Chapitre 28 : Freijat - Vaccin

- Chris ? La canadienne pose soucis, annonça Baptiste dans son téléphone.

Dix ans que Freijat donnait à Baptiste tout ce qu’il voulait. Dix années de prises de sang, de piqûres, de prélèvements en tout genre. Le scientifique et ses équipes travaillaient d’arrache-pied.

Parfois, Freijat restait dans sa chambre pendant des mois sans voir personne, les chercheurs se contentant de trouver comment surmonter un obstacle, créant de nouveaux outils, mettant au point de nouvelles machines.

Les conditions de vie n’étaient pas désagréables. Freijat avait échangé une prison contre une autre. La chambre était un peu plus confortable que la geôle précédente. Ici, elle disposait d’un lit, d’un canapé, d’une salle de bain et d’une tablette numérique. À travers elle, Freijat pouvait suivre les découvertes, les victoires et les échecs des équipes des laboratoires, mais également lire n’importe quel livre, écouter de la musique, regarder des vidéos.

Chris venait lui rendre visite. Il essayait de venir chaque semaine mais parfois, ses obligations l’en empêchaient. Ils déjeunaient ensemble. Freijat refusait toujours de lui adresser la parole. Le pardon prendrait du temps. Chris ne brusquait rien.

Ce matin-là, Freijat avait dû rejoindre les laboratoires. Elle ne s’y était pas rendue depuis trois mois. Elle n’avait pas vu la moindre avancée. Les scientifiques lui avaient demandé de s’allonger. Elle les avait laissés l’entraver fermement. Puis Baptiste était arrivé et avait ordonné. Freijat s’y refusait. C’était hors de question.

- Sarracénie a toujours fait tout ce que tu voulais, dit Chris en apparaissant dans la pièce. Elle coopère parfaitement.

- Pas aujourd’hui, gronda Baptiste.

- Que lui demandes-tu de faire ?

- De boire du sang elfique.

Freijat maintint sa mâchoire fermée. Chris se tourna vers elle, constata son refus, puis se tourna vers son frère.

- Sarracénie a toujours refusé de boire du sang en bouteille ou en poche. Elle préfère s’en priver. Elle considère comme insultant de ne pas boire à la source.

- Nos actes seront très intrusifs et destructeurs. Sans énergie pour se soigner, elle va mourir et cela risque de se produire avant que nous ne soyons en mesure de reconstituer intégralement le gène.

- Explique-moi, dit Chris.

- Nous faisons des prélèvements un peu partout car l’ADN n’est pas altéré au même endroit selon les zones. Jusque-là, cela nous a permis d’obtenir 78 % de l’information.

Freijat savait que les chercheurs bloquaient à ce stade. Ils ne parvenaient pas à avancer davantage, ce qui les mettaient sur les nerfs. Ils étaient à la fois si proches et si loin.

- Comme nous n’arrivions plus à rien, nous avons déclenché le protocole extrême qui consiste à diffuser toutes les informations à notre disposition à tous les postes des laboratoires. Un statisticien a fait une découverte.

Freijat l’ignorait. Cela devait dater du matin pour ne pas encore être apparu sur sa tablette.

- Il s’est rendu compte que la quantité d’ADN récupérable pouvait être prédite en fonction de l’endroit du corps. Il en a conclu l’endroit exact où il y avait la plus grande probabilité de trouver la partie manquante.

Freijat écouta avec attention. Qu’avait-il découvert ?

- Dans son cœur, annonça Baptiste.

Freijat pâlit. Non, non ! Ce connard n’allait pas lui enfoncer une aiguille dans le cœur ! Cela signifiait une mort certaine. Chris fit la moue puis se tourna vers Freijat.

- Sarracénie, le sang de nos fermes est bien plus riche que tout ce que tu as pu consommer. Il te permettra de te soigner, t’évitant la mort. Tu dois accepter de le boire. Je veux vraiment tenir ma part du marché et je ne peux pas offrir la liberté à un peu de poussière. S’il te plaît, ouvre la bouche et sors les dents.

- Tu vas le laisser m’enfoncer sa merde dans le cœur ? accusa Freijat qui tirait vainement sur ses liens.

Voilà pourquoi rien n’était apparu sur sa tablette. Ils ne voulaient pas qu’elle sache sans quoi elle aurait refusé de venir. Chris serra les dents de gêne. Elle comprit que le roi allait laisser faire. Aucun allié ne lui viendrait en aide.

