coin de ses lèvres, et si elle se mettait à secouer sa tête pour montrer sa désapprobation, elle ne pouvait s’empêcher de la regarder. 

Ses boucles blondes échappées de son chignon tombaient devant ses yeux noisettes, où brillaient des pépites d’or, et elle continuait de s’esclaffer, encore et encore, comme si tout ce dont elle avait besoin se trouvait ici, dans ce monde. Heureuse, peut-être trop, elle saisit son verre de vin, le but cul sec, et finit par refermer sa bouche, non sans un petit gloussement. 

Puis, elle tourna son regard vers elle. 

De suite, ce dernier devint terne, maussade, et quelque chose qu’elle n’aurait pu comprendre dans son enfance surgit : elle la fixait comme si elle voyait son passé, ce qu’elle ne pourrait plus jamais avoir, avec une certaine envie de retrouver sa vie d’avant, désormais si lointaine. 

Ses boucles étaient désormais tressées, ses joues étaient creusées, sa belle robe avait laissé place à un haut bien trop large pour elle, coincé dans un pantalon, lui aussi trop grand.  Elle ne souriait plus, riait encore moins. Désormais, elle était si fragile, si effacée, et avec des cernes sous les yeux,elle crispa sa bouche, déçue par ce qu’elle voyait. 

Parce qu’elle la regardait elle. 

L’image changea. 

Du feu surgit de son corps, qui devint celui de l’elfe de la ruelle, qui avec la bouche ouverte dans un grand cri semblait la supplier d’arrêter, mais les flammes ne se tarissaient pas, et il brûlait. Juste sous ses yeux, il brûlait vif, en se débattant vainement et la fixait comme si elle était un monstre. 

Peut-être était-ce ce qu’elle était, un monstre. 

Une abomination. 



 

- Anastae, réveille toi. Ce n’est qu’un cauchemar. 

Des yeux rubis dansaient devant elle, une voix bien trop calme força son rythme cardiaque à s’apaiser, et avec un bref soupir, elle se rendormit. 


 

  

Avec difficulté, elle tressa ses cheveux humides, les muscles endoloris comme si elle avait couru pendant des heures, le visage creusé, l’air totalement ravagée. Elle avait passé une nuit étrange, où les cris de l’elfe qu’elle avait tué se mélangeaient avec les dernières paroles de sa mère, et un poids lui pesait dans la poitrine depuis. 

Qui aurait cru que cette ville contiendrait autant de révélations ? 

L’un des frères frappa à la porte de la salle de bain, ce qui la fit sursauter, et déclara : 

- Anastae, tu en as encore pour longtemps ? 

- J’arrive, déclara-t-elle d’une voix encore trop lointaine. 

La jeune fée pria pour que Hélios s’éloigne légèrement de où elle se trouvait et quand elle l’entendit converser à nouveau dans le couloir, elle prit un bref moment pour se regarder dans le miroir. Elle n’avait pas le droit de flancher maintenant alors qu’ils allaient se rendre au clocher et y pénétrer, si tout se passait bien. Il leur restait encore trois jours pour retrouver ce talisman et, éventuellement, détruire les armes magiques qui résidaient dans cet endroit : ils n’avaient pas de temps à perdre. 

Encore rafraîchie par son bain matinal, elle ouvrit la porte de la salle de bain et rejoignit les deux frères dans le couloir qui discutaient de la marche à suivre. En les écoutant d’une oreille, elle saisit sa cape pour cacher son carquois et son arc, sentant sa dague s’enfoncer dans ses côtes car elle était glissée dans son décolleté : 

- L’entrée la moins surveillée se trouverait près d’une galerie d’art. Une fenêtre qui se situerait à quelques mètres, déclara Thalion. 

- Comment sais-tu cela, demanda Anastae en clignant des yeux pour tenter de leur redonner un aspect plus vivant. 

Il la contempla un instant, sans rien dire, une lueur qu’elle ne parvenait pas à déchiffrer dans son regard rubis : 

- Une image nous est apparue dans le bordel, celle du gérant. On l’a donc retrouvé pendant que tu étais dans la rue et j’ai usé de mon don pour le faire parler de plus que l’empêcher de répéter qu’il nous avait vu. Ainsi il n’alertera pas ceux qui se trouvent dans le clocher. 

Anastae ne répondit rien en sentant qu’il hésitait de nouveau à lui demander ce qu’elle avait vu dans la boule et pourquoi cela l’avait-elle fait fuir. La veille, sur le chemin du retour, Thalion lui avait gentiment demandé de quoi il s’agissait, et elle avait répondu, loin de tout, brûlante, que cela ne le regardait pas et qu’elle ne souhaitait pas en parler. Hélios avait alors changé de sujet pour empêcher de continuer sur ce dernier avec un regard en coin pour la jeune fée. 

