Rhazek :
Cela faisait maintenant plusieurs jours que Rhazek commandait l’une des plus grandes armées qu’ait connues le royaume de Drazyl. Les bannières à tête de serpent claquaient au vent sablonneux.
Il était fier. Fier d’avoir surpassé son père. D’avoir eu plus de courage que lui.
Rhazlir III sera oublié. Seul mon nom restera.
La guerre pour unifier Drazyl, malgré des pertes humaines conséquentes, avait été d’une rapidité impressionnante. Désormais, il ne restait plus qu’à écraser Balar. Ce royaume avait osé fouler leurs terres.
Ils regretteront cet affront. Je le jure au nom de Malkar.
Pour préparer la bataille, qui approchait à grands pas, ses commandants et les seigneurs vaincus étaient tous présents — à l’exception de ceux qui reposaient désormais sous les sables, pour avoir refusé de se soumettre à leur nouveau roi. Sur la cinquantaine de seigneurs, seule une dizaine n’avait pas plié le genou.
L’armée ennemie ne devrait pas tenir longtemps face aux guerriers drazyliens, aux lames virevoltantes des Zarktys, à la magie des Dralkhar et à la monstruosité des Crazstyr. Aucune armée ne peut nous vaincre.
C’est du moins ce que pensait Rhazek.
Il se réjouissait aussi de l’absence d’Erzic, occupé à surveiller que Prasto Llandryl ne fomente pas de nouvelles intrigues. Même s’il ne pouvait nier l’efficacité du mage, il sentait que celui-ci lui cachait quelque chose. Et ce que lui avait dit la traîtresse Zarktys, Valkys, revenait sans cesse le hanter la nuit.
Des cheveux blonds. Des yeux verts. Un visage angélique qui souriait sans cesse.
Que signifie tout cela ?
Il avait toujours connu Mahldryl, son dôme, et son père maltraitant sa mère. Alors pourquoi ces images ? Pourquoi cet enfant courant vers lui en riant ? Pourquoi lui-même riait-il dans ces visions ?
Jamais il n’avait eu de moments de joie. Non… ce n’est qu’un tour de magie.
Et pourtant… il savait que les Zarktys ne pratiquaient pas la magie. Il refusait d’admettre qu’il puisse y avoir une once de vérité là-dedans. L’évasion d’Elira l’avait chagriné bien plus qu’il ne l’aurait cru. Avec elle, peut-être, s’en était allée la vérité.
— Les voilà ! cria Wosir.
Le commandant pointait du doigt deux cavaliers en approche. Rhazek s’avança à leur rencontre, laissant la colonne poursuivre sa marche.
C’était deux éclaireurs de son armée.
— Sire, saluèrent-ils en s’inclinant depuis leur Kelrim.
— Dans combien de temps ? demanda Rhazek.
— Ils se sont arrêtés à l’orée de la Forêt Sans Morts, une vingtaine de milliers d’hommes à vue d’œil, commença l’un.
— Nous devrions y être ce soir.
Le roi esquissa un sourire.
— Ils préparent déjà leur retraite. Parfait.
— Rejoignez la colonne, ordonna Wosir.
Les deux cavaliers obéirent.
— Ce soir, nous anéantirons l’armée de Balar, déclara Rhazek.
— Mon roi… Nos hommes auront longuement marché, et les Kelrims comme les Crazstyr seront épuisés. Nous ne pourrons attaquer à notre arrivée. Il faudra attendre le lever du soleil, répondit Wosir.
— Pourquoi ?! Regarde notre colonne. Même fatiguée, elle serait invincible.
— Nous nous sommes combattus entre nous, mais jamais contre les royaumes voisins. Mieux vaut évaluer leurs forces et limiter nos pertes.
— Seulement vingt mille hommes face à nous. La bataille ne durerait pas une demi-heure.
— Et si d’autres troupes les rejoignaient en cours de combat ?
Rhazek inspira profondément, contrarié de voir son commandant lui tenir tête. Il aurait voulu ordonner l’assaut immédiat… mais il savait que Wosir avait raison.
