Chapitre 29 : Temülün - Erreur

Temülün en avait assez. Pour la cinquième fois, le Vampire osant se nourrir sur ses terres sans sa permission venait de sortir de son territoire pour pénétrer dans celui de son voisin. Il avait vraiment le don de l'énerver. Il n'était pas au contrôle ce qui faisait enrager la prêtresse du mal. Comment pouvait-elle échouer ? L'autre avait compris sa réticence à passer la frontière et en profitait pour s'enfuir dès qu'elle le repérait. Temülün se renfrogna. La colère monta en elle. Elle ne voulait pas de conflit mais pour protéger son quartier, elle allait devoir pénétrer sur les terres voisines.

Certes, Temülün, totalement au contrôle, ne risquait pas grand-chose face aux petits Vampires. Cependant, certains avaient acquis de belles capacités pour survivre et la méfiance était de mise. Temülün ne connaissait pas ses voisins. Elle ne s'y intéressait tout simplement pas. La protection de son propre territoire lui prenait déjà tout son temps. Les incursions de petits Vampires ne cessaient jamais. Il n'était tout simplement plus possible aujourd'hui de vivre une journée sans devoir repousser des intrus.

Le Vampire qui se jouait d'elle était un nomade. Sans territoire, il allait et venait, se nourrissant sur les terres des autres. Il se moquait de se cacher et attirait les tueurs de Vampires que Temülün préférait autant ne pas avoir sur le dos en sus des petits Vampires à combattre quotidiennement. Elle devait agir. Il était temps que cela cesse. Elle soupira puis, espérant que la chance serait de son côté, pénétra dans le territoire ennemi.

Elle n'eut aucun mal à le suivre. Ses traces étaient bien présentes. Il ne cherchait pas du tout à se cacher. Temülün supposa qu'il se croyait à l'abri et ne faisait donc aucun effort pour masquer sa présence. Il ne semblait pas davantage craindre le propriétaire de ces terres qu'elle-même. Les nomades agissaient souvent de cette façon. Ils croquaient la vie à pleine dent sans réellement se préoccuper de quoi que ce soit.

Il se savait en position de force : il n'avait pas à se cacher, contrairement aux Vampires sédentaires. La seule chance de survie face aux chasseurs de Vampires était l'anonymat. Les Vampires restaient donc cachés et ne sortaient que la nuit, tuant dans les ruelles sombres. Toute la journée, ils patientaient, espérant la lune et ses ombres bienveillantes. Les Vampires ne vivaient pas longtemps. Entre luttes territoriales et chasseurs de Vampires, la durée de vie dépassait rarement dix ans.

Celui-là avait dû dépasser le siècle. En courant sans cesse, il échappait aux humains. Sautant de territoire en territoire, il glissait entre les doigts de ses compatriotes peu enclins à s'allier avec leurs voisins. Temülün dut reconnaître que c'était une bonne solution. Cela nécessitait de ne jamais rester en place mais était-ce si désagréable ?

Temülün le trouva aisément. Il s'était arrêté. Une chance pour elle qui put prendre le temps de se mettre face au vent et de s'approcher tranquillement. Elle entendit des bruits de voix. Parlait-il seul ? Sa solitude l'avait-il rendu fou ? Elle s'approcha, désireuse de comprendre.

- Déjà fatiguée ? dit-il. Quel dommage ! Si près du but !

- Que vas-tu faire ? Qu'est-ce que ma mort t’apportera ? répondit quelqu'un.

Temülün sursauta. Il n'était pas seul ! Une femme était à ses côtés. Temülün s'approcha suffisamment pour être en mesure de voir la scène. L'homme qui, elle le savait, se nommait Mikael, se tenait debout devant une jeune femme d'une vingtaine d'années, allongée sur le sol, essoufflée. Sa petite poitrine se soulevait rapidement tandis que ses cheveux blonds se couvraient de feuilles et de brindilles au contact du sol humide. Le nomade la toisait de toute sa hauteur. Il pouvait se le permettre. Il mesurait au moins deux têtes de plus que sa victime au sol. Sa main droite serrait un grand couteau brillant.

