Chapitre 29 : Julie - Musawa

Malika fit signe à Julie de la suivre dehors. Sur la pelouse de la maison louée l’attendait un véhicule blanc immaculé de la taille d’une camionnette mais tout en longueur. Un porte s’ouvrit à la verticale, dévoilant une rampe permettant d’accéder à l’intérieur.

Julie pénétra à la suite de la femme du roi pour découvrir ce qui ressemblait à un salon : quelques fauteuils, une table, des canapés. La décoration rendait l’endroit conviviale, avec du bois, du tissu et du cuir dans des teintes sobres et chaudes. Malika s’assit. Julie fit de même, choisissant le siège le plus éloigné possible de cette Vampire.

Malika sortit son téléphone et pianota quelques instants, avant de se lever. Julie fit de même et la suivit tandis qu’elle retournait à la porte. Julie devait avouer ne pas bien comprendre. À quoi tout cela rimait-il ?

L’ouverture dévoila un paysage bien différent : des arbres immenses, un air pur et une chaleur humide. Julie s’en figea de stupeur. Malika lui lança un regard légèrement agacé.

- Vous êtes capables de vous téléporter ? s’exclama Julie, abasourdie.

- Bien sûr que non, s’énerva Malika en descendant la rampe et Julie la suivit dehors. On vient juste de se déplacer dans une navette.

Elle lui parlait comme à une demeurée tout en désignant le véhicule blanc des mains.

- Se déplacer ? répéta Julie qui décidément, ne pigeait pas.

- En volant, précisa Malika.

- Je n’ai ressenti aucun déplacement ni entendu le moindre bruit de moteur.

Malika sourit avant de désigner l’espace autour d’elle de sa main gauche.

- Bienvenue à Musawa.

Ce disant, elle retourna vers la navette. Elle frôla Julie au passage qui en frémit de la tête aux pieds. La femme du roi disparut derrière l’ouverture et l’engin s’éleva sans un bruit. Julie observa l’opposition aux lois de la gravité puis se tourna vers Musawa. Elle se faisait l’effet d’être Alice tombée dans le terrier du lapin blanc. Qu’allait-elle découvrir d’autre en ce lieu ?

- Bonjour, dit une voix cristalline.

Julie se tourna vers le son pour découvrir une femme d’une vingtaine d’années. Blonde aux yeux bleus, sa robe moulante mettait admirablement en valeur sa poitrine rebondie et ses longues jambes fines, son ventre plat et ses fesses charnues. Elle aurait pu être mannequin de mode si ce n’était… Julie frémit.

Cette femme ressemblait à un cadavre. Sa peau était rose. Ses lèvres rouges criaient leur vie et pourtant, Julie ne pouvait s’empêcher de ressentir un immense malaise. À quoi cela pouvait-il donc bien être dû ? Elle eut un léger mouvement de recul et une moue dégoûtée, sans trop être en mesure de s’expliquer pourquoi.

- Je m’appelle Juliette, indiqua la morte. Ce qui te gêne, c’est que je ne cherche pas à faire semblant.

- Semblant de quoi ?

- D’être humaine, répondit Juliette. Je suis une Vampire et je ne cache pas ma nature.

Julie secoua la tête et se tortilla nerveusement les mains. Elle regarda autour d’elle, cherchant une issue. Les chants des oiseaux l’enveloppèrent. Une brise rafraîchissante l’encourageait à rester. Lorsque son regard tomba de nouveau sur la blonde, elle voulut fuir, quitter cet endroit au plus vite.

- Je ne cligne pas des yeux, commença à énumérer la morte. Je ne respire que pour parler. Je ne bouge pas plus que nécessaire.

- Vous n’avez pas de canines proéminentes, fit remarquer Julie.

- Non, parce que sinon, tu serais en train de courir à toutes jambes ou de te pisser dessus. Musawa est un lieu où les Vampires et les humains vivent en paix. Aucun des deux clans ne s’en prend à l’autre. Tout le monde vit en paix, en harmonie.

