*Emilie
Anthony et moi regardons un film chez lui.
Je me laisse aller à me blottir contre lui. Je suis bien avec lui, tout est simple. On se ressemble. Et les agissements de Martin nous ont approché sans qu’on ne se rende compte.
Une scène du film me fait sursauter et je bouscule sa main qui tenait son verre de bière.
- Crap ! Merde ! Désolée ! je suis confuse face à son T-shirt trempé de boisson.
Il sourit, amusé et se redresse pour enlever le vêtement.
Quand nos regards se croisent, je me rends compte que je suis en train de le fixer.
Il me dévisage comme s’il cherchait à capter ce que je pense en le regardant comme ça.
C’est définitivement un très bel homme. Je ne l’ai jamais ignoré mais je ne m’étais jamais autorisée à attarder mon regard sur lui. Et je ne l’avais jamais vu à moitié nu…
Il a la peau très claire, ses cheveux courts légèrement bouclés sont bruns, sombres, presque noirs. Il a des sourcils épais qui cadrent de grands yeux aussi ténébreux que ses cheveux. Ses lèvres sont lisses, et ont l’air d’être très agréables à embrasser.
Je le vois arquer un sourcil. Merde.
- Désolée. Je … C’est juste que …tu es très beau, j’avoue. Mais je ne t’apprends rien, j’ajoute avec un sourire embarrassé.
- Ça a une saveur différente venant de toi, il répond.
Je me tourne et dirige mes yeux sur l’écran de la télévision, faisant mine de m’y intéresser.
- Emilie ?
Je lui jette un coup d’œil.
- Hum ?
- J’ai envie que tu m’embrasses, me dit-il.
J’écarquille les yeux, surprise tandis que mon cœur loupe un battement et se met à tambouriner fort.
- Tu as l’air surprise, rit-il doucement.
- Euh, n-non, enfin oui, un peu, je balbutie en me tournant légèrement vers lui.
- Tu es magnifique Emilie. Sans parler du fait que j’adore passer du temps avec toi. Alors faut pas que tu me regardes comme tu viens de le faire … Ça me donne juste envie de me jeter sur toi.
Mon souffle se fait court. Ma poitrine me trahit, en se soulevant avec difficulté. Son regard posé sur moi ne cache pas son désir mais il reste immobile. Je comprends qu’il me laisse décider si je veux de lui.
Et j’en ai envie. Bien sûr que j’en ai envie.
Je me rapproche, nos cuisses se touchent. Je pose une main sur son torse. Sa peau nue est blanche, presque porcelaine et je trouve ça magnifique. Le désir s’immisce dans ma poitrine, ma bouche, mon ventre. Je sens son rythme cardiaque accélérer sous ma main. Il se tient de biais. Et j’imagine à quel point cela serait agréable de sentir mes seins écrasés contre son torse. Comme s’il devinait mes pensées, il me tire contre lui. Nos visages se retrouvent séparés de quelques misérables centimètres. Je le vois me contempler, nos cœurs résonnant fort l’un contre l’autre. Sa cage thoracique s’élargit sous moi, je ne ressens plus que la chaleur de son corps contre le mien. Il me hisse de quelques centimètres jusqu’à ce que mes lèvres touchent les siennes. On dirait de la soie, elles sont fondantes, fraîches et m’amènent vers le délice. Sa langue entre langoureusement dans ma bouche. J’y goûte les arômes de la bière et savoure. Je grimpe un peu plus sur sa poitrine, pour ressentir plus profondément son baiser. Ses mains viennent caresser mon dos, sous mon haut. Quand il rencontre mon soutien-gorge, il n’ose pas le dégrafer et tire dessus avec envie. J’ai très envie qu’il m’en libère, qu’il me caresse les seins.
Mais une partie de ma raison résiste et entame un débat intérieur.
- Anthony… je murmure en gémissant dans un baiser.
Je me force à quitter ses lèvres et me détache de son torse sublime.
- Je suis désolée … J’ai … j’ai l’impression d’être malhonnête avec toi.
Il m’interroge du regard.
- De profiter de toi, j’ajoute.
Et il s’esclaffe.
- Toi, tu profites de moi ? il rit.
Mon front se plisse d’inquiétudes. Il fronce les sourcils.
- Pourquoi tu penses ça ?