Elle se contenta donc de hocher la tête et faire flotter sa cape derrière elle pour empêcher d’éventuels plis. 

Elle ne parla pas du trajet, laissant les deux frères établir les règles de cette intrusion, et dût se concentrer, elle ne savait combien de fois, pour ne pas décrocher totalement de la réalité. 

C’était affolant de sentir encore le corps de l’elfe contre le sien, avant qu’il ne se réduise en cendres, et d’entendre son cri, de sentir sa panique, alors qu’une partie d’elle appréciait de se sentir aussi puissante et féerique. Elle se dégoûtait d’avoir agi ainsi mais encore plus de savoir que d’une certaine façon, elle avait aimé ce qui s’était produit. 

C’était fatiguant de se remémorer les images de sa mère, si joyeuse, si à sa place, et de comprendre que ce qui l’avait rendue si maussade était le monde des humains. 

C’était angoissant de savoir qu’une certaine fée aveugle savait tout cela depuis le début. 

Pendant un instant, la jeune fée crut qu’elle ne serait pas capable de mener à bien leur mission, mais elle estima qu'elle pouvait le faire, en mettant de côté, seulement pour quelques heures, ce qui venait de se passer, et de tenter d’oublier ce qu’elle avait fait. Au moins, elle n’était plus brûlante, et sa condition physique s’était nettement améliorée si ce n’était son bras douloureux entouré de bandages. 

Finalement, ils s’arrêtèrent à une rue du clocher, dans un recoin sombre où personne ne se rendait. Thalion saisit sa propre cape tandis que Hélios expliquait une dernière fois ce qu’ils devaient faire : 

- Pas de risques inutiles, commença-t-il. Surtout après ce qui s’est passé hier soir. Si on voit que quelque chose tourne mal, on quitte les lieux, cela n’avancerait en rien Emma et le Royaume si on venait à mourir dans cette base. Pour le reste… Je ne sais pas ce que l’intérieur de ce clocher nous réserve, donc, on improvise. 

- Espérons juste que ça suffise, souffla Anastae 

Sur ces mots, elle se faufila derrière Thalion, mettant en pratique ce que son père lui avait appris : poser le pied doucement, repartir son poids, trouver son équilibre, être rapide et faire le moins de bruits possibles. Malheureusement pour elle, ses os à demi humains étaient plus lourds que les fées habituelles, ce qui lui rendait la tâche plus difficile. 

En quelques secondes, ils se trouvèrent devant la fameuse galerie d’art et Hélios leur fit signe de se glisser entre deux murs pour atteindre le derrière du bâtiment sans être repéré. Anastae grimaça lorsqu’elle tendit son bras en arrière pour avoir un meilleur appui contre le mur et rentra son ventre pour être certaine de pouvoir s’y glisser. 

Hélios, le premier de la petite file, s’arrêta au bout de cet espace exigu, et de cette façon, Anastae se retrouva épaule contre bras avec Thalion. Ce dernier glissa un petit regard vers elle, et esquissa un sourire en coin : 

- Le regard froid te va bien. 

La jeune fée haussa un sourcil et, malgré elle, elle sentit un sourire venir chatouiller la commissure de ses lèvres, le premier depuis hier soir. Malheureusement, les cris de l’elfe de la veille lui revint en mémoire et tout début d’amusement disparut. 

Anastae retrouva son regard placide. 

Elle n’eut le temps de se demander si le Prince l’avait remarqué que Hélios leur faisait signe de continuer, son radar à émotion ne trouvant rien dans les environs. Une fois sortie de cette ruelle, ils se retrouvèrent face à la façade arrière du clocher et de la galerie. Anastae ne trouvant pas immédiatement la fenêtre, leva son regard et sa bouche s’entrouvrit lorsqu’elle se rendit compte que la première fenêtre se trouvait bien à une dizaine de mètres du sol : 

- Comment sommes-nous censés rejoindre cette fenêtre, demanda-t-elle, perplexe. 

Thalion posa sa main sur son épaule et la fit tourner pour lui montrer une fenêtre de la galerie d’art qui devait être à cinq mètres de hauteur : 

- Si Emma était là, cela aurait été plus simple, mais aujourd’hui, nous allons compter sur nos muscles, déclara-t-il. 