- Oh ! répondit Mikael. Rassure-toi, je ne veux que m'amuser. Vous autres sédentaires êtes si peu imaginatifs ! Non, je ne vais pas te tuer. Je vais juste te donner très soif, dit-il en sortant un couteau, puis t'amener en pleine ville. Je vais te regarder faire un massacre et me délecter du spectacle. Tu seras obligée de partir et tu connaîtras la joie de devoir te battre pour un bout de terre. Moi, je vais observer et profiter. J'ai si peu d'amusement…

- Tu es mort, promit la jeune femme en le fixant dans les yeux.

Temülün dut reconnaître le courage de la Vampire. Elle se trouvait au sol, vaincue, et elle continuait de lutter. Mikael sourit. La menace venant d'un adversaire à l'agonie ne le touchait pas. L'agresseur leva son couteau, prêt à frapper.

Temülün pouvait le laisser faire ou sauver la jeune femme. Elle réfléchit. Elle avait pénétré dans le territoire de ce qui semblait être une petite fille incapable de prendre soin d'elle. Ça ne collait pas avec une capacité à s'occuper d'une terre. Jamais aucun Vampire ne venait de ce territoire jusqu’au sien. Donc, celui-ci était bien protégé et sécurisé.

La fillette à l'agonie piqua la curiosité de Temülün. Elle ne pouvait pas avoir vaincu le propriétaire précédent ni être l’actuel. Elle était bien trop faible pour cela. Temülün, dont la vie était plutôt monotone ces derniers temps, eut soudainement envie de savoir, de comprendre, de résoudre cette énigme. Elle prit sa décision en un dixième de secondes.

Mikael, trop occupé à son plaisir, ne s'était toujours pas rendu compte de la présence de Temülün à quelques pas de lui. Il arma sa main qui disparut en poussière, bientôt rejointe par le reste du corps.

La jeune Vampire au sol observa Temülün, se demandant visiblement quoi attendre de son sauveur. Toujours faible, elle restait une cible facile. Temülün lui tendit gentiment la main afin de l’aider à se lever. La jeune Vampire accepta et se dressa, davantage en confiance.

- Je reviens, précisa Temülün.

À vitesse surnaturelle, elle partit chasser, attrapa une proie, s’en nourrit un peu afin de reprendre des forces puis la ramena à la jeune Vampire.

- Je m’en suis déjà nourrie mais il reste largement de quoi te requinquer.

La jeune Vampire draina l’humain de son sang, son corps tombant au sol sans un bruit.

- Merci beaucoup de ton intervention. Comment se nomme mon sauveur ?

- Anna Winterback, répondit Temülün dont c'était l'identité actuelle.

La jeune femme eut soudain les yeux dans le vague. Temülün reconnut là l'usage de la mémoire parfaite des Vampires. Lorsqu'elle revint au présent, la jeune femme fronçait les sourcils. Elle semblait circonspecte et perdue, voulant agir d'une façon puis à son opposée.

- Tu es ici parce que ? demanda la jeune femme.

- Je possède le territoire voisin du tien et ce Vampire nomade ne cessait de venir et de tuer de manière ostensible. Ça fait un moment que je le pourchasse mais il m'a échappé jusque-là. Désolée pour l'intrusion dans ton territoire mais cela durait depuis trop longtemps.

La jeune femme plissa des yeux, détailla Temülün de la tête au pied avant de répéter :

- Tu possèdes le territoire voisin.

Le jeune femme s'ébroua, sourit pleinement puis ajouta :

- Je m'appelle Lyne Williams. Ravie de te rencontrer. Viens chez moi. Ma famille sera ravie de te rencontrer.

Famille ? répéta Temülün dans sa tête. Ainsi, la jeune Vampire ne vivait pas seule mais en clan. Cela expliquait pourquoi ce territoire était aussi bien protégé malgré l'incompétence de son interlocutrice. Temülün accepta l'invitation avec une joie non dissimulée. À vitesse surnaturelle, elles arrivèrent presque instantanément à leur objectif.

Temülün découvrit une demeure en bois avec un étage, de nombreuses fenêtres, des balcons et des colonnades, une maison classique mais indiquant un haut niveau de revenus. Le jardin parfaitement entretenu proposait des fleurs, des arbustes et de grands arbres.

Elles venaient à peine d'apparaître que trois hommes et deux femmes sortirent de la maison. D’une démarche assurée, ils prirent place autour de Temülün, l’encerclant, l’empêchant de fuir. Ils la transperçaient des yeux et leurs mains, de chaque côté de leur corps, se trouvaient prêtes à frapper. La femme la plus âgée, dont les courts cheveux blancs se hérissaient sur son crâne, s'avança vers Lyne, faisant abstraction de Temülün.

