Chapitre 28 - Lettres et shopping

Par Froglys

Ainsi, Thalion avait pu raconter au roi tout ce qu’il avait besoin de savoir. Nous avions laissé au palais Léoni et Léandre et avions aussi retrouvé Liane et le garde qui avaient pu rentrer sains et saufs.

Nous étions ensuite retournés chez Albin et n’en étions par ressortis pendant près de deux mois.

 

Les jours défilèrent les uns après les autres. Chacun était différent et similaire à sa façon. Je vivais avec Albin et mon frère. La construction de l’engin de l’ingénieur avançait. Thalion s’était révélé très doué en inscription et avait même pu m’apprendre les bases.

Ainsi, près de huit semaines passèrent. Thalion avait fini depuis un certain temps toutes les inscriptions dont Albin avait besoin. Je me trouvais à nouveau à la fenêtre de la chambre que j’occupais. J’admirais la rue pavée, perdue dans mon esprit.

La maison d’Albin s'était avérée être une source de trouvailles sans nom. J’avais trouvé beaucoup de livres intéressants. Le temps était ainsi passé très rapidement et la rentrée à l’académie était d’autant plus proche.

Finalement, deux semaines avant la rentrée à l’académie, Thalion entra dans la chambre que nous partagions.

— Tiens, fit sa voix grave me poussant à quitter des yeux l’histoire que je lisais. C’est la lettre de Clerfort.

Dans sa main, il me tendait une grosse enveloppe bleuté. Je calais le marque-page dans mon livre avant de le déposer pour attraper la lettre. Dessus était écrit quelques mots.

Anthéa Valberton

456.7 rue des Amandiers

Deuxième cercle, Valbe

C’était la première fois que je recevais une lettre. Et surtout la première fois que l’endroit dans lequel je vivais avait une adresse. Dans les villages comme le mien, nous en connaissions chaque recoin et si les étrangers demandaient, il suffisait de leur indiquer le chemin. Je souris, ma vie avait beaucoup changé et certaines choses n’étaient pas plus mal. Je trouvais que cette nouvelle vie à la capitale était excitante.

Je retournai l’enveloppe pour y découvrir un cachet de cire avec, logiquement, l’emblème de Clerfort. Clerfort étant à l’origine le nom du noble ayant fondé l’académie de magie. Autrefois, celle-ci n’était par ailleurs composée que d’un premier cursus contenant les bases de la magie. Ceux souhaitant en apprendre plus sur la magie devaient alors se rendre à Kassuz ou la Fédération d’Urpania, pays alors connus pour leur puissance magique.

Néanmoins, notre royaume s’était développé jusqu’à se hisser au troisième rang, devant Kassuz qui avait bien régressé au cours du dernier siècle.

Usant de ma force, je brisai la cire pour accéder au contenu de l’enveloppe. Il y avait de nombreux papiers. Je sortis le premier.

« Bonjour mademoiselle Valberton,

Nous sommes heureux de vous annoncer en ce jour, votre entrée en classe de magie générale à Clerfort. Ci-joint vous trouverez une liste de fournitures à acheter. Un respect strict de cette liste sera de rigueur. Également, vous trouverez le règlement dans l’enveloppe.

De plus, vous trouverez également dans votre enveloppe un billet d’entrée ainsi qu’un parchemin de téléportation. Le premier agira comme laisser-passer au portail et de lien de repérage le jour de la rentrée pour aller jusqu’à votre salle de classe. Le deuxième s’activera avec votre magie pour vous rendre à l’académie le jour de la rentrée. Attention, il prendra feu dès votre arrivée sur les lieux. Veillez à ne pas vous brûler les doigts.

Nous vous informerons des autres formalités le jour de la rentrée scolaire qui aura lieu le 30 août à huit heures.

Cordialement

Salament Pierre, directeur de l’école de magie générale et supérieure, Clerfort. »

A la fin de ma lecture, je dépliai la feuille suivante. Une courte liste d’affaires à acheter y était inscrite.

« Voici la liste des fournitures à acheter en première année :

  • Histoire de la magie, de Mirande Calvi

  • Théorie de défense magique, de Gustave Offle

  • Théorie d’attaque magique, de Gustave Offle

  • Théorie d’utilisations de la magie, de Sova Nister

  • Les runes selon Valère Prisquio

  • Limnéin, de Vince Miran

Un uniforme scolaire sera fourni à la rentrée. Les affaires personnelles ainsi que les cahiers de cours sont à prévoir par les élèves.

Cordialement

Agarta Dimoxis, directrice adjointe et professeure de runes de l’école de magie générale, Clerfort. »

La liste était courte et assez vague. Six livres à acheter, l’uniforme était fourni et les affaires personnelles et de cours étaient à prévoir par les élèves.

Je découvris par la suite, un plan de l’école ainsi qu’un emploi du temps avec un nom de classe.

— « Lutin » ?

— C’est le nom de ta classe ? pouffa Thalion à mes côtés en entendant mon exclamation.