Je souffle.
- J’ai très, très envie de …toi. Mais je ne veux pas te mentir, je pense toujours à Martin, je lui annonce avec franchise.
Il expulse l’air de ses poumons.
- Il fait chier, dit-il finalement.
- Si ce n’était pas mon meilleur pote, j’en aurais rien à cirer que ton cœur soit pris par un autre que moi, ça ne m’empêcherait pas de …te faire l’amour. Parce que je sais que tu me désires autant que je te désire et qu’on est bien ensemble. Mais …c’est mon meilleur pote. Malheureusement. Et malgré qu’il soit totalement à la ramasse en ce moment.
La déception ternit son sourire.
Je me lève.
- Reste Emilie. On peut finir de regarder le film sagement.
Je lui souris, frustrée.
- Moi, je ne pourrais pas rester sagement à côté de toi.
- Je peux te poser une question ? demande-t-il alors.
J’hoche la tête.
- Puisque tu as l’air de toujours répondre avec honnêteté quoi qu’il arrive …
Il capte mon regard et je n’arrive pas à m’en défaire.
- C’est que physique ce que tu ressens pour moi ?
Je rougis parce que je me rends compte que la réponse à sa question est négative.
Je souris tristement.
- Non. Je t’aime beaucoup. Vraiment…
Je me retiens de rajouter « Mais ».
- Je sais. Mais malheureusement pour nous deux, tu l’aimes plus encore.
J’opine du chef, mélancolique.
Il se lève.
Je m’approche et l’embrasse une dernière fois. Ce dernier baiser est aussi doux qu’amer. Je détache mes lèvres des siennes avec une frustration dévorante et me précipite loin de lui et de son appartement.
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« Y a moyen que Martin débarque chez toi » m’écrit Anthony le lendemain.
« Y a moyen que je lui ai raconté pour hier soir, dans l’idée de le secouer un peu. »
« Y a moyen que ça n’ait pas eu tout à fait l’effet escompté. »
Awesome.
Heureusement qu’Hugo et Clara ne sont pas là. Mais peut-être qu’Anthony se trompe et qu’il ne viendra pas.
Je sens mon aisselle au cas où. Ça va. Par contre ,je devrais peut-être m’habiller un peu plus. Je porte une simple culotte en coton noire avec un grand débardeur bleu clair, que j’ai emprunté il y a longtemps dans la garde-robe d’Hugo. Il m’arrive en haut des cuisses et j’adore le porter comme une robe de nuit. La sonnette se met à rugir inlassablement. Putain il veut que mes voisins me détestent ou quoi ? Plus le temps de penser.
- Martin, je le salue à la porte de l’immeuble dans un souffle de lassitude, après avoir descendu les escaliers en trombe.
- Anthony m’a dit que tu viendrais peut-être, j’ajoute alors qu’il ne me regarde pas.
Ses yeux se vrillent sur moi avec furie.
- Je constate que vous êtes devenus très proches tous les deux, crache-t-il.
Son regard balaie ma tenue. Il se mord la lèvre rageusement.
- En effet. Ça te pose un problème ?
Il paraît surpris par ma réponse et mon ton. Il pince ses lèvres.
Il fait un pas vers moi.
- Pas lui Emilie. S’il te plaît.
Son visage m’implore. Une expression douloureuse passe dans son regard. Son souffle chaud vient chatouiller mes cheveux. Oh non, il n’a pas le droit. Je suis en colère contre lui. Il n’a pas le droit de débarquer comme ça et de décider si ou avec qui je peux avoir des relations intimes. Non seulement il se refuse à moi, mais en plus de cela, il m’empêche de vivre d’autres relations amoureuses.
- Ok. Pas LUI, j’insiste sur le dernier mot et le défie du regard.
Je le vois contracter sa mâchoire. Il se mord à nouveau la lèvre. Et une furieuse envie de l’embrasser, de le toucher me prend aux tripes. Il me manque tellement. Désespérément. Je sauterais sur n’importe quel mec qui se présente, à la recherche d’un peu de lui chez eux. Je déteste ce qu’il fait de moi. S’il ne veut pas de moi, il devrait avoir la décence de me laisser tranquille, de m’offrir la chance de tourner la page.
- Emilie …
Son regard me dévore et me laisse chancelante. Je sens qu’il lutte entre différents sentiments.