- Lyne ! Je vois que tu nous amènes une invitée surprise.

- Elle m'a sauvé la vie, expliqua Lyne et la femme sursauta. Un Vampire nomade m'a attaquée et sans elle, il aurait atteint son but.

- Un Vampire a failli te tuer ? dit l'homme le plus âgé. Comment t'y es-tu prise ?

Ses yeux gris aux reflets dorés mirent Temülün mal à l’aise. De tels yeux existaient-ils vraiment ? Ses cheveux poivre et sel lui caressaient les épaules. Une moustache et une barbe très bien taillées encadraient une bouche qui articulait les sons avec précision et justesse.

- Je n'ai pas bu depuis un moment. Il m'a prise par surprise et il était gorgé de sang, se justifia Lyne. Je me suis défendue mais il était vraiment très fort. Il devait être vieux.

- Et celle-là t'a sauvé la vie ? s'étrangla l'homme âgé. Elle a réussi là où tu as échoué ? Tu te fiches de moi ?

Temülün n’écoutait qu’à peine l’échange. Un détail venait de la frapper : la jeune Vampire s’était nourrie de l’humain et pourtant, celui-ci ne s’était pas transformé en Vampire, dénotant un contrôle de la procréation.

Elle sentit un frisson glacé parcourir son échine. Ses sens lui montrèrent ce qu'elle n'avait pas su voir jusque-là. Les six Vampires autour d'elle ne consommaient quasiment pas d'énergie et sortaient en plein jour. Ils vivaient dans une demeure au milieu des humains, qu'ils ne craignaient donc pas.

Elle comprit trop tard. Ceux-là étaient au contrôle. Elle ne l'avait pas vu plus tôt car la petite, au bord de la mort, ne pouvait gâcher son énergie à paraître humaine. Cependant, maintenant que le calme était revenu, tout revenait à la normale et Temülün fut forcée d'admettre que la situation était on ne peut plus atroce.

D'abord, elle était en grand danger car contre six Vampires formés, elle ne faisait pas le poids. Ensuite, Chris lui avait formellement interdit de se montrer comme une Vampire au contrôle. Elle avait essayé mais s'était vite rendue compte que cela tenait de l'impossible. Le contrôle de l'énergie, du venin, de sa vitesse, de ses sens, tout cela était devenu des réflexes pour Temülün qui ne parvenait pas à s'en départir. Elle vivait comme un petit Vampire mais gagnait tous les combats grâce à son contrôle. Cela n'avait pas pu échapper à Lyne.

Temülün se rappela soudain que Lyne lui avait demandé son nom avant de tenter de se le rappeler. Chris lui avait dit qu'ils se connaissaient tous. Lyne savait donc qu'elle ne faisait pas partie de sa société et l'avait attirée auprès des siens. Temülün se sentit plus mal que jamais.

- Elle se contrôle parfaitement, lança Lyne et Temülün lutta pour garder son calme.

Les six Vampires la dévisagèrent. Il était trop tard pour changer d'attitude et faire croire. Temülün ne changea donc rien, priant pour que la situation se débloque à son avantage, sans trop savoir comment un tel miracle serait possible.

- Origine ? demanda l'homme âgé.

Temülün reconnut là une demande de mot de passe. Il était évident qu'une seule réponse était acceptée et indiquerait son appartenance à leur société secrète. Temülün n'avait pas la moindre idée de la réponse.

- Elle ne connaît pas la réponse, murmura Lyne. Elle n'a pas été formée. Elle a tout acquis seule. C'est extraordinaire ! Je savais que les parvenus existaient mais c'est la première fois que j'en croise un !

Temülün soupira d'aise intérieurement. Ils la croyaient autodidacte. C'était fantastique. Il lui suffisait d'aller dans ce sens.

- Oui, c'est fantastique, intervint la femme la plus âgée, mais je n'ai pas la moindre idée de la marche à suivre.

- Pour quoi exactement ? demanda l'homme âgé.

- Lui proposer de nous rejoindre, s'exclama Lyne, comme s'il s'agissait d'une évidence.

- Rien ne prouve qu'elle en soit capable, gronda l'homme.

