Une lettre dans la main, elle traversa Njord sous la neige de l’après-midi. Elle toqua à la porte de Rowen, malgré les menaces d’Iggy.
Le chef du village ouvrit la porte, surprit de trouver Judith sur le seuil. Elle leva la lettre au niveau de ses yeux.
- Je dois partir pour Aimsir, par ordre de la Reine. J’ai pensé que je devais t’en informer.
Derrière la carrure de Rowen, elle vit sa fille approcher, du tonnerre dans les yeux.
- Tu as bien fait, répondit-il d’un ton le plus neutre possible. Quand pars-tu ?
- Demain. La situation est dramatique, ils veulent que tous les Mystiques soient sous la protection du château.
- Que s’est-il passé ?
- Ira s’est enfuie. Et son complice, qui se prénommerait Kerst, aurait volé l’arme sacrée de Myhrru.
- Nom d’une tempête, s’exclama Rowen, il possède désormais deux armes de Mystiques ?
- Il semblerait.
- Tu as terminé ? demanda Iggy d’une voix vénéneuse.
Rowen en fut visiblement agacé, mais s’abstint de toute réponse cinglante.
- Au revoir, Rowen, conclut simplement Judith.
Elle tourna les talons et sentit peser sur elle le regard de son amie d’enfance, plus lourd que jamais. Elle ne l’aurait pas pensée capable de d’avoir une telle noirceur dans ses yeux. La haine qu’elle lui inspirait l’avait transfigurée.
Judith passa le reste de la journée à préparer ses affaires pour son départ du lendemain, préoccupée, tant par la situation du royaume que par la sienne. Elle ne pouvait pas avoir d’escorte, Njord n’était pas un vivier de guerriers, elle parcourrait donc seule une distance considérable, à la merci d’Ira et Kerst. Elle avait beau posséder une magie très puissante, serait-elle à la hauteur contre eux ?
Le lendemain, elle sortit de chez elle en silence, le jour à peine levé. Sa fourrure sur les épaules, elle se fraya un chemin dans la neige fraîche pour se rendre aux écuries de l’autre côté du village. Arrivée au milieu de la place, elle s’arrêta. Iggy l’attendait, le visage fermé par la colère.
- Qu’est-ce que tu fais là ? lui demanda Judith.
- Je viens te dire adieu, quelle question, répondit Iggy avec une ironie parfaite.
Judith la fixa, quelque peu inquiète par l’attitude de la jeune femme.
- Tu t’es levée aux aurores pour ça ?
- Je n’ai pas dormi. Depuis ta visite d’hier, je ne pense qu’à une chose.
Judith attendit la suite, consciente que cela n’allait certainement pas lui plaire.
- Tu m’as désobéie. Tu es venu voir mon père alors que je te l’avais interdit.
- Il est le chef du village, il est normal qu’il soit au courant si la Mystique de Njord s’absente !
- Tu aurais pu faire passer le message par quelqu’un d’autre, ou bien lui laisser une lettre.
- Tu t’égares, Iggy. Ma visite d’hier était de la pure politesse, tu as pu le constater toi-même.
- Et si je n’avais pas été là ?
- Ça n’aurait rien changé, rétorqua Judith avec son calme habituel.
- Menteuse. Vicieuse.
La voix d’Iggy était devenue stridente. Maléfique. Sa figure se contracta en un spasme de rage.
- Mais enfin, que t’arrive-t-il ? s’inquiéta Judith.
Son amie sortit alors un poignard de son manteau.
- Iggy, calme-toi !
- Tu aurais dû m’écouter ! s’écria-t-elle.
Judith n’eut pas le temps de répliquer, Iggy fonça sur elle à une vitesse imprévisible et lui planta sa lame dans l’épaule. La Mystique brandit alors sa lance et évita de justesse un deuxième coup. Elle ne reconnaissait pas son amie. Depuis quand possédait-elle de telles aptitudes au combat ?