- Au revoir Martin, je dis sèchement.
Et je tourne les talons, montant les marches jusqu’à mon appartement.
Soudain, je me retrouve plaquée au mur, la bouche de Martin sur la mienne, nos langues s’enlaçant déjà.
Je gémis, entre la colère et le désir. J’agrippe ses cheveux avec force et éloigne légèrement son visage.
Ma respiration est si forte. Je regarde sa lèvre inférieure gonflée et je n’arrive pas à résister : je me précipite dessus, la mordant, l’embrassant, la léchant. C’est si bon. Il grogne dans ma bouche.
Il me soulève et enroule mes jambes au-dessus de ses hanches. Il monte quelques marches supplémentaires et me plaque à nouveau mais contre ma porte d’entrée, cette fois.
Il m’a tellement manqué. C’en était douloureux. Malgré ma tristesse, ma colère, je l’aime tellement, je le désire trop, trop pour résister à ce que peut m’offrir cette nuit.
Sa bouche avide s’attaque à mon cou. Il s’énerve de mon vêtement qui l’empêche d’accéder au reste. Il le soulève un peu et dans un rugissement, il me soulève jusqu’à ce que mes jambes reposent sur ses épaules, écartées devant son visage. Je pousse un petit cri de surprise et me tiens tant bien que mal à l’encadrement de la porte mais il me maintient avec une telle force que je ne crains rien. Il dévore mon ventre. C’est si bon. J’ai tellement rêvé de pouvoir sentir de nouveau sa bouche sur moi. Puis il écarte le tissu entre mes jambes et sans davantage de préliminaires, embrasse avec fougue mon intimité. Je me cambre, consumée par le feu que déclenche sa bouche.
- Martin …
Je vais défaillir. C’est trop pour mon corps. Pour mon esprit.
- Prends …moi, je le supplie d’une petite voix tremblante.
Il grogne et sa langue me fouille désespérément, sa lèvre supérieure me caressant le clitoris avec douceur.
- Martin …please …
Je me tortille, voulant échapper au plaisir qui gonfle contre son visage. Ses mains se resserrent sur moi et me maintiennent fermement.
Je me mords la lèvre, dans une ridicule tentative d’étouffer ma jouissance. Mon corps se tord à l’intérieur mais Martin m’empêche de bouger et ça décuple mon orgasme.
Je ne suis plus qu’une poupée de chiffon dans ses bras. Il ne me maintient plus que d’un bras, pour s’essuyer la bouche avec sa main libérée. Il fait ça sans me quitter du regard. Il libère mes jambes de ses épaules, et me fait glisser contre lui doucement. Quand mon corps passe contre son sexe, je constate qu’il est gonflé de désir pour moi. Son regard ne dément pas cette version. J’ai toujours faim de lui. J’aimerais qu’il me prenne mais j’ai aussi envie de le prendre en bouche, de le sentir contre ma langue. Je défais sa ceinture et l’attrape par son extrémité pour le faire entrer dans l’appartement. Je le pousse sur la porte d’entrée pour la fermer par la même occasion. J’ouvre son jean et libère son sexe de tout vêtement. Je me mets à genoux et lève les yeux sur lui pendant que je m’empare de son membre tendu avec ma main. Il étouffe un grognement mais ne me laisse pas utiliser ma bouche. Il me saisit les cheveux et m’éloigne la tête de lui.
- Ça va pas me suffire. Je te veux trop.
Il me relève, m’embrasse et me fait reculer jusqu’à ce que ma tête bute sur la rambarde d’escalier qui mène à ma chambre. Il me retourne.
- Accroche-toi, m’ordonne-t-il, son souffle contre mon oreille.
Je m’exécute.
Il fait glisser ma culotte sur le sol. Je frissonne.
Il m’attrape par la taille, me soulève comme si je ne pesais rien, et me redescend doucement sur son membre, mes pieds ne rencontrant, encore une fois, rien d’autre que le vide. J’étouffe un gémissement de plaisir en le sentant enfin pénétrer en moi. Il plaque ses coudes sur mon ventre, et ses mains viennent me maintenir par les seins. Il fait ce qu’il veut de moi. Je suis un pantin dans ses bras. Mais jamais un pantin n’a ressenti ce que je ressens à cet instant. Son sexe dur me caresse de l’intérieur, pendant que ses doigts maltraitent mes seins, qui paraissent minuscules dans ses grandes mains.
