Chapitre 3 (1/2) : vendue

Notes de l’auteur : J'ai dû couper le chapitre en 2 ^^ La seconde partie sera plus longue
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Le « moyen flottant » s'était arrêté depuis quelques minutes déjà. L'agitation au dessus de sa tête la rendit nerveuse. Cera serra les poings quand elle entendit la porte de sa prison s'ouvrir. Luna se laissa entraîner sans opposer le moindre signe de résistance. Son amie, quant à elle, montra dents et griffes au moindre rapprochement de ces étrangers. Elle ne se laisserait pas emmener si facilement. Malheureusement, un coup à la tête sonna sa retraite.

La jeune femme sentit à peine ses geôliers lui saisir bras et jambes. Son état de semi-conscience l'empêcha de voir le quartier pauvre de Galléan. Un quartier dans lequel insalubrité et criminalité se tenaient la main. Voir des hommes amenaient des femmes pour les prostituer ou pour les vendre était main courante dans cet endroit. Et pour les gens de la rue, ce défilé de femmes plus jolies les unes que les autres était un véritable spectacle pour les yeux.

La procession finit sa course derrière les murs du « Paradis perdu », un établissement à l'élégance remarquable pour sa position géographique. Les victimes furent prises en charge par des préparatrices dont la mission principale était d'embellir la marchandise. Elles aidaient à laver, raser, habiller et maquiller ces femmes venues d'ailleurs.

Cera se réveilla pour hurler sa douleur. Elle voulut promener sa main sur la chair qui brûlait à vif mais des lanières retenaient ses poignets. Son regard rencontra les yeux sombres de sa tortionnaire qui tenait dans ses mains une bande recouverte de ses poils. L'inconnue poursuivit son manège sur sa jambe et la chasseuse serra les dents. Elle ne s'attendait pas à pareille douleur à cet endroit de son anatomie. Elle ne comprenait pas pourquoi cette femme lui arrachait les poils avec autant de violence. Ils ne constituaient pourtant pas une arme !

 

- Pourquoi ?

 

Elle en venait presque à regretter sa situation sur le « moyen flottant ». Les yeux clos, elle essaya de s'imaginer ailleurs. Ses pensées l’amenèrent sur son île. Luxia. Ses aînées l'avaient nommée ainsi parce qu'elle recevait éternellement le soleil, même les jours de pluie. Elle retint difficilement ses larmes face au flot de souvenirs qui l'assaillit. Cera se revoyait en train de rire, de chasser... En compagnie de ses camarades, elle s'était forgée un passé inoubliable. Elle avait été heureuse.

La femme qui s'occupait d'elle vint cueillir du bout des doigts la larme qui lui échappa. Son sourire triste se passa de mots : l'inconnue partageait son chagrin.

 

- Où--

 

La jeune femme grogna de douleur en sentant de nouvelles brûlures sur ses jambes. Elle laissa sa tête retomber sur la table en métal. La fraîcheur des lieux lui procurait de désagréables frissons. Tout était froid ici. Stérile. L'atmosphère était lourde et silencieuse, rien à voir avec le bruit quotidien de l'île. Ses amies subissaient-elles le même sort ? Ou avaient-elles rencontré un sort bien plus funeste que le sien ? Cera frémit à cette idée.

A la fin de cette douce torture, on détacha ses pieds avant de l'attirer brutalement sur le bord de la table. L'inconnue lui intima d'un geste de la suivre et Cera obéit difficilement, ses mains étant toujours attachées à ces tuyaux qui se trouvait de part et d'autre de sa personne. Elle ne pouvait pas fuir.

Une serviette fut déposée sur ses épaules. L'étrangère disparut derrière elle puis elle sentit la lame sectionner ses boucles qui tombèrent une à une sur le sol. La jeune femme se défendit de pleurer. Seulement, la sensation de laisser une part d'elle-même derrière elle lui brisait le cœur. La chevelure faisait la fierté des femmes de l'île et bien qu'elle avait voulu les couper par le passé, Cera n'aurait jamais osé aller jusqu'au bout de son idée.

La brune suivit mécaniquement l'inconnue avec qui elle n'avait pas partagé un mot. Elles rejoignirent une nouvelle salle qui bourdonnait de monde. Les poignets détachées, la jeune femme ne cherchait plus à s'enfuir. A quelques mètres d'elle se trouvait des têtes connues. Elle reconnut Ely et Luna qui avaient revêtues des tenues pour le moins, particulières... La guerrière n'avait jamais vu autant de tissu sur une seule personne.

En ce qui la concerne, on lui fit enfiler une nouvelle peau de bête qui recouvrait à peine ses seins et son anatomie. Elle n'avait jamais rien porté d'aussi propre et d'aussi doux. Elle caressa lentement la fourrure de loup tout en observant la ruche dans laquelle elle se trouvait. On passait de l'une à l'autre pour poudrer un visage ou brosser des cheveux.

