Chapitre 28 : Rhazek

Par Talharr

Rhazek :

Ils étaient arrivés devant la forteresse, éclairée de torches, sans rencontrer la moindre résistance.
Le commandant Mirla avait vu juste : la cité de Yrzil ne s’attendait pas à une attaque, et la nouvelle de la guerre déclarée par Mahldryl n’avait pas franchi ses murailles.

Le plan élaboré avec les commandants s’avérait efficace.

L’assaut frontal avait attiré l’essentiel des troupes ennemies, laissant les remparts sud — où se trouvait Rhazek — presque déserts.

Les échelles, transportées à dos de Kelrims, avaient été apposées. Les soldats se ruaient à l’assaut, grimpant par vagues successives.

Certains chutaient, transpercés ou renversés. D’autres atteignaient le sommet, grâce à l’appui des archers qui obéissaient aux ordres hurlés par Rhazek :

     — Tirez !

De là où il se trouvait, il voyait les flèches faucher leurs cibles. Casques rouges transpercés, corps qui s’effondraient — parfois même des alliés, touchés par erreur.  

C’était la guerre.

Ils seront honorés pour leur sacrifice, se jura-t-il.

Il n’avait jamais vu de bataille de ses propres yeux. Seulement écouté les récits de Rhazlir III. Mais cela suffisait. Il s’était préparé toute sa vie à ce jour.

Les remparts étaient presque conquis. Les derniers défenseurs reculaient ou tombaient. Rhazek jugea que le moment était venu d’agir lui-même.

Il sauta de son Kelrim, dégaina son épée.

    — Soldats ! Avec moi !

Cent cinquante hommes le suivirent, montant les échelles à sa suite. Rhazek grimpa, enjamba des cadavres encore tièdes, et atteignit le haut du mur.

Il marqua une pause.

En contrebas, la cité était en flammes.

Des maisons brûlaient. Des cris résonnaient. Des combats éclataient à chaque coin de rue.
Sur une hauteur, un château aux trois tours dominait la ville. Pas de dôme, mais une arène visible au centre.

Au moins, nous pourrons célébrer notre victoire, pensa-t-il, le souffle court.

    — En avant ! ordonna-t-il.

Ils s’engouffrèrent dans les ruelles.

Pourquoi ne se battent-ils pas pour leur cité ?
À Mahldryl, tout le monde aurait pris les armes. 

La pensée le déçut, sans le ralentir.

En face de lui ce n’était que femmes, enfants, vieillards, hommes apeurés.

Rhazek les rendrait plus fort. Les faibles n’auront pas leur place dans son royaume.

Un jeune soldat au casque rouge surgit devant lui. Blessé, hésitant. Rhazek fonça.

Il l’abattit en quelques coups.

Le sang s’écoula sur le sable.

Rhazek sourit. Son premier meurtre en bataille. Un moment qu’il n’oublierait pas.

Il continua sa progression, brûlant des maisons pour répandre la peur et forcer le seigneur de Yrzil à sortir de sa cachette.

Mais celui-ci ne venait pas.

Il a peur. Son peuple ne mérite pas un tel lâche.

Quel honneur y a-t-il à rester enfermé pendant que son peuple se fait massacrer ?

Rhazek ne comprenait vraiment pas.

Sur le chemin du château, d’autres casques rouges surgirent, mais ses hommes les balayèrent. Les combats étaient brefs, les pertes minimes du côté Malhdrylien.

Soudain, une corne résonna, venant du sommet de la ville.

Les Yrziliens survivants se regroupèrent et se dirigèrent vers le son.

Les grandes portes de la cité, elles, avaient été abandonnées. Quelques défenseurs restaient postés là, mais ils furent rapidement éliminés.

Les sections des quatre commandants entrèrent dans la cité. Rhazek, qui avait dirigé seul l’assaut par les murs, vit son armée se reformer.

Ses commandants avaient d’abord contesté son choix — mais il leur avait prouvé qu’il avait eu raison.

    — Ils se replient vers le château ! cria Rhazek.

    — Alors, allons-y, répondit Grislan.

Quelques hommes furent envoyés le long des murs pour sécuriser le périmètre. Rhazek, lui, évaluait les forces qui lui restaient.

À vue d’œil, assez pour conquérir une autre cité.

Certains soldats Yrziliens, restés en arrière, se battirent avec courage. Mais tous tombèrent.
Rhazek donna de nouveaux ordres : plus d’incendies. Trop de flammes rendraient la cité inhabitable. Il voulait la prendre, pas la détruire.

Les habitants, eux, devaient rester en vie. Qui les servirait, sinon ?

Enfin, ils atteignirent la demeure du seigneur.

