Chapitre 27 : Le nouveau chasseur

Le trajet vers Tatooine se fit sans aucun encombre. Aucun vaisseau impérial ne suivit le Vautour Couronné, qui avait poursuivi sa route avec grande précaution. Le carburant de la planète Shimia s’était également révélé être amplement suffisant, au grand soulagement des deux mercenaires qui, après ces derniers événements, voulaient éviter un nouvel arrêt. Twik avait failli court-circuiter lorsque son co-pilote lui avait annoncé sa rencontre avec Vador. Il avait regardé le Twi’lek comme si ce dernier avait été un fantôme, et n’avait pas caché son étonnement à la survie du chasseur. Orn lui-même n’y croyait pas. Il n’essayait pas de comprendre quelles pensées avaient traversé le Seigneur Sith pour qu’il le laisse en vie et libre. Un retour à la normale, dans le Palais de Jabba, était donc le bienvenu, et il avait hâte de reprendre du service. Il n’aurait bientôt plus à se tourner les pouces, mais à chasser, ce qui lui avait grandement manqué.

Orn s’imaginait déjà sa prochaine mission, et tentait à peine de cacher son impatience à l’idée de travailler à nouveau avec le Mandalorien à l’armure verte. Cela faisait longtemps que les deux chasseurs de primes n’avaient pas travaillé, et pour le Twi’lek, reprendre du service était une manière de reprendre le contrôle sur sa vie et ses actions. Sans l’Empire, il sentait un poids se libérer de ses épaules. Il n’avait plus à répondre de rien à personne, et Jabba n’attendait de lui que son efficacité et ses services. Twik, quant à lui, se réjouissait d’avance des futurs voyages à travers la Galaxie qui les attendaient. C’était ce qu’il préférait des missions de son co-pilote : traverser des systèmes entiers, se poser sur des endroits perdus et inhabités des planètes les plus reculées, observer de loin des espèces quasiment inconnues du reste de la Galaxie… Il n’avait pas fait cela depuis longtemps, et la perspective de vivre à nouveau cela lui donnait presque la force de supporter les longues heures à dialoguer avec Fett qui allaient bientôt venir au cours des différentes missions de son ami. Les deux mercenaires échangèrent un sourire avant de sortir de l'hyperespace. En une fraction de seconde, le paysage spatial se dessina devant eux, et la planète-désert apparut. Toujours aussi jaune et austère, la revoir pinça le cœur du chasseur, qui se rappela de Nasha et son départ rapide. Elle avait quitté cette planète pour de bon, et il doutait qu’elle souhaite un jour y revenir. Il se força néanmoins à se concentrer, et s’empara des manettes du vaisseau pour s’approcher de Tatooine.

Plusieurs vaisseaux, dont certains appartenaient à l’Empire, s’agglutinaient autour de son orbite, tournoyant sans but, souvent dans l’attente d’une marchandise. Ceux de l’Empire, pour la majorité, restaient cependant immobiles, surveillant d’un air implacable les allées et retours des visiteurs. Les Hutts ne tentaient pas de cacher leur mainmise sur Tatooine, ni leurs diverses activités nécessitant des chasseurs de primes. Tant que leurs affaires n’interféraient pas avec celle de l’Empereur, la pègre de la planète-désert était libre de continuer ses traques et ses sombres pactes. Se fondant parmi tous ces vaisseaux de chasseurs, les deux mercenaires se frayèrent un chemin avec leur fin Vautour, et se mirent en direction de la cachette du Twi’lek. Sans accros, ils atterrirent dans le refuge jaunâtre formé par les grandes dunes rocheuses.

