— Réessaye une dernière fois, puis on fait la pause, déclara fermement Nohan.
— Quoi ? Déjà ?!
— Oui. Prends ton temps pour sentir la magie qui te traverse afin de mieux la canaliser. Tu as tendance à trop te précipiter.
Thalion se retint de rétorquer qu’en plein combat, il pouvait difficilement prendre son temps pour se défendre. Et en même temps, il doutait d’avoir à utiliser un sortilège de duplication en cas de danger imminent.
Il inspira un bon coup avant de pointer sa baguette sur la figurine en bois devant lui. Thalion se concentra pour percevoir les picotements familiers qui lui parcouraient le corps. Il écouta les conseils de Nohan et prit son temps pour rassembler la magie jusqu’à la sentir du bout de ses doigts. Tout était parfait pour que le sort fonctionne.
— Digrapso ! lança-t-il, persuadé de réussir.
Malheureusement, comme les fois précédentes, sa magie flancha. À côté de la figurine ne se trouvait que quelques copeaux de bois. Il grimaça, frustré de ce nouvel échec.
— Tu y étais presque ! le réconforta Nohan.
Si Thalion ne le connaissait pas aussi bien, il aurait interprété sa bienveillance comme de la moquerie ou de l’hypocrisie.
— Ouais. Bientôt, la figurine apparaîtra démembrée.
Son sarcasme fit soupirer son ami.
C’était toujours pareil. Au moment où le magérien prononçait l’incantation, sa magie devenait… inconstante. Comme si elle lui glissait entre les doigts. À chaque fois que Thalion apprenait un sort, il devait comprendre les nouveaux mouvements de sa magie afin de l’apprivoiser. À cela s’ajoutaient ses migraines qui lui mettaient des bâtons dans les roues durant ce processus.
Nohan rassembla les copeaux de bois pour les jeter dans le feu de cheminée.
— Tu finiras par y arriver. C’était la même chose pour le sortilège d’immobilisation.
— Je sais bien que je finirai par maîtriser ce sort. Ce qui m’agace, c’est de mettre trois fois plus de temps que les autres pour y parvenir !
Les épaules de Nohan s’affaissèrent pendant que le regard du maudit se perdait dans les flammes, à l’image de la frustration qui bouillonnait en lui.
Tous deux assis sur le tapis près de l’âtre flamboyante de leur chambre, Nohan l’aidait à s’entraîner pour maîtriser ce nouveau sort. Comme toujours, les résultats n’étaient pas au rendez-vous, mais Thalion comptait bien changer ça grâce à la solution qui s’était enfin présentée à lui.
— J’espère que les filles trouveront les ingrédients manquants, dit Thalion.
— Elles avaient l’air confiantes…
L’expression contrariée de Nohan ne l’étonnait pas. Il avait toujours été sceptique par rapport à ce projet qu’il jugeait dangereux. Sa méfiance s’était accentuée en voyant la recette de la potion. En effet, le lendemain de leur escapade nocturne, les apprentis magériens s’étaient rendus en fin de journée dans un salon de l’académie, quand aucune oreille indiscrète ne risquait de traîner dans les parages, pour se pencher sur le grimoire. Alors qu’ils s’attendaient à des rituels ou des enchantements de grandes envergures, ils tombèrent sur des recettes de potions. Thalion avait été tellement déçu qu’il avait hésité à brûler le livre. Il avait déjà les potions de Mme Delacroix à ingurgiter, il devait une fois de plus servir de sujet d’expérimentation ? Quelle blague !
Comme ils s’étaient donnés du mal pour récupérer ce livre, Thalion accepta d’y jeter un œil. En analysant le contenu des recettes, ils constatèrent que c’était des potions de haut niveau. Elles ne faisaient appel à aucune magie noire – encore heureux ! – mais nécessitaient toutes sans exception des ingrédients difficiles à dénicher. Les conditions de préparation étaient hallucinantes. Certaines devaient être élaborées sous l’eau, dans le cœur d’un volcan ou au sommet d’une montagne pendant la foudre. À cela s’ajoutait les sortilèges runiques périlleux, comme si se démener pour des ingrédients rarissimes et risquer de finir rôti ne suffisaient pas. Si une rune n’était pas correctement écrite ou placée au mauvais endroit, le philtre pouvait se transformer en acide. Bien sûr, on ne s’en rendrait compte qu’après avoir bu la potion. Il y avait également des rituels à faire avant, pendant ou après avoir avalé la mixture comme purifier son corps, prier les dieux ou faire un sacrifice.
En écumant les pages, la détermination de Thalion s’effrita. Non seulement il ne trouvait rien qui correspondait à son problème, mais les recettes aux consignes alambiquées avaient de quoi donner la chair de poule. Ses amis et lui découvrirent la potion Graine de démon qui octroyait la force d’un démon jusqu’à ce que tu en deviennes un, la potion Âmes jumelles qui te permettait de lier ton esprit à un autre à condition que les deux personnes ajoutent dans la mixture un morceau de leur cœur, ou encore la potion Nuit noire qui t’accordait le contrôle des créatures machiavéliques à la lueur des étoiles uniquement si tu te laissais dévorer chaque jour par celles-ci, jusqu’à ce que Nékros vienne chercher ton âme l’heure venue. En somme, c’était soit suicidaire, soit inutile dans son cas.
La difficulté des préparations et le doute qui s’était installé s’évapora à l’instant où le regard de Thalion tomba sur la potion. Celle pour laquelle Shivana lui avait sûrement donné ce grimoire aux recettes vicieuses. Celle qui allait le débarrasser de tous ses problèmes. Appelée la potion « d’éveil », elle permettait de libérer la pleine puissance de l’individu en supprimant les blocages qui l’en empêchait, quel que soit leur nature. C’était exactement ce dont il avait besoin.
Par chance, la potion d’éveil n’était pas la plus compliquée du lot. Concernant le rituel, il fallait que le corps du buveur soit régulièrement purifié. Ça tombait bien, ses séances avec M. Pradel allait avoir leur utilité. Thalion était ravie que chanter pour être purifié ne soit pas qu’un terrible instant de gêne. Pour l’enchantement runique, Eris était la seule à prendre des cours de runes et d’être à même de comprendre les directives. Le sortilège était complexe mais la magérienne avait assuré qu’en potassant bien le sujet en amont, elle devrait y arriver. Thalion remerciait les dieux d’avoir mis sur son chemin des amis comme les siens.
