Chapitre 27 - Iro - Le métal coule, le sang coule, et les Forges ne s’arrêtent jamais.

Notes de l’auteur : Les fins de semaines de trois jours, plus changement d'heure, m'ont déraillé.
Le chapitre sortira le Samedi, maintenant ou jusqu'au prochain déraillage.

On approche les trentes chapitres, donc je vais prochainement publié des résumés/fiches personnages sur le forum, si d'ici là la flemme ne m'emporte pas.

Bonne lecture!

Intriguée, Iro bondit sur le bord de la fenêtre pour mieux observer. Au moment où la silhouette s’engage dans l’escalier descendant vers les forges, l’image de l’allure de Raivo, lors de leur escapade des hauts quartiers, émerge de sa mémoire.

 

« Wazo ! alerte-t-elle. Je viens de voir Raivo entrer dans les Forges souterraines.

– Il est probablement parti après nous, probablement pour rendre visite à sa famille.

– J’ai un doute. Il porte un voile, probablement pour dissimuler sa présence.

– On est pas les mieux placés, rétorque Wazo en agitant leurs capes usées, la rejoignant au bord de la fenêtre par curiosité.

– Baisse-toi », grince Iro, qui tacle subitement Wazo sur le canapé, afin qu’elles s’abritent dans l’ombre du cadre de la fenêtre.

 

Deux gardes se rejoignent au niveau du cadre, légèrement essoufflé, les mêmes qui ont failli, sur le chemin, les débusquer.

 

« Tu sais de quel côté il est parti ? demande discrètement l’un, ne voulant pas attiser la curiosité des passants.

– Non. Je prends le pont, et tu continues sur la périphérie. On se rejoint à la prochaine porte », finit-il avant de se relancer à pas pressée.

 

« Tu penses qu’ils poursuivent Raivo ? questionne Wazo.

– Une seule façon de le savoir, dit Iro en lâchant prise sur Wazo. Elle revêt sa cape et s’apprête à quitter l’atelier. Je reviens aussi vite que possible, et si Tio se réveille, fais lui croire que je suis en train de me changer.

– Mais… »

 

Wazo n’a pas le temps d’articuler que Iro s’évanouit, à son tour, dans l’escalier. Au loin, les gardes s’enfoncent nonobstant, chacun dans une foule, destinés à rentrer bredouille. Les cheminées des Forges crachent leur flamme ardente, mais cette fois-ci la caresse devient une lèche de mauvaise augure. Paralysé de peur, Wazo, seule sur le canapé, reste la main figée sur le sublime croquis de tunique d’architecte. Elle relit la note de Tio en bas de page, qu’elle avait masqué à Iro, où l’on peut lire A ma petite fille, Architecte Sani.

 

***

 

Contrairement à la descente aux fondations, celle des forges est bruyante, brûlante, étouffante. La caverne de terre s’effrite au touché. Un amas fébrile retenu uniquement par des anneaux, et poutres de métal. Chaque pas apporte une sonorité cinglante, libérant un écho dans ses ramifications. Le tout accompagné par des coups de marteaux, crépitement de braises, et ébullition magmatique du métal en fusion.

 

Plus elle descend, plus le plafond s’élève. Plus elle descend, plus la voûte s’élargit. Les tunnels se multiplient, comme incrusté par sept yeux desquels elle observe un monde changeant.

 

Des dortoirs tombaux réchauffés par les cheminées, aux lits de tubercules pendant au plafond, en passant par les bains de teintures multicolore où flottent des masses voluptueuses, puis autres dépôts de quincailleries et minerais étincelants.

 

Finalement, elle débouche sur une immense salle soutenu par des colonnes de métal. Colonnes parasitées de plateformes, sur lesquelles travaillent sans cesse des silhouettes aux mains noircies, le visage froncé, concentré sur des établis, de fours et de fonderies, seuls ou à plusieurs. Tandis que d’autres creusent, obstinés, toujours plus profond, dans une obscurité chassée par les étincelles de leurs pioches.

 

L’espace est éclairé par les lueurs dansantes des flammes, cependant illuminé par les ouvertures vers la fosse. À l’allure de lucarnes béantes, sans balustrade pour les plus imprudents, mais rappelant qu’il existe une lumière moins brûlante, mais aussi une obscurité plus dévorante. De là, la taille du Croc scintille, d’ici l’espoir se nourrit.

