Chapitre 4

Un homme était posté juste en face de ma cabine. Des cheveux noirs lui arrivant aux épaules lui tombaient devant les yeux et portait un sweet à capuche gris. Les mains dans les poches et un casque sur les oreilles. J'aurais pu penser qu'il était seulement en train d'attendre sa femme ou son mari. Mais il était juste en face de moi, la tête tournée vers ma direction.
Je tournai la tête, cherchant à voir si d'autres personnes avaient remarqué l'étrangeté de la situation, mais non. La musique O'Children de Nick Cave était diffusée. Tout le monde s'acculait à ses propres activités; des enfants couraient, une bande d'adolescentes gloussaient en regardant un garçon au loin, des vendeurs rangeaient des cartons tandis que d'autres encaissaient les achats. Plusieurs personnes profitaient des soldes. Mais c'était comme si rien de tout cela n'était réel. J'entendais toutes ces voix et j'étais bien consciente de l'agitation mais c'était comme si ces sons étaient lointains et irréels. J'avais l'impression que la présence de cet individu occultait tout le reste.
Soudain, il releva lentement la tête et je vis son regard perçant s'adoucir.
— J'ai trouvé ! s'exclama Sydney me faisant sursauter. Elle avait dans les bras un amas de vêtements hors de prix, et lorsque je tournai de nouveau la tête, le garçon avait disparu.
Je me demandais si Sydney l'avait également vu, ou si c'était encore une fois le fruit de mon imagination. Je devais faire une tête étrange puisque Sydney cessa de rire.
— Qu'est ce qui t'arrive ? me demanda-t-elle. Ça ne va pas ?
— S-si, bafouillai-je. J'ai juste eu... (je secouai la tête, inutile de lui raconter) rien. Tu as trouvé quelque chose d'intéressant ? dis-je en tentant de changer de sujet même si j'étais maintenant angoissée à l'idée de m'être fait stalker.
Sydney esquissa une moue peu convaincue qui lui donna un air de petite fille innocente qui ne lui allait pas du tout.
— Oui quelques trucs, répondit-elle en tripotant un jean. (Elle me regarda de la tête aux pieds) Ça te va plutôt pas mal ça d'ailleurs. Tu le prends alors ?
Je secouai la tête.
— Non, dis-je. C'est pas mon truc, je te l'ai déjà dit.
— OK (elle pointa son doigt sur moi) je le prends. Pour toi. T'as rien à répondre.
Je marmonnai une réponse inaudible en entrant dans la cabine d'essayage pour me changer.
Je m'étais sentie suivie depuis ma sortie de H.M mais maintenant que j'avais vu ce garçon devant moi, c'était comme si l'aura n'était pas la même. Comme si ç'a n'avait pas été lui dès le début. Comme s'il y avait plusieurs poursuivants.
Je secouai la tête et réprimai un frisson de dégoût avant de sortir de la cabine. Sydney était assise et attention : Elle n'avait rien essayé.
— Tu ne prends rien ? demandai-je.
Les yeux toujours rivés sur son portable elle pointa négligemment le doigt vers la pile de vêtements sur la chaise d'à côté.
— Tu les prends sans les essayer ? m'étonnai-je.
Elle hocha la tête toujours aussi intéressée par mes questions.
— Et si ça ne te va pas ?
Elle haussa les épaules en guise de réponse.
J'inspirai profondément avant de m'avancer vers elle pour regarder ce qui captait autant son attention, m'attendant à voir la photo d'un mec brun sexy au regard ténébreux. Mais ce ne fut pas exactement ça.
— De l'Aconit tue loup ? Pourquoi tu cherches ça ?
— Je ne sais pas (elle secoua la tête) quand j'ai pris mon téléphone c'est directement ce qui s'est affiché. Tu sais ce que c'est ?
— C'est une plante montagneuse, expliquai-je. Elle contient des alcaloïdes toxiques, dont l'aconitine, qui est un poison mortel pour l'homme et pour de nombreux animaux. On l'utilisait auparavant pour tuer des renards et des loups (je baissai la voix) Mais on dit qu'elle permet aux loups garous de reprendre leur apparence humaine, ça leur servirait comme une sorte de potion. Et d'autres disent qu'elle permet justement de les tuer ou encore de les rendre plus puissants. (Je secouai la tête) J'en sais rien, c'est vague. Je pense que ça dépend de l'utilisation. Et de qui la prend.
Sydney hocha la tête.
— On devrait directement le leur demander, plaisanta-t-elle. N'empêche, je ne sais  pas comment c'est arrivé là. Peut-être que quelqu'un à touché à mon portable au campus. Je ne l'ai pas utilisé depuis qu'on est sorties.
— C'est sûrement un loup-garou qui est venu te donner un indice sur la façon de les tuer, la taquinai-je. Il t'incite peut-être à les rejoindre !
Elle éclata de rire.
— Haha ! Une vampire-garou, l'aberration de la nature. J'attends de voir ça tiens, Rach', s'esclaffa-t-elle. Lorsque j'en verrai un je lui demanderai de me faire un louveteau.
— OK, dis-je. T'engages-tu à tenir cette promesse ?
— C'était pas vraiment une promesse, rigola-t-elle. Mais je m'y engage ! (Elle me tendit sa main, que je pris dans la mienne) Voici un serment inviolable !
— C'est pas un serment non plus.
— Oh, allez. Joue un peu le jeu ! s'indigna-t-elle. Si je le fais tu devras te teindre les cheveux en blonds-gris !
— OK OK, (je prie ma voix la plus grave) Je jure solennellement que mes intentions sont mauvaises. Et je m'engage à ne jamais rompre ce pacte-promesse sous peine d'être maudite et lycanthrophiée !
— Pas mal la référence à Harry Potter, Wilkerson. Je jure solennellement que mes intentions sont mauvaises. Et je m'engage à ne jamais rompre ce pacte-promesse sous peine d'être maudite et lycanthrophiée de même !
Nous fermâmes les yeux comme deux idiotes en pleine démence.
— Y a pas un rituel de sang ou un truc comme ça ? demanda-t-elle.
— En plein centre commercial ? demandai-je, sceptique. (Je secouai la tête) Nan.
Elle regarda autour d'elle avant de reporter son attention sur moi.
— Tu crois vraiment qu'ils feront attention à quoi que ce soit ? fit-elle remarquer, sceptique, en inclinant la tête.
— Dès que quelque chose sort de l'ordinaire ils se regroupent comme des hyènes. Ou des vautours. Ou les deux, peu importe. (Je secouai la tête et regardai l'heure sur mon portable) Seize heures quarante-cinq. On devrait penser à rentrer, c'est l'heure de pointe et la circulation risque d'être bloquée.
