— Tu comptes hiberner encore longtemps ? me demanda Ariadne, taquine.
Je me tournai vers mon téléphone pour regarder l'heure. Quatorze heures. C'était plutôt bizarre d'être réveillée à une heure pareille en toute légalité dans l'établissement. Mais la réunion débuterait ce soir à dix-neuf heures précises.
Je me levai péniblement et m'assis tout en regardant notre chambre. J'étais encore toute engourdie et il fallait dire que dormir à huit heures du matin alors qu'on était, pour la première fois, autorisés à dormir de nuit, pas très malin.
Nous avions passé toute la nuit à discuter avec Mason de divers sujets.
Lorsque j'étais rentrée Ariadne n'était toujours pas là, ce qui me laissa penser qu'elle n'avait pas passé la nuit dans notre chambre. Finalement, Jess n'était jamais venu. Je soupçonnai d'ailleurs que cela était dû à ma présence. J'avais notamment appris qu'il avait un Montagne des Pyrénées nommée Daisy, ainsi qu'un cheval qui s'appelait Durillon (drôle d'idée). Il était sorti avec une fille, mais avait rompu parce qu'elle ne voulait rien de sérieux. Il m'avait aussi confié qu'il adorait les bandes dessinées et plein d'autres choses. Nous avons alors convenu de nous revoir aujourd'hui même à une heure du matin, puisque nous n'avions pas cours. Je ne sais évidemment pas pourquoi il a insisté pour que je passe du temps avec lui la nuit dernière alors que nous ne nous connaissions pas, mais je n'ai pas posé la question. Je préférais attendre avant de dévoiler ma suspicion au grand jour. Même si j'avais adoré passer du temps avec lui, et que pendant un certain moment je m'étais dit qu'il y avait un feeling étrange, ce n'était rien comparé à ce que je partageais avec Ariadne.
Je baillai en posant mes pieds sur le sol froid.
— Pourquoi tu me réveilles ? La réunion n'est que dans cinq heures.
Ariadne vint s'assoir à côté de moi en posant sa main sur mon épaule.
— Au moins comme ça tu pourras retrouver tes repères. C'est mieux que de devoir se lever pour directement étouffer dans un amphithéâtre non ? me dit-elle avec un sourire.
Je grommelai en me jetant sur mon lit.
— Dis moi. T'étais où hier soir ?
Elle me regarda, surprise, puis détourna le regard en se frottant les cuisses.
— Hier soir ? (elle déglutit puis me regarda d'un air désolé)
Je fronçai les sourcils puis gloussai. Adrian. C'était évident. Après tout c'était ma meilleure amie depuis que j'avais commencé à moisir ici. Je la connaissais mieux que moi-même.
Etant donné qu'elle ne voulait pas en parler, je décidai de ne pas insister plus que ça. Je me levai et me dirigeai vers la salle de bain. L'eau froide me fit le plus grand bien.
Je m'enroulai dans une serviette puis sorti de la pièce. Et force était de constater qu'Ariadne était ressortie. Je secouai la tête lorsque je l'imaginai avec lui.
J'étais à la recherche de vêtements propres lorsque j'entendis mon téléphone vibrer. Je me dirigeai vers celui-ci mais le numéro était inconnu. Il y avait trois messages non lus.
— Bonne nuit ;) Mason.
—On a une autorisation de sortie aujourd'hui, ça te branche pour tout à l'heure?
— Dis moi si tu me trouves lourd, OK ?
J'ignorai comment il s'était procuré mon numéro, mais alors qu'en temps normal la situation aurait dû m'effrayer, je trouvai cela plutôt gentil.
Je n'avais pas vraiment envie de sortir, mais la soirée d'hier avait été plutôt cool. Même très cool. Alors peut-être que je devais faire ce que m'avait dit Ariadne : Élargir mon cercle de fréquentations. Ce qui ne devait pas être très compliqué puisqu'il ne se limitait qu'à elle et cinq autres personnes que je voyais de temps en temps.
—Je me suis endormie comme une masse hier, mais c'était super, lui répondis-je.
J'hésitai quand même avant de taper la réponse suivante.
— Tu ne préfères pas faire ça en journée plutôt ?
Sa réponse mis plus de temps à arriver cette fois. Tellement de temps que je cru qu'il ne me répondrait pas.