Les coups qu’elles échangèrent ameutèrent bientôt tout le village. Les parents d’Iggy accoururent, le visage de sa mère se décomposa lorsqu’elle reconnut sa fille sous des traits aussi sombres. Rowen, quant à lui, écarquilla ses yeux félins. Il comprit, avant tous ceux rassemblés là, comment cela allait se terminer.
Judith, dans une impasse, se résolut à utiliser sa magie contre son amie. Elle leva une barrière de vent autour d’Iggy pour l’emprisonner.
- Reprends-toi, je t’en prie ! la supplia-t-elle.
Mais la jeune femme n’écoutait plus. Plus exactement, elle n’entendait plus. Ses yeux étaient devenus complètement noirs, son teint cadavérique, chaque veine bleue griffait son visage. Elle n’était plus capable de parler. Elle tentait de s’extirper de la prison venteuse avec toute la force de sa rage et de sa haine, comme un animal furieux. Judith ressentait chaque coup dans son corps. Soudain, alors qu’elle luttait pour maintenir son tourbillon, une sensation désagréable la parcourut. Elle avait déjà vécu cela. Cette impression maléfique, noire comme une ombre.
Les ruines.
Ce qui avait cherché à l’assassiner avait pris possession d’Iggy. Lorsqu’elle comprit, elle éclata en sanglots.
- Je ne veux pas te tuer, Iggy ! hurla-t-elle dans un dernier effort désespéré pour lui faire reprendre raison.
En vain.
Judith leva alors sa lance par-dessus son épaule. Elle retint son geste, tremblante. Elle évita les regards des gens du village, amassés autour d’elles, en particulier ceux de Rowen et Allegra. Pourraient-ils seulement comprendre qu’elle n’avait pas d’autre choix ?
« Fais-le », lui souffla une voix venteuse.
Elle envoya alors son arme, poussée par la force du vent, dans le poitrail d’Iggy qui poussa un cri déchirant avant de s’écrouler au sol. Le tourbillon de Judith cessa. Elle regarda son amie cracher ses derniers souffles emplis de sang, ses yeux ayant repris leur couleur naturelle, fixant le vide. Ses jambes la lâchèrent. Elle s’agenouilla, son esprit bourdonnait. Elle regarda, hagarde, Allegra hurler de souffrance sur le corps de sa fille, et les yeux gris de Rowen noyés sous des larmes silencieuses, sur la dépouille de sa fille unique. Judith baissa la tête, accablée. Tout se mélangeait dans son esprit vif. Était-ce de sa faute ? Était-ce la conséquence de son imprudence dans les ruines ? Comment cette malédiction avait pu atteindre son amie, et surtout, pourquoi ?
La cacophonie ambiante laissa place à des pleurs, des cris, puis, après une exclamation générale de stupeur, le silence. Ce genre de silence infini et si bruyant, qui suspend le temps. Le vent aussi se tut.
Allegra, dont une partie d’elle venait d’être arrachée, avait pris son envol depuis les falaises de Njord pour rejoindre l’âme de sa fille dans la mer grise.
Plusieurs jours s’étaient écoulés depuis le drame. Elle n’avait pas revu Rowen depuis. Elle se sentait mieux, du moins physiquement. Elle décida qu’il était grand temps pour elle de partir pour Aimsir. Elle n’était pas encore sortie de chez elle, mais de ce que ses parents lui avaient rapporté, les gens de Njord lui tenaient rigueur de la mort d’Iggy et Allegra. C’était une évidence. Personne n’était au courant de ce qui se tramait, du pouvoir sombre qu’elle avait découvert dans les ruines, qui avait conduit Iggy à sa perte.
Elle embrassa sa famille, puis se dirigea vers la maison de Rowen, la boule au ventre. Comment allait-il l’accueillir ? Sur le chemin, les regards méprisants des gens la mirent très mal à l’aise. Elle n’aurait plus aucun soutien.