Son visage vient se plaquer contre ma nuque et ses dents viennent trouver mon oreille. Il mort fort mon lobe.
- Emilie…Je …t’aime putain, il murmure sous l’emprise du plaisir.
Cette déclaration me glace le sang. Je souhaiterais tant que ce soit sincère.
Ses doigts tordent mes tétons et m'arrachent un cri, plaisir et douleur mélangés dans une étreinte.
- Dis …pas ça ! j’halète.
- T’as pas le droit …, j’insiste en essayant de ne pas manifester mon plaisir sous ses assauts.
Il me retourne je ne sais comment, mon dos se retrouve contre la rambarde et nos visages se font maintenant face. Il ne stoppe pas ses mouvements de bassin en moi tandis qu’il plonge son regard torturé dans le mien.
- J’ai … essayé de ne pas …t’aimer … mais je n’y arrive pas, déclare-t-il péniblement.
Je le dévisage et il a l’air …effrayé ?
Je ne détache pas mon regard du sien. La rambarde s’imprime dans mon dos, c’est douloureux, mais le plaisir que je ressens dans le reste de mon corps l’emporte.
- Jouis.
Je secoue la tête.
Il plaque ses lèvres sur les miennes. Elles sont pulpeuses, délicieuses. Je n’en serai jamais rassasiée. Il pose un bras dans mon dos pour me maintenir fermement, et place l’autre derrière moi.
Il grogne, prêt à exploser. Son regard dur et aimant à la fois, me supplie.
- Emilie, jouis …
Son sexe violente le mien et quand je le sens exploser en moi, mon corps ne se contient plus et explose à son tour. J’ai l’impression de me briser en mille morceaux. C’est éprouvant et aussi …si bon.
- Ne me quitte pas, je murmure de façon à peine audible dans un instant de faiblesse, au moment où mon corps se relâche contre lui.
Je ne réponds plus de rien, je suis tellement épuisée que je me demande si je n’ai pas imaginé ces mots. Je me sens juste sombrer dans un sommeil étrange alors que mon visage est contre lui.
Le lendemain, je me réveille dans mon lit. Les rayons du soleil envahissent ma chambre et dansent sur les grains de poussière. Je suis seule. Mais je ne suis pas étonnée de l’être. Je n’ai pas besoin de vérifier s’il est en bas, je sais qu’il n’y est pas. Hier soir était une parenthèse, magnifique mais irréelle. Peut-être même que je l’ai rêvée. Seul mon corps endolori est témoin de ce qu’il s’est passé. Au bout d’un moment, je réalise que je suis en train de pleurer.
Quand on s’est rencontrés, je pensais être celle qui était cassée à l’intérieur. Je n’aurais jamais pensé que le plus brisé de nous deux, c’était lui.
Alors, ça y-est, je dois tirer un trait définitif sur toi ? Et si je ne peux pas ? Est-ce que c’est vrai ce que tu as dit ? Est-ce que tu le pensais ? Tu n’es vraiment qu’un connard Martin Gaillard. Mais je souris à travers mes larmes parce qu’au fond de moi, je ne pense pas du tout à lui comme un connard. Parce qu’au fond de moi, je sais pertinemment que quoi qu’il fasse ou dise, mon cœur ne pourra jamais le détester.
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Durant un intercour, deux jours après :
- Et toi Emilie, tu es une romantique ? demande Maureen, la baba-cool qui est en arts du spectacle.
Martin tourne la tête vers moi l’air intéressé.
- Euh …je bafouille. C’est quoi être romantique exactement ?
Je m’enfonce davantage.
- Bien sûr qu’elle est romantique ! s’exclame Boubakar. Elle est romantique … et sentimentale.
Amusée par son intervention, je l’observe déblatérer ce qu’il pense de moi. Suis-je une sentimentale ? Sur le plan romantique ?
Cette question me prend complètement au dépourvu. Je lis Jane Austen, Twilight et toutes les romances de notre ère moderne et des temps plus anciens. Toutes ces histoires d’amour, ces sentiments forts et ces êtres reliés par la destinée, tout ça me passionne bien plus que je n’ose l’admettre.