— Je crois bien…

— Ne t’inquiètes pas, mon petit lutin, le directeur aime donner les noms loufoques aux classes. Le mien c’est « Balfosa ». Tu sais, le petit chat des forêts…

Ce fut à mon tour de ricaner. Les noms des classes étaient peut-être bien originaux mais ils gardaient un certain charme.

En sortant à son tour son emploi du temps de sa propre enveloppe, il fronça les sourcils.

— Qu’est-ce qu’il y a ?

Il jeta un coup d'œil dans ma direction avant de m’expliquer.

— Je n’ai plus la même classe. Le directeur n’est pas du genre à se compliquer à changer les classes chaque année. Je me demande ce qui a bien pu lui passer par la tête.

Je haussai les épaules. Comment aurais-je pu savoir quoi que ce soit ?

Je sortis de l’enveloppe les trois dernières feuilles. Un parchemin avec une rune et une espèce de ticket d’entrée. Sûrement ce dont le directeur avait parlé dans sa lettre. Sur la dernière était noté de longs détails à propos du règlement de l’école.

— Lis le en diagonal, intervint mon frère. Seul le début est intéressant. La fin parle de comment sont géré l’internat et les différents bâtiments. Mais ils t’en parleront lors de ton premier jour de cours de toute façon.

Je soupira en posant tous mes papiers sur ma table de chevet. Quelqu’un frappa contre la porte de la chambre au même moment. Je levai la tête vers le nouvel arrivant.

— Alors, les enfants, que devons-nous acheter pour cette année ?

— Des livres pour moi, sûrement la même chose pour Anthéa, et puis les habituels nécessaires de papeterie, répondit Thalion.

J’acquiesçai dans mon coin. Il avait tout dit.

— Très bien. Comment veux-tu faire ? Je peux vous accompagner en ville dès demain.

— Faisons donc comme ça.

L’un comme l’autre sortirent de la pièce et j’attrapai mon livre sur mon lit pour retourner dans ce pays imaginaire. Loin dans les étoiles.

 

La porte du magasin se referma après le tintement d’une clochette. Une femme était assise, somnolente, sur un tabouret contre une bibliothèque. Elle ouvrit les yeux pour faire face à ses clients. Thalion, Albin et moi venions d’entrer dans cette boutique reculée du quartier de vente. Assez délabrée, je m’étais déjà fait mon avis avant d’entrer sur ce que nous allions y trouver. Mais je m’étais complètement trompée. C’était une petite boutique très élégante avec un côté rustique chaleureux. Remplie de livres de part et d’autre de la pièce, tout était correctement rangé, propre et en bon état. Je fus un moment gênée à la pensée de mon jugement préconçu.

Mais bon, il fallait dire que vue de l’extérieur la librairie n’avait rien d’accueillante.

Albin, que la femme avait ignoré pour se rendormir, s’avança jusqu’au comptoir qui se trouvait un peu à gauche face à l’entrée. Il se pencha par-dessus le meuble de bois. J’étais un peu en arrière et je ne voyais pas ce qu’il y avait derrière. Mon frère regardait dans les étagères de livres exposés sur tous les murs de la librairie. L’ingénieur toujours penché souleva un bouquin ouvert, de l’espace au-delà de la console brune. Puis il soupira.

— Elrei… commença-t-il. Tu baves.

Thalion étouffa un rire par une quinte de toux alors que du bruit apparaissait près de notre hôte avant que la voix rauque d’une personne se réveillant ne se fasse entendre.

— Que… puis-je faire… pour vous ?

Un homme à la peau aussi pâle que les nuages, des cheveux aussi noirs que la pupille d’un œil et un corps si mince qu’il semblait être celui d’une femme, était derrière le comptoir. Les yeux encore fermés, il se releva lentement pour s’appuyer contre son bureau tout en baillant. Ne recevant aucune réponse de notre part, il ouvrit un œil, puis le deuxième.

— Tu baves, répéta l’adulte aux cheveux clairs.

Celui aux cheveux plus foncés se frotta les yeux, pas le moins surpris de cette remarque. Il essuya le filet de bave sur sa joue.

— Ce n’est pas très courant de dire ça à une personne à qui tu comptes acheter des affaires. Surtout à son réveil… grogna l’homme.

Il s’agissait donc du libraire. Il ne semblait pas très professionnel. Dormir sur son lieu de travail et en pleine journée alors que sa boutique était ouverte n’était pas judicieux. Certes l’endroit n’attirait pas vraiment mais les risques étaient tout de même présents.

— Alors, que puis-je faire pour toi ? Tu es déjà venu la semaine dernière. Tu as encore besoin de quelque chose ? Continua le libraire.

Ils semblaient se connaître. En même temps, étant donné l’immense collection de livres que possédait l’ingénieur, ce n’était pas vraiment étonnant.