— Désolé Rachel, j'aimerai vraiment, seulement ça ne sera pas possible. Ce soir d'accord ?
Pendant que je lisais, un autre message arriva.
— Ne dis à personne que nous nous sommes parlé ou quoi que ce soit d'autre, tu veux bien ? Ça restera notre secret ?
Et une situation bizarre, une ! Si je voulais garder ça secret ? Hm... non. Vraiment pas. Sans doute était-il le genre de type à sortir dans le dos de ses petites amies ? Quoiqu'il en soit, même si cela avait été sympa, cela m'évitait de sortir. J'adorais faire cela seule, mais accompagnée ? Je passe. Même si cela avait été sympa et que— Non. Ça sentait le roussi et le coup fourré.
En descendant les escaliers mon téléphone vibra de nouveau, mais je n'eus pas l'occasion d'y répondre.
— Pincez moi je rêve. Miss Wilkerson en personne qui sort de sa chambre pour autre chose qu'aller en soirée ou faire le mur. Tu as pris de nouvelles résolutions on dirait.
Sydney, quelqu'un avec qui je n'avais jamais vraiment fait connaissance était adossée à la rambarde de l'escalier. Elle jeta le mégot de cigarette qu'elle tenait avant de l'écraser de sa chaussure talon aiguille.
— Je ne suis pas là, je ne suis qu'une illusion provoquée par ta consommation excessive de drogues, dis-je d'un ton las.
Alors que je continuai mon chemin, elle me suivit.
Je fume des trucs tout à fait légaux.
— Tu fumes alors que c'est interdit. Ca remet en cause la définition même de la légalité dans ton cas, tu ne crois pas ?
Elle pouffa avant de remettre une mèche de sa longue chevelure rousse derrière son oreille, puis me regarda de ses sombres yeux noisette.
— Nous n'avons jamais eu l'occasion de discuter, toi et moi, me dit-elle. Ça te dirait qu'on passe du temps ensemble ? Ça serait sympa !
Quelque chose me disait que sa manière de passer le temps était très différente de la mienne. Mais, puisque je n'avais rien à faire, et que j'avais promis à Ariadne de faire des efforts avec elle. Soit.
— C'est vrai, reconnus-je à contre cœur. Tu as quelque chose en tête ?
Elle haussa les épaules puis se mit à réfléchir.
— Est-ce que tu as mangé ? On pourrait y aller d'abord, me dit-elle en désignant la cafétéria à l'autre bout de la cours.
— Allons-y alors, répondis-je en sentant mon téléphone vibrer de nouveau. Excuse-moi je dois décrocher.
Je décrochai sans regarder de qui il s'agissait.
— Arie ? Tu es partie bien vite.
— Je suis désolée, s'excusa-t-elle. Je voulais te prévenir. J'étais avec Adrian, et il organise une soirée. Il compte sur ta présence, tu viens n'est ce pas ?
Je me tournai vers Sydney.
— Adrian organise une soirée ce soir, lui dis-je et elle me répondit par un haussement de sourcils, comme si cela ne la surprenait pas.
— A quelle heure ?
— A quelle heure ? demandai-je à Ariadne.
— Juste après les cours. Avec qui es-tu ? me demanda-t-elle, suspicieuse.
— C'est juste Sydney, pas de quoi s'affoler.
— Sérieux ?! cria-t-elle d'une voix si aigue qu'elle me fit grimacer. Tu as finalement accepté de rester avec elle ?
— On m'a quelque peu abandonnée, la taquinai-je.
— J'ai bien fait alors, répliqua-t-elle. Je te laisse Rach', tu me raconteras ?
J'acquiesçai plus coupai le téléphone en souriant avant de voir des messages de Mason. Mais encore une fois, je ne les lus pas.
— Bon, obligation d'être à la soirée de ce soir. Ca faisait un bail, dis-je en me frottant les mains. Enfin quelque chose d'intéressant qui se produit.
Sydney bailla en me faisant un clin d'œil.
— Tu vas reprendre tes petites habitudes. Et moi aussi. Oo yorokobi no.
— C'est japonais? demandai-je en haussant un sourcil.
— Oui, confirma-t-elle. Ca veut dire "je suis folle de joie". Mon ex parlait japonais, alors forcément ça aide.
— Pourquoi est ce que ça s'est terminé entre vous ?
Elle fit une grimace puis se mit à réfléchir.