Si certains ingrédients étaient trouvables sur l’île, d’autres ne s’obtenaient que dans des endroits bien précis, loin de l’académie. Cally avait assuré pouvoir récupérer une pierre d’outre-tombe et Eris s’était chargée des larmes de fantôme. De ce fait, pour les vacances de Yule, les filles étaient rentrées chez elles pour évidemment fêter Yule avec leur famille, mais aussi pour mettre la main sur ces ingrédients extrêmement rares. Thalion s’étonnait même qu’elles puissent en trouver, mais il leur faisait confiance. Quant à Nohan et lui, ils s’occupaient de surveiller la mixture qu’ils avaient commencé à préparer. L’ennui, c’est qu’elle devait impérativement rester exposée dans une nuit permanente, et selon différentes phases lunaires. La seule solution trouvée avait été de la cacher dans la salle d’Astrémi. Ils avaient dissimulé le chaudron à l’aide de sortilèges en espérant que personne ne tomberait dessus.
— Même si elles y arrivent, on n’aura pas rassemblé la totalité des ingrédients avant plusieurs mois, ajouta Nohan en le tirant de ses pensées.
— Je sais bien, soupira-t-il. Pour une potion de cette ampleur, je ne m’attendais pas à ce qu’elle soit prête en quelques jours.
— En attendant, tu peux compter sur moi pour t’entraîner ! À la rentrée, je suis sûr que tu maîtriseras ce sort.
— Ça, c’est certains puisque tu es là durant toutes les vacances, répliqua-t-il avec un regard lourd de reproches.
— Tu vas m’en vouloir encore longtemps ?
Il s’attendait à quoi ? Nohan aurait dû célébrer cette fin d’année avec sa famille, pas avec lui !
Lors du mois de décembre était célébré Yule. À cette occasion, toute l’académie était parée d’or, de rouge et de vert. Les murs éclatants accueillaient des ornements étincelants et des couronnes de pins. Les couloirs étaient parsemés d’Ariès poussant par-ci par-là. Ces fleurs étaient dotées d’un cœur argenté duquel naissaient septes pétales triangulaires rouge vif. Elles apparaissaient uniquement durant cette période, en l’honneur d’une vieille amie de la déesse de la nature, Tante Arie, une fée qui apportait des cadeaux aux enfants sages.
Les dortoirs n’y échappaient pas non plus. Sombrécorce et les autres arbres étaient soupoudrés de décorations, et les troncs parcourus de veines mordorées étaient entourés d’Ariès. Leur chambre était envahie de houx se mêlant aux lierres muraux et fleurs luminescentes, ainsi que de suspensions de gui. Un sapin trônait fièrement dans l’entrée, flottant quelques centimètres au-dessus du sol. Plutôt que d’utiliser un sortilège de lévitation permanent, ils l’avaient recouvert de poudre de fée. L’arbre scintillait d’or et était orné de guirlandes fabriquées par leur soin dans les ateliers proposés, faites de pommes de pin et d’Ariès. Comme pour Samhain, des bougies blanches incrustées de pierres naturelles éclairaient la pièce et dégageaient une odeur de cannelle et de girofle.
Le regard du magérien dériva vers les fenêtres bordées de givre. Dehors, les flocons de neige recouvraient la nature d’un manteau blanc et la température glaciale poussait les élèves à se tasser dans leur chambre, près du feu de cheminée. Mais demain matin, l’allée enneigée serait envahie d’élèves enhardis, se lançant corps et âmes dans des batailles de boules de neige et s’amusant à donner vie aux bonhommes de neige. Quelques fées et esprits d’hiver en profiteraient pour se glisser parmi eux et semer la zizanie.
D’ordinaire, Thalion rentrait chez lui pour passer Yule avec Berry. Sauf qu’il devait s’occuper de la potion nécessitant d’être régulièrement mélangée dans un sens précis, déplacée à des heures spécifiques et enchantée à plusieurs reprises. Si Thalion n’était pas aussi bon en alchimie et n’avait pas l’habitude des instructions tordues, la potion aurait déjà été recommencée dix fois.
Quoi qu’il en soit, il avait prétexté fêter le solstice d’hiver aux côtés de ses amis qui, en réalité, rentraient tous chez eux. Mentir à son tuteur ne lui plaisait guère, mais il n’avait pas le choix. Quel ne fut pas sa surprise lorsqu’il retrouva Nohan en train de lire sans se préoccuper de sa valise alors que Camille avait déjà décampé depuis longtemps. Ce menteur lui avait fait croire qu’il rentrait chez lui alors qu’au final, il restait à l’académie.
— Tu aurais dû rentrer chez toi, lui reprocha-t-il en croisant les bras, furieux.
— Moi aussi je suis content de passer Yule avec toi.
— Tu m’as menti.
— Au moins tu n’auras pas menti à ton tuteur.
— Je ne t’ai rien demandé.
— Je sais. C’est moi qui ne voulais pas te laisser seul.
Thalion soupira. Il en voulait à Nohan d’avoir sacrifié ce moment familial pour lui. Mais comment pouvait-il rester en colère quand son ami avouait des choses pareilles ?
Nohan ramena ses genoux contre sa poitrine, la mine soucieuse. Le regard interrogateur de Thalion le poussa à se confier.
— Tu n’as pas peur ?
— Je ne vois pas de quoi j’aurais peur, à part d’être surpris la nuit par un surveillant en allant à la salle d’Astrémi, ou que le chaudron soit découvert…
— Je parle des conséquences de la potion, Corvus. On ne sait pas précisément l’origine de ton mal, et après ce qu’a dit Shivana…
Aussitôt, le front de Thalion se plissa en se remémorant les mots du dragon. Apparemment, il serait lié à la disparition d’un dieu. Apocryphos, qui plus est. Franchement, c’était du grand n’importe quoi !
— J’espère que tu ne crois pas à ces inepties, Nohan ?