Il jeta un regard à son bras et, grâce à un léger mouvement de sourcils, lui demanda silencieusement si elle allait pouvoir le faire. Comme réponse, la jeune fée hocha doucement sa tête et observa Thalion qui posait son pied sur une pierre du mur, testant sa stabilité. D’un geste puissant, il s'éleva grâce à la force de ses bras et continua son ascension comme si ce n’était rien. Impressionnée, elle manqua d’en oublier la mission : 

- Vas-y, lui dit Hélios. Je vous couvre. 

- Merci, souffla Anastae en s’assurant que Thalion était bien parvenu au rebord de la fenêtre. 

Alors qu’elle s’apprêtait à poser son pied sur une pierre, Hélios lui souffla, très doucement, de façon à ce qu’elle soit la seule à entendre ce qu’il disait : 

- Je ne sais pas ce qui s’est passé hier soir pour que tes émotions soient dans un tel état, mais si tu ne peux pas les mettre de côté durant cette mission, sers toi en comme une arme. 

Elle eut le sentiment qu’on venait de la frapper au ventre et Anastae dût se concentrer pour repousser loin de son esprit la soirée de la veille. Si ce que Hélios venait de lui dire était partie d’une bonne intention, elle n’avait aucune envie de commettre de nouveau un meurtre. Elle n’était pas une meurtrière, elle n’en n’avait pas le profil et s’en servir comme d’une arme… 

Elle ne répondit donc rien et se contenta de faire son maximum pour se hisser : son bras la faisait souffrir, elle avait l’impression que sa plaie s’élargissait à chaque poussée, et son pied glissa de nombreuses fois, où son bras droit fut le seul à pouvoir la retenir. 

Après de grands efforts, elle parvint enfin au rebord où se trouvait Thalion. Ce dernier s’accroupit, la surface était assez grande pour le permettre, et il lui tendit sa main pour l’aider. Anastae eut la présence d’esprit de lui tendre le bras droit, et lorsque sa main se referma sur son membre pour la hisser, elle fut surprise de constater sa force : en moins d’une seconde, elle se trouvait face à lui, sur le rebord, à quelques millimètres de sa poitrine. La jeune fée croisa son regard et surprit son sourire en coin qui se formait face à leur proximité. 

Anastae roula des yeux et lui donna un coup de coude pour lui indiquer de ne pas s’attarder et de continuer sa progression pour atteindre la fameuse fenêtre et pénétrer dans la chapelle. Thalion posa une main sur son épaule pour les faire échanger de place et elle aurait pu juré que sa main s’était légèrement trop attardée sur son bras. 

Aisément, il réussit à se hisser encore de quelques centimètres, jusqu’à ce que son pied se pose sur la pierre et, sans hésiter une seule seconde, il se propulsa jusqu’au mur de la chapelle, délaissant ainsi celui de la galerie d’art : Thalion se rattrapa avec une seule main, et de l’autre, réussit à atteindre le rebord de la fenêtre, où il se hissa. 

En se redressant, il lui adressa un clin d'œil qui l’agaça ( et l’amusa légèrement, mais cela, elle ne voulait pas se l’avouer). D’autant plus que Anastae n’était pas certaine qu’elle parvienne à reproduire ses gestes, étant bien moins forte que lui. 

Elle jeta un regard Hélios qui attendait en bas qu’elle parvienne au rebord pour qu’il puisse à son tour grimper. La jeune fée prit donc une grande inspiration et se colla contre le mur pour prendre le plus d’élan possible. Elle espérait simplement que son côté fée lui avait aussi livré des jambes puissantes. Sans plus y réfléchir, pour ne pas penser à la possibilité qu’elle s’écrase dans le contrebas. 

Anastae se jeta alors dans le vide.

La jeune fée se rattrapa in extremis au mur de sa main droite et un sifflement franchit la barrière de ses dents en sentant le vide s’ouvrir sous ses pieds. Elle leva son regard vers Thalion, le corps crispé par l’effort : ce dernier se penchait en avant pour lui tendre, une nouvelle fois, sa main. Reconnaissante, elle tenta de lui adresser un petit hochement de tête de remerciement mais eut tout juste la force de tendre son autre main. L’elfe la dévisagea un instant avant de la saisir et Anastae poussa un râle à cause de sa blessure au bras. Thalion s’empressa donc de la remonter assez pour passer un bras autour de sa taille et ainsi, partager la charge qu’elle était. 

Ce ne fut qu’une fois qu’elle eut les deux pieds sur le rebord qu’elle prit un grande inspiration et desserra sa prise sur la main du Prince : 

- Merci, souffla-t-elle, les cheveux au vent et incapable de lâcher des yeux le vide et la silhouette d’Hélios qui commençait à grimper.   