Les derniers casques rouges se tenaient là, rassemblés devant les portes du château. Leurs armures cabossées luisaient dans les lueurs dansantes de l’incendie.

    — Laissez-nous passer, et vous vivrez, lança Rhazek d’une voix forte. Servez l’armée du roi de Drazyl !

Un silence. Puis une voix s’éleva derrière les soldats ennemis :

    — Faites ce qu’il dit.

Les grandes portes s’ouvrirent. Les défenseurs se divisèrent pour laisser passer un homme.

Il s’avança, droit, imposant. Il portait une armure entièrement rouge, marquée du blason d’Yrzil : un crâne fendu par un marteau. Sa barbe grisonnante, ses traits marqués trahissaient un homme de l’âge de Rhazlir III.

Le seigneur d’Yrzil, sûrement, pensa Rhazek.

Il tenait un gigantesque marteau de guerre, presque aussi haut que lui. Et pourtant, il ne semblait pas en être gêné.

Fort. Solide. Il ferait un excellent allié.

    — Sortez de Yrzil, guerriers de Malhdryl ! lança-t-il.

    — Vous savez donc qui nous sommes, répondit Rhazek, calme.

    — Et je sais ce que vous venez faire. Mais vous ne trouverez ici que ruines et ruines encore, si vous continuez ? rit le seigneur de Yrzil.

    — Pourquoi obéirions-nous à un homme isolé et à ses derniers chiens ? Votre cité est perdue. La victoire est à nous. Pliez le genou devant votre nouveau seigneur, le futur roi de Drazyl ?! s’emporta Rhazek.

Le seigneur d’Yrzil éclata de rire.

    — Le roi de Drazyl ? Voilà longtemps que Drazyl n’a plus de roi. Et c’est toi, jeune freluquet, qui prétend porter cette couronne ?

Rhazek s’emporta.

    — Un freluquet ? Un freluquet qui a écrasé vos murailles, décimé votre armée et fait tomber votre ville en une seule nuit ?

Il se mit à rire à son tour, suivi par ses soldats.

Le seigneur d’Yrzil s’inclina légèrement de la tête.

    — Je reconnais que vous nous avez surpassés. Nous ne nous attendions pas à une attaque. Les batailles ont quitté Drazyl depuis des années. Mais pourquoi Yrzil ? Pourquoi cette guerre ?

Pour le pouvoir, pensa Rhazek.

Mais il ne répondit pas tout de suite.

    — Trop longtemps, les cités de Drazyl se sont battues entre elles ou refermées sur leurs frontières. Je suis celui qui les unira toutes sous une seule bannière !

    — La vôtre. Et que deviendront ceux que vous aurez asservis ? demanda calmement le seigneur de Yrzil.

    — Ils serviront une cause plus grande. Celle de dominer la Terre de Talharr… pour la gloire du peuple de Drazyl.

    — Alors vous êtes soit inconscient, soit fou, répondit son adversaire, sans détour.

Je vais lui effacer ce sourire prétentieux, pensa Rhazek.

    — Je sais parfaitement ce que je fais, et pourquoi je le fais. Je n’ai pas de leçon à recevoir d’un homme qui a déjà perdu. Laissez-moi passer, et devenez mon allié. Restez seigneur d’Yrzil, jurez-moi fidélité… et votre peuple connaîtra gloire et prospérité.

    — Pourtant, tout ce que je vois ici, c’est la mort, gronda le seigneur au marteau.

    — La gloire ne se gagne pas sans sacrifice. Si j’étais venu mendier votre reddition aux portes de la ville, que m’auriez-vous répondu ? Une flèche, sans doute.

    — J’aurais ordonné qu’on vous exécute pour insolence, admit le seigneur, le regard dur.

    — Alors j’ai eu raison de marcher sur vos murs en silence, sourit Rhazek.

Le seigneur serra un peu plus fort le manche de son arme. Il commençait à perdre patience, Rhazek le voyait. Mais il ne voulait pas le tuer. Ce genre d’homme valait plus vivant que mort.

Il n’y avait qu’un moyen de gagner sa loyauté.

    — Puisque vous refusez mes termes, je vous défie en duel. Un combat singulier. Au premier sang.

Il marqua une pause.

    — Si je gagne, vous garderez Yrzil, mais vous me prêterez serment de fidélité. Si je perds… je quitterai la cité avec mes hommes, et je ne reviendrai jamais.

Le silence tomba un instant.

Il est intelligent. Mais il croira être plus fort. Il ne sait pas que le destin est avec moi.

Car Rhazek en était persuadé : il était l’élu. Malkar l’avait désigné. Rien d’autre n’expliquait sa survie, ni son ascension.