— Je ne sais pas… J’ai réfléchi et, si le dieu de la mort a disparu, peut-être que… qu’il a été tué…, souffla-t-il du bout des lèvres, comme s’il prononçait des mots interdits.
— Et alors ? s’emporta Thalion. Je n’ai rien à voir avec tout ça ! Tu m’imagines sérieusement m’en prendre à un dieu ?
— Non, bien sûr que non. Mais tes parents…
— Nohan…
— Shivana a dit…
— Arrête ! siffla Thalion.
Son ton hargneux fit sursauter Nohan. Ses mots restèrent suspendus dans l’air, mais son ordre avait davantage retenti comme une supplication. L’expression de Nohan s’adoucit. Thalion déglutit en détournant le regard vers le feu de cheminée. Il ne voulait pas que son ami lise dans ses yeux le doute que Shivana avait planté dans son cœur, ni à quel point ça le déchirait.
Ses parents étaient des gens bien. Thalion en était persuadé. Tous les souvenirs qu’ils lui avaient laissé le lui prouvaient. Il ne voulait pas salir leur mémoire et souiller son héritage. Son nom.
« Les Connor sont des magériens puissants qui ont toujours su laisser leurs traces dans l’Histoire. »
Oui, ses ancêtres étaient des mages exceptionnels qui avaient obtenu une place au Conseil ou qui avaient œuvré pour le bien du monde en faisant régner la justice. Son père était un hibou, un homme connu et respecté de tous, qui était mentionné dans tous les manuels d’astronomie. Sa mère était une femme formidable, une peintre talentueuse dont les toiles se vendaient à prix d’or sur le marché artistique. C’est comme ça que les Connor laissaient leurs traces dans l’Histoire. Pas en affrontant un dieu.
« Les Connor sont des magériens puissants »
Oui, c’était une lignée puissante. Ses parents étaient eux-mêmes des magériens puissants. Thalion était fier d’être leur fils. Il ne les imaginait pas aveuglés par le pouvoir. Son père n’aspirait qu’à étudier les étoiles, et sa mère à peindre. Il ne pouvait pas croire qu’ils auraient pris le risque de mourir et de l’abandonner à cause de leur ambition.
— Mes parents respectaient les dieux. Même furieux, ils ne se s’en seraient jamais pris à une divinité… murmura Thalion après un long silence.
— Peut-être… sauf si c’était nécessaire pour te protéger…
— Pourquoi Apocryphos s’en serait pris à moi ?
— Je ne sais pas, Corvus. Je n’ai pas toutes les réponses, mais tu ne peux pas nier que pour toi, ils l’auraient fait…
Thalion ne répondit pas. Son visage impassible était tourné vers les flammes qui dansaient devant ses yeux. Il aurait aimé pouvoir arracher son cœur et le regarder brûler dans le feu flamboyant. Ce serait toujours moins douloureux que les émotions qui le tiraillaient.
Même s’il ne se souvenait rien de cette nuit-là, il avait confiance en eux. Quoi qu’ils se soit passé, jamais ils ne l’auraient mêlé à un problème avec un Immortel.
Thalion prit une grande inspiration.
— Je n’y crois pas une seule seconde mais… même s’ils en étaient arrivés là, qu’est-ce que j’ai à voir là-dedans ? Apocryphos n’a rien à voir avec ma magie déviante ou mes migraines.
Oui. Le fait que, sans baguette pour la canaliser, sa magie le brûlait ou desséchait la nature n’avait rien à voir avec le dieu de la mort. Rien du tout. Pareil pour les résistances de son corps et ses maux de tête.
Nohan comptait répliquer quand quelqu’un toqua à la porte. Thalion fronça les sourcils. Qui pouvait bien passer en cette fin de journée ? Leurs voisins n’avaient plus de papier toilette ?
À côté de lui, Nohan bondit de joie. Ce soudain changement d’ambiance perturba Thalion.
— Ah ! Les cadeaux sont arrivés ! s’exclama-t-il en se précipitant vers la porte pour l’ouvrir.
— Les ca… Nom d’un lutin écervelé ! jura le maudit en portant une main à sa bouche, tandis que le domestique qui entrait déposait les présents près du sapin flottant.
Les cadeaux ! Thalion avait complètement oublié d’en faire pour ses amis ! Avec Berry, ils fêtaient Yule en préparant le repas ensemble et en s’offrant des gâteaux. Mais contrairement aux années précédentes, il n’y avait plus que le conseiller dans sa vie.
Thalion aurait pu sortir n’importe quelle excuse. Qu’il n’avait pas l’habitude de ce genre de chose ou qu’il avait été trop occupé pour y penser, mais ses justifications moururent dans sa gorge nouée par la culpabilité en voyant Nohan aussi heureux devant ses cadeaux. Son regard pétillait et son visage rayonnait en saisissant les paquets aux emballages colorés.
— Il y en a deux pour toi, Corvus ! l’informa-t-il en les mettant de côté pour les séparer des siens.
Thalion s’approcha du sapin et s’agenouilla à côté de Nohan pour examiner les cadeaux. Il ne pouvait s’empêcher de sourire, l’impatience et l’excitation faisant frémir son cœur. L’un venait de Berry. L’autre d’Eris. Même elle avait pris le temps de lui envoyer quelque chose. Il avait intérêt à lui offrir un présent en retour.
Il déballa en premier celui de son tuteur. C’était une boîte qui contenait des macarons à la fraise. Ses préférés. Son sourire s’agrandit en lisant le petit mot écrit avec. « J’ai hésité à les garder pour moi car tu as l’habitude de tout manger avant que je puisse y goûter. Mais j’ai eu de la peine pour tes amis qui doivent supporter ton sale caractère en ce jour de fête. Ne mange pas tout et partages-en avec eux, ils le méritent ! ». Du Berry tout craché.
Quant au cadeau de la magérienne, c’était un livre. Comment être moins grincheux. Du Eris tout craché. Nohan s’esclaffa en voyant le titre de l’ouvrage, jusqu’à ce qu’il vît celui qu’elle lui avait offert. Guide pour apprendre à nager. Cette fois-ci, c’était à son tour de rigoler.
