Le lendemain, vers 11h, Alice monta dans le dortoir des filles, chercher des volontaires pour aider Lucas à cuisiner.
Elisa, Victoire et Mathilde jouaient au cartes, à côté de Leah. Cette dernière était sur son lit et regardait son ordinateur. Marie, elle, fulminait dans son coin. Toutes les filles s’étaient habillées.
Victoire portait un T-shirt noir à manches longues, un pantalon beige et ses Van’s rouges.
Mathilde avait un pull bleu marine avec un petit chat dans le dos, une jupe violette, des ballerines, et de ses chaussures sortaient des chaussettes blanches avec des étoiles roses.
Elisa était vêtue de son habituel sweat-shirt à capuche bordeaux et un jogging gris. Elle avait aux pieds des baskets blanches. Ou plutôt, ses baskets étaient censées être blanches. Maintenant, elles étaient d’une couleur plus grisâtre qu’autre chose.
Alice pris la parole:
-Quelqu’un pour aider Lucas à cuisiner ?
-On peut pas, on a pas terminé la partie, répondit Mathilde.
-Désolée, marmonna Leah, mais il faut que je finisse de lire cet article.
-J’arrive, déclara alors Marie en se levant, ça me changera les idées.
-OK, super ! s’exclama Alice.
Elles descendirent dans la capsule commune et tandis qu’Alice rejoignait son frère, Marie se dirigea vers Lucas qui coupait des tomates. Il portait un long tablier jaune par dessus son jean noir et son pull vert.
-Qu’est-ce que je peux faire pour t’aider ? demanda la brunette.
-Il n’y a que toi ?
-Chez les filles, oui.
-D’accord. Je vais voir chez les garçons. Peux-tu m’éplucher les oignons en attendant?
-Bien sûr.
Elle hésita, puis demanda :
-Tu as un autre tablier ? Je ne voudrais pas salir cette tenue. Elle est censée tenir plusieurs années…
Marie était habillée d’un top court, rouge et d’une jupe assortie. Ses bottines plates étaient noires. Au poignet gauche elle portait un bracelet argenté.
-D’accord, tu as une préférence pour la couleur, rouge ou...
-Rouge! Heum....rouge. S’il te plaît, se reprit la jeune fille.
-Tu es sûre ? Pas ça? dit Lucas en lui montrant un tablier d’une couleur qui se rapprochait du caca d’oie.
Marie lui arracha des mains le rouge et l’enfila rapidement en répétant :
-Non, non, le rouge est parfait !
La jeune femme se mit au travail et le cuisinier alla vers son dortoir, pour voir s’il pouvait trouver d’autres volontaires.
-J’ai besoin d’aide pour cuisiner la ratatouille… commença-t-il, mais Aaron l’interrompit :
-Beurk, de la ratatouille ! C’est dégoûtant !
-On verra bien si tu résistera à MA ratatouille, le défia Lucas. Il se tourna vers les autres. Sinon, des volontaires pour couper les courgettes?
-Moi, si tu veux, proposa Théodore qui éteignit sa console et descendit l’échelle pour le rejoindre.
-Super, merci.
Théodore suivit Lucas vers la cuisine. Celui-ci lui tendait le dernier tablier restant, le caca d’oie. Il le mit à contre-coeur. Même si son T-shirt noir s’était salit, ça aurait été moins embarrassant que de porter ce morceau de tissu d’un colori étrange. Quand il aperçut Marie, il esquissa un mouvement de recul. L’adolescente lui tournait le dos, elle ne l’avait pas encore vu venir.
-Tiens, déclara le cuisinier, voici les courgettes. Et, Théo, merci beaucoup pour ton aide, c’est très gentil de ta part.
Au moment où elle entendit le nom de son ex, Marie se retourna. Elle le vit s’approcher et se mit à fixer le sol, les larmes au yeux, et pas à cause des oignons. Pourtant, elle soupira d’un air résigné et continua sa tâche tout en tremblant légèrement de colère et d’angoisse.