- Et ça marche ? demanda Julie, carrément circonspecte.

- Depuis quatre ans que la ville a été inaugurée, oui. Il y a eu quelques soucis mais les humains se sont assagis.

- Les humains ? répéta Julie qui s’était attendue à ce que les Vampires soient la source du problème.

- La ville est nouvelle. Les résidents humains vivaient tous dehors avant. La nouvelle génération sera plus adaptée. Les humains ont peur des Vampires qu’ils ont appris à craindre. Ça ne sera pas le cas des enfants ayant grandi ici. Je suis patiente. J’attendrai. Tu as demandé à venir vivre ici ?

- Non, répondit Julie. Je suis enceinte.

- Toutes mes félicitations, répondit poliment Juliette. Quel rapport avec le fait de te trouver là ?

- Le père de l’enfant est Chris.

Juliette haussa les épaules. L’information ne l’intéressait visiblement pas le moins du monde.

- Si j’ai bien compris, poursuivit Julie, cela implique qu’il sera très intelligent. J’ai demandé à ce qu’il puisse disposer d’un environnement en adéquation avec son niveau intellectuel et Malika m’a amenée ici.

- Elle est gentille mais on ne vient pas à Musawa pour profiter des installations ou des excellents professeurs mais parce qu’on partage les valeurs de cette ville.

Julie sentit que son interlocutrice ressentait un profond agacement. Les choses n’avaient pas été faites dans le bon ordre. La petite humaine se renfrogna. Elle aurait voulu pouvoir s’enfoncer dans le sol et y disparaître. Qu’y pouvait-elle si elle n’avait pas suivi la voie hiérarchique habituelle pour se trouver là ? Elle craignit d’avoir mis cette Vampire en colère. Elle ne put s’empêcher de trembler et de danser d’un pied sur l’autre.

Juliette souffla et grogna.

- Malika se croit tout permis, gronda-t-elle. Qu’est-ce qu’elle peut m’agacer celle-là ! Refile-moi le bébé de ton mari et retourne te cacher à la pouponnière. Pfff… T’es vraiment qu’une salope !

- Ce n’est pas grave, assura Julie. J’irai ailleurs. Je m’installerai en ville et tant pis si mon enfant n’a pas une école adaptée.

- Et risquer de mettre Chris en colère en refusant de t’accueillir ? s’exclama Juliette. Certainement pas ! Je vais te faire visiter et t’offrir un toit. Tu recevras les meilleurs soins et l’enfant de Chris sera pourri gâté. Ce n’est pas comme si j’avais le choix. Ce que le roi veut…

Julie grimaça. Elle détestait l’idée d’être pistonnée. Elle voulait réussir par elle-même, pas se voir ouvrir des portes parce qu’un mec puissant avait décidé de forcer ses cuisses à s’ouvrir.

- Je préfère autant ne pas rester là, indiqua Julie. Je vous remercie mais je vais partir. Si vous pouviez m’indiquer quand passera la prochaine navette, ça me…

- Tu vas rester, annonça Juliette en souriant, un sourire relayé par ses yeux et qui, pourtant, sonnait faux. Il est hors de question que je m’oppose à une volonté de Sa Majesté. Je lui suis loyale.

Les propos étaient d’importance.

- Peut-être qu’il s’en fout, proposa Julie, incertaine.

Juliette plissa des yeux puis respira un grand coup. Un « Juliette ? Que me vaut l’honneur de ton appel ? » résonna dans l’air autour de Julie. La jeune femme reconnut la voix du roi. Elle regarda partout, sans voir de haut-parleurs. D’où venait le son ?

- Majesté, répondit humblement Juliette. Je t’appelle à propos de… Tu t’appelles comment ?

- Julie Admel, se présenta la jeune femme sous le regard mort de la blonde.

