Chapitre 29 : L'ombre et le feu
Venzald
Themerid ne se réveilla pas. Les gardes qui avaient entendu les cris de Venzald coururent chercher le guérisseur. Celui-ci ordonna que les jumeaux soient portés sur leur lit. Il versa patiemment dans la gorge du prince inconscient une timbale de potion, goutte à goutte pour qu’il ne s’étouffe pas. Puis, il écouta son cœur, inspecta la couleur de ses cornées, tapota ses joues, ses mains et ses genoux. Durant de longues heures, il resta au chevet de son patient, concentré et silencieux, multipliant les contrôles.
De temps en temps, il contournait la couche pour examiner Venzald avec les mêmes gestes. Celui-ci, paralysé par l’anxiété, n’osait poser aucune question ni bouger une paupière de peur de troubler la concentration d’Iselmar ou d’aggraver la santé de son frère. Il contemplait les traits figés de son jumeau, le suppliant intérieurement de montrer un signe de vie plus probant que les infimes frémissements de sa respiration.
Finalement, le médecin annonça d’une voix presque étonnée que le cœur de Themerid, faible mais régulier, semblait se maintenir. Le prince était plongé dans un état léthargique dont il préférait ne pas le tirer pour le moment. Il prit les dispositions nécessaires auprès de l’intendance pour les soins et la nourriture des deux garçons et prévint qu’il repasserait souvent. Venzald se retrouva seul, condamné à l’immobilité et confronté au silence écrasant de la pièce uniquement troublé par le souffle léger de son frère.
Les jours s’enchaînèrent, étirant à l’infini leurs heures mornes et angoissantes. Venzald perdait la notion du temps, confondant les repas du matin et du soir dans la pénombre prescrite par le guérisseur. N’étaient les passages réguliers des servantes et d’Iselmar, le prince se serait cru dans un tombeau, oublié des habitants des Cimiantes. Ses requêtes pour voir Abzal restèrent sans réponses. L’inaction à laquelle il était forcé lui pesait cruellement. Seules les visites d’Albérac, de Renaude et des sœurs de Hénan l’empêchaient de devenir fou.
Flore, Elvire et Alix se relayaient auprès de lui le plus souvent possible. Elles lui racontaient leurs expéditions décourageantes jusqu’aux faubourgs de Terce. Contraintes de se cacher de leurs parents, elles trouvaient rarement l’occasion de pousser aussi loin leurs promenades et de toute façon, elles ne voyaient pas vraiment comment dénicher les bouchevreux censés vivre dans les faubourgs. Il n’était évidemment pas question de frapper aux portes pour demander dans chaque maison si ses occupants pratiquaient la mange-pensée. Elles répétaient assidûment au prince les informations qu’elles glanaient chez elles en écoutant Godmert. Quelques ministres avaient été destitués à la suite de Barnoin — les plus fidèles au roi Einold, remarqua Venzald —, mais Abzal ne les avait pas remplacés. Le bruit courait qu’ils étaient peut-être partis d’eux-mêmes. Les Conseils étaient suspendus jusqu’à nouvel ordre. Dans les quartiers peuplés par la noblesse, il régnait l’atmosphère d’attente inconfortable des heures moites et pesantes précédant les orages. On guettait les tours du château comme la couleur des nuages pour tenter de prédire l’intensité de la tempête à venir.
Plusieurs fois, Flore vint seule. Venzald oubliait alors quelques instants le cœur de son frère — sur lequel il se concentrait nuit et jour à l’affût de la moindre faiblesse — pour se laisser envahir par les pulsations rapides du sien. La jeune fille avançait un siège jusqu’au chevet du lit, puis s’installait pour lui faire la conversation ou la lecture. Même feutrée, sa voix se modulait comme une musique. Le plus souvent légère comme une brise, elle se chargeait parfois de vibrations intenses qui donnaient des frissons au prince. À chaque visite, elle s’asseyait plus près. Venzald sentait d’abord son parfum de fleurs fraîches, de vent et de collines qui le transportait à Arc-Ansange. Puis, quand son corps se penchait vers le lit tandis qu’ils bavardaient, il percevait son souffle et son odeur de femme. Il brûlait. Son esprit se consumait sur des images qui le faisaient rougir.