-Ok, Marie, je pense que tu as assez coupé les oignons, met les dans une casserole avec les tomates pour en faire une sauce.
Malheureusement, les casseroles se rangeaient au-dessus de la tête de Théodore.
-Tu ne peux pas le faire toi ? tenta la jeune fille.
-S’il te plaît, fais un effort, tu peux bien tendre le bras.
Alors, elle se décala vers Théo et lâcha du bout des lèvres :
-Donne-moi une casserole.
Sans la regarder, il en attrapa une et la lui tendit. les deux jeunes gens continuèrent de s'ignorer pendant près d’une demi-heure, et le pauvre Lucas fut prit au piège entre ces deux têtes de mule qui ne pouvaient supporter l’idée de s’adresser la parole. Il finit par s’écrier :
-Mais c’est impossible ! Vous allez finir par vous parler quand même ?
-Je crains bien que non, désolé, rétorqua sèchement Théodore.
- Bon, moi, je ne peux pas travailler correctement dans ces conditions, alors vous quittez la cuisine et vous mettez cela au clair, pour que nous n’en parlions plus.
Les deux concernés s'éloignèrent du cuisinier, et montèrent timidement dans la salle de sport.
-Il n’a pas tort, soupira Marie une fois arrivée, on devrait mettre les choses au clair.
Elle parlait doucement, de manière incertaine et n’osait toujours pas le regarder en face
-Oui, il faudrait, approuva l’autre.
Un long et gênant silence s'installa. Ils prirent la parole en même temps.
-Tu sais que je t’ai beaucoup aimé… murmura Théo
-Notre relation avait peu d’importance… dit lentement Marie
Ils se regardèrent et rougirent.
Marie expira longuement et repris la parole.
-Ce n’est pas ce que je voulais dire… Mais tu m’as beaucoup blessée, et j’ai essayé d’oublier tout ce qu’il y avait entre nous. Je pensais que tu ne m’avais jamais vraiment aimée, alors je me suis convaincue que je ne t’aimais pas non plus. J’ai eu une période très difficile après tout ça, tu sais ?
-Oh… Je suis tellement désolé. Moi aussi, j’ai beaucoup souffert après notre séparation.
-Bon, le plus simple, c’est de ne pas en parler.
-D’accord, on essaye d'être amis et on arrêtes de s’éviter?
-Je veux bien te parler et arrêter de t’éviter mais je ne suis pas prête à être amie avec toi.
-Mais pourquoi ? questionna Théo.
-Je ne suis pas prête ! Avec tout ce qu’on s’est dit le soir ou tu m’as quitté...
-Mais, c’est toi qui m’as quitté ! En plus, tu viens de dire que notre relation n’avait pas d’importance pour toi !
-Faux ! Ce n’ai pas ce que j’ai dit ! J’ai dit PEU d’importance.
-Cela revient au même !
-Je te l’ai dit ! Je me suis mal exprimée, ce n’est pas ce que je voulais dire !
-Tu l’as quand même dit ! Et tu le pense !
-Bien sûr que non ! Tu racontes n'importe quoi !
Le niveau sonore montait petit à petit et ils étaient déjà passé de chuchotements à se parler plus franchement. Mais ils ne s’arrêtèrent pas là, et continuèrent de s’accabler de reproches.
Théo devenait rouge de colère, et les yeux de Marie brillaient. Elle était sur le point de pleurer.
Finalement, elle craqua et hurla :
-Je préfère ne plus jamais te parler ! Et ne reviens pas me voir si tu n’es pas prêt à assumer tes erreurs !
Et la jeune femme retourna dans sa chambre, en sanglotant.
Théo resta là, les bras ballants, incapable de comprendre comment cela avait dégénéré.
Marie arriva dans le dortoir et s’effondra dans son lit.
Les quatre filles présentes la regardèrent entrer en trombe dans la pièce et se recroqueviller sous sa couette. Elles s’échangèrent des regards inquiets, et se fût finalement Mathilde qui alla la réconforter la première.