Ces yeux bleus la terrifiaient. Ils ne brillaient pas et reflétaient pourtant une sagesse infinie. Julie avait la désagréable sensation de se trouver face à une déesse maléfique. Si Chris et Malika avaient agi de la même manière devant les égyptiens antiques, pas étonnant qu’ils les aient déifiés.

Julie secoua la tête. Non ! Cette femme n’était pas une déesse. Cette créature au corps de poupée cachait une démone psychopathe. Julie n’avait aucune envie de rester là. Pourquoi Malika l’avait-elle amenée ici ?

- Malika m’a proposé de l’amener ici et j’approuve, dit Chris et Julie blêmit. C’est une excellente idée. Julie Admel est à moi. Je la veux disponible pour moi à tout instant. À Musawa, elle ne risque pas de se prendre un bus ou de se trouver au mauvais endroit, au mauvais moment.

- Cela n’empêche pas trois de tes filles de la surveiller, grogna Juliette.

Julie regarda en tous sens. Elle était surveillée ? Par qui ? Où ?

- Et elles continueront ! gronda Chris. Julie Admel est intouchable. Quiconque pose la main sur elle meure. Mes filles s’assurent que ma volonté est respectée.

- Super, ironisa Juliette. Voilà qui ne va pas aider à son intégration à Musawa. Déjà que je la dégoûte.

- Je suis navrée, assura Julie. Ce n’est pas volontaire et je suis consciente que vous n’avez rien fait pour mériter ça. Je n’y peux rien. C’est plus fort que moi !

- Musawa n’est pas censée être le chenil pour tes animaux de compagnie, gronda Juliette en ignorant l’humaine devant elle.

Pour qu’elle se permette de parler ainsi à Chris, elle devait être très proche du roi. Julie frissonna. Il y avait là des relations dont elle ignorait tout. Il allait falloir se montrer prudente.

- Majesté, j’ai compris que vous voulez que je vive ici mais puis-je sortir de Musawa ? demanda Julie.

- Pourquoi ? Tu y es en sécurité ! s’exclama Chris.

Julie baissa le regard. Elle pouvait gérer ses événements sans se rendre sur place mais cela complexifiait nettement les choses.

- Et puis, cette ville te permettra de respirer un air non pollué et de manger sans pesticide ni engrais. Pas de perturbateurs endocriniens à Musawa. Pas d’ondes nocives. Non, vraiment, j’approuve le choix de Malika, poursuivit Chris. Je n’ai pas encore le réflexe mais…

- Ma ville n’est pas un refuge pour animaux en voie de disparition ! la coupa Juliette, dont l’agacement transparaissait nettement.

Julie en avait un peu assez d’être traitée d’animal. Elle n’osa cependant pas contrer la démone furieuse.

- D’accord, tempéra Chris. Juliette, accepterais-tu, s’il te plaît, d’accueillir Julie Admel parmi tes résidents ? Je t’en serai gré.

Tout le corps de Juliette se crispa. Elle crevait d’envie de refuser. Julie espéra que la blonde se dresserait contre le roi.

- Je te serai redevable, indiqua Chris.

Juliette leva un regard carnassier sur Julie. La jeune femme sut que le roi venait de toucher juste. Que Chris doive une faveur à la démone plaisait infiniment à la blonde.

- D’accord, articula Juliette.

Julie en bouda de déception. Elle aurait tant préféré qu’elle refuse. Cet endroit n’était pas fait pour elle.

- À condition que tu m’expliques parce que j’avoue n’avoir pas tout compris, admit Juliette. Ça veut dire quoi « Julie Admel est intouchable » ?

Chris grogna à l’autre bout du fil invisible.

- Intouchable ! répéta-t-il comme s’il parlait à une demeurée. Personne ne peut la toucher à part moi ! En quoi est-ce compliqué ?

- Son enfant la touche en ce moment-même, fit justement remarquer la blonde.