— Je n'en sais rien, il commençait à devenir bizarre. Je veux dire, il l'a toujours été, mais là, il n'était plus comme avant (elle haussa les épaules) j'avais pas envie de me prendre la tête. Alors je l'ai jeté.
Je fronçai les sourcils, cette fille était décidemment impitoyable.
— Tu ne lui as pas demandé ce qu'il avait ?
— A quoi bon ? Il ne m'aimait pas vraiment et moi non plus. Mais il était supportable. Jusqu'à un certain moment, elle baissa les yeux comme si elle revivait le moment et ajouta d'une voix rauque. Mais faut avouer que notre séparation m'a fait quelque chose.
J'inspirai avant de secouer la tête. Ce genre de comportement me dépassait. A quoi bon sortir avec quelqu'un sans l'aimer ? Je ne savais pas si j'étais la seule à penser de cette manière. Sans doute que oui. Puisque je n'avais jamais eu personne, en dehors des types que je rencontrais pendant les soirées.
Le reste du trajet se passa dans un silence que j'étais certainement la seule à trouver gênant. J'entrai la première dans la cafétéria et pris du chocolat chaud, une crêpe fourrée au chocolat et, après réflexion, un beignet au chocolat. J'allais certainement mourir d'un diabète d'ici deux ans, si tout se passait bien et qu'aucune pénurie de chocolat ou de sucre n'était à prévoir. Mais je m'en fichais, on n'avait qu'une vie après tout, et Ariadne me disait toujours qu'il fallait profiter du moment présent. Même si elle désapprouvait mon alimentation, à la fois trop grasse et trop sucrée.
Sydney quant à elle prit un café sans sucre, un jus d'orange et un donut. Ce qui était évidemment plus sain.
Je m'installai avec elle à une table au fond, avant de sentir pour la énième fois mon téléphone vibrer. Alors que j'étais cette fois-ci sur le point de répondre, je sentis quelqu'un se jeter à côté de moi.
Je tournai la tête et vis des yeux bleus me regarder fixement.
Je ne dis rien. Il fallait dire que je ne m'attendais pas à ce que Mason se trouve là, juste en face de moi, à me dévisager.
— Téléphone déchargé ? me dit une voix que je reconnus immédiatement.
— N-Non je... il est chargé, bredouillai-je en me tournant vers Mason.
Je tapotai ma poche pour le lui indiquer. Il sembla rassuré, ce que je ne comprenais pas. Je ne savais même pas comment il m'avait retrouvé, ni pourquoi. Nous nous étions rencontrés la veille, avions passé la soirée ensemble, le jour levé il avait proposé de se revoir tout en me demandant de ne pas révélé lui avoir parlé. Et voilà maintenant qu'il était paniqué parce que je ne répondais pas à ses appels. Et j'omets évidemment ce qu'il s'était passé avec son frère Jess la veille. Je ne savais comment ni pourquoi, mais j'avais une drôle d'impression lorsque j'étais à ses côtes, pas comme celle que j'avais eu avec Jess, mais c'était du même genre.
Après avoir sorti mon téléphone, il prit conscience que nous n'étions pas seuls et tourna les yeux vers Sydney.
— Excuse moi, je ne me suis pas présenté, Mason Melnik, se présenta-t-il en tendant la main vers elle. C'était d'ailleurs la première fois que j'entendais son nom de famille. Je ne me souviens qu'il l'ait mentionné lorsque nous avions discuté.
— Sydney Abe, répondit-t-elle en lui prenant la main d'une manière tellement aguicheuse que je me sentis gênée pour nous deux. Alors comme ça tu rejoins notre pénitencier en dernière année ? ajouta-t-elle d'une voix suave en lui caressant du pousse le revers de la main.
— Ca ne craint pas trop de mon point de vue, du moins, pour le moment, dit-il en lui lançant un sourire resplendissant, pas le moins gêné, c'est à ce moment là que je pris mon chocolat chaud-à-moitié-froid essayant de garder contenance. Et j'aurai toute l'année pour le découvrir.
— Tu pourras découvrir plein d'autres choses, dit-elle d'une voix rauque en lui lâchant la main.
Je buvais lentement, gorgée par gorgée, priant pour que ce moment s'arrête vite. J'ai voulu écouter Ariadne, j'étais servie.