- Il suffit de la tester ! répliqua Lyne en piaffant d'excitation.

- Nous n'en avons pas la compétence, souffla la femme âgée. Ce n'est pas à nous de le faire et nous sommes trop à découvert pour discuter de cela. Entrons à l'intérieur, s'il vous plaît.

Temülün acquiesça et suivit volontiers les six Vampires au contrôle jusqu'à leur demeure. Elle crevait d'envie d'infiltrer leur société, de découvrir leur secret, de jouer l'espionne.

- Laisse-moi faire les présentations, proposa la femme âgée une fois tout le monde à l'intérieur. Voici Patrick, Kevin, Hélène et Lyne, nos petits. Nous les avons mordus et formés. Qui a mordu qui est sans importance pour nous. Nous sommes une famille. Je m'appelle Scylla et mon époux grincheux se nomme Armand. Avant qu'il ne m'interrompe, je tiens à te remercier d'avoir sauvé la vie de ma fille. Tu n'avais aucune raison de le faire et tu as ainsi montré un grand sens de la générosité et du partage. Merci beaucoup.

- De rien, répondit Temülün.

- Anna Winterback est ton identité humaine actuelle, je suppose, intervint Lyne.

Temülün hocha la tête.

- J'ai la sensation que nous allons rester en contact longtemps, peut-être des siècles. Pourrais-tu nous donner ton vrai nom ? Je veux dire… Nous avons tous une façon de nous appeler, un nom par lequel nous pourrions répondre sans cesse. Si tu n'y as jamais pensé, cela peut te prendre du temps pour le trouver mais pourrais-tu y réfléchir ?

- Malika, répondit Temülün. Je m'appelle Malika.

- Malika, répéta Lyne. Très bien, merci.

La famille se détendait autour d'elle. Les autres "enfants" vaquèrent à leurs occupations mais Temülün n'en doutait pas : leur attention restait malgré tout focalisée sur elle. Temülün profita du délassement environnant pour se promener dans la grande pièce à vivre. Elle caressa le tissu de l'immense canapé sur pieds, avisa les deux fauteuils séparés par une table basse en bois massif sculpté, le tout faisant face à une très belle cheminée actuellement éteinte, mais devant laquelle il devait faire bon se détendre les longues soirées d'hiver.

Temülün avisa un panier de fruits. Une paire de cerises lui faisait de l'œil. Elle les avala, sans oublier de recracher les noyaux, sous les regards ahuris des trois Vampires.

- Elle mange ! s'écria Lyne toute joyeuse. Elle mange des fruits ! Elle est capable de nous rejoindre !

- Je ne crois pas avoir envie de rejoindre votre famille, précisa Temülün.

- Ce n'est pas de notre famille à laquelle Lyne, qui décidément parle trop, fait référence, intervint Armand. J'aimerais contacter nos supérieurs.

Temülün suivit la famille jusqu'à un boudoir, où trônait un téléphone. Temülün ne cacha pas sa surprise car même si l'objet n'était pas rare, il n'était pas familier non plus. Armand se saisit du combiné et tourna la manivelle.

- Rivière, quelle est ta demande ? dit une voix féminine à l'autre bout du fil.

- Je veux parler au chef formateur, répondit Armand.

Temülün tiqua. Ce n'était pas habituel comme façon de demander un correspondant. Normalement, il fallait indiquer le numéro de l'abonné et le central dont il dépendait, pas juste une personne. Temülün en déduisit que Rivière faisait partie de la société secrète. Il y eut un long moment d'attente puis la voix de l'opératrice se fit de nouveau entendre :

- Ça ne répond pas. Rappelle plus tard.

Armand se fit raccrocher au nez. Il grogna, gronda, jura puis raccrocha brutalement le téléphone, en se maîtrisant toutefois puisque l'objet resta intact.

- Nous ne sommes pas qualifiés pour te tester et n'avons certainement pas l'autorisation de te dévoiler quoi que ce soit, indiqua Armand un peu calmé. Je suis conscient que de ton point de vue, nous sommes ennuyeux car tu n'as pas la moindre idée de ce dont nous parlons. Retourne sur tes terres, vis ta vie et nous reviendrons vers toi lorsque la situation se débloquera.

