Chapitre 27 : Erzic

Par Talharr

Erzic arpentait les ruelles de Mahldryl, laissant derrière lui le nouveau seigneur partir à la conquête de Drazyl. Il n'avait pas besoin d’agir : Rhazek réussirait. Il ne pouvait en être autrement.

Le soleil, déjà bas, saignait le ciel de ses teintes écarlates.

Ce soir, le sang coulera, pensa-t-il, un sourire discret au coin des lèvres.

Lui ne tuerait personne aujourd’hui. Il préférait s’occuper de l’après. Les fondations de l’effondrement à venir devaient être solides. Plusieurs de ses alliés, infiltrés dans chaque royaume, attendaient son signal. Lorsque l’heure viendrait, la loyauté des royaumes vacillerait d’un coup.

Mais un grain de sable venait d’enrayer une partie du plan : le mage qu’il avait envoyé à Lordal, dans le comté de Vaelan, était mort. Il devait récupérer le collier d’Elira et le ramener. Ce collier, d’une puissance ancienne, était indispensable. Désormais, le comté serait en alerte, et l’on commencerait peut-être à se demander qui était cet agresseur venu de nulle part.

Erzic allait devoir revoir son approche pour faire tomber Cartan.

La fille d’Elira pourrait suffire à la briser… mais sans le collier…

Malkar en aurait besoin. Et cela, il ne pouvait le risquer.

Comment un mage a-t-il pu échouer face à une simple enfant ? 

Il n’avait reçu qu’une vague transmission mentale, juste avant la mort du mage. Une fille, un collier… puis le vide.

Heureusement, ses agents à Cartan étaient prêts à l’action. Mais avant de déclencher quoi que ce soit, il devait être certain de la victoire de Rhazek à Drazyl. Une armée déchaînée lui serait bien plus utile pour balayer les comtés restants — et surtout, pour le faire sans que l’on sache d’où vient réellement la menace.

Le collier peut attendre. Tant que nous n’avons pas l’Hirondelle, rien ne sert de se précipiter.

Car Erzic le savait : le collier avait permis à Elira — la traîtresse, la renégate — de sceller l’ancien dieu. Mais seul, il ne suffisait pas à l’ouvrir.

Ensuite le loup détruirait ce qui retient Malkar et la Terre de Talharr deviendra ce qu’Erzic avait toujours rêvé.

C’était l’Hirondelle qui détenait le véritable pouvoir : celui d’ouvrir la prison.
Et ensuite, le Loup détruirait ce qui reste du sceau.

Alors, la Terre de Talharr appartiendrait à Malkar.

L’Hirondelle nous appartient bientôt. Le Loup la suivra. Rien ne pourra nous arrêter.

Erzic traversa le marché couvert, envahi par les senteurs rances des plats de rue. L’odeur le fit grimacer.

Cet endroit aussi sera purifié, pensa-t-il, méprisant la foule grouillante autour des étals, sourit-il.

Bientôt, il arriva à ce qu’il appelait son "taudis". Une pièce vide, sans meubles, sans décoration, recouverte de poussière et de sable. Seule une besace contenait quelques vivres de qualité.

Il s’allongea au sol, ferma les yeux.

Mais quelques heures plus tard, une intrusion dans son esprit le réveilla en sursaut. Quelqu’un tentait d’entrer. Il tendit ses pensées, identifia la présence. Un allié.

Un souffle traversa son esprit. Une image se forma. Et bientôt, l’obscurité l’enveloppa.

Ils n’étaient plus que deux, dans un monde de néant.

Le Serpent de Krieg lui apparut.

      — Erzic. L’Hirondelle est ici. Elle s’est rapprochée du Loup, qui la croit aussi être sa protectrice. Nous devons la capturer cette nuit. Rassemble tes hommes. File à Krieg.

La voix résonnait comme un écho lointain, typique de ces communications mentales.

     — Avec plaisir, chef, répondit Erzic.