Thalion partagea avec lui quelques macarons, puis l’observa ouvrir les paquets de sa famille. Nohan reçut de sa petite sœur de six ans un dessin – il fut très ému devant son talent artistique évident. De son père, il eut une veilleuse magique qui empêchait les possessions fantomatiques la nuit – M. Melvine aurait été traumatisé par une mésaventure de ce genre. De sa mère, un collier qui éloignait les mauvais esprits. L’œil en pendentif effraya Nohan, il le rangea dans son tiroir. Sa grand-mère lui offrit du pain d’épice – un vrai délice – mais le meilleur cadeau fut sans aucun doute celui de sa tante, un parfum nommé « fleur du désir ». Nohan était cramoisi, si bien que Thalion n’arrivait pas à calmer son fou rire.
Pendant que Nohan jetait les emballages en ronchonnant, Thalion essuyait ses larmes de rire. Tenant difficilement debout à cause de son hilarité, il s’était affalé au sol, près du sapin. Tout en reprenant son souffle, il en profita également pour se triturer les méninges à la recherche d’un cadeau à offrir à son ami. Qu’est-ce qu’il possédait à l’heure actuelle qui pourrait lui faire plaisir ?
Nohan se posa sur son lit parfaitement bordé, l’air nerveux.
— Sinon, à propos de ton cadeau... Il se trouve que…
— A… attends ! Je t’offre d’abord le mien.
— Tu en as fait un pour moi ? s’étonna Nohan.
Thalion prit un air offusqué devant sa nette surprise.
— Bien sûr. Tu pensais que j’allais oublier ?
— Venant de toi, ça ne m’aurait pas étonné.
Bon sang, il le connaissait trop bien.
Thalion se dirigea vers le tiroir de sa table de nuit, là où il avait rangé les deux bagues volées au club des objets magiques. Il saisit celle qui était venue à lui sans raison. Contrairement à la première bague, la deuxième était plus élégante et discrète. Sans savoir si ça lui plairait ou non, ni si elle était à sa taille, il la lui apporta en affichant un air plus confiant qu’il ne l’était réellement.
— Tiens, déclara-t-il en la lui donnant. Ce n’est pas grand-chose mais elle est plutôt jolie. Tu n’es pas obligé de la mettre, bien sûr, c’est juste…
Le visage de Nohan s’illumina, coupant court à ses explications. Voir cet air ravi le rassura. Son cadeau improvisé n’était donc pas si nul que ça.
— Tu me demandes en mariage, Corvus ? répondit-il en dirigeant son regard malicieux vers lui.
Pris de court, Thalion se figea, prenant peu à peu conscience de la situation. Trop préoccupé à chercher un cadeau, il n’avait pas pris le temps d’étudier le sens que ça pouvait avoir. Il voulut répliquer, mais il se mit à bafouiller. Ses mains devinrent moites. Il faisait si chaud, tout à coup ! Thalion avait envie de s’enterrer six pieds sous terre. Comment n’avait-il pas pu penser à la bizarrerie de la situation ?
Devant son trouble évident, Nohan éclata de rire.
— Je plaisantais, Corvus. Détends-toi. Eh, tu ne serais pas en train de rougir, là ?
— Pas du tout ! s’insurgea-t-il, piqué au vif. Pour info, je n’avais pas prévu de la prendre à la base, mais quand j’ai pris l’autre…
— L’autre ? Tu en as une deuxième ?
— Oui… Pourquoi ?
Le sourire de Nohan s’agrandit, ce qui ne lui indiquait rien de bon pour la suite. Il n’aurait peut-être pas dû lui apprendre l’existence de cette bague… Pourquoi n’avait-il pas fait un dessin comme sa sœur ? Nohan en aurait été ravi...
— Va la chercher ! lui ordonna-t-il d’un ton impérieux.
— Qu’est-ce que tu…
— Allez !
Devant l’insistance de son ami, il céda et la lui rapporta. Ses prunelles bleues étincelèrent en l’apercevant. Thalion supposa que la bague lui plaisait également.
— Tu ne la portes jamais ? l’interrogea-t-il.
— Non, tu peux la prendre si tu veux.
Nohan secoua la tête sans se départir de son air malicieux. Ses fossettes creusées et son regard pétillant lui faisait penser à un enfant sur le point de lui jouer un mauvais tour.
— Eh, Corvus, je te mets au défi de mettre la bague à chaque fois que je porte la mienne.
— Pardon ? s’exclama-t-il en dévisageant Nohan qui se régalait devant son air ahuri. Tu n’es pas sérieux…
— Oh ? Tu es gêné ? Tu redoutes les qu’en-dira-t-on ? Moi qui pensais que tu étais au-dessus de tout ça…
— C’est juste que…
— Ne t’inquiètes pas, je comprends que tu aies peur, c’est trop intimidant pour un magérien comme toi, pas vrai ?
Nohan éclata d’un rire espiègle, sans doute à cause de l’air furieux de Thalion et non de ses joues rougissantes. Son ami profitait clairement de la situation pour l’embarrasser. Thalion le soupçonnait de prendre sa revanche après son hilarité devant le parfum de sa grand-mère.
— Ça t’amuse de me mettre mal à l’aise, hein ?
— Les occasions sont rares, je n’ai pas pu m’en empêcher ! s’esclaffa-t-il. Mais je n’étais pas sérieux quand…
— Oh ? Tu te défiles ? Moi qui pensais que tu n’abandonnais pas si facilement…
Sa réplique le déstabilisa si bien que, pris au dépourvu, Nohan manqua de faire tomber la bague. Son expression hébétée amusa Thalion. Il avait voulu faire le malin en le titillant, soit. Maintenant, il était temps d’assumer.
Nohan ne mit pas longtemps avant de retrouver son air malicieux.
— Ne me dis pas que tu acceptes de…
— Tu me provoques et tu penses que je vais reculer devant ce défi ? Tu me connais bien mal !
— T’as pas intérêt à te débiner !
— Je ne suis pas un lâche ! Par contre, attends-toi à ce que les gens se fassent des idées, l’avertit Thalion en enfilant la bague sur un de ses doigts
— Tant pis ! On aurait qu’à leur montrer notre majeur pour mieux leur montrer !