— Finalement je reposai ma tasse et croquai dans le beignet fourré qui ne s'était pas encore refroidi. Mason se retourna alors vers moi.
— Donc Rachel, commença-t-il. Tu n'as pas lu mes messages.
— Non, lui répondis-je en mâchant, la bouche pleine.
À voir son expression j'avais dû répondre quelque chose comme «Fnônf »
Je haussai les épaules et avalai ma bouchée.
— Non, répétai-je simplement. Je n'en ai pas eu l'occasion.
— Je vois ça, dit-il en coulant un regard vers Sydney puis vers mon beignet, puis ajouta après avoir baissé la voix. Je te proposais une, heu, une sortie. Ce soir.
Je fini mon beignet et m'essuyai les mains et la bouche.
— Je ne peux pas, j'ai autre chose de prévu.
— Tu peux venir ! intervint Sydney.
— Venir où ? demanda-t-il en haussant un sourcil.
— Il y a une soirée ce soir après les cours. Tu pourras rencontrer du monde. Et on fera connaissance comme ça, ajouta-t-elle en posant sa main sur la sienne qui était sur la table.
— Merci pour l'invitation, répondit-t-il en retirant sa main. On se verra là-bas alors ? me demanda-t-il.
Alors que j'étais sur le point de répondre, quelqu'un vint s'adosser à la table, près de moi.
— Salut Wil'.
C'était Darren Junon. Il était beau garçon. Grand, brun, un vampire au regard ténébreux qui avait beaucoup de succès auprès des filles. Mais sans plus, il n'était pas à proprement parlé méchant, mais ce n'était absolument pas mon genre. Il avait une horrible personnalité. Il avait toujours espéré avoir une chance avec moi, mais c'était un vrai Casanova, il n'avait certainement pas l'habitude de voir des filles lui résister. J'avais alors la fâcheuse habitude de flirter avec lui avant de l'envoyer sur les roses. Ce n'était pas la meilleure façon de venger toutes ces filles au cœur brisé, c'était sûr.
— Darren, ça faisait longtemps.
— Beaucoup trop longtemps, dit-il d'une voix si rauque que j'en eu la nausée. Tu viens ce soir n'est-ce pas ? ajouta-t-il en se rapprochant.
Quelque chose dans sa voix me disait qu'il ne parlait pas uniquement de la fête.
— Bien sûr, comment manquer ça? répondis-je en faisant mon plus beau sourire et en inclinant la tête.
Sydney s'éclaircit la gorge et Darren sembla se souvenir de la présence de Sydney et de Mason et se redressa à contre cœur, non sans me lancer un regard lourd de sens qui me provoqua une descente d'organes.
— Pardonnez mon impolitesse. Sydney, tu es resplendissante, dit-il en la regardant (il ne fallait pas oublier qu'elle était sur son tableau de chasse, tout comme lui était sur le sien. Ils se complétaient parfaitement) Et (il regarda Mason en plissant les yeux puis lui tendit la main) Nous ne nous connaissons pas, je suis Darren Reed.
— Mason Melnik, dit-il.
— Tu dois être nouveau, un ami organise un truc sympa ce soir, tu pourrais venir. Ça sera l'occasion de faire connaissance.
Et ce fut la seule attention qu'il lui accorda.
— Donc, reprit-il en reportant son attention sur moi. J'ai hâte d'y être.
— Moi aussi, mentis-je.
— Bon, je vais aider Adrian à tout préparer. Wouh ! s'exclama-t-il. Ça va être super !
Puis il m'adresse un clin d'œil et s'en alla.
Lorsqu'il eu disparu de notre champ de vision, Sydney brisa le silence.
— Eh bien, commença Sydney. Il ne m'avait pas du tout manqué celui-là.
— Qu'est ce que tu veux dire ? demandais-je, perplexe. Tu n'étais pas sortie avec lui ?
— Si, évidemment (elle but une gorgée de café) mais sans plus. Il est insupportable.
— Eh bien ça ! s'exclama Mason en riant. Ce mec est génial.
Je croquai dans ma crêpe.
— Mais il est sexy, dis-je en sentant Mason se crisper. Même s'il me file la nausée. Dans certaines conditions passer du temps avec lui ne serait pas dérangeant.
Darren était un insupportable et stupide goujat, mais il fallait admettre que l'embrasser ne serait pas. Ce qui me dérangeait en revanche, c'était ses avances appuyées. Ni l'alcool ou la drogue ne pourraient me faire tomber amoureuse de lui.