Elle toqua doucement sur la porte, puis entra malgré l’absence de réponse. À l’intérieur, elle trouva un capharnaüm sans nom. Tout avait été cassé, renversé, jeté. Cela ressemblait si peu à Rowen qu’elle prit la mesure de sa souffrance. Son angoisse augmenta, mais elle continua et s’approcha de la chambre dont la porte était entrouverte. Elle distingua la silhouette de Rowen sur le lit.
- Rowen ? murmura-t-elle.
Il ne répondit pas. Couché sur le côté, lui tournant le dos, Judith songea avec terreur que lui aussi avait peut-être mis fin à ses jours. Elle s’avança pour voir s’il respirait encore. Elle posa sa main sur son ventre mais n’eut pas le temps d’être soulagée, il se retourna brusquement et l’enlaça fermement, dans un geste empreint d’une rage tendre. Elle ne sut que dire. Elle étouffait. Elle ne parvint pas à se dégager, il était plus fort qu’elle. Elle avait rêvé de son étreinte toute sa vie, mais ne se sentit pourtant pas le cœur d’y répondre dans de telles circonstances. Elle sentait la présence d’Allegra et d’Iggy dans chaque vaisselle brisée. Elle contint ses larmes. Pleurer dans cette maison serait une insulte envers elles.
- Aucun mot ne peut exprimer à quel point je suis désolée, souffla-t-elle.
Rowen relâcha alors son emprise. Elle put ainsi voir son visage, autrefois si charmeur, éteint par la douleur.
- Toi aussi, tu me quittes ? demanda-t-il, la peine dans la voix.
Le cœur de Judith se serra. Dehors, le vent se leva plus fort, balayant la neige contre les carreaux de la fenêtre.
- Je pars pour Aimsir, rectifia-t-elle. Ce qui s’est passé est une preuve que je ne suis plus en sécurité ici. Ni personne d’autre qui me soit proche.
- Je sais. Un ami m’a dit autrefois : « L’ombre est partout, elle nous poursuit, même dans la mort ».
Judith hocha la tête. Elle attendit qu’il s’expliquât, mais fidèle à lui-même, il préféra rester énigmatique.
- Que veux-tu dire ?
Il détourna les yeux, semblant soudain très intéressé par ce qu’il se passait dehors.
- Les ruines dont tu m’as parlé, commença-t-il, as-tu remarqué un signe, un symbole quelconque ?
- Il y avait un triangle renversé à plusieurs endroits, en effet.
- C’est le symbole de l’Ombre.
Judith en eut le souffle coupé.
- Comment ?
- Il y a des siècles, ce temple était celui du pouvoir de l’Ombre, avant que son peuple ne rentre en guerre contre le reste du royaume et ne s’exile dans les montagnes. Lorsque tu arriveras à Aimsir, dis-leur d’aller y jeter un œil. Je suis prêt à parier que ceux qu’ils recherchent se cachent sous la trappe que tu as découverte.
Judith resta sans voix. Les questions s’empilèrent dans sa tête. Depuis quand était-il au courant, et comment, surtout, pouvait-il détenir une telle information ? Pourquoi n’avait-il rien dit ? Rowen sembla deviner ses interrogations.
- Je savais que ça allait finir ainsi, reprit-il. Pour Iggy. Je suis désolé que tu aies eu à supporter les conséquences de mes mauvais choix.
- Rowen, je ne comprends plus rien…
Il lui caressa le visage.
- Je sais.
- Ça suffit, dit-elle avec fermeté en repoussant sa main. Tu me dois des explications maintenant. Plus de pirouettes. Plus d’esquive.
Il soupira avec lassitude. Ses yeux se promenèrent quelques instants sur ce qui l’entourait. Il cherchait ses mots. Il commença à s’expliquer, mais ne confronta pas son regard avec celui de Judith pour autant.