Tandis que je parlais je la vis jouer avec l'ourlet d'un vêtement d'un air distrait. Apparemment ce que je disais n'avais aucune importance à ses yeux.
— Détends toi, c'est à dix-neuf heures. Et puis on n'est pas encore allées au Gettysburg Eddies. (Elle arrêta subitement ce qu'elle faisait et émit un espèce de sifflement) Arrête ça !
Je froncai les sourcils et grimaçai.
— De quoi tu parles ? Arrêter quoi ?
Elle poussa un soupir las.
— De me regarder comme si j'étais une gamine capricieuse.
— Je n'ai jamais dit ça ! me défendis-je.
— Non, mais tu l'as pensé, souligna-t-elle.
Je retins un rire et hochai la tête.
— Peut-être.
Bon, soupira Sydney devant ma bêtise. On y va, on prend un truc à emporter, et puis après on rentre. Ça te va ?
J'inspirai en la voyant de diriger vers les caisses avec l'amas de vêtements. Après tout qui irait déjeuner à dix-sept heures ?
Je la suivi vers les caisses en réalisant que pour la première fois de ma vie j'avais tenu à arriver à l'heure. Je me mis à penser que la raison pour laquelle je me comportais toujours de manière désinvolte et immature était parce que j'étais toujours en compagnie d'Ariadne, alors peut-être qu'inconsciemment je comptais sur elle pour me recadrer. Ce qui était différent à cet instant précis. Sydney et moi étions toutes les deux des bombes à retardement et des aimants à problèmes, et je savais que si je me comportais comme l'adolescente écervelée que j'étais d'habitude, nous pourrions très bien nous retrouver toutes nues dans une camionnette en Corée du Sud. Cette pensée me fit sourire et je me mis à la place d'Ariadne qui devait constamment se faire un sang d'encre pour moi. En regardant Sydney tapoter du pied dans la file d'attente, je me demandai si c'était à cela que je ressemblais habituellement.
Après être passée à la caisse, Sydney me tendit les vêtements qu'elle m'avait choisie, refusant catégoriquement de me dire à combien s'élevait le montant de ses folles dépenses "insiste encore et je t'égorge" me menaça-t-elle après avoir protesté pour la centième fois.
En nous dirigeant vers ce fameux Gettysburg Eddies elle confia m'avoir offert une tenue pour la soirée de ce soir mais m'interdit de la voir avant d'être arrivée à Harrow Mayfair, je haussai les épaules et le lui promis. Sur la route j'eus encore les mêmes impressions d'avoir été suivie sans comprendre pourquoi mais avant de m'attarder sur ces pensées, nous arrivâmes à destination.
— Fait chier ! jura-t-elle. C'est fermé ! Mais c'est pas possible c'est une blague !
— C'est peut-être en rénovation ? proposai-je.
Elle donna un coup de pied dans une canette d'Ice Tea qui traînait par terre avant de gémir comme une possédée.
— Je l'aurai su sinon, elle me l'aurait dit.
Je haussai un sourcil.
— Elle ? demandai-je.
Sydney soupira avant de s'assoir sur une marche d'escalier.
— La propriétaire, Taya. C'est la mère de mon ex copain, celui dont je t'ai parlé. Malgré le fait d'avoir coupé les ponts, je n'ai pas pour autant cessé de venir ici. Taya a toujours été très gentille, et elle m'apprenait le japonais parfois. Elle est originaire de Kyoto, et n'a jamais cessé de m'en faire des éloges.Ca aurait été cool que tu la rencontres.
— Je suis désolée, dis-je. Mais je pourrai la rencontrer une autre fois. Et puis, peut-être qu'elle est juste partie en urgence, ce n'est pas si grave. Et d'ailleurs...tu n'as pas peur de le croiser en venant ici ? Je veux dire, ça risque d'être gênant. Je parle de ton copain.
— Ah ça je te le fais pas dire ! s'exclama-t-elle en riant. Mais non, il n'est plus là depuis longtemps, il fait ses études à l'étranger il me semble, ou quelque chose dans ce goût là. Taya m'a déjà proposé de venir passer les vacances chez elle, puisque sa chambre est libre. Mais j'ai décliné son offre. Je trouve ça malsain de dormir dans sa chambre alors qu'on est plus ensemble. Surtout compte tenu de ce qu'on y a fait, ajouta-t-elle avec une lueur malicieuse.
Je lui donnai un coup de pied en roulant des yeux.
— Epargne moi les détails glauques tu veux...
Sydney s'exclama devant ma mine écœurée.
— Je plaisante ! ricana-t-elle. Je n'ai jamais rien fait avec lui.
Je me retournai vers elle en la fixant d'un air incrédule. Puis la considérai sévèrement.
— Quoi ? C'est vrai, il ne le voulait pas, dit-elle en haussant les épaules. Enfin il ne l'a jamais dit, mais quand un mec veut coucher, ça se voit. Je n'allais pas le forcer. Et puis on n'est resté qu'un mois ensemble. C'est pas si terrible.
— Qu'un mois ? Je m'attendais à plus. Disons, un an.
— Oh non non ! Je te l'ai dit ! Je ne l'aimais pas plus que ça. C'est juste le seul garçon à avoir réussi à me résister, mais il a fini par me fatiguer. Bon, comme je te l'ai dit ça m'a fait bizarre. Je partais souvent chez lui et m'entendais très bien avec sa mère. Mais lui en soi... je l'aimais bien. Mais... non. Sans plus.
Je soupirai en secouant la tête, décidemment elle était vraiment incorrigible.
— Et par quel miracle avez-vous fini ensemble ? demandai-je. Le coup de foudre version vingt et unième siècle ?
Elle haussa les épaules en me souriant.
— J'en ai aucune idée. Il a fini par changer d'avis sans doute.
Sydney posa ses coudes sur ses genoux en tenant son visage dans ses paumes.
— Mais parlons plutôt de toi. Tu es constamment renfrognée, pas très agréable lorsqu'on te parle la première fois, le cauchemar des professeurs, imprévisible mais complétement déjantée. Comment se fait-il que tu n'aies jamais eu personne ?
— Occupée.
Elle me regarda en biais.
— C'est ça.
— Vraiment, j'en sais rien, c'est pas mon truc.(je jetai un coup d'œil à ma montre, pressée de m'échapper) dix-sept heures vingt. On se magne, parce que si je me fais coller dès le début de l'année par ta faute, tu me le paieras.
— D'accord, d'accord, on y va, céda-t-elle. Ca sera pour une prochaine fois, le Guettysburg Eddies.
— C'est ça, oui, une prochaine fois.
Puis nous nous dirigeâmes vers l'arrêt de bus à quelques minutes de notre emplacement. Et je réalisai que Sydney n'était pas aussi pénible que je l'avais imaginé.