Cera voulut rejoindre Luna qui revêtait chaussure à son pied mais son avancée fut brusquement ralentie par une main. Elle se dégagea rapidement de la prise pour aviser du regard la personne qui lui avait arraché les poils et couper les cheveux. Ces pensées vinrent souffler sur les braises de sa colère.

 

- Laisse-moi tranquille, grogna-t-elle à bout de patience.

 

La jeune femme en avait assez d'obéir à ces gens qui ne lui voulaient pas du bien. A chaque fois que l'un d'entre eux la touchaient, elle avait l'impression qu'un parasite venait lui pourrir la peau. Elle en avait juste assez.

Elle poursuivit donc sa route jusqu'à ce que deux inconnues lui barrèrent la route. Les cheveux plus courts et la silhouette plus sèche, leurs apparences lui rappelèrent davantage ces individus qui les avaient arrachées à leur île. Le corps de Cera se tendit en réponse : s'ils attaquaient, elle serait prête.

La jeune femme ressentit comme une piqûre de moustique au niveau du cou, elle ne ressentit pas sa chute dans les abîmes.


 

*


 

La chasseuse se réveilla au beau milieu d'un brouhaha assourdissant. Des acclamations, des applaudissements... Le bruit se répercuta si fort dans ses oreilles qu'elle ne parvint plus à penser ou à réfléchir. En appuie sur ses coudes, elle avisa les lieux dans lesquels elle se trouvait. Tout était sombre. Suffocant. Elle dessina un cercle avec ses mains pour déterminer l'espace de sa nouvelle cage. Le souvenir de ses amies dans cette salle lui brisa le cœur : c'était probablement la dernière fois qu'elle apercevait leurs visages.

A l'extérieur de sa prison, une voix grave et nasillarde s'éleva dans la pièce. Pendant ce temps, Cera s'assura d'être en pleine possession de ses moyens : elle vérifia ses jambes, ses cheveux, son visage... Elle compta même ses doigts de pieds. Qui sait ce que ces gens avaient pu faire d'elle pendant son sommeil... La brune les savait capable du pire.

Maintenant debout, elle avança à tâtons et finit par rencontrer une plaque lisse. Ses mains explorèrent ce curieux élément, en vain. Il n'y avait pas d'issue de ce côté. La jeune femme s'apprêtait à faire demi-tour quand elle entendit le silence qui envahit sa boîte. Puis l'obscurité céda sa place à la lumière. Le voile s'envola pour la laisser seule face à une cinquantaine de visages inconnus. Elle disposa l'une de ses mains en visière pour contempler le monde qui lui fit face.

Le visage couvert par des masques, Cera ne parvint même pas à identifier la teinte de leurs cheveux. Près d'elle, elle vit un inconnu parler dans un étrange objet qui projeta sa voix dans toute la salle. Elle aurait pu s'en émerveiller si elle ne se savait pas l'héroïne de son fabuleux discours. Il la désigna de la main à plusieurs reprises puis s'adressa à son public de temps à autre.

La jeune femme frémissait de colère, ou peut-être de peur. Ces deux émotions se livraient bataille pour savoir qui l'emportera sur sa santé mentale. Elle serra les poings en voyant ces inconnus scander des inepties tour à tour. Cera aurait aimé comprendre leur langue.

Son regard glissa sur une silhouette en particulier. La voix de l'inconnu exigea le silence, un silence qui finit de mettre les nerfs de Cera à rude épreuve. Ses instincts de chasseuse la mirent en garde contre ce dangereux spécimen. Vêtu tout de noir, l'individu ressortait à peine de l'obscurité qui entourait le public. Pourtant, la jeune femme capta son regard gris à travers son masque de nuit.

Cette personne se différenciait des autres par sa prestance, par son éloquence. La brune n'avait pas besoin de comprendre leur langage pour remarquer cette dissonance par rapport à ces autres inconnus.

Sa contemplation fut brusquement interrompue lorsque le voile recouvrit sa prison. Elle se retint à la paroi quand elle sentit la cage glisser. On l'amenait ailleurs. Qu'allait-elle devenir à présent ? Cera appréhenda la suite avec beaucoup d'inquiétude.

Elle ne pourrait absolument rien faire s'ils se décidaient à l'attaquer. Le nombre de ses ennemis augmentaient de minute en minute, et bientôt, la vengeance qu'elle avait préparé risquait de devenir chimère. Sa promesse à Luna la faisait tenir mais pendant combien de temps encore ?

La lumière réapparut. Un bruit puis un courant d'air la firent réagir. Sa cage ouverte, elle rejoignit la sortie et se laissa attacher les mains. Elle n'était pas stupide au point de se rebeller dans l'immédiat. Elle devait d'abord sonder le terrain, évaluer les risques, avant de tenter quoi que ce soit. La jeune femme les laisserait mener le jeu pour aujourd'hui.

Elle releva la tête lorsqu'elle entendit des pas dans son dos. La rigidité de celui qui tenait ses chaînes l'empêcha de se retourner. Un frisson l'envahit à l'idée de se tenir dos au danger. Une voix tonna et on l'autorisa enfin à faire face à l'individu vêtu de noir.

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