Chris appuya tendrement sur le menton de sa prisonnière et elle ouvrit la bouche, des larmes de tristesse et de rage coulant sur son visage.

- Sors les dents, sarracénie. Sors les dents.

Son regard fixé dans celui de son amoureux, Freijat obtempéra. Des laborantins y fixèrent des tuyaux avant d’ouvrir une valve.

- Commence à boire avant que j’enfonce. Tu vas avoir besoin d’une grande quantité d’énergie très vite, prévint Baptiste.

Freijat aspira et la douleur explosa car le maître des laboratoires venait d’effleurer son cœur. L’appareil préleva un morceau de chair et l’analysa. Il fallait aller vite car les cellules Vampires s’autodétruisaient très vite, raison de la rapide transformation d’un cadavre d’immortel en poussière.

Freijat eut l’impression qu’on lui arrachait le cœur, encore, et encore, et encore. Elle hurla sa douleur dans la pièce, souffrance physique mais également mentale, vivant comme une trahison que Chris puisse laisser faire sans broncher. Il lui tenait la main, la caressait tendrement mais ne s’opposait pas aux actes en cours.

Sur l’écran, le pourcentage montait doucement. Il finit par atteindre 98 % et stagner. Freijat n’en pouvait plus. Sa tête chaude de sang la comblait de bonheur. Elle n’avait pas consommé depuis tellement de temps ! Tout partait vers le cœur, organe vital si difficile à soigner.

- Il va falloir aller prélever plus à l’intérieur. Oya l’avait prédit. Putain de statisticiens ! Ils m’énervent à pouvoir tout prédire juste à partir de chiffres dont ils n’ont pas la moindre idée de la signification !

Les chercheurs ricanèrent. Freijat leur aurait volontiers arraché la tête. Elle luttait contre ses liens, suppliait Chris des yeux et hurlait.

- Elle ne pourrait pas fermer sa gueule ? gronda Baptiste. Merci les conditions de travail ! J’ai du mal à me concentrer.

- Elle ne sait pas contrôler son apparence, rappela Chris. Elle ne peut pas couper ses nerfs. C’est justement pour ça qu’elle possède encore une information génétique vieille de plusieurs siècles. Tu n’as qu’à te rendre sourd au lieu de te plaindre !

Freijat en fut immensément reconnaissante au roi. Il venait d’envoyer son frère promener, la soutenant elle. Elle lui serra la main et il lui sourit tendrement en retour.

- Ça va faire mal, annonça Baptiste et Freijat se sut morte.

Son cœur explosa. Elle vit trouble. Des paillettes sombres apparurent devant ses yeux. Elle s’entendit hurler et soudain, tout fut fini. La souffrance s’était arrêtée. Était-elle morte ? Cette douce sensation de chaleur dans son crâne venait-il du paradis ?

- Coupez les vannes, ordonna Chris.

- Elle risque de… commença un laborantin.

- Elle n’est pas mon sujet. Elle n’a pas à avoir accès au sang des fermes. Je l’ai permis uniquement pour qu’elle survive. Elle n’est pas morte. Elle fera le reste avec du sang classique ou de la nourriture humaine mais nos bêtes ne la nourriront pas davantage.

La chaleur s’éloigna et Freijat retrouva le froid, la sensation de vide, de manque. Elle gémit mais rentra les dents, consciente qu’il n’y avait plus rien à obtenir. Chris l’aida à se redresser. Freijat constata que Baptiste était déjà parti. Chris la ramena jusqu’à sa chambre. Elle le regarda intensément. Il dut comprendre la question muette car il expliqua :

- Baptiste a encore beaucoup de travail. Il a demandé à ce que tu restes là des fois qu’il ait encore besoin de toi. Je te rendrai ta liberté, sarracénie, je te le promets. Simplement pas tout de suite. Encore un peu de patience. Bientôt… Je reviendrai vite te voir. Prends soin de toi, sarracénie.

Il lui lâcha la main et s’éloigna tandis que la porte se fermait seule, renvoyant Freijat à sa solitude. Elle se mit dans un coin et pleura, recroquevillée sur elle-même. Elle mangea avec appétit chaque repas, délaissant les poches de sang proposées.

Chris vint chaque semaine pour déjeuner avec elle. Freijat attendait sa venue avec impatience, seul contact à sa disposition. Elle ne lui adressa cependant pas la parole. Elle lui en voulait tellement. Si elle ouvrait la bouche, elle déverserait sa rage, sa colère, sa tristesse, son dégoût, sa frustration, sa haine alors qu’elle désirait tant lui déclamer des poèmes d’amour et lui susurrer des mots doux. Ses émotions conflictuelles la cisaillaient.