- J’ai déjà été à Fenrir. Plusieurs fois. Je connais mieux ce peuple que la plupart des gens. Quand j’avais ton âge, moi aussi je suis allé visiter ces ruines avec un ami. À l’époque, le lieu n’avait rien de dangereux. Il n’existait probablement pas de repaire caché. Comme toi, j’avais remarqué le symbole récurrent en forme de triangle, que j’avais retrouvé à Fenrir, des années plus tard. En questionnant le peu d’habitants enclins à me répondre, j’avais découvert l’origine de ce lieu. Le lien était alors facile à faire entre Kerst, possédant un poignard à la lame noire, et Fenrir. Quand tu m’as raconté ton escapade, j’ai su qu’il trouverait un moyen de te le faire payer, puisqu’il avait raté son coup la première fois. Il avait besoin d’un pantin pour te voler ton arme, quelqu’un qui nourrissait des sentiments déjà malveillants pour toi, Ira étant déjà envoyée ailleurs. Je savais qu’Iggy, un jour ou l’autre, serait choisie pour ça. Que ça finirait ainsi.
- Tu es en train de me dire que Kerst est le Mystique de l’Ombre ? demanda Judith, abasourdie.
- C’est fort probable, en effet. Autrement, il n’aurait pas pu t’attaquer comme il l’a fait, ni posséder Iggy, même avec les autres armes sacrées.
- À t’entendre, on dirait que tu le connais personnellement, je me trompe ?
- Pas personnellement, non. J’ai une connaissance, en revanche, qui est assez proche de lui. C’est d’ailleurs pour cette personne que j’ai dû tenir ma langue depuis tout ce temps.
Judith se releva d’un bond, elle avait perdu son flegme naturel.
- Tu plaisantes, j’espère ? s’écria-t-elle. Tu as toutes ces informations depuis le début et tu les as cachées pour protéger une seule personne ? As-tu idée de combien de victimes ton silence absurde a-t-il fait ?!
- Je pense être bien placé pour le savoir, en effet, répliqua-t-il.
- Justement ! Enfin Rowen, qui peut donc être plus important pour toi que ta fille et ta femme ?!
- Je ne peux pas te le dire. Je ne sais pas s’il est hors de danger pour l’instant. J’ai déjà été trop bavard.
Le vent frappait en rafales énervées les murs de la maison, faisant vibrer les carreaux givrés. Judith, pourtant pleine de sang-froid, avait du mal à réfréner sa colère.
- Je ne peux pas croire que tu m’aies menti à ce point, lâcha-t-elle.
- Cacher la vérité et mentir n’est pas la même chose.
- Arrête, Rowen, arrête ! Nous tournons en rond depuis des mois, te rends-tu compte des conséquences de ton silence ?! Kerst et Ira vont finir par avoir un avantage inarrêtable sur nous, que vont-ils en faire à ton avis ?!
- Je te l’ai dit, ma vie n’est faite que de mauvais choix.
- Et tu penses que cela t’excuse ? Que cela t’autorise à céder au fatalisme ?
Il ne répondit pas. Il continua de la regarder avec ses prunelles grises éteintes, plein de tendresse et de regret.
- Je dois y aller, dit Judith d’une voix trouble.
Rowen battit des paupières en guise d’acquiescement. Judith toucha des doigts sa main puissante, rêche d’une vie de labeur.
- Attends-moi, d’accord ?
- C’est tout ce qu’il me reste, souffla-t-il.
Elle quitta la maison encombrée. Le vent la saisit à sa sortie, brutal. Les habitants, pourtant habitués au vent de Njord, couraient se mettre à l’abri. Les bourrasques soulevaient tout ce qu’elles pouvaient, envoyant des seaux, des filets, et de la neige, dans toutes les directions. Elles étaient à l’image du cœur de Judith, battu par une tempête ravageuse, destructrice, incontrôlable. Ses sentiments étaient brassés violemment dans ses tripes, à tel point qu’elle en avait la nausée. Elle tentait de se reprendre, elle avait pourtant un objectif clair à présent. Elle détenait des informations capitales qui étaient susceptibles de faire basculer les choses à leur avantage, pour une fois.