En sortant, posant son pied sur le sable fin de Tatooine, Orn fut frappé par le silence de sa cachette. Après avoir passé d’innombrables mois dans ce lieu isolé avec Nasha, Twik et même Fett, le chasseur avait perdu, à sa propre surprise, l’habitude de vivre seul, et le silence ne semblait plus à sa place dans cette grotte rougeâtre cachée par les dunes. Le Twi’lek s’avança d’un pas lent vers la cave, se dirigeant lourdement vers le dernier speeder qui restait. Une brise se mit à souffler sur le sable, soulevant doucement les grains, et dont le bruit subtil venait combler ce silence si détestable, et tenait compagnie au chasseur. Ce dernier restait cependant troublé, et s’empara rapidement du speeder. Plus tôt il partirait rejoindre Fett, mieux il se sentirait. Le Palais de Jabba ne connaissait pas le calme, et Orn ressentait un besoin de plus en plus pressant d’entendre à nouveau le son d’une Cantina. En sortant de la petite grotte, il aperçut Twik, qui était sorti et continuait d’inspecter le Vautour, toujours à la recherche d’une quelconque fissure ou craquelure de la peinture. À cette vue, le Twi’lek esquissa un sourire, et s’approcha doucement de son co-pilote.

"Tu sais, Fett a trop peur de toi pour abîmer mon vaisseau, même sans faire exprès," lança-t-il légèrement.

Le droïde lâcha un petit rire, avant de secouer la tête et de continuer son inspection.

"Oh, je sais bien qu’il n’a pas abîmé mon vaisseau, mais je n’ai pas confiance en la qualité de cette peinture, même si elle a été faite par des Mandaloriens…

— Le contraire m’aurait étonné… Dis, Twik, je vais partir au Palais, voir si je peux reprendre du service. Il faudrait aussi faire des stocks de carburant."

À cette nouvelle, le concerné poussa un léger soupir, et hocha la tête de mauvaise grâce, signifiant qu’il allait s’en charger. Ce n’était pas rare, pendant les missions ou les excursions autres du chasseur, que le robot s’occupe du Vautour Couronné. Il réparait ce qui devait l’être, achetait du carburant ou des pièces, tout en prenant soin de ne pas s’attirer d’ennuis. Généralement, le symbole sur son torse robotique suffisait comme protection, la perspective de froisser le Chasseur Impérial et par extension l’Empire tenant les étrangers dans la peur. Bien sûr, Twik avait déjà dû faire face à divers problèmes, lors de ses trajets seuls, mais il savait toujours se défendre en utilisant un blaster. Avec la récente nouvelle de l’alliance entre Orn et le Mandalorien à l’armure verte, le droïde était d’autant plus en sécurité, tout en étant plus susceptible d’être ciblé. Twik se prépara donc mentalement un trajet, non vers Mos Espa, mais Mos Eisley, afin d’éviter la Cantina de Taar-Y. Et comme Orn prenait le dernier speeder en leur possession pour rendre visite à son ancien employeur, il n’avait d’autre solution que de prendre le Vautour. Ce n’était certes pas très discret, mais un nouveau signe montrant que son co-pilote était de retour ne serait pas de trop. Car, même si la Galaxie ne le savait pas encore, il ne bénéficiait plus de la protection de l’Empire. Il devait donc réaffirmer sa puissance, et montrer qu’il était bien plus que la réputation de l’Empereur. Cela ne devrait pas être trop compliqué, surtout si Jabba le Hutt accepte de lui donner des missions.

Mais, en attendant, le droïde devait redoubler de vigilance, ce qui signifiait qu’il devait également tenir sa langue lors de ses échanges avec les marchands, chose dont Twik n’avait pas l’habitude, et qui ne l’enchantait pas. Il espérait simplement que la menace de Fett à Taar-Y suffise à dissuader les hommes du gérant de la Cantina de le suivre ou de l’attaquer. Orn, quant à lui, se souciait peu de ces mercenaires peu influents. Sa dernière altercation avec eux avait suffi à le rendre certain qu’ils n’étaient aucunement un danger pour lui ou ses amis. Après tout, les chasseurs de primes jouaient sur un terrain tout autre que de simples hommes de main, s’en prenant à leurs collègues pour monter au sommet tout en collectionnant les faveurs et les protections des maîtres de la pègre. Les hommes de main, eux, n’avaient pas d’ambition, pas de concurrence et se terraient en sécurité dans les établissements de leurs employeurs. De plus, le Twi’lek était persuadé que les hommes de Taar-Y n’oseraient pas le menacer sur le territoire de Jabba. Sans crainte donc, il salua Twik, puis s’empara du dernier speeder avant de s’élancer en dehors du cratère formé par les dunes rocheuses en direction du Palais du Hutt, sa capuche recouvrant presque entièrement son casque pour éviter qu’elle ne tombe.