- Sauf moi et notre fils, évidemment ! grogna Chris. Bien sûr qu’elle a le droit d’allaiter, de torcher, de faire un câlin et de gronder cet enfant à venir ! Bandes d’abrutis attachés à la loi au lieu de comprendre son esprit. Ce n’est pas si compliqué pourtant !

Julie comprit que le roi n’était pas spécialement en colère contre Juliette mais qu’il était sur les nerfs. Visiblement, le règne n’était pas de tout repos.

- Un fils ? répéta Juliette qui souriait, apparemment ravie d’avoir réussi à faire sortir le roi de ses gonds. Marre d’être entouré de pisseuses ?

- Quelque chose comme ça, je suppose, grogna Chris.

- Qu’est devenu « Je préfère laisser faire la nature » ?

- Juliette, je ne suis pas d’humeur, prévint Chris.

- D’accord, j’arrête de te taquiner, accepta Juliette. Je prendrai soin de ton bijou précieux même si je ne vois pas bien ce que tu lui trouves. Elle est fade.

Julie s’en trouva plus chagrinée encore que quand elle l’avait traitée d’animal.

- C’est son esprit que j’admire, ses compétences, précisa Chris.

- Ça ne t’a pas empêché de la baiser, répliqua Juliette.

- Je baise tout ce qui bouge, rétorqua le roi.

- Même les animaux ? demanda Juliette qui semblait réellement intéressée par la réponse.

- Que mets-tu exactement dans cette catégorie ? demanda Chris.

Juliette sourit. N’avait-elle pas considéré Julie de cette manière quelques instants plus tôt ? La blonde regarda en l’air puis posa ses yeux bleus morts sur Julie qui en frissonna.

- Bon, allez, je te fais visiter. Bienvenue à Musawa.

Julie regarda autour d’elle. La conversation avec Chris était-elle terminée ? Comme ça ? Qu’est-ce qui n’allait pas avec eux exactement ? Qui met fin à une discussion de cette façon ?

- Cette ville se veut solidaire et écologique. Tout est mis en commun. L’individualisme est prohibé. Ainsi, la ville est divisée en petits villages de mille âmes environ. Chaque village possède son jardin d’enfants, son marché, son auberge, son quartier résidentiel, sa maison centrale. La ville propose de plus des services plus centraux, à savoir une école municipale accueillant les enfants assez murs pour la rejoindre, ceux ayant acquis les bases en lecture, écritures et sciences.

Julie écoutait sans parvenir à s’intéresser. Toutes ses pensées étaient tournées vers son prochain événement qui se tiendrait au Togo : safari en pleine nature sauvage. En plein milieu d’un parc national surveillé, les Vampires devaient chasser mais sans tuer, juste ramener des poils. Lion, guépard, hyène, mais aussi zèbre, gnou. En deux heures, ils devaient ramener le plus d’espèces possibles. Un seul animal mort et le Vampire coupable était disqualifié. La lutte serait rude. L’amusement maximal.

Sauf que si Julie ne pouvait se rendre sur les lieux, c’était mort. Il fallait corrompre tout le monde sur place, convaincre qu’aucun mal ne serait fait. Julie offrirait même des animaux au parc, ainsi que de la nourriture, des dons rares et précieux. Elle était connue. Un intermédiaire n’aurait pas le même effet. Sa présence était nécessaire. La préparation était déjà bien avancée. Tout ça pour rien. Elle en avait la nausée.

Ses pensées se figèrent lorsque Julie se rendit compte que Juliette, immobile, la fixait intensément. Son regard la brûlait. Julie avala difficilement sa salive.

- Vous m’avez posé une question ? demanda-t-elle, indécise.

- Quels sont les derniers mots que j’ai prononcé dont tu te souviens ?

- Des villages, de la solidarité, se souvint difficilement Julie.