Elle resserra la sangle de son carquois et parcourut rapidement la ruelle qui plongeait en contrebas. 

Soudain, la silhouette d’un elfe qui s’en rapprochait s’imposa devant eux, et immédiatement, ils se mirent accroupis, du mieux qu’ils le pouvaient. Thalion posa une main sur son épaule et, d’une simple pression, lui indiqua qu’il serait judicieux de sortir son arc. 

Anastae hocha sa tête, saisit son arme, et tira de son carquois une flèche pour viser l’elfe qui se rapprochait. 

Et puis, elle vit les yeux remplis de douleur de l’elfe de la veille. Elle entendit ses cris, elle sentit la chaleur des flammes pendant qu’elle le serrait contre son corps enflammé, elle se souvint de la douleur dans son bras, de la flèche qui arrachait son sang pour laisser couler sa magie féérique. 

Sa main trembla, elle se retrouva incapable de continuer à le viser correctement et ce ne fit qu’après un court moment qu’elle se rendit compte qu’elle serait incapable de lâcher la corde. Anastae, qui avait toujours vu son arc comme allié, le considérait aujourd’hui comme un ennemi. 

L’elfe s’approchait et s' il ne semblait pas menaçant, elle eut peur qu’il le soit, car cela signifierait qu’elle aurait à le tuer, à lâcher cette flèche et… 

Par la Reine, elle en était incapable. 

La main de Thalion la secoua légèrement, et il murmura : 

- Anastae, tout va bien ?

L’elfe passa finalement son chemin. 

Sa prise se relâcha sur son arc, sa main lâcha la flèche comme si elle l’avait brûlée, ce qui était ironique, et elle dût cligner des yeux un bref instant pour trouver la force de répondre, faiblement : 

- Hélios arrive. 

- Ce qui vient de se passer…, commença Thalion. 

- Il n’était pas un danger, souffla-t-elle. Je n’avais aucune raison de tirer. 

- Ce n’est pas ce que je voulais… 

- Je sais, rétorqua-t-elle plus sèchement qu’elle ne l’aurait voulu. 

Finalement, Hélios finit par atteindre la plateforme et si cette dernière était assez large pour que deux personnes s’y tiennent, ils se retrouvèrent très rapidement acculés. 

Thalion se retourna rapidement, et, sans plus de délicatesse, cassa la vitre d’un coup de poing enveloppé autour de sa cape. Le verre vola en éclats, mais la main ensanglantée du Prince était déjà totalement guérie le temps que Anastae se glisse dans l’ouverture. 

Constatant que trois endroits différents s’ouvraient à eux, un chemin par l’escalier, l’autre en face d’eux, et un à leur droite, d’un regard, ils avancèrent avec comme plan de se retrouver devant l’auberge une fois leur projet fini. Si l’un d’entre eux ne revenait pas dans une heure, c’était que quelque chose de mauvais s’était passé. 

Anastae choisit la porte qui se trouvait en face d’elle et avec un dernier regard pour les deux frères, se faufila discrètement vers l’entrée. Elle eut le temps de constater que le bâtiment était en très mauvais état, voulant sans doute passer pour un endroit abandonné, mais comprit également que cela allait jouer en leur faveur : il y avait pleins de bruits parasites, tel que le bois qui craquait ou encore les oiseaux qui poussaient des piaillements aigus. La jeune fée se plaqua contre la porte, sa main chercha la poignée, et en s’assurant que personne ne se trouvait dans la pièce en donnant un coup de pied dans la porte, elle ouvrit la porte. Le clocher ne comportait aucune serrure, ce qui s'avérait pratique mais elle manqua de tomber dans le piège. 

Si elle avait ouvert trop rapidement, trop brutalement la porte, l’épée qui se trouvait attachée au-dessus d’elle aurait trouvé sa tête sans grande difficulté. 

Anastae rejeta sa tête en arrière, déglutit, mais s’efforça de se concentrer en regardant la pièce où elle venait de pénétrer. 

Il s’agissait d’une sorte de bureau qui ne contenait qu’une chaise, qu’un écritoire et une commode, tous d’une veille origine et qui donnaient l’impression de ne tenir que par pur miracle. 