Parcourir le désert de Tatooine était comme traverser un océan jaunâtre infini. Des étendues de dunes s’enchaînaient les unes après les autres au passage du chasseur, déployant des ombres plus grandes qu’elles qui recouvraient l’unique voyageur assez insensé - ou assez courageux - pour se mesurer à la grandeur du désert. Les Soleils de Tatooine, haut dans un ciel d’un bleu ininterrompu, frappaient sans pitié les moindres recoins de sable, et immisçant la chaleur de leurs rayons dans les tissus du Twi’lek. Cependant, l’armure, bien que noire, du chasseur reflétait ces rayons, protégeant son porteur d’une chaleur trop intense.

Ce dernier ne savait depuis combien de temps il était parti, mais le temps semblait long au fur et à mesure du trajet, avec un paysage qui semblait rester constant et indépassable. Le mouvement des ombres semblait être la seule chose animant le désert, mais Orn connaissait suffisamment Tatooine pour ne pas se laisser duper. Cachés dans les ombres des dunes ou dans les fossés de sable, les Tusken observaient ceux qui traversaient leur mer de sable. S’ils attaquaient les voyageurs trop lents ou trop ignorants, ils laissaient passer les plus rapides et les plus armés, ne pillant que dans la facilité. Mais même les cibles les plus intouchables se faisaient attaquer lorsque les Tusken jugeaient leur présence insistante ou insultante. Après tout, ils étaient les natifs de cette planète, elle leur appartenait et ils connaissaient tous ses secrets. Les autres espèces n’étaient que des étrangers, des colons qui volaient leurs terres et abattaient le gibier. Ce peuple avait beau être minoritaires et méprisés, ils n’oubliaient pas qu’ils étaient chez eux et que ceux qui n’étaient pas de leurs tribus étaient des envahisseurs. Alors ils défendaient leur planète comme leur petit nombre le permettait : en pillant et en agressant, en se terrant dans leur cachette sombre et en attendant le moment parfait. Orn connaissait les risques de cette traversée interminable, bien qu’il ne saisît pas tous les enjeux derrière les actions des Hommes des Sables.

Tout ce qu’il savait, c’était qu’il fallait les éviter le plus possible, et ne jamais rester dans le désert, sans protection ni cachette, trop longtemps. Cependant, il avait beau se presser, son speeder était au maximum de sa vitesse, et la mer jaune ne semblait pas vouloir s’arrêter. Le chasseur scannait les environs à la recherche d’un quelconque rocher blanchâtre ou de grands piliers aussi jaunes que les grains de sable, qui annonçaient la présence du Palais de Jabba, en vain. Les deux Soleils de Tatooine étaient maintenant bas, leurs rayons faiblissant à chaque mètre que le Twi’lek faisait. Les trois Lunes, quant à elles, commençaient à apparaître, à l’opposé des astres lumineux, et Orn commençait à s’inquiéter. Cela faisait trop longtemps qu’il était sur ce désert, et il pensait s’être trompé de chemin. Faire demi-tour n’était pourtant pas une option s’il voulait rester en vie, ce qu’il désirait plus que tout. Il continuait donc son trajet, de moins en moins sûr de lui. Mais alors qu’il se préparait à abandonner toute recherche, trois grands piliers apparurent derrière une dune, surmontant le désert de la roche où ils se tenaient. Un quatrième pilier, plus petit et tout aussi jaunâtre, les accompagnait, se tenant fièrement sur une petite route percée de roches.