    — J’accepte ! cria le seigneur d’Yrzil, déclenchant les acclamations de ses hommes.

Rhazek acquiesça d’un signe de tête, respectueux.

Un cercle se forma aussitôt. Les soldats se regroupèrent autour des deux seigneurs, laissant l’espace nécessaire au duel.

    — Seigneur, vous n’êtes pas obligé de faire ça. Laissez-moi m’en charger, intervint Wosir, surgissant de la foule.

Ce serait plus sage, oui, pensa Rhazek. Wosir était un monstre de puissance, peut-être le plus redoutable guerrier de Drazyl. Son seul regard suffisait à faire fuir des hommes en armure.

Mais Rhazek ne pouvait pas céder. Il perdrait la face. Son autorité. Et peut-être bien plus.

    — Non, c’est à moi de combattre.

Et ce n’était qu’au premier sang, après tout. Pas à la mort. Il n’était pas assez stupide pour proposer un duel qui pourrait lui coûter la vie.

En armure beige, son épée et son large bouclier en main, Rhazek entra dans le cercle.

Face à lui, le seigneur au marteau se tenait droit. Pas d’arme secondaire. Pas de bouclier. Juste cet énorme marteau, qui semblait aussi massif qu’un tronc d’arbre.

Avec un engin pareil, il n’aura pas la vivacité pour m’atteindre. Je le toucherai bien avant, pensa Rhazek, certain de sa victoire.

Un guerrier au casque rouge s’interposa entre eux.

    — Que par les dieux, vos serments soient entendus. Que le vaincu respecte sa promesse. Et que la mort s’abatte sur celui qui la rompt, déclara-t-il solennellement.

Il s’écarta, et les deux hommes se serrèrent l’avant-bras. Le serment était scellé.

Malheur au vaincu, se répéta Rhazek, entendant encore la voix grave de son père dans sa tête.

Il recula, levant son bouclier. Il voulait observer d’abord. Comprendre les mouvements de son adversaire… et repérer une ouverture.

Rapidement, il obtint un premier aperçu.

Après un long moment à se tourner autour, sous les acclamations mêlées des deux camps, le seigneur d’Yrzil brisa le rythme. Il fondit sur lui. Vite. Trop vite.

Comment est-ce possible ? Ce marteau est immense ! pensa Rhazek, stupéfait.

L’arme décrivit un large arc au-dessus de la tête de son porteur, puis s’écrasa avec violence sur le bouclier de Rhazek.

Un vacarme sourd. Les casques rouges hurlèrent. Dans le tumulte, Rhazek perçut la voix rauque de Wosir l’encourageant.

Quelle puissance… songea-t-il, le poignet douloureux.

Le second coup arriva aussitôt. Rhazek l’esquiva de justesse. Il savait que son bouclier ne tiendrait pas un nouvel impact.

Le premier sang n’avait toujours pas été versé. Il devait attendre. Laisser son adversaire s’épuiser.

Résister. Ne pas céder.

La sueur ruisselait sur son visage. Ses doigts tremblaient. Je ne peux pas perdre, se répétait-il en boucle.

Il jeta un regard aux visages tendus de ses guerriers. Tous criaient son nom. Être vaincu ? Impossible.

Il recommença à tourner autour du seigneur d’Yrzil, à éviter chaque assaut, bondissant hors de portée au dernier moment.

Il ignorait depuis combien de temps le duel avait commencé. Le ciel était toujours sombre, les torches dansaient, projetant les ombres des deux combattants sur la pierre.

Ça suffit. Je ne tiendrai pas plus longtemps. Il faut que j’attaque.

Ses muscles le suppliaient d’en finir. En face, l’homme en rouge souriait à chaque attaque, certain de sa supériorité.

Mais Rhazek avait observé. À chaque fois que le marteau frappait le sol, son porteur mettait plus de temps à le relever.

Deux, trois esquives encore, et il sera assez lent. Assez vulnérable.

Les guerriers de Yrzil l’insultaient. Ils méprisaient sa manière de se battre. Mais Rhazek s’en moquait. Il reconnaissait la force de son ennemi. Il utilisait ce qu’il fallait pour survivre.

Enfin, le coup attendu arriva. Le marteau s’écrasa dans la terre. Rhazek glissa dans le dos de son adversaire et frappa. Sa lame entailla la jambe.

Un filet de sang. Puis… le silence.

Les deux camps se figèrent. Rhazek haletait, le regard rivé sur son adversaire, toujours debout.

Le seigneur d’Yrzil baissa les yeux vers sa blessure. Quand il releva la tête, ce fut avec un air d’incrédulité.

    — Le seigneur de Malhdryl a versé le premier sang ! déclara un guerrier.