Juliette pinça les lèvres. Cela faisait sûrement un moment qu’elle parlait dans le vide. Cette démone allait-elle la punir pour son inattention ? Julie en gémit de terreur. Juliette soupira en secouant la tête.

- Ce n’est pas ainsi que ça fonctionne à Musawa. Tu n’as aucune raison d’avoir peur de moi, indiqua la blonde dont l’attitude ne reflétait que la mort. J’ai pissé dans un violon. C’est normal que je sois agacée et que je te le fasse savoir. Que tu sois terrorisée, en revanche, non ! Aucun Vampire ne fera jamais de mal à un humain ici.

- C’est une communauté, répliqua Julie tout en jetant un regard louche à Juliette. Dans toute communauté, il y a des frictions, des vols, des meurtres. Vous ne pourrez pas éliminer l’amour et donc, la haine, l’amitié ou la jalousie.

- Bien sûr qu’aimer et haïr est permis. C’est humain – et donc Vampire – de mentir mais nul ici ne vole ni ne tue. La police est performante.

- Uniquement composée de Vampires je suppose, cingla Julie qui commençait à prendre confiance en elle.

« Je suis intouchable », se répétait-elle. « La démone n’a pas le droit de poser ses mains – ou ses dents – sur moi. »

- De Vampires et d’humains, répliqua Juliette. Ils travaillent ensemble. Tout se fait en cohésion ici. Seuls les métiers dangereux sont réservés aux Vampires, ceux qui tueraient un humain en quelques minutes, par exemple.

- Comme ? demanda Julie qui ne comprenait pas.

- Notre source d’énergie provient d’une matière au rayonnement mortel pour les humains. Seule la forte constitution d’un Vampire et sa régénération ultra rapide permettent la manipulation du carburant ou les réparations à l’intérieur des chambres de production. Ceux-là reçoivent du sang en poche venant de l’extérieur mais sinon, tous les autres Vampires se nourrissent de nourriture classique – pot au feu, crêpe ou sushis.

Julie se souvint que Malika s’était moquée de ces Vampires ne buvant jamais de sang.

- En revanche, Musawa est auto-suffisante, poursuivit Juliette d’une voix lasse.

- Vous me l’avez déjà dit tout à l’heure, c’est ça ?

- Oui, confirma Juliette.

- Désolée, je pensais à autre chose.

- C’est compréhensible.

- La soirée d’hier et la matinée d’aujourd’hui ont été mouvementées.

- Chris est fatigant quand il veut mais il est aussi tellement doué ! Ses mains, sa langue, sa bite ! Ce mec sait tout faire.

Julie s’en trouva extrêmement gênée. Son ventre la brûla soudain. Elle ne put s’empêcher de gémir en se tordant de douleur au souvenir du viol. Chris n’avait pas été tendre. Ce connard voulait. Il prenait. Sans se soucier du mal qu’il faisait.

- Oh ! s’exclama Juliette. Relation non consentie, comprit-elle. Chris adore violer aussi. Ce mec est le plus gros queutard au monde ! Tout y passe. Homme, femme, jeune, vieux, noir, blanc, je ne l’ai jamais vu montrer la moindre préférence.

Julie ne s’en sentit absolument pas mieux.

- Moi, je crevais d’envie de baiser. Ça faisait des millénaires que j’en avais envie et que personne n’acceptait de m’approcher. Chris n’a pas hésité une seule seconde. Mon apparence ne l’a pas rebuté le moins du monde.

Julie déshabilla la superbe blonde des yeux. Qui cracherait sur ça ?

- Mon apparence était différente à ce moment-là. Chris m’a montré que mon corps n’avait pas d’importance puis il m’a appris à le changer en me disant qu’il était l’un des rares à voir au-delà de l’apparence, que la majorité des gens se contentaient du contenant sans s’intéresser au contenu. Du coup, je ne sais pas ce qu’il te trouve mais visiblement, il y a quelque chose d’intéressant par delà ce corps fade et insipide qui te porte.