Le chasseur lâcha un soupir de soulagement en les apercevant. Il s’y approcha tout en décélérant, faisant attention à la différence de niveau entre la route et les roches l’entourant. Au fur et à mesure qu’il avançait, le Palais de Jabba, une large tour ronde et jaune comme le sable, se fit de plus en plus visible. Enfin descendu sur la route, dans un territoire protégé, Orn se dirigea vers la porte métallique géante, qui se fondait presque dans le paysage tant elle était rouillée. Presque aussi large que le rocher qu’elle perçait, l’entrée du Palais surpassait le nouvel arrivant d’un air implacable, comme le jugeant pour ses crimes. La dernière fois que le Twi’lek avait traversé cette porte, il avait taché le sol du sang de ses anciens mentors, pour prouver à tous qu’il était tout aussi dangereux qu’avant sa défaite face à Boba Fett. Comme s’il pouvait se débarrasser de ses actes passés, le chasseur secoua sa cape, enlevant tout le sable qui s’y était fixé, et qui tomba sur le sol comme des flocons de neige. Il laissa son speeder dans une crevasse d’une roche aux alentours, puis rassembla son courage dans une grande inspiration. Il s’assura de la présence de ses armes pour se rassurer, satisfait d’avoir des poignards pratiques dans des combats en intérieur. Il se força à relever la tête et à paraître sûr de lui malgré le casque, puis frappa sans discrétion à la grande porte rouillée.

Le bruit à l’extérieur sonna creux et presque sans impact, mais Orn savait que, derrière, le son retentissait et se divisait en plusieurs échos dans la cave formée par le Palais. Il attendit quelques secondes avant qu’une sorte de fenêtre ne s’ouvra. Il y sortit un bras fin articulé, se finissant par un rond grisâtre, qu’il savait être une caméra permettant au garde de voir qui se tenait devant la porte. Le chasseur se prépara à parler, pour expliquer la raison de sa venue, mais le bras articulé disparut aussitôt à l’intérieur, et la petite fenêtre ronde se ferma. Orn réagit à la seconde près, et s’empara d’un blaster, de peur d’être tombé dans un piège ou que sa présence ne soit plus la bienvenue. Pourtant, la porte se souleva dans un grincement douloureux, faisant tomber du sable à sa montée. S’il s’attendait à voir des gardes de Jabba derrière, prêts à l’attaquer, le hall d’entrée, presque aussi sombre que son armure, ne présenta aucun signe de vie, mis à part les deux monstres armés de lance immobiles. Sans lâcher son arme, le chasseur s’avança d’un pas qui se voulait certain, et entra dans le Palais.

L’intérieur était sombre, et même la lumière pâle de l’extérieur ne semblait pas éclairer les arches soutenant le toit. La chaleur même de l’extérieur disparut, remplacée par la fraîcheur de la grotte sculptée. Comme aucun des gardes ne faisait un geste en sa direction, Orn continua son avancée dans le Palais, passant sous les diverses arches qui formaient le toit. Le bruit de ses pas était presque l’unique son qui retentissait dans l’entrée, recouvrant presque entièrement la musique et les discussions émanant de la salle principale, plus loin. Il ne put s’empêcher de ressentir de la peur lorsque la porte brisa le silence en se refermant. Peut-être était-il tombé dans un énième piège, peut-être était-il idiot de revenir ici, alors qu’il n’avait fait qu’offenser le Hutt lors de sa dernière visite. L’Empire ne le protégeait plus, et son Mandalorien à l’armure verte l’avait déjà trahi une fois, sans même y être forcé. Mais la porte était fermée, plus aucun retour n’était possible. Alors le Twi’lek emprunta le couloir à la fin de l’entrée, où un escalier descendait vers l’animation et la salle de trône de Jabba le Hutt. La musique se fit de plus en plus forte, et, à sa grande surprise, il reconnut le groupe jouant sur la grande estrade qui apparut au détour d’un virage de l’escalier, où des danseuses animaient la scène en accompagnant les quatre chanteurs.

