Chapitre 29 : Rhazek

Par Talharr

Rhazek :

La bataille était sur le point de commencer. Les étendards des deux camps claquaient au vent : d’un côté les serpents de Drazyl, de l’autre la mer et les champs de Balar.
Le royaume ennemi avait légèrement augmenté ses effectifs : trente mille hommes tout au plus. Rien d’insurmontable.
Drazyl comptait toujours cinquante mille lames.

Du haut de la dune qui surplombait l’armée de Balar et la Forêt Sans Morts, Rhazek aperçut un cavalier qui hurlait. Sûrement leur roi cherchant à donner du courage à ses troupes. Rhazek, lui, resta impassible. Ses soldats savaient ce qu’ils avaient à faire. Pas besoin d’autant de cinéma.

Sur son Kelrim beige, il patientait. Son armure de roi, de la même couleur que sa monture, était ornée d’un serpent, tout comme sa couronne.
Un cri rageur monta, porté par toutes les voix des hommes de Balar. Ils ne vont pas se laisser faire, tiqua Rhazek.

    — Attaquons les premiers, suggéra Wosir, toujours à ses côtés.

    — Alors envoyons la première vague.

Le poing serré de Wosir se leva et s’ouvrit. Ce simple geste déclencha une vague humaine qui passa à côté de leur roi en hurlant.
Rhazek vit les lignes de Balar se mettre en place : une ligne de boucliers et de lanciers, les archers derrière.
Rien d’impressionnant.

C’est alors que, de la forêt, surgirent trois énormes machines.
Rhazek tourna la tête vers Wosir, l’air hagard.

    — Les Choristes de Balar, dit Mahrzil au grand marteau.

    — Qu’est-ce que c’est ? demanda le roi, complétement déboussolé par la tournure des évènements.

    — Des sortes de balistes, mais on les appelle Choristes car elles projettent une vingtaine de lances géantes à une vitesse et avec une musicalité déroutante.

    — Pourquoi n’avons-nous pas d’armes comme celles-ci ?

    — Parce que Drazyl a tout perdu pendant les dernières guerres, et que les conflits entre nous ont détruit les dernières qui nous restaient, répondit Mahrzil.

    — Pourquoi ne pas avoir dit avant qu’ils avaient ce genre d’armes ?!

    — Je les pensais détruite.

Rhazek grogna.

    — Peu importe ce qu’ils mettront sur notre chemin. Nous vaincrons. Drazyl est la plus grande puissance de la Terre de Talharr !

Il hurla ces mots, et derrière lui, des centaines puis des milliers de voix s’élevèrent à l’unisson, les armes s’entrechoquant sur les boucliers.
À cet instant, Rhazek comprit pourquoi le roi de Balar avait fait sa démonstration : cette boule au ventre qui se transformait en rage partagée était exceptionnelle.

Il se tourna vers ses hommes, le visage fier. Il dégaina son épée et la leva vers le ciel, comme pour prévenir de la tempête prête à s’abattre.

    — Guerriers de Drazyl ! Notre heure de gloire est arrivée ! Le royaume de Balar a voulu pénétrer nos terres, détruire nos villages, nos cités… mais nous ne les laisserons pas faire ! Nous sommes les hommes les plus forts de ce monde ! Allons le conquérir, ensemble, pour Drazyl !

Les seigneurs, les commandants, toute l’armée étaient galvanisés, et un cri déchira l’air tandis que les lames s’entrechoquaient déjà au pied de la Forêt Sans Morts.

    — Pour Drazyl !

Le cri fut coupé par une mélodie douce. Tous les cris de guerre et le fracas des armes s’étaient tus. Les trois machines de Balar, d’énormes balistes à compartiments multiples, se mirent en marche. Les cliquetis produisaient cette mélodie aiguë qui semblait inoffensive.