Sa réponse arracha un sourire à Thalion pendant que son ami jubilait en imaginant la scène. Scène qui ne se produirait jamais car Nohan n’oserait jamais faire un tel geste.
Peu importe les retombées, Thalion n’était pas du genre à se dégonfler. Ce n’était pas une bague qui allait l’embarrasser. Lui, avoir peur ? Être intimidé pour si peu ? Jamais ! Quitte à la posséder, autant l’avoir sur le doigt que de la voir prendre la poussière.
Puis l’allégresse de Nohan retomba. La gaieté sur son visage s’estompa et son regard devint fuyant. La façon dont il se triturait les mains lui mit la puce à l’oreille.
— Qu’est-ce qu’il y a ? l’interrogea Thalion, curieux de ce changement de comportement.
— C’est juste que… pour ton cadeau…
— Tu as oublié ? Si c’est ça, ne t’en fais pas.
— Non ! Enfin, c’est que…
Nohan semblait hésiter à cracher le morceau. Ses yeux se posèrent brièvement sur son armoire. Thalion se dirigea immédiatement vers celle-ci, sans se préoccuper de la panique du magérien, et ouvrit le placard. Sur une pile de vêtement se trouvait une boite en plastique.
— Ne l’ouvre pas ! lui intima Nohan.
Bien sûr, Thalion ne l’écouta pas.
Dedans se trouvait ce qui pouvait s’apparenter à des sablés. Mais d’après leur apparence, Thalion n’en était pas certain.
— C’est… Enfin, c’était ton cadeau. Je les avais préparés il y a quelques jours au club de cuisine, s’expliqua-t-il devant sa mine perplexe. Sauf que je les ai ratés…
Voilà pourquoi il était mal à l’aise en évoquant son cadeau. Thalion fixa les biscuits qui ressemblait davantage à du charbon, avant d’en saisir un.
— Non ! N’en mange pas ! Tu vas tomber malade, le prévint Nohan en le voyant croquer dedans.
— Hm… C’est pas terrible. Complètement cramé. Tu as intérêt à faire mieux, la prochaine fois.
— La prochaine fois ? Au prochain Yule ?
— Non, la prochaine fois que tu en feras au club de cuisine. Tu ne vas pas te contenter de ça, quand même ? Tu continueras à m’en préparer jusqu’à ce qu’ils soient réussis. Fais gaffe, je suis un gouteur exigeant, conclut Thalion en gobant le sablé brûlé.
Nohan l’observa d’un air ahuri, avant de s’esclaffer.
— Tu es irrécupérable.
— Je sais. C’est ma plus grande qualité.
Les jours suivants, les deux magériens profitèrent de l’ambiance calme et chaleureuse de l’académie vidée de ses élèves. Ils participèrent aux ateliers proposées, fabricant des couronnes de l’avent ou cuisinant des bûches. Thalion prit conscience que Nohan était réellement maudit par le dieu des fourneaux lorsque le gâteau ressortit violet du four, et non marron chocolat. Les vacances de Yule se terminèrent dans la joie et la bonne humeur, et une nouvelle année débuta. Beaucoup d’élèves avaient pris de bonnes résolutions. Avoir de meilleures notes, être plus studieux, faire plus d’efforts. Thalion, lui, n’avait pas formulé la moindre résolution. Non pas que son comportement soit irréprochable, bien au contraire. À quoi bon se fixer des objectifs qu’il n’atteindrait pas ? C’était inutile. La preuve : l’année venait de démarrer et il s’apprêtait déjà à braver l’interdit.
— Ça te répugne tant que ça de me tenir la main ? chuchota Eris en resserrant sa prise, comme si elle craignait qu’il ne s’enfuie.
— J’ai juste une furieuse envie de me nettoyer la main au savon.
— Tu n’as pas autant chipoté avec Nohan !
— Ça n’a rien avoir.
— Bien sûr que si. Nohan fait toujours office d’exception.
— Tu me fais quoi, là ? Une crise de jalousie ?
Elle grommela pendant qu’ils arpentaient les sombres couloirs de l’académie, éclairés à la lueur de sa baguette. Finalement, si Thalion devait prendre une résolution, se serait de maîtriser ce fichu sort d’invisibilité.
Pour la deuxième fois, il se retrouvait à l’école la nuit plutôt que dans son lit. Tout ça dans le but de commettre un vol. Il y avait de meilleures manières de commencer l’année.
— C’est juste vexant à force, marmonna-t-elle.
— Pauvre de toi. Tu veux un câlin ?
— Oui !
— Non.
Elle le fusilla du regard. Depuis la réception de son cadeau, la magérienne essayait d’être plus tactile avec lui. Sans doute une façon de lui montrer son affection, n’étant pas douée avec les mots. Elle s’était attendue à recevoir un cadeau négligé ou ironique à son égard, mais Thalion avait décidé de la surprendre. Le talisman d’Espérance l’avait inspiré. Il était allé au club d’artisanat et avait acheté un collier fait à partir de cristaux. En découvrant le présent, Eris avait perdu toute son assurance et s’était mise à bafouiller. Elle ne savait plus où se mettre. La voir aussi perturbée était un spectacle rare, et Thalion n’était pas peu fière du choix du collier, collier qu’elle portait justement à son cou.
— Au lieu de chercher à me signifier ton amour immense pour ma personne, prends plus au sérieux ce qu’on va faire, lui intima le magérien.
Rejoindre la salle d’Astrémi la nuit, une salle généralement délaissée des professeurs, était une chose. S’introduire dans la réserve de M. Bobignon pour voler en était une autre.
— Mais je prends ça très au sérieux, se défendit-elle. J’en ai même profité pour écrire une lettre d’amour anonyme à déposer sur son bureau.
— T’es complètement tarée.
— Quoi ? Il ne sera pas là, autant en profiter !
— Ça, tu n’en sais rien. Certains professeurs se couchent super tard, apparemment…
M. Bobignon pouvait se trouver dans la réserve ou dans la salle de classe juste à côté pour n’importe quelle raison. Il pourrait être en train de pratiquer l’alchimie, faire des tests ou des recherches. Ou bien surgir à n’importe quel moment. Lui ou bien un surveillant, d’ailleurs.