Un jour, Flore remarqua son trouble :
– Tu as trop chaud ? lui demanda-t-elle.
Avant qu’il ait pu répondre, elle posa une main fraîche sur sa joue. Son regard délavé devint grave et plongea dans le sien. Elle s’assit sur le lit sans rompre cette attache. Lentement, elle se pencha vers lui, ses yeux passèrent des prunelles bleu foncé à sa bouche entrouverte. Venzald n’entendait plus que les battements affolés de son cœur, auxquels s’ajouta le pouls de Flore lorsque ses petits seins se pressèrent contre sa poitrine. Concentré tout entier sur son envie, il n’avait pas songé au baiser en lui-même. Les lèvres douces et chaudes. Le goût de la pâte de coing qu’elle avait mangée juste avant. Un petit bout de langue qui appelait la sienne. Le souffle court de Flore et le contact de son joli nez froid contre sa peau. C’était meilleur que tout ce qu’il avait jamais goûté. Meilleur que la victoire de l’avoir obtenu. Il referma ses bras sur elle et oublia tout ce qui les entourait.
Quand ils se séparèrent, Flore ne put retenir un regard gêné vers Themerid. Venzald sentit un soupçon d’agacement, qui se mua en culpabilité dès que la jeune fille partit. Comment pouvait-il se réjouir de l’inconscience de son frère ? Jamais le partage permanent auquel le destin les avait forcés n’avait représenté un poids. Themerid et lui avaient toujours vu dans leur dualité un don du hasard qui les plaçait au-dessus du commun. La remettre en question constituait aux yeux de Venzald un acte de haute trahison. Il demanda pardon à son frère en pleurant, s’obligeant à fixer son profil figé pour expier sa faute. L’indifférence du dormeur n’allégea pas son remords.
Albérac tentait d’offrir à son élève des instants d’évasion. Il se rappelait à quel point Venzald se montrait friand de ses récits d’exploration, alors il remontait le temps et lui contait ses aventures avec autant de ferveur que dans la salle d’étude d’Arc-Ansange. Debout, il mimait les roulements des vagues ou dessinait un paysage lointain du bout de son index, entraînant le jeune homme dans son souvenir. Et pendant que le prince suivait des yeux la direction indiquée, comme si le mur de la pièce allait s’effacer en dévoilant une chaîne montagneuse auréolée de brume, il oubliait le chagrin, la douleur, la culpabilité. Parfois, dans l’euphorie, il se tournait vers Themerid pour chercher sur son visage l’écho de sa jubilation et la réalité le frappait de plein fouet.
– Cette situation est pesante, lui dit Albérac en lui serrant le bras d’un geste affectueux. Malheureusement, je n’ai pas de bons conseils à vous donner, si ce n’est de m’envoyer chercher quand vous vous sentez seul. Je suis sûr qu’il se réveillera bientôt.
– Je n’ai pas le droit de me plaindre, répondit fermement Venzald. C’est lui qui est en danger, pas moi.
Il passa nerveusement les doigts dans ses cheveux et sa mâchoire se crispa.
– Mais il est vrai que j’ai du mal à rester inactif, poursuivit-il en torturant les draps entre ses poings serrés. Abzal semble avoir livré notre royaume aux mains d’un pouvoir dont nous ignorons tout et il refuse de m’expliquer pourquoi. Le blé manque à cause d’une maladie que nous ne pouvons pas guérir. Et nous sommes étendus là... Quels souverains laissent leur peuple mourir de faim sans rien faire ?
– Je cherche toujours des traces d’une épidémie similaire au blé de cendre, fit Albérac, écartant les bras en signe d’impuissance. Et si une solution vous vient pour... l’autre problème, je peux y réfléchir avec vous.
Plus tard, quand Albérac l’eut laissé seul, le prince se tourna vers son jumeau. Il prit sa main inerte.
Réfléchir ? Tu dois te réveiller, mon frère, pensa-t-il comme si Themerid pouvait l’entendre. C’est toi, celui qui réfléchit. Mon esprit est vide. Nous avons un royaume à sauver !
Il guetta une réponse, mais le dormeur resta immobile comme une pierre.