Un tonnerre d’acclamations s’éleva du camp de Rhazek.

J’ai gagné, pensa-t-il, encore sous le choc. Je l’ai fait.

Le seigneur d’Yrzil posa un genou à terre.

    — Sur le serment, je m’incline devant vous. Yrzil vous servira, seigneur de Malhdryl.

Le cœur de Rhazek battait à tout rompre. Il en avait rêvé : vaincre une cité, et en devenir le maître. À présent, plus rien ne pouvait l’arrêter.

    — Quel est votre nom, seigneur d’Yrzil ? demanda-t-il, tendant la main.

    — Mahrzil… seigneur ?

    — Rhazek.

Ils se serrèrent l’avant-bras. Non plus pour se battre, mais pour sceller leur alliance.

    — Seigneur Mahrzil, il est temps de festoyer. Ensemble. Ne croyez-vous pas ? proposa Rhazek.

Les guerriers tout autour répondirent par des vivats.

     — Oui… Bien sûr. Entrons, accepta Mahrzil.

La bataille était finie. Une première victoire. Une cité conquise. Et son seigneur à genoux.

Tellement de territoires restaient encore à soumettre. Rhazek se voyait déjà roi de la Terre de Talharr, au service de Malkar.

Erzic n’a même pas vu ça, pensa-t-il, partagé entre la déception et le soulagement.

Il ignorait que le mage, à cet instant, avait quitté Drazyl.

Mais pour l’heure, il était temps de célébrer. Ses guerriers chantaient déjà son nom.

Et demain, la conquête continuerait.

Je réussirai, se jura Rhazek. Je serai roi. Et rien ni personne ne m’en empêchera.

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Scribilix
Posté le 27/07/2025
- Le commandant Mirla avait vu juste : la cité de Yrzil ne s’attendait pas à une attaque ( j'avoue etre un peu perdu, je croyais que dans le chapitre précédent, Rhazek attaquait Drazyl ?).
Scribilix
Posté le 27/07/2025
Re,
Bravo, belle bataille et beau combat. C'était une bonne idée l'affrontement entre les deux rois ainsi que le coup du marteau, on imagine bien la scène et la tension entre les deux souverains. Nul doute qu'il fera un général de poids dans l'armée de Rhazek.
Quelques retours sur la forme :
- Les échelles, transportées à dos de Kelrims, avaient été apposées depuis plusieurs minutes déjà. ( pareil je trouve la phrase un peu lourde)

- et atteignit le haut du mur.
il marqua une pause
Rhazek le premier enjamba les corps et commença son ascension vers les murs et l’intérieur de la cité. ( peut-etre qu'une description un peu plus précise d ela cité serait préférable car il vient déjà d'arriver au sommet des remparts mais il doit encore grimper en haut des murs.)
- la cité flambait ( je trouve que ca sonne un peu grossier, peut-etre plus la cité était en flammes)
- Quelques défenseurs restaient postés là, mais furent rapidement éliminés. (peut-etre plus mais ils furent rapdiements éliminés).
- Restez seigneur d’Yrzil, jure-moi fidélité… et vos peuples connaîtront gloire et prospérité ( jurez moi pour continuer sur le vouvoiement de meme j'aurais laissé peuple au singulier car le roi d' Yrzil n'en gouverne qu'un.
De meme dans ces répliques :
-En armure beige, son épée et son large bouclier en main, Rhazek entra dans le cercle.
A part son armure rouge et son impressionnant marteau, il n’avait rien pour se défendre.
Face à lui, le seigneur au marteau se tenait droit ( on a l'impression que c'est Rhazek qui n'a rien à part un marteau et une armure).
autre chose je trouve le nom du seigneur : Mahrzil et celui de la ville Malhdryl assez proche ce qui peut preter à confusion.

Au passage j'ai compris, Drazyl désigne le pays lui meme divisé en plusieurs royaumes ou cités-Etats et Yrzil est l'une d'entre elle. Je comprends de les faires toutes terminer par -yl pour respecter la toponymie de la région mais par moment je m'y perdais un peu ^^
A la prochaine,
Scrib.
Talharr
Posté le 27/07/2025
Re,
Exactement Drazyl est un royaume, qui était autrefois gouverné par un roi. Mais après la dernière guerre les différentes cités ont voulu récupérer leurs terres. Ce qui fait que ce n'est plus un royaume et que Rhazek veut le conquérir (ou plutôt Erzic ;) ).

Merci pour la bataille et le combat final :)

Fin de l'arc Rhazek aha

Peut-être qu'il faut que je change quelques noms, même si dans le tome 2 des noms ne finissent pas en -yl ahaa

Et merci encore pour les erreurs, je vais corriger tout ça :)
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