— J’aimerais qu’on en finisse vite, soupira-t-il en bifurquant à gauche. J’ai entendu dire que depuis notre dernière intrusion, il surveillait plus étroitement sa classe…
— Ne t’inquiète pas. On n’a qu’une seule chose à prendre. Il ne se rendra même pas compte du vol !
Thalion l’espérait bien parce que s’ils se faisaient prendre…
Les deux magériens parvinrent à atteindre la réserve sans encombre. Comme leur dernière infiltration en début d’année, Eris s’agenouilla près de la poignée et commença à apposer le sortilège runique avec sa craie blanche. Elle avait gagné en expérience car ses tracés étaient plus nets, rapides et teintés d’aucune hésitation.
— Ça rappelle des souvenirs, ricana-t-elle.
— Concentre-toi, se contenta-t-il de répondre.
Thalion ne pouvait s’empêcher de regarder partout autour de lui, guettant la moindre ombre étrange ou sursautait dès qu’un son bizarre retentissait. Il avait la sensation d’être observé alors qu’il était toujours invisible, ce qui lui donnait la chair de poule. La crainte d’être découvert le rendait sur le qui-vive, mais moins ils traînaient, mieux ce serait.
Les runes inscrites sur la porte scintillèrent avant de disparaître. Thalion actionna la poignée et s’empressa d’entrer. Il lâcha la main de son amie pour allumer la lumière en tapant des mains. Les fleurs aux pétales dorées grimpant aux murs irradièrent pour éclairer la réserve. La pièce était petite, carrée, mais pleine à craquer. Il y avait juste assez de place pour circuler. Eris, qui était de nouveau visible, siffla d’admiration en observant les multitudes de fioles et d’ingrédients en tout genre. Le magérien reconnaissait que c’était impressionnant. Les étagères débordaient. Mais ils ne devaient pas perdre de vue la raison pour laquelle ils se trouvaient ici.
— Dépêchons-nous de récupérer cette plume de smurgh et barrons-nous d’ici.
— Chef, oui chef ! se moqua Eris avant d’entreprendre les recherches.
Thalion suivit son exemple et se mit à déambuler dans la pièce.
Le smurgh était un oiseau de la taille d’un aigle, doté d’un plumage multicolore similaire à celui d’un paon, en plus coloré. C’était un spécimen remarquable qui naissait la nuit et ne vivait qu’une journée avant de dépérir au coucher de soleil. Son caractère exceptionnel ne dépendait pas uniquement de sa vie éphémère qui accentuait sa rareté, mais aussi de ses plumes qui permettraient de guérir tous les maux. Et c’est bien pour ça qu’il en avait besoin dans la potion d’éveil. Cependant, même les experts peinaient à en voir un dans leur vie, alors ce n’était pas un apprenti magérien comme lui qui y parviendrait, surtout avec sa chance phénoménale. Récolter une plume de smurgh de ses propres mains était donc inenvisageable. Ses amis et lui comptaient se pencher sur le marché quitte à y mettre le prix, jusqu’à ce que Eris suggère de faire une petite visite dans la réserve. Lors de ses cours, M. Bobignon s’était déjà vanté de posséder des ingrédients d’une valeur inestimable tels que de la pierre divine, un œil de cocatrix, des cheveux de parisettes ou encore des écailles de vouivres. D’après ses fanfaronnades, ils pouvaient supposer que le professeur possédait également une plume de smurgh. Le groupe se mit d’accord pour que lui et la magérienne s’infiltrent dans la réserve. Nohan avait tenté d’y aller à sa place, mais Thalion ne l’avait pas laissé faire. C’était sa potion, à lui de prendre les risques.
Pendant que son regard circulait parmi les flacons remplis d’animaux morts, la voix triomphante d’Eris l’arracha de ses observations.
— Corvus ! Je l’ai trouvée, viens voir !
Thalion se précipita pour la rejoindre. Eris tenait fièrement la longue plume colorée entre ses doigts, le sourire aux lèvres.
— Elle était ici, lui expliqua-t-elle en désignant un tiroir ouvert contenant une myriade d’autres plumes. Ce n’était pas bien difficile, finalement !
— Ouais… Trop facile, même…
— Ne fais pas le pessimiste ! Allons dans la classe, maintenant.
— Quoi ? Tu veux vraiment déposer ta lettre sur son bureau ?
— J’ai l’air de plaisanter ? déclara-t-elle en se dirigeant vers la porte l’y emmenant.
Sans perdre de temps, elle réitéra le sortilège runique pour l’ouvrir, faisant la sourdre oreille aux protestations et aux avertissements de Thalion. N’ayant d’autre choix que de la suivre, il pénétra dans la classe après elle.
La pièce était plongée dans l’obscurité pendant qu’Eris se dirigeait vers le bureau. Elle slalomait en tâtonnant devant elle pour ne pas se cogner contre une table. On distinguait vaguement les silhouettes des meubles dans la pénombre, mais pour déposer un mot, il n’était pas nécessaire d’éclairer la pièce au risque d’attirer l’attention. Raison pour laquelle ils affichèrent une nette surprise quand un claquement de main réveilla les fleurs lumineuses qui arpentaient le mur. Avant d’avoir pu réagir, une voix s’éleva.
— Puis-je savoir ce que vous faites ici ? demanda M. Bobignon d’une voix sévère.
Eris se tourna vivement vers le professeur en cachant la plume et la lettre derrière son dos, tandis que Thalion se figea sur place. Mille gargouilles puantes. Il arrivait au pire moment.
— Je réitère ma question : que faites-vous ici ?
La magérienne se mit à bafouiller. La voir aussi déstabilisé était inhabituel. Le professeur était l’un des seuls à avoir cet effet-là sur elle. Et Thalion comptait bien s’en servir.
— Eris avait quelque chose à vous dire.
Le regard qu’elle lui lança aurait été hilarant dans un autre contexte que celui-ci. L’enseignant arqua un sourcil, les mains posés sur ses hanches.
— Et ça ne pouvait pas attendre l’heure de cours ?