 

Soudainement, Iro ressent une douleur crânienne frémir aux racines de ses cheveux. Sa gorge prise de relent, elle s’arrête un moment pour s’acclimater. Elle prend sont temps, pour contempler avec plus de rigueur le cadre, à la recherche de Raivo.

 

Rien. Impossible. Le vacarme de son et de lumière, brouille sa perception. Elle change de scènes en scènes, puis se concentre sur un couple suspect, à quelques plateformes en dessous. Une dispute, à laquelle elle s’approche, en évitant les foyers qui pourrait embraser sa cape, ou révéler son visage. Une cape d’une hygiène en contradiction avec l’environnement, bien que sale et usée. À son approche, une voix hurlante la brusque.

 

« Enlève-moi ces tissus gamins, tu te feras du mal ! gronde un vieil homme vicieusement balafré, portant uniquement un pagne noirci.

– Laisse-moi faire ! » hurle à son tour la silhouette, toute voilée, qui tire un levier, déversant le métal liquide dans un moule.

 

Cependant son geste contrarié, trop abrupte, crée des éclaboussements. Il cherche à fuir, mais une chute de son vêtement reste temporairement bloquée entre deux engrenages, le livrant soumis, sans merci, sous une douche flambante.

 

Iro se refuse à entendre les hurlements, et continue sa route, avant de réaliser que personne n’accourait à son aide. Elle se retourne pour réaliser que, cette scène est tout ce qui a de plus normal, les hurlements sont noyés pas les battements assourdissants. Le métal coule, le sang coule, et les Forges ne s’arrêtent jamais.

 

Affirmé, Iro termine de se faufiler, jusqu’au couple suspect.

 

« Disparaît de ma vue ! crie l’une, l’œil droit opaque, tenant fermement de sa poigne un enfant pas plus haut que son genou.

– Rends-moi mon fils ! » répond l’autre, aussi amochée.

 

Le couple débat de manière insensée, s’arrachant l’enfant tour à tour, le griffant par inadvertance. Tandis qu’il reste patient, ou plutôt meurtri à l’idée de prendre un parti, et élire son meurtrier. Durant l’échange, d’un tunnel avoisinant à la plateforme, émerge la silhouette de Raivo. Iro prend du recul, et joue avec sur son capuchon pour mieux voir et ne pas être vu.

 

« Laissez-moi régler la situation ! » proclame Raivo, en arrachant l’enfant d’une main. Il l’étrangle publiquement, alors que des larmes coulent sur sa main, suscitant le couple à l’assaillir sans réfléchir.

 

« Rends-le ! » crient-elles, en se jetant sur Raivo. L’une est propulsée sur une machine, assommée, avec un bras brisé, le reste du visage brûlé. L’autre passe par-dessus la plateforme, en chute libre jusqu’aux profondeurs, dans un cri d’horreur.

 

« C’est fini », prononce Raivo en reposant l’enfant au sol. Il s’agenouille, le prend dans ses bras un court moment, l’histoire de quelque chuchotement, le réconforte et repart seul. D’autres silhouettes avoisinantes approchent, certaines à la rescousse, d’autres à l’assaut. À la croisée de son regard, ils décident tous de rebrousser chemin, et reprennent leur activité, sachant que l’enfant n’est plus à leur portée.

 

Calmement, Raivo termine sa route en direction d’une plateforme où siège, comme un organe central, un ovale placardé de tôle, enracinées de tubes, le reliant à toutes les machines des Forges. Il rentre par la porte blindée.

 

Iro le suit, et passe furtivement à côté de l’enfant, resté statique, le regard figé sur les traces de Raivo. Ses larmes ont séché, et son regard est imbibé d’espoir.

 

Autour de la porte blindée, Iro tâte, s’adosse, cherche le meilleur angle, le meilleur creux, pour mieux entendre.

 

« Qu’est-ce que c’est ce raffut ! Chope-moi, l’idiot qui a encore décidé de dormir sur la tôle ! » vocifère une voix de l’intérieur.

 

La porte blindée s’ouvre, et une masse surprend Iro.

 

Elle hésite à fuir, mais la stature imposante de son chasseur, à quelques muscles de rivaliser avec les Aventuriers de la frontière, lui ôte l’idée d’en sortir intact, surtout dans un environnement propice à la chute, ou la combustion.

 

Résignée, elle accepte l’invitation, misant tout sur la présence de Raivo pour prendre sa défense. Dubitatif, la masse referme la porte blindée derrière lui. Iro constate que Raivo est absent, alors que, accoudée à un immense lingot de métal, une sinistre personne la juge.

 

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