Tous observaient. Puis les trois Choristes envoyèrent une trentaine de lances immenses sur les rangs de Drazyl. Les chocs qui suivirent plongèrent le champ de bataille dans le chaos : des centaines de corps volèrent, d’autres furent empalés ensemble. Sur le millier d’hommes partis vaillamment à la rencontre de l’ennemi, Rhazek ne voyait plus que moins de la moitié, dispersés sur tout le champ de bataille. Les flèches ennemies continuaient de les faucher.
Balar ne semblait pas avoir subi la moindre perte.

    — Seconde vague avec les Crazstyr ! Et, au moment où nos bêtes toucheront l’ennemi, envoyez les deux groupes sur les flancs ! ordonna Rhazek.

Deux messagers partirent chacun de leur côté pour prévenir les troupes dispersées la veille. Bien sûr, il ne s’attendait pas à ce que la première vague vainque l’ennemi, mais ces machines de guerre compliquaient sérieusement les choses.

    — Vous avez raison, intervint Wosir. Ces machines sont très difficiles à manœuvrer : ils ne pourront pas viser plusieurs zones à la fois sans perdre en efficacité.

    — Permettez-moi de prendre la tête de ce second assaut, mon roi, demanda Mahrzil.
Rhazek hocha la tête.

    — Montez donc un Crazstyr : vous ferez encore plus de dégâts qu’à dos de Kelrim, proposa le jeune roi.

    — C’est alléchant… j’accepte, dit le seigneur au marteau immense.

Des hommes en cuirasse jaune d’Ustryr amenèrent la nouvelle monture de Mahrzil.
Avec quelques autres seigneurs et Niir, à la toque rouge, commandant au service de Rhazek, le deuxième assaut fut lancé : d’abord de nouveaux fantassins pour soutenir les camarades en déroute, puis les Kelrim, accompagnés par les Crazstyr.

Les trois Choristes n’étaient pas encore prêtes à tirer.
C’est maintenant, se dit Rhazek.

Le choc fut brutal : cette fois, c’était Balar qui tremblait. Leurs hommes se faisaient déchiqueter.

Vingt mille hommes et bêtes, portés par la rage de vaincre, affrontaient trente mille intrus.
Le vent se fit plus féroce, le sable cinglant les visages. Des nuages s’amoncelaient au-dessus d’eux.
Comment cela se peut-il ? Malkar ?

Les visages autour de lui reflétaient la même surprise.

    — Nous allons vaincre ! cria Rhazek.

    — C’est étrange… pourquoi leurs flancs ne sont-ils toujours pas attaqués ? observa Wosir.

À part les Crazstyr et Mahrzil, qui provoquaient des explosions sanglantes, les deux groupes chargés de prendre Balar en tenaille n’étaient toujours pas apparus.

Quelques minutes plus tard, des cavaliers vinrent à leur rencontre.

    — Sire, les deux groupes sont attaqués.

    — Quoi ?! Ils n’étaient que vingt mille il y a encore une journée et maintenant ils sont assez pour nous contre-attaquer ?! Non ! On ne va pas les laisser détruire ce pour quoi je suis là ! s’emporta Rhazek.

Heureusement, Grislan et Mirla, ses deux autres commandants, avaient eu la charge de ces troupes.
Il se tourna vers les quatre cents Zarktys qui attendaient impatiemment, ainsi que les deux cents Dralkhar à leurs côtés.

    — Je veux deux unités ! Répartissez-vous et allez soutenir nos flancs. On a besoin de leur intervention, sinon… ces machines seront notre perte, dit-il en fixant les trois Choristes, la boule au ventre.

Rhazek vit que les machines étaient de nouveau prêtes. Alors que les Crazstyr ouvraient un passage, la mélodie reprit, amplifiée par le vent. Au moment de l’impact des projectiles, le tonnerre gronda au loin.

La Forêt Sans Morts semblait s’éveiller, ses arbres bougeant à l’unisson, répondant au vacarme ambiant.
Derrière lui, les troupes étaient prêtes.

    — Que la dernière unité me suive. On doit les vaincre maintenant !

    — Mon roi, si… voulut l’arrêter Wosir.

    — Je ne mourrai pas. As-tu déjà oublié les cités conquises ?! Malkar est avec moi !