La jeune fée referma doucement la porte derrière elle et prit garde à s’éloigner de l’épée au-dessus d'elle. Demandeuse de quitter cet endroit le plus vite possible, elle entama sa fouille, espérant trouver ce talisman pour mettre un terme à cette mission. Anastae ouvrit donc les tiroirs de l’écritoire : le premier contenait une simple note écrite dans une langue ancienne qu’elle ne parvenait pas à déchiffrer. Souhaitant tout de même en garder une trace, elle parvint à trouver un papier et de l’encre. Du mieux qu’elle le pouvait, elle s’efforça à reproduire les mêmes tracés et glissa le papier dans son décolleté, cela pouvait leur être utile. Le deuxième tiroir contenait simplement une fiole remplie d’alcool. 

Ce qui se rapportait au talisman se trouva finalement dans le quatrième. Ce n’était pas l’objet en lui-même mais les feuilles que Anastae trouva était un croquis du talisman, qui était en réalité une simple pierre précieuse, une émeraude il semblerait,d’une couleur verte éclatante, avec une chaîne en or. Cependant, une description se trouvait en dessous. 

La jeune fée hésita à voler leurs documents, après tout s’ils parvenaient à mettre la main sur ce bijoux, le vol serait évident… Cependant, elle jugea plus judicieux de simplement parcourir le papier.

Elle n’eut le temps de découvrir qu’il appartenait à la plus puissante guerrière de leur monde, avant que des bruits de pas ne retentisse devant la porte. Alerte, Anastae fourra la feuille dans le tiroir qu’elle referma sèchement, avant de se recroqueviller sous le bureau, la seule cachette à sa portée : 

- Tu as entendu ce bruit, demanda une voix rocailleuse provenant d’une personne qui venait, de toute évidence, de se réveiller.  

- Non, répliqua une voix féminine chantante. Réveille toi un peu Larius, tu commences peut-être à délirer. 

- Je me porte à merveille, répliqua ce fameux Larius. 

Ils franchirent le seuil de la porte et Anastae plaqua une main sur sa bouche pour empêcher sa respiration de devenir trop lourde. 

Les deux créatures s’avancèrent jusqu’à l’écritoire : 

- Je prends juste un document et on monte. 

Avec horreur, la jeune fée tenta de se plaquer encore plus contre la paroi de l’escritoire et de se dissimuler derrière la chaise, cependant son arc et son carquois l’empêchait de se fondre totalement dans l’ombre. Elle bougea lentement pour abaisser encore plus la capuche de sa cape et renferma les pans de cette dernière sur ses jambes. 

La créature à la voix chantante demanda : 

- Tu cherches quoi ? 

- Rexio m’a dit qu’il avait laissé quelque part un relevé sur le nombre d’armes magiques. Apparemment ce truc fonctionne bien, t’imagines un peu si on parvenait à… 

- Tu parles trop, ria sa coéquipière. Je déteste cet endroit, dépêche toi de chercher. 

Anastae comprit qu’elle n’allait pas pouvoir passer inaperçue alors qu’ils cherchaient un papier qui devait sans doute se trouver dans un des tiroirs, juste à côté d’elle. La jeune fée, avec une nausée, chercha frénétiquement sa dague, mais quand ses doigts saisirent sa poignée, elle comprit qu’elle serait incapable de les tuer. 

Elle ne voulait pas revoir la peur dans leurs yeux, sentir leur vie filer entre ses doigts, elle avait haï cette sensation et voilà que… Elle se rendit compte que si elle pouvait se défendre, ils allaient prendre le dessus sur elle si elle n’utilisait pas son don, chose qu’elle était incapable de faire pour le moment. 

Elle aperçut la pointe des bottes de ce Larius, sentit sa paupière gauche se mettre à trembler et son souffle s’alourdir en même temps que ses muscles se tendaient. 

Sa main se crispa sur sa dague, elle sentit que ses paumes étaient moites, et alors qu’il faisait un pas de plus vers elle, la voix chantante s’écria : 

- Je l’ai c’est bon ! C’était dans la commode.

- Très bien. Je récupère juste la fiole. 

Il ne s’avança pas plus et ouvrit le tiroir pour récupérer l’alcool avant de reculer. 

Anastae manqua de pousser un soupir de soulagement mais se força à rester concentrée jusqu’au moment où la porte claqua. Elle prit également le soin de compter jusqu’à 100 dans sa tête avant d’oser sortir de sa cachette. 

Il n’y avait plus personne. 

Anastae ouvrit les derniers tiroirs, sans rien trouver de plus intéressant, si ce n’était une copie du document qu’ils étaient sans doute venu chercher. 

Le nombre qu’elle y découvrit lui coupa le souffle pendant un moment. 

Ce document, elle prit la peine de le glisser dans la poche intérieur de sa cape, et avec un dernier regard pour ce bureau délabré, se hâta de quitter ces lieux.

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