Themerid était inconscient depuis déjà douze jours. Elvire avait passé l’après-midi auprès des princes et contemplait à présent le jour qui déclinait par la fenêtre sud. De temps à autre, elle observait à la dérobée le visage de Themerid, arrachant un sourire à Venzald quand il la surprenait. Il croyait reconnaître dans ces coups d’œil volés ses propres regards vers Flore. Il se sentait plus proche de la jeune fille et s’en trouvait tout étonné. Il n’avait jamais considéré sa féminité. Elle était son adversaire de toujours, prompte au combat, fière, susceptible. Elle les voyait comme des ennemis. Ou du moins l’avaient-ils cru. Était-il possible qu’elle aussi s’éveille à l’amour ?
Comme à chacune de ses visites, ils avaient évoqué leurs chevauchées passées, les jours d’été à Boulangue, leurs chasses et leurs baignades. Puis la conversation s’était tarie, les laissant tous les deux rêveurs. Malgré le silence, sa présence était réconfortante. Il hésita à l’interroger sur ses sentiments, mais il eut peur de franchir une ligne au-delà de laquelle il n’était pas convié.
– C’est étrange, dit soudain la jeune fille concentrée sur l’extérieur, il me semble qu’il y a beaucoup plus de lumières que d’habitude. Comme si une foule marchait dans les rues avec des torches.
À peine avait-elle prononcé ces mots que Flore et Alix firent irruption dans la pièce, essoufflées. L’angoisse se reflétait sur leurs traits.
– Les pélégris, s’exclama Flore, les soldats de l’Ordre ! Ils entrent dans la ville ! Et ils sont des milliers !
Alors je connais maintenant l’explication de la seconde close du marché, pensa Venzald, atterré. Le Haut-Savoir exigeait l’impunité sur ses propriétés, car il levait une armée, à l’abri de ses terres. Une armée sûrement plus puissante que celle du royaume.
***
Abzal
Depuis le cabinet du roi, Abzal contemplait les files de soldats serpenter dans les rues de la capitale. Ils étaient si nombreux ! Il savait qu’à la même heure, la scène se reproduisait dans toutes les grandes cités de Cazalyne. Bréol y avait veillé dès sa nomination. Il avait tout juste pris la peine d’en informer le régent qui, bien sûr, n’avait pas eu son mot à dire. Ce déploiement de force n’augurait rien de bon. Le Haut-Savoir n’envoyait pas ses hordes de pélégris dans le seul but de maintenir l’ordre, en particulier dans une ville qui n’avait guère connu de troubles depuis des lustres.
Jusqu’ici, il avait chassé les signes comme des insectes importuns, niant de toutes ses forces les craintes excessives de son frère, l’avertissement furieux de Conrad lors du Conseil ou les suppliques de Barnoin à travers la porte fermée du cabinet. Quoi que représente l’Ordre, il n’avait pas eu le choix. C’était bien plus facile d’ignorer la menace. Pourtant, ce soir, les uniformes verts envahissaient la cité comme une moisissure, niveau après niveau jusqu’aux murs d’enceinte des Cimiantes, étalant sous ses yeux l’évidence de son aveuglement. De sa fenêtre, il pouvait voir les masques métalliques, les longues épées, les broignes au cuir épais et aux clous rutilants. Les gantelets en acier de Nerfer fermé sur les manches des flambeaux. À chaque pas, chef d’œuvre de coordination militaire, un seul claquement, produit par les milliers de bottes, résonnait dans la ville silencieuse. Ces guerriers n’avaient rien d’humain.
Une violente nausée s’empara d’Abzal. Il s’était fourvoyé depuis presque seize ans... Tout ce temps à se persuader qu’il agissait par courage et charité quand la lâcheté seule menait ses décisions. Ce n’était pas pour protéger son frère ou ses neveux qu’il en était arrivé là. C’était pour s’épargner le dégoût dans leurs yeux, l’exil ou même l’exécution. Aurait-il mieux valu ? Sa main joua un instant avec le manche en corne de son petit poignard. Si tranchant que d’un geste il pourrait... C’est trop tard, pensa-t-il. Tu as eu des années pour régler le problème en te donnant la mort, mais tu n’en as pas eu le courage. Maintenant que tu sais, tout a changé, tu es piégé.