Puis, arrivé en bas de l’escalier, Orn aperçut enfin la salle de trône dans son entièreté. De nombreux chasseurs de primes et de contrebandiers discutaient bruyamment, souvent un verre ou deux à la main. Des esclaves et des droïdes serveurs fendaient la foule, distribuant des mets pour la plupart douteux et originaires de planètes lointaines, preuve du pouvoir de l’hôte Jabba. Ce dernier se tenait en retrait, étalé de tout son long sur son trône à l’extrémité de la pièce, allongé comme la limace qu’il était. Le chasseur fit une moue de dégoût à cette vue, tout en continuant son avancée. Assise devant le trône de Jabba, qui surmontait d’ailleurs la salle et ses invités, se trouvait une esclave Twi’lek à la peau verte, retenue par une chaîne autour de son cou. Elle ne bougeait pas et fixait la grande grille qui s'étendait devant elle, et que le reste de la foule prenait soin d' éviter. Cette grille, le chasseur ne la connaissait que trop bien. C’était une trappe qui s’ouvrait à la commande d’un bouton sur le trône, et qui renfermait un Rancor, une terrible bête féroce bipédique. Verdâtre, le Rancor n’avait pas de museau mais deux narines enfoncées entre de petits yeux, et sa bouche ne pouvait pas se fermer, laissant toujours visible sa dentition aussi tranchante que les poignards du Twi’lek. Ce dernier avait déjà vu ce même Rancor s’emparer d’une malheureuse esclave dont Jabba s’était lassé. Le monstre n’a pas hésité une seconde avant de la manger, provoquant l’hilarité chez l’hôte et ses invités assoiffés de sang. Alors, comme tous les autres, Orn continua son chemin en restant à bonne distance de la grille, faisant son chemin discrètement à travers la foule, espérant que personne ne le remarque.

 

Mais son espoir mourut aussi rapidement que les discussions autour de lui. Et, par réflexe, il serra son arme lorsque tous les regards se dirigèrent vers lui, comme s’il était un fantôme. Certains jetaient des regards vers Jabba, prêts à fondre sur le nouveau venu au moindre mot du Hutt sur son trône. Orn se mit à scanner les mercenaires à la recherche de Fett, tentant d’apercevoir le moindre soupçon d’une armure verte en Beskar, en vain. Se forçant à garder une composition sereine, le chasseur commençait cependant à paniquer. Les souvenirs de l’embuscade de son ancien ennemi, du bâtiment s'effondrant sur lui et l’étouffant, jusqu’à ce que Twik, par miracle, arrive à temps pour le sauver, remontaient à la surface et prenaient le contrôle de sa respiration. Sauf que Twik était parti, et le Palais de Jabba n’était pas le genre de monument à s'effondrer contre une bombe thermique, et le Rancor se trouvait juste sous ses pieds. Serrant son arme, le Twi’lek était bien content d’avoir un casque. Sans ça, sa terreur et son mal-être auraient été visibles à tous. Il continua à s’avancer vers Jabba, sans jeter de regard à ceux qui ne le quittaient pas des yeux et murmuraient à son passage. Il savait de quoi ils parlaient. Ils parlaient de son statut, du massacre qu’il avait commis, et du meurtre d’Enfys Nest, que lui seul avait été capable de retrouver.