-Il est quand même un peu bête, Théodore.
L’adolescente sourit à travers ses larmes.
-On l’est tous les deux…
La petite fille se jeta sur elle pour lui faire un gros câlin.
-C’est pas vrai ! Toi, t’es très intelligente ! Il t’as fait pleurer, alors il devrait être mit au coin!
Marie rigola tristement.
-Ne vous inquiétez pas pour moi, je vais très bien.
Aucune des filles ne crut à son mensonge. Marie sécha les larmes qui lui coulaient le long du nez et tenta de sourire, sans vraiment y arriver. Elle se redressa, fit signe à Mathilde de partir et se mit à réfléchir à un tas de choses. Cela commençait à lui donner la migraine et elle décida de faire une sieste. Dès qu'elle posa la tête sur l'oreiller, elle s'endormit sur le champ, fatiguée par sa crise de larmes.
Théodore, de son côté, était aussi tout chamboulé. Il descendit fébrilement dans le dortoir des garçons, ne sachant que penser. Il n’y avait que Gabriel dans la chambre. Celui-ci l’observait, l’air inquiet.
-Pourquoi tu me regarde comme ça ? Je n’ai rien fait de mal, dit le plus âgé.
-Tu sais que tout le monde est au courant pour Marie et toi ? répondit Gabriel.
-Quoi ? Comment est-ce possible ! Nous n’étions pas si bruyant !
-Sérieusement ?! Je vous entendais crier d’ici ! Il faut que vous appreniez ce qu’est la discrétion, tout les deux !
-Bon, d’accord, on a dû parler assez fort...
-Vous avez hurlé, oui !
-Désolé mais si elle refuse d’être sympathique avec moi c’est son problème ! Je n’y suis pour rien !
Les larmes au yeux, le jeune homme rejoignit rapidement son lit et reprit sa console. Gabriel, un peu gêné descendit et se mit devant lui pour le forcer à lui parler.
-Tu ne te sens pas bien ça se voit ! Juste dis-moi comment je peux t’aider, et si c’est en te laissant me battre à la console, c’est d’accord ! rigola le garçon.
Ceci était extrêmement rare de sa part, il n’avait jamais offert une victoire à qui que ce soit. Théodore ricana à l’idée de la fin de la série des innombrables succès de son colocataire.
-Je ne pense pas avoir besoin de ton offre pour te battre !
- Oh oh ! C’est un défi ? En garde Théodore !
Et ce qui était une partie de jeu vidéo se transforma en bataille de coussins.
Quelques minutes plus tard, Ulysse arriva dans la chambre des garçons et dit en rigolant :
-Mais quel bazar ! Sur ordre de ma sœur, tous dans la capsule commune ! Il faut organiser le rangement et le ménage.
-Pourquoi on devrait obéir à ta sœur ? interrogea Gabriel, on est en pleine bataille et je l’éclate !
-N’importe quoi ! répliqua Théo.
-Arrêtez vos bêtises ! Ma sœur est la Responsable de l’organisation et du ménage, le savez-vous ? Allez, venez.
Les deux garçons le suivirent.
Une fois arrivés, ils virent un grand tableau blanc collé contre un mur de la salle commune, à côté d’un canapé. Tous les astronautes s’étaient rassemblés sur le sofa, juste devant Alice. Elle avait mis un jean clair, un pull rose et court et elle portait dans ses cheveux blonds bouclés un serre-tête noir. Elle prit la parole :
-Alors, vous savez tous que je suis la Responsable de l’organisation et du ménage donc on va voir quelques points ensemble. Déjà, qui est responsable de quoi. Lucas, Responsable cuisine.
Elle prit un feutre et écrit « Lucas : cuisine ».
-Jeremy, Responsable pilotage. Leah, Responsable famille et tu aidera Lucas quand Mathilde et Aaron seront plus grands. Victoire, Responsable médecine en chef, avec Daniel comme aide.