— Je ne suis pas là pour moi. J’accompagne Thalion acheter quelques trucs ainsi que sa jeune sœur, Anthéa, répondit Albin avec un grand sourire sur le visage tandis qu’il me prenait par la main pour me faire approcher.

Je jetai un regard suspicieux à Albin. Ce sourire fier ne voulait dire qu’une chose…

— Quoi ! S’étouffa le dénommé Elrei.

Il regarda celui qui lui avait annoncé cette nouvelle les yeux grands ouverts puis dirigea son regard sur moi. Il était surpris. Il était vrai que j’étais censée être morte depuis près de deux ans. Étant donné sa réaction, il devait donc également bien connaître Thalion. Je me demandais bien comment. Pour connaître l’histoire d’un client, ils devaient être plus proches que ça.

Elrei toussa pour se reprendre après s’être étranglé.

— Désolé, donc, de quoi avais-tu besoin ? Me demanda-t-il alors.

Intérieurement j’étais très surprise qu’il n’en demande pas plus mais je ne montrais qu’un petit sourire timide. Il ne semblait pas plus curieux que ça et c’était bénéfique pour moi.

Je lui nommais donc l’ensemble des ouvrages dont j’avais besoin puis mon frère en fit de même avec l’unique livre qui lui manquait. Nous ne nous y sommes pas éternisés. Après cela nous sommes allés dans une papeterie où nous avons acheté un écritoire pour moi ainsi que quelques feuilles reliées et non reliées pour tout le monde. Albin a souhaité aller dans un énième endroit pour acheter quelques matériaux. L’intérieur de la boutique était étouffant alors Thalion et moi sommes restés dehors.

En attendant notre adulte responsable, je demandais à mon frère des précisions sur les cours enseignés à l’académie.

Histoire de la magie, étude des runes, le limnéin, l’unique cours de langue obligatoire, astronomie, magie théorique et magie pratique. De plus il y avait aussi diverses options telles que les langues, les arts du combat, la musique, l’art ou encore l’algèbre.

Et parmi toutes les options, seuls les arts du combat étaient divisés en plusieurs cours. Ceux sur le combat à distance, essentiellement avec un arc, ceux sur le combat rapproché avec une épée, un autre sur les dagues et enfin ceux au corps à corps. Ils étaient obligatoires en première année mais étaient simplement conseillés pour le reste des années. De toute façon les inscriptions ne se faisaient qu’après la rentrée pour pouvoir essayer et choisir le bon art.

Albin ne mit pas longtemps à sortir, chargé d’un sac bien rempli.

Il nous proposa des activités à faire pour continuer notre précieuse journée « shopping ». Finalement deux heures passèrent très vite. Je pus acheter deux tenues en pantalon ainsi qu’une autre tenue plus élégante mais tout aussi pratique. Même si j’avais eu l’occasion d’acheter des vêtements avec Liane et les autres deux mois plus tôt, j’avais craqué sur ces ensembles.

Nous étions ensuite passés dans une boutique d’alchimie où le jeune apprenti en herbe y trouva son compte avec un grand sourire plaqué sur le visage. Je ne connaissais rien des passions de mon frère alors cela me mit du baume au cœur de le voir aussi passionné.

Nous marchions toujours prudemment dans une rue lorsque Albin se rendit compte qu’il n’y avait plus un chat. Il nous le fit savoir avec un signe de main en disant de faire attention. Deux hommes s’avancèrent alors calmement dans l’allée.

— Alors c’était bien vrai… murmura l’homme de gauche qui se tenait bien droit face à nous.

Mon regard détaillait l’homme afin de savoir s’il représentait un risque ou bien s’il était une énième personne que mon frère connaissait et donc qu’il me connaissait aussi par la même occasion.

Ses yeux sombres et ses cheveux bruns coiffés vers l’arrière le rendait sournois mais son regard était avide d’autre chose. Il sourit malicieusement tandis qu’il regardait une jeune enfant danser au milieu d'une foule.

Mon cœur battait si fort. Un sentiment de frayeur m’envahissait. La sensation qu’il fallait que je m’enfuis le plus loin possible de cet homme.

S’arrêtant un instant de danser alors qu’elle sentait un regard posé sur elle, elle chercha ces yeux qui la fixaient et les trouva.

Habillé d’une tenue très élégante, assis sur une chaise un verre à la main et son regard perçant tourné sur elle, il se leva et commença à s’avancer vers elle. La jeune fille pas plus âgée que treize ans laissa l’homme dans la vingtaine s’approcher bien que prudente, se rassurant grâce à la présence des gens autour d’eux.

Mes yeux s’écarquillèrent de surprise lorsque je réalisai que je connaissais cet homme. Je ne pouvais détourner mon regard de lui, fixant ses moindres faits et gestes. C’est alors qu’il porta sa main à son visage et passa son pouce…

… sur sa lèvre inférieure. Il sourit ensuite et déclara :

— Ne t’enfuis pas…

—… Ce n’est pas très poli.

L’homme dangereux sourit tandis que j’étais plongée dans de nouveaux souvenirs…

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