Il entendait les critiques de ceux qui lui reprochaient d’être aux côtés de l’Empire, il entendait ceux qui discutaient de sa planète d’origine, reprenant les rumeurs lancées par Lando Calrissian. Mais il continuait à avancer, forçant son corps à ne pas trembler et obligeant son regard à se faire perçant. Il avança, jusqu’à ce que le silence complet gagne la salle du trône, et que même les quatre chanteurs de Bracca se taisent. Jabba, alors en pleine discussion, tourna immédiatement son regard vers l’unique source de l’attention : Orn. Il sourit d’un air mystérieux qui n’annonçait rien de bon, et se redressa dans un mouvement poisseux, avant de claquer la langue, attirant définitivement toute l’attention de ses invités et des mercenaires. Le chasseur n’y prêta pas attention, mais planta ses yeux dans ceux du Hutt, et l’affronta du regard, d’une attitude plus digne que celui qui était assis sur son trône. Le Twi’lek tenait à vivre et à regagner sa place dans l’estime de Jabba, pour assurer son statut et la protection de sa famille. Il ne baisserait pas les yeux, ne détournerait pas son regard, et affronterait ses démons, ne serait-ce que pour se prouver à lui-même qu’il le pouvait, mais également pour Nasha, Twik, et même son compagnon, qui ne voulait que son retour. Il avait tué Enfys Nest, s’était battu aux côtés de Dark Vador, avait vu une planète mourir. Il ne bougerait pas et ne montrerait pas sa peur, décida-t-il, tandis que ses tremblements cessèrent et que sa respiration se fit de plus en plus calme.

Après quelques minutes de cet affrontement tacite dans un silence immaculé, le Hutt brisa le silence.

"Je ne te pensais pas assez fou pour remontrer ton visage ici…," lança-t-il d’une voix mielleuse et dangereuse.

"Techniquement, je n’ai jamais montré mon visage," rétorqua le concerné, tentant de paraître détendu.

À sa réponse, le Hutt lâcha un rire bruyant, et Orn sut qu’il était sorti d’affaires. Jabba n’avait pas l’intention de le réprimer pour ses actions; comme Fett l’avait sous-entendu, le mystère de la mort d’Enfys Nest primait sur le meurtre de ses mentors.

"Comment puis-je être sûr que tu ne vas pas me priver de bons chasseurs de primes à nouveau, Orn?

— Ça dépend d’eux… S’ils ne me menacent pas, il ne devrait pas y avoir de problème."

Jabba sembla réfléchir un moment, puis haussa les épaules. Cette condition lui convenait, et, après tout, un mercenaire qui menaçaient le Chasseur Impérial n’était pour lui qu’un idiot, et le Hutt préférait voir les idiots morts. Ou congelés dans de la carbonite, comme l’était Solo en ce moment-même. Il fit signe au Twi’lek de s’approcher afin de discuter de manière plus privée, tout en se tournant vers les chanteurs sur la scène et les intima de continuer à jouer, affirmant de manière définitive le retour du chasseur casqué dans sa famille. En s’avançant vers le trône, Orn remarqua sur un mur de la salle Han Solo, toujours dans le bloc de carbonite, qui y était accroché comme une œuvre d’art. Mais en voyant sa plus récente cible, il ne ressentait pas de la fierté comme à son habitude, mais de la culpabilité. Solo avait torturé, puis avait servi de cobaye, tout ça par sa faute.

"Ah, je vois que tu as remarqué mon plus beau trésor," lança le Hutt. "C’est un magnifique cadeau que tu m’as fait, Orn, tu sais."

Sans daigner répondre, le concerné se tourna simplement vers son interlocuteur, jouant de l'impassibilité de son casque pour forcer Jabba à changer de sujet. Cela eut l’effet escompté, et le maître des lieux l’invita à nouveau à s’approcher. Le chasseur se posa donc à côté du trône, surplombant avec son nouvel employé toute la salle. Si la majorité des autres mercenaires avaient repris leurs activités tout en ayant qu’un seul mot à la bouche, les autres ne cachaient pas leur curiosité et restaient près du trône pour écouter la conversation qui allait s’ensuivre.