— Non, vraiment pas. Elle est timide, vous comprenez… justifia-t-il en poussant Eris vers son bien-aimé malgré sa résistance.
— Mademoiselle Causack ?
— Je… euh… oui… C’est pour ça que j’ai demandé à Corvus de m’accompagner…
Pendant qu’elle tournait autour du pot, attirant toute l’attention de M. Bobignon, Thalion exécuta le plan de secours qui venait de germer dans son esprit. Le professeur n’était pas idiot. Il avait forcément compris qu’ils étaient venus chercher quelque chose dans la réserve. Ce n’était qu’une question de temps avant qu’ils soient contraints de lui remettre la plume dissimulée derrière le dos de la magérienne. La seule solution était d’en faire une duplication et de lui rendre la fausse. C’était le moment de voir si son entraînement avec Nohan durant les vacances avait porté ses fruits.
Posté juste derrière Eris, Thalion sortit le plus discrètement possible sa baguette en la pointant sur la plume qu’elle tenait fermement.
— Mademoiselle Causack. Venez-en au fait, ordonna M. Bobignon en croisant les bras.
— Je… C’est difficile pour moi, vous savez…
— C’est pour ça qu’elle a fait une lettre pour tout vous expliquez, intervint Thalion pour gagner du temps.
Si Eris avait eu le pouvoir de tuer en un regard à cet instant précis, Thalion était certain que son cadavre serait à ses pieds. Heureusement pour lui, ce n’était pas possible. À la place, la magérienne se pétrifia. Elle était devenue livide et semblait avoir arrêté de respirer.
— Eh bien, j’attends, mademoiselle Causack, s’impatienta-t-il alors que le silence s’éternisait.
Elle déglutit, avant de lui tendre la lettre. Pendant qu’il la dépliait, les joues d’Eris s’enflammèrent et Thalion se concentra. Prendre son temps était la clé pour réussir ce sortilège. Il fit de son mieux pour garder son sang-froid et canaliser la magie qui circulait dans ses veines. Quand il ressentit les fourmillements jusqu’au bout des doigts, il chuchota le sort avant que l’enseignant ne relève les yeux de la missive. La plume irisée se dupliqua et Thalion la rattrapa in extremis.
— Mademoiselle Causack, reprit M. Bobignon avec un regard plus doux, ce que vous me confiez est touchant. Mais je ne suis que votre professeur, et vous mon élève. Vous comprenez ?
— Oui… murmura-t-elle d’une petite voix, les yeux rivés sur le sol.
— Bien. Maintenant, dites-moi ce que vous faisiez dans la réserve.
Eris soupira, résignée à tout lui avouer, mais Thalion la devança en montra la fausse plume. Il ne se soucia pas du visage surpris de son amie, et prit un air peiné.
— Je travaille sur une potion de guérison pour mon chat. Il est très malade et j’ai pensé qu’inclure une plume de smurgh dans la préparation renforcerait ses chances de survie. Je m’excuse d’avoir commis ce vol, j’étais désespéré…
M. Bobignon saisit délicatement la plume et Thalion retint son souffle. Le regard sévère du professeur se fit plus compatissant.
— Je vois. Si c’était si grave, vous auriez dû m’en parler. Je vous aurai aidé.
— Vous n’êtes pas sans savoir que les professeurs ne m’apprécient pas, en règle générale…
— Dans ce cas-là, gardez en tête que je n’en fais pas partie. Vos intentions ne sont pas mauvaises donc je vais faire l’impasse pour cette fois. Mais sachez que je ne serai pas aussi indulgent si cela se reproduit. De plus, après votre frasque, je compte bien mettre des mesures contre les enchantements runiques…
— D’accord, merci beaucoup, monsieur.
Les deux magériens se dirigèrent vers la porte, impatients de s’en aller d’ici. Eris serrait la plume dans ses mains pour la dissimuler aux yeux de l’enseignant, une expression fermée sur le visage. Mais M. Bobignon avait une dernière chose à dire.
— Mademoiselle Causack ?
Elle se figea avant de tourner à moitié vers le professeur. Thalion pria les dieux pour qu’il n’ait pas remarqué la supercherie.
— Votre collier est magnifique. Vous devriez donner votre chance à la personne qui vous l’a offert.
Eris resta impassible quelques secondes, avant de prononcer ces mots qui lui glaça le sang :
— Merci du conseil, monsieur. Mais je songe plutôt à l’étrangler avec.
Puis ils déguerpirent.
Ils marchèrent en silence. Eris se trouvait devant lui, mais une aura menaçante émanait d’elle. Un frisson parcourut l’échine de Thalion. Il avait l’impression de se retrouver avec une bombe sur le point d’exploser. Après ce qu’il avait fait, il s’y attendait. Enfin, plus ou moins.
— La plume ? demanda-t-elle d’une voix froide.
— Je l’ai dupliquée pendant qu’il lisait la lettre.
— Je vois. Bien joué.
Thalion avait l’habitude de recevoir des insultes de sa part. Mais qu’elle lui fasse un compliment était mille fois plus effrayant. Il pressentit l’ampleur de sa colère qui allait s’abattre sur lui dans quelques instants.
Elle s’arrêta en restant dos à lui.
— Corvus ?
— Oui… ?
— Cours. Cours très vite et très loin. Parce que si je t’attrape, je te promets que tu ne ressortiras jamais vivant de l’académie.
Quand Eris se retourna, le regard qu’elle lui adressa était sans aucun doute le plus terrifiant qu’il n’ait jamais vu. Ses mots n’étaient clairement pas des paroles en l’air. Thalion comprit que s’il ne fuyait pas maintenant, c’était sa dépouille qu’on retrouverait le lendemain matin.
« Ça ne pouvait que bien se terminer » J’adore ce genre de phrase dans une histoire, je m’attends à ce qu’il se produise totalement l’inverse xD
Un peu de légèreté autour de la fête de Yule, on se concentre un peu sur la relation Nohan/Thalion. J’attendais avec hâte de découvrir la particularité de ces bagues, je sens que c’est pour bientôt !