Mais était-il vraiment certain de ce qu’il avait vu ? Était-il possible qu’il n’ait jamais remarqué ça, avant ? Depuis presque seize ans ?
Cent fois depuis qu’il avait laissé les princes enfermés dans leur chambre, il avait été sur le point d’aller trouver Renaude. De la faire parler coûte que coûte. La vieille n’aurait cependant rien lâché. Elle était de la race des fidèles, des purs. Pas comme lui.
Renaude ? Allons, pauvre couard, pas besoin de sa confirmation, tu cherches encore à te dérober. Tu ne crois pas à la coïncidence. Accepte ce que tu as vu, et pour une fois, fais ton devoir !
Son malaise s’atténua. Sa décision était prise : il allait devenir un parfait régent. Du moins, aux yeux de l’Ordre...
Il héla un valet et demanda qu’on lui envoie le médecin.
– Comment les princes se portent-ils ?
– Celui de gauche est toujours endormi. C’est un état que je n’avais jamais observé. Son corps fonctionne au ralenti, son esprit est absent. Il paraît que certains animaux passent l’hiver ainsi. Mes potions régulent les battements de son cœur, mais son pouls reste faible.
– Et Venzald ?
– Venzald ? dit Iselmar, surpris qu’on l’interroge à propos de l’autre jumeau. Il se montre plus raisonnable que je m’y attendais, malgré l’immobilité à laquelle il est contraint. Il ne se plaint pas. Par ailleurs, je redoutais un peu l’effet sur lui des préparations absorbées par son frère. Je craignais qu’elles provoquent une somnolence ou des palpitations, mais ce n’est pas le cas.
– Vous lui administrez des potions, à lui aussi ?
– Non, mais ils sont fusionnés.
Au moins sont-ils en sécurité dans leur chambre, pensa Abzal.
Puis son regard se posa sur le visage émacié du guérisseur, la courte barbe taillée en pointe, les yeux enfoncés, cernés de noirs, indéchiffrables...
***
Venzald
Peu à peu, les douleurs s’installèrent. Des picotements d’abord, qui harcelaient Venzald comme des mouches tenaces et mettaient à mal sa patience. Puis le contact des draps devint insupportable. Au bout d’une lune, ses membres gourds, son dos, sa nuque le torturaient, transformant ses jours déjà moroses en un martyre sans fin. La présence assidue de Flore, d’Elvire et d’Alix avait su préserver son humeur pendant longtemps, mais leurs visites ne suffisaient plus à lui faire oublier sa souffrance ni sa détresse. Albérac et Renaude ne parvenaient pas plus à l’égayer.
Il ne voyait plus dans leur dévouement que de la pitié qui lui faisait horreur. De plus en plus souvent, il les renvoyait, feignant la fatigue ou l’attente d’une autre visite. Bien que son nez ne perçoive plus l’odeur qui baignait la chambre, il se sentait sale et puant, malgré les toilettes régulières et dégradantes dispensées par les serviteurs. La honte le submergeait quand la fraîcheur des demoiselles lui rappelait sa propre crasse. Le maître d’étude le poussait à trouver des solutions, mais il savait qu’il en était incapable. Ce n’était pas le bon prince qui dormait.
Le désespoir le gagna, le réduisant à une apathie mortifère. Il n’en sortait que sous l’effet d’une rage violente face à l’injustice de sa situation, qu’il ne pouvait même pas exprimer. Puis il retombait dans la noirceur de ses pensées.
L’indifférence de son frère achevait de lui enlever la raison. Parfois, son esprit dérivait et il l’entendait lui répondre.
– Réveille-toi, Themerid. Le royaume a besoin de nous. Tu dois trouver des solutions pour chasser l’Ordre et nourrir le peuple.
– Débrouille-toi sans moi, pour une fois. Enfin... si tu en es capable.
– Pourquoi me laisses-tu me débattre tout seul ? Tu sais que je peux supporter n’importe quoi avec toi, mais tu dors, tu ne cherches plus les mots pour m’apaiser. J’ai besoin de toi !