- Papa ! s'exclama Lyne et le terme fit frémir Temülün tant il lui semblait inapproprié. Ta colère ne justifie pas d'être aussi malpoli. Moi, j'ai envie d'apprendre à connaître Malika et de partager du temps avec elle.

- As-tu pensé que ça n'est peut-être pas réciproque ? dit Scylla.

- J'aimerais beaucoup apprendre à vous connaître, précisa Temülün.

Lyne sourit pleinement, heureuse de son petit effet.

- Dans ce cas… Tu te joins à nous pour dîner ?

- Très volontiers ! s'exclama Temülün.

- Qu'est-ce que tu bois ? interrogea Armand.

- Un Sea Sunrise, s'il te plaît, annonça Temülün.

- Whisky, bon choix. J'en ai un excellent.

Temülün sourit. Toute la famille se retrouva installée dans le canapé et les fauteuils du salon, un verre à la main.

- Tu as quel âge ? Tu as vécu où ? Tu connais ton créateur ? Tu as tué combien de Vampires dans ta vie ? Oh ! J'ai envie de tout savoir ! s'écria Lyne.

- Je pense que c'est trop en une seule fois, mon ange, la rabroua gentiment Scylla.

- Et si nous faisions une question chacun notre tour ? proposa Temülün.

Tout le monde hocha la tête. La solution semblait convenir.

- Quel âge tu as ? commença Lyne sans laisser la possibilité à quiconque d'autre de commencer.

Temülün réfléchit un instant. Elle était née en 1163 mais avait été transformée en Vampire par Malika en 1221. Ceci dit, elle n'avait aucune idée de quand dataient les premiers Vampires sur ce continent. Choisir cette date serait trop risqué. Elle avait posé le pied en Amérique en 1505. Cette solution était la plus adaptée.

- Quatre cents ans, indiqua Temülün qui en avait en réalité presque sept cents.

- Ouah ! Sans aide, sans guide, sans personne ! C'est fantastique !

- À ton tour, proposa Scylla aimablement.

- Vous consommez du sang humain ?

- Afin de passer inaperçus, nous devons être les plus humains possible, répondit Armand. Nous mangeons, dormons, buvons. C'est le prix à payer pour être invisibles. Cependant, si l'occasion se présente, nous ne refusons pas une bonne dose de sang.

- Tu connais ton créateur ? interrogea Scylla.

- Non, je me suis réveillée comme ça, seule. J'ai dû comprendre par moi-même. J'ai lutté, combattu, observé, appris. Il semblerait que j'ai plutôt bien réussi.

Temülün contrôlait parfaitement son corps. En effet, il était plutôt aisé pour n'importe quel Vampire de savoir si son interlocuteur mentait : rythme cardiaque, dilatation des pupilles, respiration, transpiration, mouvements oculaires… Souvent, les Vampires gardaient ces réflexes bien que totalement inutiles dans ce corps sans vie. Temülün en avait fait les frais lors de son apprentissage. Elle ne laissait donc en aucun cas son corps la contrôler. Ses interlocuteurs ne verraient que des vérités énoncées avec sincérité, honnêteté et rapidité. Temülün savait où placer son regard, comment bouger les mains, de quelle manière agir pour paraître honnête. Les membres de la famille ne douteraient pas d'elle.

Eux, en revanche, n'avaient aucune chance face à ses yeux et jusque-là, ils avaient été totalement sincères envers elle. Leur aura d'un noir d'encre s'éclaircissait à chaque mot prononcé.

- Je suis sincèrement désolé que tu aies dû vivre ainsi. Ta vie a dû être terrible, peuplée de sang, de peur, d'insécurité. Il ne doit pas être agréable d'exister dans un tel monde, dit Armand.

- Je te remercie, répondit Temülün honnêtement.

Le reste de la soirée fut ponctué d'échanges plus libres et moins lourds. Ils discutèrent changement climatique, politique ou innovations technologiques.

- Et si tu venais ce week-end ? proposa Lyne au moment où Temülün prenait congé, la nuit déjà bien avancée. J'ai prévu d'aller faire du shopping en ville. À moins que devoir côtoyer les humains ne te dérange.

- Cela me plairait beaucoup, assura Temülün.

Lyne sourit. Les deux femmes s'embrassèrent et Temülün rejoignit son territoire à vitesse humaine jusqu'à l'orée du bois puis avec une célérité surnaturelle.

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