 

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Freijat observa le paysage devant elle, y croyant difficilement. Elle connaissait très bien la technologie à disposition de Chris.

- C’est réellement le Canada. Tu n’es pas dans une bulle créée par Baptiste. Tu es vraiment sur Terre, assura le roi.

Elle n’y croyait qu’à moitié.

- Je tiens toujours mes promesses, assura Chris.

Rien dans tout ce qu’elle avait lu n’avait pu l’amener à croire le contraire. Elle observa les arbres, la neige, les nuages et le soleil au-dessus d’elle. Tout lui parut bien réel.

- Il ne reste rien, je le crains, des anciens domaines des Vampires canadiens. Le temps et la société humaine sont passés par là. Tiens.

Freijat prit le sac de sport fourni par Chris.

- Tu y trouveras des vêtements adaptés à l’époque, des papiers d’identité ainsi que les clefs de chez toi. La maison est grande, un peu à l’écart mais très proche d’un bus t’emmenant en ville en quelques minutes. J’espère qu’elle te plaira.

Freijat, fidèle à elle-même, ne répondit rien.

- Je te laisse t’installer puis je viendrai te voir. Méfie-toi : les chasseurs de Vampires sont attentifs. Je t’ai appris à contrôler ton apparence pour que tu puisses leur échapper. Pense à paraître humaine en permanence ou tu ne tiendras pas un mois.

Freijat hocha la tête. Le trajet dans la navette avait été riche en apprentissage. Chris avait volontiers transmis son savoir à une muette têtue. Le roi attendit mais constatant que son ancienne prisonnière ne comptait pas ouvrir la bouche, il hocha la tête puis termina :

- Prends soin de toi, sarracénie.

Il remonta dans la navette et celle-ci disparut, devenue invisible. Freijat se retourna puis se dirigea vers la ville. Grâce à la tablette, elle ne fut pas perdue. Elle savait se servir d’une carte bleue, d’un téléphone portable et même conduire une voiture. Un seul contact dans son smartphone, nommé Chris. Son GPS la mena jusqu’à sa demeure, un chalet en bois caché au milieu d’arbres, proche d’un lac aux reflets cristallins. Freijat ne put qu’admettre l’excellent goût du roi. L’endroit était parfait. Elle n’eut rien à redire.

Elle alluma un feu dans la cheminée et dégusta un pot au feu et un gâteau au sirop d’érable arrosé d’alcool, les ingrédients se trouvant dans la cuisine. Freijat trouva rapidement ses marques. Elle se promena en ville, visita des musées et des expositions.

Après une semaine, l’envie de chasser la prit. Elle traqua un humain dans les rues, s’amusant de sa terreur, buvant sa frayeur pour finalement planter ses dents dans son cou et boire, à peine, pas grand-chose, juste pour le goût car après tout, elle n’avait pas réellement faim.

Elle attendit un peu mais l’homme au sol qui s’était pissé dessus ne se transforma pas. Elle le dévisagea. Le jour se leva qu’il tremblait toujours. Elle lui brisa la nuque et retourna chez elle, plus amère que jamais. Ce qu’elle avait craint s’était produit : les humains étaient devenus immunisés.

Comment Baptiste s’y était-il pris ? Elle n’en avait aucune idée. Avait-il mélangé son sérum aux vaccins classiques ? Avait-il volontairement crée la pandémie de covid 19 pour injecter massivement sa formule à tous les terriens ?

Des humains immunisés contre le vampirisme était le rêve ultime de Chris ? Freijat se remémora toutes ses lectures, tentant de mettre de l’ordre dans toutes ses connaissances. Chris avait aidé les chasseurs de Vampire à exterminer les petits Vampires, dont sa famille, de manière à endormir leur ennemi par manque d’entraînement. Ses filles surveillaient la Terre, veillant pour s’assurer qu’aucun petit n’avait été raté car il pourrait, à lui seul, recréer toute une engeance, anéantissant les efforts entrepris.

Désormais, Chris n’en avait plus rien à faire qu’un Vampire pas au contrôle se promène sur Terre. La preuve : il avait offert à Freijat de le faire. Elle ne douta désormais plus de se trouver sur la planète bleue. Il s’en fichait de lui offrir sa liberté. Elle ne pourrait jamais se créer une famille. Libre de se mouvoir, de se nourrir, de mordre, oui, mais pas de procréer. Freijat sentit l’amertume monter. Chris la tenait. Il maîtrisait désormais toutes les progénitures.