    — Bien. Guerriers de Drazyl ! Suivez votre roi ! hurla Wosir.

Pendant que Rhazek descendait au galop sur le champ de bataille, les Zarktys et Dralkhar allaient aider les flancs, sous le commandement de Wosir.

    — Que nos lames s’abreuvent du sang ennemi ! cria Rhazek, sentant son sang bouillonner.

    — Que nos lames s’abreuvent du sang ennemi ! reprirent ses hommes en chœur.

Les lignes de Balar se rapprochaient. Les flèches sifflaient à ses oreilles avant de s’abattre sur les guerriers à ses côtés. Le sable et la verdure naissante étaient tachés de rouge. Partout, des corps jonchaient le sol. Des dizaines de lances géantes avaient empalé autant d’hommes.
Les étendards, il y a quelques heures fières, gisaient piétinés dans la boue et le sang. Une odeur de fer envahissante.

Rhazek s’engouffra dans le passage ouvert par les Crazstyr. Du haut de son Kelrim, il frappait de son épée à tout-va, blessant ou tuant les hommes à capes blanches.

    — Mon roi ? Vous venez vous joindre à la fête ? lança Mahrzil avec un sourire, toujours juché sur son Crazstyr.

Son marteau dégoulinait de sang et portait encore des morceaux de chair.

    — Il faut détruire ces machines, et vite ! cria Rhazek, couvrant le vacarme des lames.

    — On a essayé. Ils ont encore plusieurs lignes de défense. Tant que leurs flancs ne sont pas attaqués, on n’y arrivera pas.

    — Merde ! Continuons, les renforts ne devraient pas tarder !

Mahrzil hocha la tête et repartit faucher tout ce qui se trouvait sur son passage.

Rhazek continua de frapper, encore et encore, jusqu’à ce qu’une flèche se plante en pleine tête de son Kelrim. La monture s’effondra, écrasant une des jambes du roi.

    — Non ! Pas maintenant… Allez !

Il tirait désespérément sur sa jambe bloquée, mais le poids de l’animal l’empêchait de se dégager.
Un soldat à cape blanche l’aperçut et se dirigea vers lui.

Où est mon épée !

Elle gisait dans le sable, à plusieurs mètres.

L’homme de Balar approchait, un large sourire aux lèvres. Lorsqu’il fut au-dessus de Rhazek, il leva son épée.

    — Adieu, dit-il simplement.

Un grondement éclata. Un éclair frappa tout près de Rhazek. Il n’entendait plus rien, ne voyait plus rien.
Il fallut plusieurs minutes pour que sa vision revienne. Devant lui, un corps fumait, entièrement carbonisé. L’odeur de la chair brûlée montait dans ses narines, le faisant toussoter.

Qu’est-ce que… ? Malkar !

La pluie commença à tomber. L’orage grondait toujours au-dessus d’eux. Le sable détrempé s’enfonçait sous leurs pas.
Le Kelrim mort fut soulevé et projeté au loin. Devant lui, deux grands yeux orangés, des crocs prêts à frapper. Un Crazstyr. Une main se tendit vers lui. Mahrzil.

    — Tout va bien, mon roi ? J’ai vu l’éclair tomber… Le pauvre guerrier, mourir ainsi…

Rhazek se redressa avec peine, marchant difficilement.
La mélodie des Choristes reprit.

    — A couvert ! hurla-t-il.

Les hommes couraient dans tous les sens pour sauver leur peau. Rhazek regardait le spectacle horrifié. Jamais ils n’avaient vu d’armes aussi dévastatrices.

Mahrzil n’eut pas le temps de réagir : une lance le transperça sans toucher son Crazstyr, et il fut projeté dans les airs, retombant au milieu de plusieurs autres hommes, qu’ils soient de Drazyl ou de Balar.

Rhazek observa le Crazstyr immobile. Il récupéra son épée et monta sur la bête, malgré la douleur.
Il frappa encore et encore, sans jamais avoir l’impression que l’un ou l’autre camp prenait l’avantage.