— C'est précisément en pensant comme ça que je suis sortie avec lui, soupira-t-elle.
— C'est comme ça que tu passes ton temps en soirée pour rendre ta vie plus palpitante alors ? me demanda Mason sur un ton de reproche qu'il dû laisser s'échapper.
— J'ai dix-sept ans. Et je suis plutôt mature je trouve. Je sais ce que je fais, répliquai-je.
Mason s'esclaffa et je le fusillai du regard tandis qu'il me regardait comme si je l'avais trompé après seize ans de mariage.
— Je fais ce que je veux, dis-je d'un ton étrangement défensif.
— Bon, intervient Sydney. Si tu as fini, on devrait peut-être y aller ?
— Ouais, répondis-je en me levant, ma crêpe dans la main. J'espère que tu as un bon endroit à me faire découvrir.
— Tu vas juste a-do-rer !
Sur ce je secouai la tête et me dirigeai vers la sortie, Sydney sur les talons, après un « À la prochaine, shônen ! », me forçant à ne pas me retourner pour le regarder.
Je sortis de la cafétéria un peu à contre cœur. Même complétement à contre cœur. Je n'avais pas envie de passer de temps avec Sydney, mais je savais que ça me divertirait et ferait passer le temps plus vite, enfin, tout dépendait de l'activité qu'elle avait prévue. C'était l'occasion rêvée de faire semblant d'être une fille normale, qui appréciait sa vie normale, régie par des règles simples, où ce qu'on l'ont porte compte beaucoup plus que le nombre de lycans que l'ont avait tué. Et dans lequel je n'aurais pas à me poser des questions existentielles, ou à désirer une vie plus palpitante. Même si cette vie là ne m'irait évidemment jamais .
Appelez ça un moment de faiblesse ou d'ennui, quoiqu'il en soit, je la suivis.
Vingt minutes plus tard, nous avancions en direction du Lake Heritage à Bonneauville. Puisque nous habitions en Pennsylvanie, la ville des vampires par excellence. Dans le film Dracula.3000 que j'avais vu, la Pennsylvanie était une planète, ce qui était beaucoup plus cool. Ouvrir un établissement de vampire, dans un coin paumé d'une légendaire ville de vampires n'était pas pour moi la meilleure idée, mais au moins comme ça, nous étions près du lac. Souvent, lorsque je sortais de H.M et que je me fichais de me faire prendre, je me promenais aux abords du lac, évidemment lorsque ça se produisait, on me retrouvait sans effort puisque c'était le seul endroit où je pouvais aller en vingt minutes. Mais aussi étonnant que cela puisse paraître, ils renforçaient la sécurité de l'établissement alors qu'ils savaient pertinemment que j'adorais ce genre de défis. Peut-être m'incitaient-ils à fuguer, qui sait?
Sydney nous entraîna au bord du lac puis s'arrêta et se pencha, je me tournai alors vers elle.
— Tu m'as fait prendre un petit déjeuner copieux juste pour observer l'eau ? demandai-je.
— Je sais très bien que tu viens souvent ici, Rachel.
— Certes, dis-je avant de m'accroupir . Mais ce n'est pas que pour ça que nous sommes là rassure moi ?
Elle se tourna vers moi, un sourire en coin et c'est là que je le vis.
Ce fut bref, mais j'étais sûre d'avoir vu quelque chose se déplacer rapidement derrière elle. Je me dis d'abord qu'il s'agissait d'un ours. Mais un ours près d'un lac en Pennsylvanie ? Il y avait beaucoup de bestioles étranges, plus particulièrement près de là ou nous étions. Ce ne serait pas surprenant de voir le monstre du Loch Ness en sortir. Mais ce qui me paraissait bizarre et effrayant était le fait que ce que je vis ne ressemblait pas à quelque chose mais plutôt à quelqu'un. Un ours ne pouvait pas être aussi rapide, et n'était pas aussi petit. Et soyons clairs là dessus: les humains étaient plus dangereux que n'importe quel animal.
Je tentai alors de me rassurer en me disant que j'avais rêvé mais je vis un autre mouvement. Et la même silhouette. Je plissai les yeux, tentant de distinguer quelque chose malgré ma vue surdéveloppée, mais je ne vis rien. Et aucun autre mouvement ne se reproduisit.