     — Et Malhdryl ?

     — Rhazek est devenu seigneur. Il croit détenir le contrôle. En ce moment même, il mène la guerre. Drazyl tombera bientôt. Malkar régnera de nouveau sur ces terres.

     — Parfait, sourit le mage, face à lui.

Le Serpent sourit.

Erzic hésita, puis livra la mauvaise nouvelle :

     — Notre mage à Lordal a échoué. Il est mort en tentant de prendre le collier.

Le visage du Serpent se crispa, son regard se durcit.

     — Comment ?!

Erzic resta silencieux.

Le chef grogna, puis reprit, plus froidement :

     — Nous avons besoin de ce collier. Quand tu auras l’Hirondelle, et quand Drazyl sera nôtre, tu mèneras les hommes à Cartan. De mon côté, je guiderai le Loup jusqu’à sa destinée.

Erzic s’inclina légèrement :

      — Je pars immédiatement pour Krieg. Vaal’Malkar zen’morth al’kaen thraal.

      — Vaal’Malkar zen’morth al’kaen thraal, répondit son supérieur.

Le noir se dissipa. Et Erzic se redressa.

La partie allait enfin commencer.

Il prit une poignée de sable à même le sol, ferma les yeux, et récita d’une voix grave :

     — Shaar’mek Rhazek'tar, vahl'kaan drez’thur.
          Vahl’zhaal drez’kaan, kor’tar zil'nakh.
          Rhazek, thar'zul mekraan.

Le sable s’éleva dans sa main, tourbillonnant lentement. D’autres grains se soulevèrent à leur tour, dessinant un grand cercle face à lui.

Une image mouvante apparut : Rhazek, devant un rempart, les projectiles s’écrasant autour de lui, l’épée levée.

Le seigneur de Mahldryl, concentré, ignorait qu’Erzic l’observait.

Le monde se souviendra du jour où la Terre de Talharr a basculé, songea-t-il, un sourire cruel aux lèvres.

Il ne traversa pas le cercle. Il voulait seulement s’assurer que Rhazek était passé à l’action — et qu’il n’avait pas échoué dès les premières heures.

Rassuré, il pouvait désormais se consacrer à sa véritable tâche.

Elira me remerciera de la compagnie que je lui ramènerai, ricana-t-il.

Il tendit à nouveau la main, prononça d’autres paroles :

     — Zhaal’shek thur'kaan val’khari.
         Morth’kaan zil’vahr mek'tal.
         Krieg, val'sharn ek'thar.

L’image changea : des arbres apparurent, puis des toits lointains.
Sans attendre, Erzic traversa le cercle.

Le sable se referma derrière lui.

Il émergea aux abords de Krieg, caché sous la canopée, à l’abri des routes et des regards.
Il percevait déjà les sons de la cité au loin : les voix, les pas, les cris d’animaux. Il ferma les yeux, respira doucement.

Le moment était venu.

Il commença à contacter ses alliés : des agents cachés dans les environs, suffisamment nombreux pour lancer une attaque rapide sur Krieg.

C’était la meilleure stratégie : capturer Gwenn, l’Hirondelle… et offrir à Arnitan, le Loup, une raison de se venger. Une raison de marcher vers sa propre chute.

Le sang va donc, finalement, être versé par mes mains.

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Scribilix
Posté le 27/07/2025
Salut,
Chapitre court mais très riche, l'on comprend enfin mieux le role du loup et de l'hirondelle dans cette histoire afin de briser le sceau qui retient Malkar.
Je n'ai pas relevé de fautes ou de tournures étranges.
A la suite, ;)
Talharr
Posté le 27/07/2025
Hello,
Oui ça y est tu t'approches de la fin de ce tome 1 et les révélations commencent à tomber.
La suite va être assez rythmé pour bien préparer le tome 2 :)
Pour une fois qu'il n'y a pas de tournures bizarres :')
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