— Très bien. Préviens les seigneurs et les commandants, dit-il.
Wosir s’inclina et partit au galop. Rhazek resta seul un instant, observant les dunes ondulant sous la brise chaude.
Ses pensées menaçaient de revenir vers cette sœur qu’on lui prétendait avoir… mais il refusa de replonger dans ces visions. Pas ce soir. Pas à la veille de sa gloire.
Il leva les yeux vers le ciel.
— Malkar… ce soir, nous marchons sur la voie de ta libération. Donne-nous ta force.
Seul le piaffement de son Kelrim et le souffle du vent lui répondirent.
Après un dernier regard au loin, il rejoignit la colonne. La marche se poursuivit jusqu’à la tombée de la nuit. Les seigneurs avaient proposé leurs stratégies, et Rhazek avait présenté la sienne : une attaque frontale, soldats à pied en première ligne, suivis des Crazstyr ; les Zarktys sur les côtés, tandis que les Dralkhar dissimuleraient leurs sœurs d’armes. Deux troupes de Kelrim chargeraient les flancs, et les archers seraient dispersés.
Les commandants avaient approuvé. Trois groupes se formèrent et chacun se rendait déjà à sa position. Les troupes sur les flancs resteraient assez loin pour ne pas se faire repérer pendant que le reste de la colonne dirigé par Rhazek se montrerait.
Dans la fraîcheur nocturne du désert, des lueurs apparurent enfin à l’horizon.
— Nous y sommes, souffla Rhazek.
Au pied de la dernière dune, les torches et feux de camp révélaient un vaste rassemblement de tentes et de guerriers, avec, en arrière-plan, la Forêt Sans Morts.
Il y eut du mouvement dans les rangs ennemis.
Ils ont peur.
La forêt, plus dense et ancienne encore que celle d’Ustryr, dressait ses ombres derrière eux. Ses propres seigneurs l’avaient supplié de ne pas y combattre, jurant que s’ils y combattaient, ils seraient maudits. Rhazek les avait traités de lâches… mais lui-même n’avait aucune envie de finir maudit.
— Feux de camp ! Abris ! On ne traîne pas ! Demain sera un grand jour pour Drazyl ! ordonnèrent les commandants.
Sa tente fut dressée la première. À l’intérieur, un pichet de Grozyl, un plat et des fruits attendaient sur une table, éclairés par des bougies. Un lit de paille, recouvert d’une couverture en fourrure de Tyrgrill, se tenait dans un coin.
Il ôta son armure beige, s’installa et mangea en silence, tandis que le bruit du camp s’apaisait peu à peu.
Soufflant les bougies, il s’allongea, ne pensant plus qu’à la bataille du lendemain.
Et lorsque plus aucun bruit ni lumière ne le dérangea, les images défilaient. Ses mains devenaient moites, la fourrure semblait transpirer. Puis l’une d’elles se figea. Elira. Une petite fille. Aelia. Un homme. Tous le fixaient en souriant et lui faisaient signe de venir. Il voulait les rejoindre. Pourquoi ? Il ne connaissait pas ces deux-là. Et pourtant, ils étaient là, dans chacun de ses rêves.
La dernière image, avant que le soleil ne l’aveugle, fut celle d’Aelia, adulte, son visage angélique baigné de larmes, attaquée par un Serpent géant. Elle hurlait son nom, implorant son aide. Son regard olive se voilait. Le serpent géant le fixait de ses yeux jaunes, comme s’il attendait son choix. Il voulut résister… mais se précipita vers la fille. L’image s’effaça aussitôt.
Il se redressa, en sueur, les mains tremblantes.
Wosir entra, sans s’annoncer.
— Il est l’heure, mon roi.
bien, la bataille s'annonce.
Honetement je n'ai pas grand chose à dire sur ce chaputre. C'est très fluide et l'on comprend bien l'état d"esprit de Rhazek.
Je continue.
Oui ce chapitre est là pour continuer l'ambiguïté de Rhazek. Un choix va bientôt lui être montrer. Que choisira-t-il ?
A plus :)