Elle sella son cheval et partit bride abattue en direction de l’est, en priant pour ne pas croiser une silhouette noire sur son chemin.
Lorsqu’elle parvint au château, deux jours plus tard, elle perçut immédiatement l’agitation qui y régnait. Elle fut accueillie par Adelle, Ostara, Elista, et une jeune femme à la peau dorée qu’elle ne connaissait pas. La princesse fit les salutations et présentations d’usage, c’est ainsi qu’elle apprit qu’il s’agissait de la guerrière déchue de Muspell, Dyme.
- Myhrru n’est pas ici ? s’étonna Judith.
Les trois femmes se regardèrent avec gêne.
- C’est une longue histoire, soupira Adelle. Viens, les domestiques vont s’occuper de tes affaires et de ton cheval. Nous avons besoin de parler. Il s’est passé des choses depuis que nous t’avons écrit la dernière lettre.
- C’est rien de le dire, renchérit Judith.
Elles s’installèrent dans le salon bleu. Judith admira les beaux meubles et l’atmosphère paisible de ce camaïeu apaisant. Une fois que le thé et les mignardises d’usage furent à disposition, Adelle expliqua à Judith l’évasion d’Ira, l’embuscade, l’altercation avec Dubhan, et enfin, la dégradation de Myhrru, contrainte au repos depuis.
- Nom d’une tempête, murmura Judith. J’ai de la peine pour Myhrru. Je ne pense pas que ce soit mérité.
- Je suis d’accord. Malheureusement, les sentiments et leur subjectivité n’ont pas leur place chez les militaires. Elle a commis plusieurs fautes que même le capitaine ne pouvait couvrir.
- Et ce Dubhan, qu’en est-il ?
- Il était le favori pour remplacer Myhrru, il restera simple chevalier.
- C’est tout ? Une enquête est-elle en cours pour vérifier les accusations de Myhrru ?
- Non. Le capitaine estime que ce serait une perte de temps considérable pour un résultat incertain. Il est du genre pragmatique…
- Il ne me semble pas qu’envoyer quelques hommes dans cette auberge prenne beaucoup de temps, souligna Ostara.
- La Reine s’y oppose. Elle craint que l’information ne fuite et qu’un scandale n’éclabousse encore l’armée d’Hymir. Il faut dire qu’elle en a eu suffisamment ces derniers temps, je lui accorde… Elle estime que c’est secondaire. Elle est persuadée que si Dubhan sort en douce, c’est uniquement pour prendre du bon temps. Elle est bien trop occupée avec l’organisation de mon mariage pour se soucier de ça.
Adelle soupira avec lassitude et but une gorgée de thé. Judith croqua dans un chou à la crème, elle mourrait de faim, mais elle ne voulait pas passer pour la dernière des malpolies.
- Lars semble te laisser un peu de répit, remarqua Elista.
- Certes. Depuis qu’Ira l’a trouvé fouinant dans ma chambre et après mes remontrances, je pense qu’il a enfin compris que j’en avais assez qu’il soit en permanence derrière moi.
- Je croyais que tu ne voulais pas de cette union ? demanda Judith.
- C’est juste. Malgré toutes mes demandes, je crois que je n’y échapperai pas. Les seules solutions qu’il me reste sont un peu… Disons, extrêmes. Je suis apparemment trop bien éduquée pour y recourir, conclut la princesse avec un sourire de façade.
Elle se replongea dans son thé. Judith avala la dernière bouchée du chou et profita du silence pour se lancer.
Elle raconta les derniers évènements survenus à Njord. Au fur et à mesure de son récit, les visages de ses interlocutrices se firent blêmes, choqués, attristés. Lorsqu’elle fit part des révélations de Rowen, les sentiments qui animèrent leurs visages se firent plus complexes. Judith comprenait parfaitement. Elle patienta, le temps que les jeunes femmes digèrent la nouvelle.
- J’en déduis donc que Rowen savait depuis le départ où se cachaient Kerst et Ira ? Et il connaît un de leurs complices en plus de cela ? résuma Adelle.