– Peu importe, je me repose, je suis bien.
– Mais... tu ne m’as jamais parlé si durement. Je n’ai commis aucune faute. C’est même à cause de ton cœur que nous sommes couchés là, sans bouger.
– Moi je ne souffre pas, ou je ne m’en rends pas compte. Je m’efforce de rester en vie. C’est plus important que tes petites douleurs, non ?
– Oui, bien sûr. Pourtant, je n’en peux plus, je ne sais pas si je tiendrais longtemps. Quand je m’endors, je rêve que nous courons, que nous galopons sur Baliste. Parfois, je me vois même... tout seul, marchant dans la campagne.
– Sans moi ? Quel égoïsme.
– C’est vrai, mais c’est à cause de la douleur. Et de la solitude. Toi tu n’as pas mal, tu me l’as dit.
– Je t’interdis de t’imaginer seul. Je suis malade et toi tu me laisses ? C’est tellement injuste... Alors à la moindre faiblesse, tu m’effaces ? Tu m’oublies ? Tu me tues ?
– Arrête.
– Après tout ce que j’ai fait pour toi, depuis toujours ?
– Tais-toi.
– Mais tu ne peux pas, tu n’es rien sans moi. C’est moi qui te console, c’est moi qui réfléchis. Moi qui comprends avant toi, qui sais comment agir.
– C’est faux, je... je ne suis pas rien. Je pense moins vite, c’est vrai, mais...
– Tu serais ridicule sans moi, toujours à pleurnicher ou à rire bêtement !
– TAIS-TOI !
– Je déciderai quand tu cesseras d’avoir mal, c’est comme ça. Pour le moment, supporte !
– JE TE DÉTESTE ! JE VOUDRAIS QUE TU MEURES ! QU’ON M’ARRACHE À TOI SI TU PENSES QUE JE NE SUIS RIEN ET QUE JE DOIS SOUFFRIR POUR TOI ! QU’ON NOUS SÉPARE !
–...
– Non...
–...
– Non, NON ! Mon frère, non, je ne crois pas ce que je dis, c’est faux, je ne veux pas qu’on nous sépare ! Jamais ! Encore moins que tu meurs. Je préférerais qu’on me tue que d’être loin de toi ! Pardonne-moi, je t’en prie, pardonne-moi !
–...
– Pardonne-moi, ne pars pas.
–...
– Ne pars pas...
Comme toutes les nuits, le prince s’agitait sur sa couche. Les douleurs l’arrachaient au sommeil et les songes l’empêchaient d’y trouver le repos. Une fois encore, il avait rêvé que Themerid et lui se détestaient, et ses joues en étaient baignées de larmes. Il gémit, caressa le visage de son frère, scruta l’obscurité, puis replongea dans les tortures de ses dialogues fantasmés.
Il avait supplié qu’on ouvre les fenêtres, pour que l’air de la nuit printanière le rafraîchisse. Plusieurs fois, le froid le réveilla à demi. Il vit d’un œil éteint les mouvements des tentures soulevées par le vent. Il fut transporté à Tourrière, au marché, du côté des forgerons. Abzal, Themerid et lui observaient un artisan qui formait une lame sur son enclume. Malgré les chocs du marteau, Venzald n’entendait aucun son. L’odeur du métal chaud emplissait ses narines, de plus en plus prégnante. Quelqu’un marchait non loin en s’efforçant de n’émettre aucun bruit. Themerid le regardait en fronçant les sourcils et lui enjoignait en silence de se réveiller. Il ouvrit les paupières avec difficulté. Aux mouvements lourds des rideaux remués par la brise, ceux d’une silhouette s’étaient ajoutés. Elle s’approchait de lui. Il ne parvenait pas à sortir de sa torpeur. Rêvait-il toujours ? L’ombre était tout près maintenant, à moitié cachée par le pied du lit. Il percevait encore l’odeur du fer en fusion.