— Tu as vu ça ? coupai-je Sydney sans savoir de quoi elle parlait. Juste derrière toi.
— Vu quoi ? me demanda-t-elle en suivant mon regard.
— Rien, répondis-je lorsque je ne revis aucun mouvement. C'est sûrement une bestiole stupide.
J'inspirai en me disant qu'il s'agissait sans doute d'un pédophile ultra rapide, d'un indigène enragé ou d'un cerf sous cocaïne. Quoiqu'il en soit j'abandonnai, après tout j'étais la meilleure du lycée, uniquement au combat certes, mais c'était le plus important.
Sydney sembla ne pas prêter attention à ce que je vis et continua à parler.
— Ça nous prendra environ une heure, j'ai regardé les avis sur internet. On pourra se gaver un max avant d'aller faire les boutiques à A&A Village Treasures, pas forcément pour acheter mais on...
— Quoi ? la coupai-je pour la deuxième fois.
Elle passa la main dans ses cheveux à la manière d'une actrice pour une publicité de shampooing avant de laisser retomber sa main.
— Là où nous allons, le Gettysburg Eddie's, c'est un restaurant cinq étoiles, à une heure d'ici en prenant le LL2.
Je me souviens à ce moment là d'avoir fait une grimace d'incompréhension en plissant les yeux.
— Tu m'as fait manger pour remanger après ? Pourquoi est ce qu'on est là alors ?
Elle sortit une carte bleue et l'agita dans les airs, triomphante.
— Nous devons les rendre lorsque nous franchissons l'enceinte de l'école. Alors je l'ai cachée ici. Sympa non ?
— Ouais, c'est cool. Mais est ce que tu es certaine que nous serons de retour pour dix-neuf heures ? m'enquis-je.
— Détends-toi, c'est à peine le début que tu te ronges déjà les sangs ! Nous allons manger, faire les magasins, mater de beaux garçons et revenir à nos ennuyantes vies.
— Vu comme tu as planifié notre sortie on croirait presque que ça se déroulerait de cette façon, un peu comme dans tous ces films puérils.
— L'espoir fait vivre non ?
Je haussai les épaules.
— OK. On mange et on fait une chasse à l'Homme. Ça te va ? me proposa-t-elle avec un sourire malicieux.
— Déjà un peu mieux, répondis-je en souriant en coin mon tour, me surprenant à la trouver plutôt sympa.
Nous prîmes donc le LL2 après une demi heure de marche à Outlet 2nd Stop, et puisque Sydney était la seule de nous deux à avoir une carte bleue, elle nous prit des billets. Le trajet dura, comme elle l'avait prévu, une heure. Durant lequel nous avions passé la moitié à traverser le Baltimore Pike. Sydney en avait profité pour se remaquiller tandis que moi j'avais trouvé un certain intérêt au bout de chewing-gum collé sur la vitre. Une fois arrivées à Gettysburg je commençai déjà à saliver, en voyant défiler les Mc Donald, KFC, le General Pickett's Buffet ou encore le Friendly's. En bref, ce coin regorgeait de restaurants, d'hôtels et de musées, ce qui à mon avis compensait le lugubre de l'immense cimetière national adjacent.
Finalement, nous descendîmes à l'arrêt Steinwehr Ave. At Queen St. Sydney qui venait de se réveiller avait du mal à émerger, elle commença à marmonner des insultes à propos de sa coiffure défaite et de son maquillage qui avait coulé tandis que je la charriai sur le fait d'avoir bavé pendant son sommeil. J'avais toujours pensé que les filles comme elles restaient magnifiques, même en dormant. Mais après l'avoir vue ainsi, je m'inquiétai de savoir à quoi je pouvais ressembler.
Adossée contre une cabine téléphonique je jouais avec l'ourlet de mon sweet tout en essayant de faire abstraction de cette étrange sensation d'être observée. Parce que cette fois-ci j'en étais certaine, nous étions suivies. Sydney qui se refaisait une beauté ne se doutait évidemment de rien. Lorsqu'elle se tourna vers moi, le visage rayonnant, j'eus la confirmation qu'elle n'avait rien remarqué.
— J'ai une idée ! Et si on allait là ? dit-elle, enthousiaste en pointant le centre commercial, en face de nous.
— C'est toi qui vois, chef, répondis-je d'un ton las.