"Alors, Orn. Dis-moi ce que l’on veut tous savoir," dit Jabba, s’installant confortablement sur son trône de pierre.

Le Twi’lek lâcha un soupir. S’il se sentait coupable pour ce que Solo avait subi, il se haïssait pour ce qu’il avait fait à Enfys Nest et ses Maraudeurs. Son meurtre était le résultat de toute la haine et de toute la colère qu’il avait emmagasinée pendant un an, après l’embuscade raté de Fett. Il avait réussi à oublier cet acte irréparable, mais sa réputation était profondément ancrée au casque ensanglanté de la cheffe des Maraudeurs, qui avait été jeté aux pieds de Vador. Il avait souvent tenté de se justifier à lui-même, car c’est ce casque qui avait permis son retour dans le monde des chasseurs de primes et de retrouver sa crédibilité. Pour autant, il savait que c’était une des pires choses qu’il avait fait, et en parler était presque un supplice - qu’il méritait entièrement.

"Il n’y a rien de passionnant dans ça, Jabba. J’avais seulement les bonnes informations, et les bons informateurs," répondit-il, à la grande déception de tous.

"Oh… J’attendais un récit plus… détaillé.

— Imagine un Rancor enragé contre un Homme des Sables," se força à dire le chasseur en fixant la trappe.

Il espérait cette description suffisante, et à entendre le rire sans retenue du Hutt, elle l’était. Mais, loin d’avoir sa curiosité satisfaite, Jabba commença à poser une nouvelle question, mais fut coupé court par le Twi’lek, qui était décidé à changer de sujet.

"Que viennent faire des chanteurs de Bracca sur Tatooine ?" demanda-t-il donc rapidement, faisant semblant de ne pas avoir remarqué la prise de parole avortée de son employeur.

Cette question ravisa Jabba, qui oublia aussitôt sa propre question, trop heureux d’étaler son pouvoir au nouveau venu.

"Ah ! Je vois que tu n’as pas perdu ton oreille musicale. Eh bien, la Nuée d’Haxion est très intéressée pour récupérer Lando Calrissian, mais ils ne peuvent rien sans mon aide. Leurs chasseurs de primes ne sont plus ce qu’ils étaient, surtout depuis la fuite de Greez Dritus, qui leur devait de nombreuses dettes qu’ils n’ont jamais récupérées. Alors, en échange de mes chasseurs, la Nuée m’offre le meilleur de Bracca, et le Faucon Millénium," expliqua le Hutt d’un air miséricordieux.

Orn hocha simplement la tête, réfléchissant à ces nouvelles informations, et eut une idée.

"Dis-moi, Jabba, tu as déjà des chasseurs assignés à cette mission ?

— Non… Je ne savais pas que tu t’intéressais à Calrissian.

— Il m’a filé entre les doigts à la Cité des Nuages. J’aimerais bien rectifier cela."

En vérité, cette chasse était le prétexte parfait pour retrouver Lando et tenter de récupérer Solo. L’administrateur de la Cité des Nuages faisait confiance à Orn, et accepterait son aide immédiatement. Fett les aiderait également, il le savait. Ce n’était peut-être pas la chose la plus intelligente à faire juste après avoir été accepté par Jabba, mais le Twi’lek estimait cela comme la chose la plus juste à faire. S’il ne voulait toujours pas faire partie de la Rébellion, il voulait tout de même l’aider un minimum. Alors que le Hutt s’apprêtait à faire sa réponse à la requête du chasseur, un mouvement vers les escaliers attira le regard de ce dernier. Un nouvel arrivant venait d’apparaître, et Orn ne s’empêcha pas de sourire à cette vue, se sentant enfin moins seul et moins piégé. Dans son armure verte abîmée, Fett s’avança directement vers les deux mercenaires perchés au niveau du trône. Jabba lui fit un accueil rapide, voulant reprendre les affaires.

"Tu tombes bien, Fett ! Orn veut capturer Calrissian. Vous êtes alliés, maintenant, alors j’imagine que tu vas l’accompagner ?"