Soudain, un éclair orangé raya la chambre, effaçant tout le reste. Une décharge d’énergie chassa le sommeil d’un seul coup, mais Venzald n’eut pas le temps de crier. L’épée chauffée au rouge fendit l’air et s’abattit sur sa hanche. D’abord, il ne sentit rien, puis une douleur fulgurante s’enfonça dans sa chair et le paralysa. La lame tomba une nouvelle fois, sur son épaule, tranchant le second lien qui l’attachait à Themerid. Il voulut supplier « Non, je ne le pensais pas ! », il crut hurler de toute la force de ses poumons, mais pas un son ne sortit de sa bouche. La deuxième brûlure fut plus intense encore que la première, elle éclata depuis son bras vers tout le reste de son corps comme s’il avait plongé dans le lac de lave de Nerfer. Pourtant, il ne pensait qu’à l’air glacial qui s’insinuait entre son frère et lui. Il s’évanouit.
Je ne pensais pas que cette histoire irait aussi loin, chaque chapitre m'accroche un peu plus à cette histoire.
Cette fin de chapitre m'a complètement pris par surprise. Qui peut avoir intérêt à faire ça ? Dire que je suis perplexe serait un sacré euphémisme.
Et punaise, cette histoire de loi régalienne vient de me revenir, ils ne peuvent régner à deux que s'ils sont fusionnés. L'histoire prend une direction que je n'avais mais alors PAS DU TOUT envisagé.
Cette P3 est si intense que je trouve en effet que la P2 souffre de la comparaison. Mais dans une de tes réponses tu m'a dit avoir des idées pour améliorer ça et je suis sûr qu'avec plusieurs mois de recul tu vas pouvoir faire de très belles choses, vraiment.
Les remarques à chaud :
"Il referma ses bras sur elle et oublia tout ce qui les entourait." quand tu m'avais dit que tu le tourmenterais tu ne mentais pas dis-donc...
"Themerid était inconscient depuis déjà douze jours." aïe aïe aïe
"de la seconde close" -> clause
"Et ils sont des milliers !" aahhhh (j'en suis un stade où je ne peux plus écrire que des onomatopées xD)
Génial, génial, génial
Je continue (bon allez c'est le dernier, il faut que j'arrête là)
Tu tiens une bonne piste : la loi régalienne et le décret d'Einold sont effectivement à l'origine de la séparation des princes. Sauf qu'on peut les comprendre dans plusieurs sens différents... T'inquiète, ça sera largement réabordé plus tard (plutôt dans le tome 2, d'ailleurs).
C'est même la fin de la P3 qui est intense (le début mériterait aussi d'être un peu boosté. Et tu vas voir que la P4 est musclée aussi (plus en action qu'en révélations, mais il en faut aussi, enfin tu me diras).
Cette situation où un des deux princes est immobilisé, voire inconscient n’a pas été évoquée précédemment, et je crois que je ne l’ai même pas imaginée. C’est peut-être aussi le cas d’autres lecteurs.
Jolie scène entre Venzald et Flore qui témoigne de la fraîcheur des premiers émois. Quand ils ont déclaré qu’ils ne voudraient jamais être séparés (corporellement), je pense qu’ils se voilaient la face sur ce désir naturel d’intimité. Et maintenant, Venzald se sent coupable de l’avoir ressenti.
Depuis le temps que les princes sont alités, ils pourraient développer des escarres. Tu n’as pas mentionné le moindre geste de prévention du médecin à cet égard.
Cette dernière scène est spectaculaire, belle des points de vue cinématographique et littéraire. Mais si c’est si facile de les séparer (surtout au niveau de leurs épaules où ça avait l’air compliqué), on peut bien se demander pourquoi ça n’a pas été fait avant... par un chirurgien.
Coquilles et remarques :
— Puis, il écouta son cœur, inspecta la couleur de ses cornées [La virgule après « Puis » n’a pas de raison d’être.]
— chef d’œuvre de coordination militaire [chef-d’œuvre]
— Était-il possible qu’il n’ait jamais remarqué ça, avant ? [Je ne mettrais pas la virgule.]
— Du moins, aux yeux de l’Ordre…[Je ne mettrais pas la virgule.]
— je ne sais pas si je tiendrais longtemps [tiendrai ; futur simple]
— Après tout ce que j’ai fait pour toi, depuis toujours ? [Je ne mettrais pas la virgule.]
