On toqua à la porte. Immédiatement les deux gosses se raidirent.
Bah oui, il fallait que ça arrive. Ils ne pouvaient pas rester cachés du reste du monde pour toujours. Le Gamin chercha une sortie de secours dans les yeux de sa sœur, et la Gamine me demanda à l’aide.
J’imagine que maintenant serait un bon moment pour les sociabiliser un petit peu. Mais en même temps la Gamine est psychologiquement instable et le Gamin vient de sortir du coma. Ils ont certainement besoin de repos.
Je regardai les deux morveux et leur fis signe de se cacher derrière le canapé.
Ils ne demandèrent pas leur reste et disparurent instantanément.
Pendant ce temps, Théo alla ouvrir la porte d’entrée et tomba sur Riton. Immédiatement je me relaxai et souris à pleines dents.
« Riton ! Que me vaut ce plaisir ? » s’enquit notre hôte.
« Salut Grand ! Ça me fait plaisir de te voir. Il parait que le vieux grigou est sorti de sa tanière avec un bambin sous chaque bras. Je me suis dit qu’il y avait du grabuge alors je suis allé voir sa cabane. Complètement envahie par les abeilles. Des monstres ! Grosses comme mon nez ! Et des centaines ! Alors je suis redescendu vous voir, voir ce que je pouvais faire. »
« Ta compagnie sera suffisante, jeune freluquet ! » dis-je en le saluant. « Enfin, uniquement si le maître de maison accepte de te faire rentrer dans son humble demeure… »
Théo se frotta l'embryon de barbe qu'il avait sur le menton « Je n’y vois pas d’inconvénient. Ma maison est ouverte à tous. On déguste justement un de tes crus Riton. Si tu veux bien nous faire l’honneur d’entrer. »
« Volontiers. Merci, Prince. Et je dis quoi à tout ce joli petit monde qui se presse derrière ces portes ? Ils ont vu le Vieux, ils ont vu une gosse rouge comme le soleil levant ; ils ont besoin de se faire rassurer. »
« Dis-leur que les gosses vont beaucoup mieux mais qu’ils ont besoin d’un ou deux jours de repos avant de se joindre à eux. »
Riton me fixa quelques instants et puis sortit un sourire carnassier. « Ils sont timides ? »
« C’est maladif ! Mais je tiens à ce qu’ils te rencontrent ce soir. Au moins toi. Tu vas voir si s’occuper de gamins est une mince à faire. »
Pendant que notre joyeux luron expliquait la situation aux curieux, je me dirigeai vers le canapé. Bien évidemment les enfants avaient disparu. Alors j’élevai la voix et proclamai :
« Je sais que vous avez peur des autres, je sais que vous avez traversé des passages difficiles ; mais je vous demande de me faire confiance et de sortir de là. Si vous décidez de rester chez moi, vous devez m’écouter et suivre mes conseils. Et quand je vous dis que Riton est l’âme la plus pure qu’il m’ait été porté de voir, ne doutez pas de moi et venez ! Je vous promets qu’il n’y a rien à craindre. »
J’attendis deux minutes, immobile au milieu du salon. Théo et Riton me rejoignirent et firent comme moi. Nous restâmes inébranlables.
Puis la tête du Gamin sorti d’un coin du mur, et avança timidement au milieu du salon. La Gamine le suivit en vissant son regard à celui de Riton.
Le Gamin s’arrêta à un mètre de nous et fila vers sa sœur. Il se cacha derrière elle et nous lança des regards curieux. On y sentait un mélange de crainte et de fascination.
La Gamine, elle, posa un bras protecteur autour des épaules de son frère et dit : « J’ai connu une fois un homme qui paraissait très gentil. Il ne l’était pas. Pas du tout. Si vous touchez à un cheveu de mon frère, Inconnu, vous n’aurez jamais assez d’yeux pour pleurer. » Cela dit, elle attendit une réaction de la part de Riton.
Celui-ci était comme figé sur place. Puis son visage s’élargit et fit place au ravissement.
« Vous êtes trop mignons ! Tout petit et si grand à la fois ! Toi ! » dit-il en pointant la Gamine du doigt alors qu’elle se décomposait sur place « Tu as l’air tellement sûre de toi alors que tu crèves de trouille. Et tu protèges ton frère alors que c’est lui qui a fait le premier pas pour venir me voir. Et là il se cache derrière toi, avec ses petites mains qui sortent de derrière tes épaules. Trop chou-pi ! ». Il tendit son énorme main vers les deux gosses et s’annonça : « Moi c’est Riton, mais vous pouvez m’appelez Riton ! C’est comme ça que mes amis m’appellent. »
La main resta en suspens quelques secondes, jusqu’à ce que le Gamin la prenne et la sert avec une hésitation de sourire.
Je suis content que l'histoire te plaise =)