— Allez, me sermonna-t-elle. Sois un peu plus enthousiaste ! Tu es vraiment épouvantable. Tu as dix-sept ans, sois un peu joyeuse; (je roulai les yeux) Tiens par exemple, plein de garçons craquent pour toi et tu n'en profites même pas. Quelques séances de pelotage et c'est fini ! (elle secoua la tête puis me regarda, déterminée) Tu sais quoi ? Je vais te redonner l'essence de la vie, tu ne te reconnaitras même plus !
Elle m'empoigna puis m'entraîna en direction du centre commercial tandis que je me débattais.
— Attends un peu ! Tu comptes me relooker ? (Elle me sourit) Vire cette idée de ta tête, je m'en sors très bien comme ça et je n'ai pas besoin de conseils vestimentaires.
— Mais oui, dit-elle en jetant un coup d'œil à ma tenue à travers son épaule. C'est clair.
— Non mais je rêve, soupirai-je. Je sais m'habiller, c'est juste que là (j'embrassai les alentours de mes bras) ça n'a aucun intérêt.
Finalement elle nous fit entrer au 20Twelve, où le nombre de zéros sur les étiquettes dépassaient ceux que j'avais pu accumuler durant toute ma scolarité. Elle prit un temps fou à chercher des vêtements susceptibles de lui plaire. Pour ma part, je trouvais que même habillée d'un sac en plastique elle serait restée aussi belle, mais ce n'était pas son avis.
— Il est fait pour toi ! s'écria Sydney en me montrant un bustier agrémenté de dentelles. Je te l'offre !
Je me voyais déjà dedans, mais comme elle l'avait dit ce n'était pas mon genre de mettre ce genre de choses au quotidien. Je secouai alors tristement la tête.
— L'hiver approche, m'excusai-je. Je vais attraper froid.
— C'est dans trois mois, l'académie est bien chauffée et (elle haussa les épaules) met le ce soir.
— Ce soir ? m'indignai-je. T'es cinglée ? Je vais passer pour quoi après ?
— Ou un autre soir... ajouta-t-elle avec un regard appuyé. Essaye le.
Je soupirai en le saisissant.
— Je ne fais que l'essayer, je ne le porterai pas. Ni ce soir, ni jamais !
— Oui bien sûr... répondit-elle avec un sourire coquin. Pas même devant Derek ? ou Adrian ?
Je la regardai en biais et elle éclata de rire.
— D'accord, tu vaux mieux que ça, je te l'accorde. Pas même devant cet autre garçon ?
— Quel autre garçon ? dis-je en feignant l'ignorance.
— Arrête, celui qui était avec nous. Mason je crois ?
Etrangement, sans savoir pourquoi, mon cœur se serra à l'évocation de son nom. Je me mis alors à me demander quels messages il avait bien pu m'envoyer.
— Oui Mason, et ben quoi ? répondis-je d'un ton las qui sembla la convaincre puisqu'elle leva les mains en signe de capitulation.
— Tu me surprends de jour en jour, Rachoute (elle pointa les cabines d'essayage du doigt) Va-t'en, et prends ça, ajouta-t-elle en me tendant un pantalon assorti. Tu m'en diras des nouvelles.
Après un long soupir, je me dirigeai vers les cabines d'essayage. Après avoir enfilé les vêtements, il ne fallait pas se le cacher, je fus agréablement surprise par le résultat. Le pantalon était noir et moulait mes formes sans être pour autant vulgaire, tandis que le bustier, de la même couleur, mettait ma poitrine en valeur. Cela ferait certes une bonne tenue, mais j'avais déjà suffisamment de raisons de me faire remarquer.
— Sydney, appelai-je. Tu peux venir voir.
En attendant qu'elle vienne je sortis mon téléphone et pris une photo que j'envoyai à Ariadne en écrivant « Je mettrai ma réputation en danger si je porte ça ? ».
Sa réponse ne se fit pas tarder et me fit sourire.
— C'est l'académie entière que tu mettras en danger ! Mais ça te va super bien, ACHÈTE LES ! JE DOIS VOIR ÇA EN CHAIR ET EN OS !.
— On verra ça, si tu es gentille ;)
Je fourrai le téléphone dans mon sac avant d'ouvrir le rideau de la cabine à la recherche de Sydney.
Mais je me figeai en croisant un regard métallique perçant.