Si Freijat mordait assez souvent un humain, se transformerait-il ? Probablement pas. Baptiste avait dû régler le problème de porosité pour rendre la vaccination permanente et comme elle était héréditaire, inutile d’imaginer créer son propre bétail immunisé. C’était trop tard. Chris avait gagné. Freijat en eut la nausée.

On frappa à sa porte. Chris venait-il déjeuner avec elle ? Si c’était le cas, le laisserait-elle entrer ? Avait-elle envie de passer du temps avec lui ? Elle dut admettre que oui. Son amour l’appelait vers lui. Elle souffrait de son absence. Elle crevait d’envie qu’il vienne, de lui parler, de le toucher.

Elle ouvrit la porte pour découvrir un homme. Elle plissa les yeux. Européen, il portait un pantalon en toile noire sur des chaussures en cuir parfaitement cirées. Ses cheveux courts encadraient un visage rond glabre. La veste marron mit la puce à l’oreille de Freijat. Sans certitude, elle proposa :

- Stiny ?

Il sourit et s’inclina, visiblement surpris mais ravi d’avoir été reconnu.

- J’ai lu toutes tes œuvres, précisa-t-elle.

- Tu avais du temps à perdre, répliqua-t-il en riant.

- Cent cinquante ans d’enfermement, maugréa Freijat.

Le conservateur de la bibliothèque du palais perdit tout sourire à ces mots.

- J’en suis navré pour toi, assura-t-il. Puis-je entrer ?

Freijat se recula et l’accueillit d’un geste. Elle lui proposa de le suivre dans le salon et ils s’installèrent devant un verre et quelques biscuits apéritif.

- Comme tu le sais, je suis historien, commença Stiny. Je déteste savoir qu’un pan complet de l’Histoire peut disparaître. C’est pour cette raison que je mets tout par écrit, afin que cela me survive.

- Je comprends, assura Freijat.

- Accepterais-tu de me raconter comment vivaient les familles canadiennes et que je mette tout ça par écrit ?

Freijat se renferma. S’ils voulaient savoir comment ça se passait, il leur aurait suffi de ne pas les exterminer froidement.

- J’ai rejoint Chris au vingt-et-unième siècle. J’étais un averti. J’ai eu la chance de faire partie du groupe que Chris a accepté de soutenir. Je conçois aisément ta colère et ta rancœur mais tu sais, notre immortalité n’est que de la poudre aux yeux. Nous pouvons tous mourir à tout instant. Les Vampires qui pensent le contraire vivent rarement longtemps.

- Je sais, assura Freijat.

Elle vivait sur Terre, où les chasseurs de Vampires gardaient les yeux grand ouvert. Mieux valait être prudent et ne pas sous-estimer l’ennemi pour survivre.

- Les tiens sont morts mais tu peux les rendre immortels en leur permettant de persister des millénaires par les mots. Leurs noms seront écrits, leurs descriptions, leurs histoires, leurs faits, leurs échecs et leurs victoires. Je ne réclame pas que tu me racontes ton histoire. Je comprendrais que cela soit bien trop personnel. S’il te plaît, offre aux tiens de renaître différemment.

Freijat fut sensible au discours. Elle accepta de lui transmettre son savoir. Elle n’eut en revanche aucune idée de comment commencer. Il lui posa des questions et l’échange ressembla à une conversation classique. Il ne prenait aucune note, n’enregistrait rien.

Lorsque la nuit tomba, il partit en promettant de revenir le lendemain. Freijat put ainsi faire croire qu’elle dormait, élément essentiel pour ne pas activer les radars des chasseurs de Vampires.

Le lendemain, il revint comme promis. Il apporta avec lui ses écrits nocturnes. Freijat les lut, commenta puis la discussion reprit et l’ouvrage prit doucement forme.

Ils furent dérangés un peu avant midi le quatrième jour par la cloche de la sonnette d’entrée. Freijat alla ouvrir pour découvrir Chris.

- Stiny ? Tu veux bien revenir demain ? lança Freijat.

- Bien sûr ! À demain ! dit-il en sortant, saluant sommairement son roi au passage d’un « monsieur » poli et distant.

Si un chasseur de Vampires voyait cela, la scène ne le choquerait pas. Freijat fit signe à Chris d’entrer. Elle referma la porte derrière lui, le ventre noué. Ils s’installèrent dans le canapé devant un apéritif.