— Encore moins que tu meurs [que tu meures]
— qu’on ouvre les fenêtres, pour que l’air de la nuit printanière le rafraîchisse [Je ne mettrais pas la virgule.]
Oui, je trouvais intéressant de commencer à montrer que s'ils n'en avaient jamais souffert avant, la fusion des jumeaux posaient de sérieux problèmes dans certains cas. Et je voulais aussi montrer que le fait d'être lié commence à être lourde entre termes d'intimité. Pour Venzald, du moins, puisque Themerid dort, le pauvre. Et j'en ai profité pour laisser parler mon côté fleur bleue avec cette petite scène de bisou entre adolescents :) Contente qu'elle te plaise.
Quant à la suite... "spectaculaire" ? Waouh, tu me flattes ! En fait, c'est la scène qui m'est "apparue" en premier et autour de laquelle toute l'histoire s'est construite. Elle était donc très nette dans mon esprit (très visuelle), mais en plus j'ai pris mon temps pour l'écrire parce qu'elle me tenait à cœur.
C'est intéressant, les questions que tu poses. En fait, C'est pour ça que j'ai mis la scène entre Abzal et Iselmar, où Iselmar explique que les potions qu'il administre à Themerid ne font pas d'effet à Venzald. On peut en déduire que leurs organismes (y compris leurs systèmes vasculaires) sont sans doute séparés. Mais on peut aussi imaginer qu'Ensgarde ou Iselmar ne voulaient pas prendre ce risque, vu les connaissances de l'époque. En tout cas, celui ou celle qui les sépare prend un risque ! D'autant que la lame chauffée au rouge a pour but de cautériser, ce qui n'est vraiment pas terrible. Tu parles également des escarres : en effet, rien n'est fait pour les prévenir, mais j'ai pris l'hypothèse (sans vérifier, je l'avoue) qu'à l'époque, on ne le faisait pas. Et même, vu la particularité anatomique des princes, ça ne doit pas être évident ! En tout cas, je suis restée assez floue sur "les douleurs" éprouvées par Venzald pour qu'on puisse imaginer que ça en fait partie.
Encore une fois, merci pour ta lecture et ton gentil commentaire ("spectaculaire"... tu as réchauffé ma journée ! ♥)
Cette conversation surréaliste, et cette fin que je sens poindre depuis quelques chapitre.... rester ainsi immobile avec son frère qui ne se réveille pas, cette torture, bien décrite d'ailleurs !
Après... est-ce pour le sauver ? Est-ce que les potions d'Iselmar l'ont fait délirer ? Est-ce le fruit d'une expérience de l'Ordre ?
Et... oh ! Le truc de la Loi. Deux rois s'ils sont ensemble, mais s'ils sont détachés.... plus qu'un, j'imagine ? Et du coup, rivalité.... ouh, si c'est ça qui les attend....
Bon, Themerid, si cette douleur ne te réveille pas, c'est ce que tu seras mort... la poison l'avait dit, non ?
Oui, tu as bien vu l'importance de la Loi et du décret d'Einold : ils doivent régner ensemble, ou pas du tout. Du moins tant qu'ils sont tous les deux en vie. Il y aura des rappels ;)
Et ta question est intéressante : quel est le but de les séparer ?
Je n'en reviens pas de ta vitesse de lecture. Ca me fait vraiment chaud au coeur ! Surtout que je galère sur mes tout derniers chapitres du tome 2, alors là, ça donne un bon coup de fouet !
Je ne sais pas si tu continues à lire, mais je t'avoue que je vais me coucher. Je te répondrai très vite si tu commentes encore.
Encore un énorme merci !
Abzal qu'est ce que tu fous encore...
C'est horrible car il en a rêvé, s'en ait voulu et ça lui arrive vraiment. Je pensais pas. Il va vraiment avoir du mal à s'en remettre, mais du coup son frère meurt ?
C'est sûr que Venzald va avoir beaucoup de mal à s'en remettre ! Pour ce qui est de savoir si Themerid est mort, je te laisse voir la suite ;) Idem pour ton hypothèse sur qui a fait ça (bon ça, il faudra patienter, parce que c'est dans le tome 2...)
On comprend sans comprendre
Allez je continue de croire qu'abzal est un bon bougre. J'y crois for fort fort