Tout en parlant elle notait les rôles de chacuns sur le tableau blanc.
-Jessica, Responsable du potager.
En effet, derrière l’armoire à nourriture, il y avait une petite porte qui menait à un potager, dans lequel un grand nombre de fruits et légumes poussaient.
Elisa traduisit à sa voisine ce qu’elle serait chargée de faire et Alice continua.
-Pour la vie commune, on a Ulysse et Elisa.
Victoire jeta un petit coup d’œil à Elisa. Elle lui répondit par un un sourire complice. Alice reprit.
-Gabriel, Responsable de la salle de sport.
L’intéressé gloussa, il n’était pas très sportif.
-Pour gérer les stocks, de nourriture, d’eau et de matériel, ce sera Théodore. Et pour finir, Marie, tu t’occupera des habits et des gardes-robes.
L'intéressée se redressa et sourit gaiement, les vêtements et elle ne faisaient qu’un.
-Et moi ? demanda Aaron.
-Quand tu sera assez mature, tu aidera Jessica au potager, répondit Alice.
-Le potager ! s’indigna-il, mais c’est nul !
-Oui, on va avoir besoin de main d’œuvre.
-Mais je ne sais même pas parler anglais, comment je vais faire pour parler à Jessica ?! plaida le garçon.
-Je t’apprendrais, lui glissa Gabriel.
-Toi non plus tu sais pas parler anglais !
-Bien sur que si ! Je suis américain !
-Allez, c’est bon, intervint Alice, si tu n’aimes vraiment pas t’occuper du potager, on te changera de place, mais tu commenceras par ça.
-Et moi, vous m’avez oublié ?! s’offensa Mathilde, je veux être ta secrétaire, Alice.
-Ça tombe bien, car c’est ton futur rôle !
-Futur ? répéta la petite
-Oui, futur. Quand toi aussi tu sera assez mature. Bon, reprit la jeune fille, maintenant on va s’occuper des tâches ménagères. Lucas, tu en est dispensé, car tu fais les repas. Mais tu devras quand même ranger tes affaires et ton lit. Théo rangera le petit-déjeuner, Daniel le déjeuner et le soir je m’en chargerais. Pour mettre la table, j’ai désigné Victoire et Elisa. Gabriel et Aaron devront faire un peu de nettoyage dans l’après-midi. Marie lavera le linge et Leah l’aidera à le sécher. Jeremy tu fera le ménage chaque soir pour que la capsule soit propre le lendemain. Ulysse, Jessica, Mathilde, vous n’avez pas de tâches attribuées, mais vous devez aider un peu partout. Il faudrait aussi un plan de table. Je propose qu’on fasse par ordre d’âge et de droite à gauche en commençant par cette banquette.
Elle pointa la banquette la plus proche qui était celle de droite.
-Sauf Mathilde, continua Alice, qui sera à gauche de Leah. Maintenant, allez tous ranger vos chambres.
Après avoir entendu les ordres, les habitants de la navette spatiale se rendirent dans leur dortoirs respectifs.
Chez les garçons, après la bataille de coussins de Théo et Gabriel, c’était le bazar. Ils avaient réussi à trouer un oreiller, et des plumes synthétiques s’étalaient partout, il y en avait même dans le lit de Lucas, bien qu’il fût en hauteur. Les deux concernés ramassèrent en vitesse les coussins au sol mais Daniel fut le seul à avoir le courage de ramasser toutes les plumes qui s’étaient envolées. Chacun récupéra ensuite ses affaires et les mirent sur leur lit. Ils considérèrent qu’ils avaient terminé leur travail. Puis, ils vaquirent à leurs occupations.
Soudain, Lucas s’écria:
-Zut ! J’ai oublié de cuire la ratatouille ! J’y vais ! Appelez les filles, on va bientôt manger, termina-t-il en montant rapidement l’échelle.
-Je me dévoue ! dit Aaron.
Et il alla les chercher.