Il ne fut pas beaucoup de temps au Mandalorien pour comprendre les intentions de son compagnon. Il hocha la tête simplement, puis Jabba frappa des mains, content. Il ordonna à son bras droit, un vieux Twi’lek à la peau beige, de prévenir la Nuée d’Haxion, tandis que ses deux favoris partirent se fondre dans la foule. Ils s’installèrent dans un coin à part de la salle, d’où ils pouvaient observer les arrivants. L’odeur de l'alcool étouffait le Twi’lek malgré son casque, mais il ne s’en plaignait pas. C’était une ambiance qui lui avait manqué, lui qui était habitué à traîner dans les Cantinas lors de son temps libre.

La musique, les discussions, le bruit, tout ça lui donnait l’impression de n’être jamais parti, de n’avoir jamais passé de longs mois terré dans sa grotte, à tenter de trouver un sens à son existence. Le chasseur entendait quelques commentaires à l’égard de son nouveau symbole, mais personne ne remarquait la cassure du casque, trop bien cachée par la peinture. Les deux mercenaires étaient toujours aussi respectés, et faisaient la joie du maître des lieux, qui ne ménageait pas ses éloges en parlant d’eux à des clients et des associés. Sorc Tormo, un vieil homme d’affaires, se réjouit auprès de Jabba en apprenant que les meilleurs chasseurs de primes allaient se charger de capturer Lando Calrissian. Orn le suivit du regard avec paresse, appuyé gentiment sur Fett par réflexe. Il manqua cependant de s’étouffer sur sa respiration en apercevant une chasseuse de primes inconnue de tous traînant un Wookie enchaîné qu’il ne connaissait que trop bien : Chewbacca.

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire.
SinnaraAstaroth
Posté le 21/05/2024
La lecture de ce chapitre a été entrecoupée de crises d'éternuements et de yeux larmoyants, mais merci à Orn de me tenir compagnie en ces temps difficiles. x)

J'avais oublié à quel point Jabba était absolument affreux (et encore le mot est pas assez fort), aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur. >< L'esclavage et surtout celui des femmes et leur exploitation sexuelle, ça me trigger à chaque fois (cela dit, c'est un bon moyen de montrer la dépravation "humaine" parce qu'on atteint quand même les bas-fonds de la perversion et de l'immoralité).

Un bon chapitre avec encore quelques redites, mais dans l'ensemble ça allait. J'aime toujours autant tes descriptions de paysages, t'as vraiment un don pour ça ! La traversée du désert était vraiment très visuelle, c'était très cool.

Enfin "the plot thickens" comme on dit en anglais, autrement dit le scénario devient de plus en plus intriqué, et j'adore quand les personnages jouent double jeu. L'idée que Orn fassent semblant de bosser pour Jabba afin de trouver Lando et essayer de sauver Solo, ça donne vraiment un nouveau souffle à l'histoire, on a de nouveau un objectif et ça promet pas mal de tension et de rebondissements ! Et voir le anti-héros progressivement prendre la voie de la rédemption est très rafraîchissant ! Je suis à fond derrière lui, il a tous mes encouragements et tout mon soutien ! x)

Boba Fett, je le déteste plus autant qu'avant, mais bon osef +1000, je pourrais me passer de lui. xD Twik, toujours aussi court-circuitant !
Solaq G.
Posté le 21/05/2024
J'ai aucune allergie, donc je peux mal imaginer ta peine, mais courage ;-;-;

Oui, honnêtement, ce sujet quant à l'exploitation des femmes m'a toujours trigger, donc j'essais d'en parler un minimum, mais ici, je pouvais pas trop éviter, malheureusement.

Et oui, le plot thickens, et j'espère que les intrigues à venir vont te plaire !

Et merci pour tes commentaires, vraiment ! Ca me touche et j'adore les lire !
Vous lisez