- Qui est-ce ? demanda Elista.
- Tu as parfaitement compris Adelle. Il a refusé de me donner son nom, en revanche. D’après lui cette personne serait en danger. Je suppose que quiconque dans l’entourage de Kerst l’est, d’une manière ou d’une autre.
- Il faut immédiatement en informer le capitaine, dit la princesse en se relevant. Il faut envoyer un détachement dans ces ruines.
- Attends, Adelle, l’interrompit Judith. Lorsque je m’y suis rendue, je pensais qu’une sorte de malédiction avait failli avoir ma peau. Maintenant, je suis convaincue qu’il s’agissait de Kerst. Il faut s’attendre à ce qu’aucun de vos hommes ne revienne vivant. Ne devrions-nous pas toutes nous y rendre, en tant que Mystiques ? Après tout, nous sommes les seules à pouvoir lutter face à lui. Il possède a priori trois éléments, mais il en reste quatre de notre côté.
- Trois, rectifia Dyme. Le « Mystique » du Feu est toujours introuvable.
- Il n’en reste pas moins que nous sommes à armes égales, non mieux, nous avons l’avantage avec une armée.
- Je vais faire part de ta suggestion au capitaine.
Une heure s’écoula avant qu’elle ne revienne, le visage fermé, l’air contrarié.
- Alors ? Qu’avez-vous décidé ? s’enquit Ostara.
- Il est exclu que les Mystiques s’y rendent. Ils souhaitent d’abord envoyer un régiment en repérage, annonça Adelle.
- Autrement dit, au suicide, commenta Elista avec amertume.
Adelle hocha la tête avec dépit.
- Myhrru a insisté pour diriger l’opération.
- Comment ? Mais elle n’est plus lieutenant !
- Lorsqu’il s’agit d’envoyer des malheureux à la mort, il semblerait que le grade importe peu. Du moment qu’il y a quelqu’un d’assez fou pour se porter volontaire…
- Mais pourquoi ?
- Connaissant Myhrru, je suppose qu’elle veut retrouver son arme et récupérer son honneur.
Cela semblait être une bonne raison. Cela ressemblait bien à Myhrru. Pourtant, Judith ne pouvait s’empêcher d’espérer qu’ils changent d’avis. S’il arrivait quoi que ce soit à ces malheureux et à la Mystique de la Lumière, elle ne pourrait se débarrasser de la culpabilité de les avoir envoyés dans ces ruines maudites. La princesse s’avança vers la cheminée et se réchauffa les mains par habitude, perdue dans ses réflexions.
- Elle n’a plus rien à perdre, conclut-elle.
Encore un excellent chapitre. Très intéressant ce Rowen. Il a encore plein de choses à nous apprendre ^^
Quelques détails :
- C'était un peu rapide sur le suicide d'Allegra. J'ai relu le paragraphe précédent en me disant que j'avais raté quelque chose. Et c'est quasi certain, tes remarques sont peut-être trop subtiles ?
- "Le chef du village ouvrit la porte, surprit de trouver Judith sur le seuil. Elle leva la lettre au niveau de ses yeux." => SURPRIS
- Et soupirer de lassitude, est-ce que tout n'est pas dans le soupir déjà ? On soupire rarement de bonheur ou d'excitation, non ?
Vivement la suite !!!!
Oui Rowen est un petit coquin, j'aime énormément ce personnage qui n'a l'air de rien et pourtant...
Pour le suicide d'Allegra, je voulais créer une vraie stupeur, quelque chose de totalement inattendu et soudain, mais le traitement n'est peut-être pas idéal, je me suis fait la même réflexion à la relecture, je vais devoir le retravailler.
On peut soupirer de soulagement aussi! Mais je comprends ce que tu veux dire (d'autant que j'ai utilisé cette expression deux fois dans ce chapitre, oups!)
Merci pour tes remarques qui me font avancer sur mon écriture! ^^
A bientôt pour la suite!!