Sinon, j’adore toujours voir Eris et Thalion ensemble, on ne s’ennuie pas ! Et la remarque du professeur sur son collier xD — J’espère que Thalion court vite, il a du souci à se faire si Eris devient plus effrayante que Shivana ^^
À bientôt pour la suite de cette fameuse potion !
J'adore ça aussi, surtout quand on sait à quel point Thalion a de la chance dans sa vie xD
Ahah, je te laisse découvrir qu'elle sera leur utilité !
C'est sûr qu'ils forment un duo de choc xD Ah ça, Thalion va devenir un grand sportif à ce stade !
Merci pour ton commentaire, à bientôt !
Autant c’est clair que Thalion est plus attiré par Nohan que par Eris, autant je me demande parfois si elle ne voit vraiment qu’un ami en lui ? Mais si fallait caser Thalion avec une fille, je le verrais plutôt avec Cally. Disons que ce serait marrant, quand on pense à quel point elle le fuyait au début. Mais. Bon. Thalion/Nohan, j’aime bien l’idée. Ils se complètent super bien.
Le coup des bagues, par contre, je le sens pas ! Ça m’étonnerait pas qu’elles soient enchantées. Les mettre au doigt sans en savoir plus, ça me paraît super risqué. J’ai hâte de voir ce que ça va provoquer !
Je m’attendais un peu à ce que Thalion ait juste à ouvrir son livre, lise une incantation et boom ! plus de migraine. Mais non, c’est plus compliqué que ça, ce qui est pas plus mal. Il va vraiment falloir mériter ce « remède ». Et je suis certaine que ça va provoquer plus de catastrophes que ça va en résoudre. Cette histoire avec le dieu de la mort disparu et la possible implication des parents de Thalion, c’est très intrigant… J’ai beau me creuser la soupière, j’ai pas vraiment d’idée quant à ce qui aurait pu se passer. La révélation sera forcément une surprise pour moi, ah ah.
Encore un chapitre bien chouette. Même quand c’est juste des scènes de la vie quotidienne, c’est jamais ennuyeux à lire. La découverte de l’univers, des perso, et l’évolution de leurs relations sont aussi sympa à suivre que l’intrigue.
Ah ça, je ne vais rien dire pour laisser les lecteurs interprétés ce passage et les relations entre eux comme ils le veulent et ne pas spoiler, mais j'aime beaucoup savoir ce que tu penses des relations entre eux !
Pour eux, ce ne sont que des bagues ordinaires alors forcément, ils ne se méfient pas x)
Ce serait bien trop simple si c'était le cas ! C'est clair que cette potion va leur donner un peu de mal, et n'est pas sans conséquences...
Si ça se devinait facilement, l'intrigue perdrait de son interêt x) J'essaye quand même de dissiminer des indices par si par là mais difficile d'établir un juste équilibre entre le trop au risque de gâcher la surprise, et le pas assez !
Je suis ravie que ce chapitre t'ait plu. J'aime beaucoup écrire les scènes de vie comme celle ci alors je suis contente que ça plaise ! J'essaie aussi de faire de mon mieux pour faire avancer l'intrigue en même temps ^^
Merci pour ton commentaire, j'espère que la suite te plaira !
haha j'aime bien la manière ton Reveanne te fait les retours. Je suis d'accord pour le décor. On revient dans ce chapitre un peu perdu..
Sinon j'ai bien aimé les cadeaux offerts par Erin à ses deux amis, ca m'a fait rire.
Je comprends la colère d'Erin mais en meme temps Thalion les a bien tiré d'affaire :-)
Et je suis sure que les bagues vont avoir un role à jouer à un moment donné en dehors de la relation Nohan Thalion., peut etre je me trompe
le mystère autour des parents. et du Dieu m'intrigue.
vive la suite!
À bientot
Je comprends, je viens d'ailleurs d'y remédier à l'instant. Je ne sais pas si c'est plus clair, en tout cas j'ai essayé de retravailler les décors.
Contente que les cadeaux t'aient plus !
Je te laisse le découvrir par toi-même en lisant la suite... ;)
J'espère que la suite te plaira !
Merci pour ton commentaire, à bientôt !
La relation avec Nohan évolue... et celle avec Eris aussi (quel bourreau des cœur ce Thalion!)
Le grimoire ne contient que des trucs de magie noire ou quoi? (mais les potions cités sont rigolotes tellement elles servent à rien XD)
Sinon... il y avait longtemps : Le décors a disparu! On ne sait pas où et quand on est, les personnages sont statiques, où sont les figurants? Bref on a perdu le décors en route.
Sinon, c'est quoi Yule? Noël? en plaçant un décors cela serait plus facile à comprendre car le sapin apparaît abruptement et disparait aussitôt.
L'absence de tout autres personnes que les héros donne une étrange ambiance, adultes et élèves ont disparu, c'est très inquiétant, il faut appeler la police!
Je comprends que tu focalises sur certains points, mais du coup ça donne une impression de vide assez dérangeante pour mon cerveau qui a bien du mal à visualisé les scènes.
Sinon, une réflexion en passant, pourquoi ne pas aller parler à l'infirmière de leur grimoire et de leur potion, vu qu'elle cherche aussi la potion miracle pour aider Thalion, elle aurait sans doute bien moins de difficulté à la préparer. (oui, il n'y aurait plus d'intrigue XD ).
Sinon : hâte d'avoir la suite. :)
Y a pas de magie noire dans le grimoire mais les potions sont pas sans danger pour autant x)
Mince ! Mes mauavaises habitudes sont revenues, je vais retravailler le décor dans ce chapitre. Effectivement, Yule, c'est comme noel, mais en détaillant le décor ça devrait en effet être plus clair.
Par contre, les personnages sont dans leur chambre donc difficile de faire intervenir d'autres personnages, mais je ne l'ai peut-être pas bien préciser.
Parler à l'infirmière du grimoire reviendrait à évoquer la bibliothèque, et même si elle est plutôt gentille, ils sont certains qu'elle n'approuverait pas une potion pareille, surtout au vue des autres recettes. Ils préfères garder ça secret pour pas s'attirer d'ennuis avec l'académie. Et puis l'intrigue effectivement il faut bien qu'il se passe des choses xD
Merci beaucoup pour ton commentaire, j'espère que le prochain chapitre te plaira !