Julie n’avait pas envie d’être désagréable envers cette femme qui, malgré son aura de démone, prenait sur son temps pour la soutenir dans ce moment difficile. À sa manière, certes, mais quand même… De ce fait, elle retint sa réplique cinglante et serra les dents pour s’empêcher de répondre.

- Et comme j’ai appris à faire confiance à Chris, je t’aiderai, quoi que cela signifie.

- J’ai besoin de sortir d’ici, murmura Julie avant de se maudire.

La Vampire avait des oreilles fines. Elle venait forcément de percevoir ces mots, que Julie aurait dû garder pour elle.

- Cela semble important pour toi, sans rapport avec moi ou les Vampires qui vivent ici. Tu ne sais même pas où tu vas vivre que tu veux quitter cet endroit. J’avoue ne pas comprendre. Ne suis-je pas accueillante ?

- Je n’ai pas dit que je refusais de vivre ici. Je trouve votre discours d’accueil plutôt appétissant. Une ville égalitaire, ça fait envie. J’aimerais juste pouvoir sortir le matin et revenir le soir.

- Pour aller travailler ? comprit Juliette. Le travail ne manque à Musawa et nous trouverons comment t’employer, en fonction de tes compétences et de tes envies.

- J’ai déjà un travail, siffla Julie. Je sers les Vampires, là, dehors, s’énerva-t-elle en désignant le ciel de sa main, ne sachant pas trop où était la sortie de la ville ni même si cela existait, étant venue en navette volante.

- Et si elle pouvait continuer, ça serait super, dit une voix féminine sortant de nulle part.

- Comment ça ? demanda Juliette en fronçant les sourcils.

Une femme habillée tout en noir s’avança. Sa robe glissait sur le sol et les longues manches s’arrêtaient aux poignets, laissant visibles une paire de mains gantées de cuir. La capuche sur la tête rendait invisible le visage dont on apercevait que le bas, caché sous un masque. Julie ricana, trouvant cet accoutrement ridicule.

- Notre père… commença la femme en noir.

- Qui êtes aux cieux, ne put s’empêcher de terminer Julie.

Les deux femmes la fusillèrent des yeux. Julie gloussa avant de cesser sans pouvoir s’empêcher de continuer à rire intérieurement.

- Notre père, répéta la femme en noir, souhaite que Julie Admel continue à proposer des événements. Ils sont très populaires et Sa Majesté ne souhaite pas retirer cela à ses sujets.

- Ça va être compliqué de tout faire depuis Musawa, prévint Julie en redevenant sérieuse. Le téléphone, c’est bien, mais voir les gens, manger avec eux, aller dans un club, boire en leur compagnie, ça crée du lien. J’ai besoin de…

- Il lui faudra une navette, la coupa Juliette.

- Je fais remonter la demande au palais, dit la femme en noir.

- Et un chauffeur, poursuivit Juliette. Je doute qu’un Vampire accepte de…

- Transporter la célèbre Julie Admel ? s’amusa la femme en noir. Avoir peut-être l’occasion de savoir à l’avance le lieu et le contenu du prochain événement ? Les candidats seront nombreux et ils seront tous rebutés. Julie Admel dispose déjà de son personnel accompagnant. Mes sœurs et moi nous chargerons de la transporter.

Julie ignorait susciter un tel engouement. Se savoir ainsi espérée des Vampires n’était pas pour lui déplaire. Cependant, la femme en noir semblait s’en moquer éperdument.

- Pourquoi faites-vous cela ? demanda Julie à la femme en noir.

- Parce que notre père nous l’a ordonné, répondit très sérieusement la femme en noir.

Julie acquiesça. Cela la dépassait mais elle ne comptait pas s’opposer. Elle venait d’obtenir le droit de sortir de Musawa pour continuer à faire ses événements, voilà tout ce qui importait.

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