Mon regard, comme attiré par un amant, tombe sur celui de Martin, qui s’empresse de regarder ailleurs.
Et pourtant … pourtant mon cerveau reptilien me rend défaitiste quant à l’existence de la bonne personne. Je ne rejette pas l’idée que certains puissent connaître le grand amour, trouver une personne avec qui ce soit comme une évidence … Je pense juste que c’est rare et que la plupart des relations amoureuses sont beaucoup trop compliquées et nous tirent vers le bas, et que si les gens n’avaient pas si peur de la solitude, ils seraient beaucoup plus libres.
- Tu es plutôt romantique ou …coquine ? reprend Maureen avec son franc sourire diablotin.
Je ris.
- Plutôt quatre pattes ou tendre câlin ? Elle renchérit.
J’éclate de rire face à son manque de pudeur.
- Ça dépend de mon humeur, je réponds dans un sourire mystérieux.
- Méfiez-vous des airs innocents, conclut Maureen avec un sourire éclatant.
Je me demande bien ce qu’il en est pour elle. De prime abord, on l’imagine sans peur, libérée de tout tabou, aventureuse … Mais je ne serais pas étonnée qu’elle dissimule une part de vulnérabilité, comme tout un chacun.
« Méfiez-vous des airs bravaches… » je songe en me perdant dans la contemplation du profil de Martin.
Le bip de mon téléphone me sort de ma rêverie :
Anthony : « T’as conscience que je suis encore plus beau que lui, hein ? »
Je ris, ce qui a pour conséquence d’attirer le regard curieux de Martin.
Je tourne la tête vers Anthony, assis juste à côté de son ami, qui m’adresse un sourire resplendissant d’innocence. Ce qui me fait rire de plus belle.
Martin pose son regard sur son ami, puis à nouveau sur moi, grimace et croise les bras sur sa poitrine d’un air mécontent.
Moi : « C’est parce que tu le sais que je préfère ne pas en rajouter. Je pense à ton humilité. »
Anthony : « Je suis tout ce qu’il y a de plus humble. Mais je connais ma valeur ;). T’inquiète je t’apprendrai. »
Parfois, il me fait penser à Martin, dans son arrogance, son assurance. Mais chez Anthony c’est un masque derrière lequel il cache une personnalité plus introvertie et clairvoyante. Il observe le monde qui l’entoure avec distance et intelligence.
Moi : « Vas-y apprends-moi, je suis tout ouïe ! »
Anthony : « Patience, les meilleures leçons sont celles que l’on apprend par soi-même. »
Je secoue la tête comme s’il m’agaçait mais la vérité c’est que je l’aime beaucoup. Il a une apparente force tranquille, comme s’il avançait sereinement dans la vie, mais il est en fait timide et très angoissé. Il m’a avoué une fois qu’il était très sujet aux insomnies à cause de ça. J’ai l’impression de reconnaître mon égal en lui, je me sens particulièrement apaisée à ses côtés.
Je regarde tour à tour Anthony puis Martin, deux hommes extraordinaires à leur façon. Un homme pour qui je traverserais la terre entière, et l’autre qui est un ami cher à mon cœur, et diablement beau. L’un qui m’ignore comme si je ne l'intéressait pas, et l’autre qui, sans le premier, finirait certainement par être mon petit ami. Si la vie était simple, ça se saurait, n’est-ce pas ?
Anthony me fixe de ses yeux sombres et je sais qu’il comprend exactement ce qui se passe dans ma tête. Je me remémore cette nuit où tout a failli déraper entre nous, à quel point je le désirais, à quel point je le désire toujours.
Je reçois un SMS qui me sort de mes pensées.
Anthony : « Moi aussi. »
Je lui jette un coup d’œil mais il m’ignore.
Moi : « Toi aussi quoi ? »
Anthony : « Moi aussi j’aurais aimé finir ce qu’on a commencé. »
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Un dimanche chaud de début juin, nous nous retrouvons tous à la rivière. Tous sauf Martin bien évidemment.
- Emilie, tu connais ‘Shallow’ de Lady Gaga et Bradley Cooper ?
Je comprends où il veut en venir et me fige.
- Oui mais …non, Bastien, je lui dis, intimidée.
- Allez, s’il te plaît, ce serait tellement génial ! s’exclame-t-il avec un grand sourire communicatif.