- Toujours pas un mot pour moi ? comprit Chris. Peut-être ceci va-t-il te dérider : j’ai un cadeau pour toi.

Freijat en frétilla de bonheur comme une adolescente. Il avait apporté quelque chose pour elle ! Elle se renfrogna. Elle n’avait rien à lui offrir en retour. Elle s’en voulut. Il sortit de sa poche un cylindre argenté. Freijat manipula l’objet sans en comprendre l’utilité. Un bouton se trouvait sur l’une des bases circulaires. Ceci ne l’aida pas à saisir.

- C’est un stylo injecteur. Il contient une dose, indiqua Chris. Tu le places sur l’humain de ton choix, tu attends deux jours et après, tu pourras le transformer.

Freijat regarda de nouveau le cylindre. Ce truc contenait l’antidote contre l’immunité au vampirisme. Chris venait de lui offrir la possibilité d’engendrer. Elle se sentit profondément reconnaissante.

- Le produit n’a pas de date limite de consommation, précisa Chris. Tu peux l’utiliser demain ou dans un siècle, il fonctionnera toujours.

La liberté d’utilisation était totale. Il ne contrôlait que la quantité : un seul. Freijat pouvait décider du reste. Il faisait réellement des efforts pour remplir sa promesse. Elle ressentit au plus profond d’elle-même qu’il maîtrisait tout, de A à Z. Cette planète était à lui. Il offrait ce qu’il voulait, à qui il voulait, quand il voulait. Il gardait la main mise sur comment, combien avec une bienveillance et une écoute incroyable. Freijat dut admettre qu’elle l’admirait, non pas son amoureux, mais le roi.

Alors certes, il avait commis une erreur. Pris par surprise par une guerre qu’il n’avait pas initié, il avait dû prioriser et les Vampires canadiens avaient payé le prix fort. Chris cherchait cependant réellement le bonheur des siens, tout en ne perdant pas de vue son objectif personnel.

Freijat n’appréciait pas spécialement mais elle dut le reconnaître : Chris contrôlait la Terre. Il était réellement le maître du monde. Elle le voyait ainsi et le ressentait de cette manière à chaque instant. Elle n’était là que par sa volonté, liberté qu’il pouvait lui retirer n’importe quand. Elle ne pourrait jamais se cacher de lui ni s’opposer à une de ses décisions.

Pourtant, elle ne se sentait pas mal car elle le savait : il protégeait les siens. Il s’assurait de leur bonheur. Il faisait tout pour les satisfaire, quitte à leur faire des cadeaux s’opposant à son objectif à lui. Son amour mis de côté, elle ne put nier la vérité. Autant l’officialiser. Freijat se leva du canapé et s’agenouilla devant Chris, la tête baissée, le regard humble.

- Je suis ravi que ma manière de gouverner te convienne, dit-il.

Freijat leva les yeux sur lui.

- Je m’appelle Freijat, annonça-t-elle.

- Je suis honoré de recevoir ta fidélité, Freijat, que j’accepte avec grand plaisir.

D’un geste, il lui permit de se lever. Freijat se dressa un peu mais s’avança vers Chris qui la laissa briser sa bulle d’intimité en souriant. Leurs lèvres se touchèrent et le baiser embrasa la canadienne.

- Je t’aime, Chris, lâcha-t-elle, enfin capable d’exprimer ses sentiments positifs.

- Je t’aime, sarracénie, répondit-il.

Freijat frémit de bonheur. Elle allait enfin pouvoir vivre pleinement un amour. Rien ne s’opposerait à l’expression de ses sentiments. Freijat découvrit – devant un Chris ahuri mais compréhensif – l’extase de baiser en temps que Vampire. Elle comprit pourquoi Sahale ne s’en privait pas et pourquoi tous ses frères et alliés canadiens regrettaient à l’époque qu’elle refusât.

Stiny revint les jours suivants. Freijat raconta les manières des canadiens, narra la vie de Sahale et des supérieurs qu’elle connaissait puis la sienne. Elle commenta tous les ouvrages du bibliothécaire, ravie d’être impliquée.

Chris continua à venir la voir une fois par semaine. Freijat ne mit jamais un pied au palais. Elle résida au Canada. Elle engendra un petit qu’elle éduqua, puis un second, Chris ayant accédé à sa demande avec un rictus de désapprobation. Acceptait-il par amour ou parce qu’il était conscient que parfois, un dirigeant devait accepter des compromis ? Elle n’en sut jamais rien.

Elle vécut heureuse et eut beaucoup de petits.

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