Puis le moment tant attendu arriva.
Des cornes résonnèrent, répondant au tonnerre. Des deux côtés, les renforts de Drazyl surgissaient.

Ils sont fichus.

Les hommes de Balar tentèrent de combler les brèches, mais il était trop tard. Les Zarktys, enragés, taillaient dans leurs rangs, tandis que les Dralkhar soulevaient des nuages de sable détrempé, projetant le vent violent sur leurs ennemis.

    — En avant ! hurla Rhazek, fonçant vers les Choristes.

Alors qu’il s’en approchait, un éclair frappa non loin de la première baliste. Une silhouette apparut.
Il continua de tuer.

Sur son passage il n’y avait que la mort. Des membres souillaient le sol à côté de leur propriétaire gémissant.
Un nouveau grondement, et la silhouette réapparut : debout, immobile, ses cheveux volant au gré du vent et de la pluie.

Je la connais…

Encore un éclair. Des cheveux blonds.
Autour de lui, la bataille semblait enfin choisir son camp.

Puis une sensation étrange l’envahit, le faisant vaciller.

Mon fils. Rhazek. Rappelle-toi. Rappelle-toi qui tu es et d’où tu viens.

C’était la voix d’Elira.

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Scribilix
Posté le 22/08/2025
Salut,
cela faisait un moment car j'ai été absent ces derniers jours mais ne t'inquiète pas je continue ton histoire.
Enfin la bataille tant promise. Elle est bien amenée, l'on ressent la tension et l'enjeu de réussir à détruire les choristes. Quoique je pense tu pourrais encore l'accentuer d'avantage que ce soit au niveau du son ou bien de soldats fuyant en panique face aux tirs. Voire pourquoi pas Rhazek choqué lui meme devant une telle puissance de feu. J'ai beaucoup aimé la scène de l'éclaire et la confusion à savoir s'il s'agit de son dieu ou bien de sa mère :). A voir si le sang ssera versé dans la foret sans morts ou si Rhazek sera assez sage pour ne pas poursuivre les fuyards.

comme d'habitude, quelques remarques sur la forme :

- dominant la mer (je ne savais pas qu'il y avait lamer à cet endroit).
- Les Choristes de Balar, dit Mahrzil, le premier seigneur vaincu de la conquête de Drazy (je trouve la tournure un peu longue. pourquoi ne pas l'appeler Mahrzil au marteau ?).

- Quoi ?! Ils n’étaient que vingt mille et maintenant ils sont assez pour nous contre-attaquer ?! Non ! On ne va pas les laisser détruire ce pour quoi je suis là ! s’emporta Rhazek. ( dans ce passade tu dis que Balar ne regroupe que 20 000 hommes mais au début tu précises qu'ils sont 30 000).


- Le Kelrim mort fut soulevé et projeté au loin. Devant lui, deux grands yeux orangés, des crocs prêts à frapper.
— Tout va bien, mon roi ? J’ai vu l’éclair tomber… Le pauvre guerrier, mourir ainsi… ( mais du coup, qui a enlevé le Kelrim ? et qui parle à Rhazek ?
A la prochaine,
Scrib.
Talharr
Posté le 22/08/2025
Hello ^^
Aha ne t'inquiète pas ça m'a permis d'écrire d'autres chapitres et de finir ton histoire :)

Oui c'est vrai je pourrai accentuer l'horreur de la bataille, j'ai un peu de mal entre mettre trop ou pas assez aha

Ah oui pour les vingt mille je faisais référence au passage d'avant où au départ les éclaireurs avaient dit qu'ils n'étaient que vingt milles, peut-être que je devrais mettre les nombres de ce passage pour plus de compréhensions ^^

Marhzil au marteau, pas mal pas mal j'y avais pas pensé aha c'est vrai c'est un peu long de dire à chaque fois cette phrase même si c'est fini pour lui aha

Pour la mer non elle n'est pas à cet endroit, mais c'était pour parler des bannières, faut que je trouve une autre formule.

Et sur le dernier point c'est Mahrzil il y a son nom après mais je devrais le mettre avant avec le Crazstyr.

Merci et à plus ^^
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