J’hésite.
- Allez Emilie ! m’encourage Théo.
- Oh oui, s’il te plaît Em’, je rêve de t’entendre chanter cette chanson, je l’aime trop ! renchérit Elsa.
Je vide mes poumons et fais un signe de tête affirmatif à Bastien. Ravi, il me fait un clin d’œil et commence à gratter les cordes de sa guitare. Je vois qu’Elsa a allumé la caméra de son téléphone.
- Oh non zaza, si tu filmes je te tue ! je proteste.
- Promis, je garde ça pour moi.
Je grogne mais finis par hausser les épaules. Bastien entonne :
« Tell me something girl …Are you happy in this modern world … or do you need more … »
Je ferme les yeux, calme ma respiration et me concentre sur la mélodie, me laissant porter très loin d’ici :
« Tell me something boy …or do you need more … I’m fallen … »
J’entame les notes plus hautes, tellement émouvantes :
« I'm off the deep end, watch as I dive in
I'll never meet the ground
Crash through the surface, where they can't hurt us
We're far from the shallow now »
Je rouvre les yeux quand Bastien doit joindre sa voix à la mienne. Il me dévisage.
« In the sha-ha-sha-ha-low » chante-t-on en chœur.
Là, chantant de concert avec lui, entourée par des gens simples, le soleil nous admirant, émue par la poésie de cette chanson, je lâche prise et me sens si vivante, si …en paix avec moi-même. J’ai l’impression que Bastien ressent la même chose.
Quand le moment s’achève, il me sourit mais son regard dit autre chose que je ne saurais identifier.
- Merci, me dit-il.
Je lui souris, reconnaissante qu’il m’ait poussée à vivre ce moment « Non merci à toi ».
Elsa laisse échapper un petit cri perçant et applaudis, excitée comme une puce, avant de m’enlacer brutalement :
- C’était INCROYABLE M’, regarde ! s’écrie-t-elle en mettant ma main sur son cœur.
Je l’entends pulser fort. Je ris.
- Et j’ai eu des frissons un truc de fou ! ajoute-t-elle en me montrant son avant-bras.
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*Martin
Je fixe mon plafond, allongé sur mon canapé. J’ai l’impression d’en connaître par cœur chaque tâche, chaque trou, chaque aspérité. Ma télévision est allumée. Le fond sonore me rassure, je me sens moins seul face à moi-même.
Mon téléphone émet un bip. Je regarde mon écran. Je fronce les sourcils. Elsa m’a envoyé une vidéo. On se parle très peu donc ça m’intrigue et je lance la vidéo.
« Emilie » je murmure en la voyant magnifique, baignée de lumière sur mon écran. Je me redresse et m’adosse à l’accoudoir de mon sofa.
Elle proteste en voyant Elsa qui la filme.
« Promis je garde ça pour moi » rétorque celle-ci.
Bastien entonne les premières paroles mais mes yeux ne la quittent pas, elle. Elle a fermé les siens. On la voit se détendre progressivement. Je remarque le moment exact où son esprit quitte notre espace-temps.
« Tell me something boy … » elle commence à chanter.
Je sens mes lèvres s'étirer en un léger sourire.
Quand sa voix monte en puissance, mes poils s’hérissent, des frissons remontent le long de ma colonne et viennent se faire dresser les cheveux de ma nuque. Les émotions se mélangent dans mon cœur, mais c’est tendre, doux.
Quand elle ouvre soudain les yeux pour plonger son regard dans celui de Bastien qui joint sa voix à la sienne, tout le coton autour de mon cœur s’évapore et je me sens tout à coup à l’étroit dans ma poitrine. Je lis le bien-être sur son visage et l’amertume forme une boule au fond de ma gorge.
Elle se dissipe quelque peu, quand Emilie reprend en solo mais Elsa continue à filmer quand la chanson s’achève. Et ce que je vois ne me plaît pas. Bastien et Emilie ne se lâchent pas du regard. Lui a le regard amoureux, imprégné d’admiration. Elle, elle sourit avec une telle gratitude …
Je me laisse glisser sur le canapé pour retrouver ma position préférée. Je respire profondément.
- Maman, je dis à voix haute. Je vais la perdre.
La télévision me répond. Je replonge dans ma léthargie.