 

 

Comme je l'avais prédit, le trajet du retour fut pénible; le bus était blindé à en suffoquer mais heureusement je réussis à me trouver une place pour éviter de passer une heure et demi debout. Parce qu'en plus de cela, la circulation aussi était bouchée.
Nous arrivâmes donc à l'académie vers les coups de dix-huit heures quarante-cinq. Mon acolyte de la journée s'en alla de son côté pour d'obscurs raisons tandis qu'il ne me restait qu'un quart d'heure à perdre, soit, dans la salle de réunion pour occuper la meilleure place pendant les cinq heures qui suivront. Ce qui serait plus sage et plus bénéfique. Soit à glander. Option qui me sciait d'avantage.
Seulement, étant donné le piteux état de mes pieds maintenant boursouflés et très certainement en voie de décomposition, je décidai de mettre les voiles sans détour vers destination.

J'entrai donc dans le bâtiment dont les murs blancs étaient toujours aussi brillants et aveuglants puis entrai dans la cour intérieure.
La fontaine a l'allure de gargouille ou de je ne sais quelle immondice émettait des bruits étranglés à cause de l'évacuation d'eau bouchée. Lorsque j'étais plus jeune j'avais l'impression qu'elle était vivante et je m'amusais à la surveiller du sommet de ma chambre. Avant bien sûr de la voir se faire démonter pour travaux.

Je montai donc les escaliers pour entrer dans l'amphithéâtre, celui-ci était situé côté opposé au bâtiment réservé aux dortoirs.

En avançant dans les couloirs bondés je fus malheureusement contrainte de constater que j'étais loin de pouvoir profiter du calme dont je rêvais. Je poussai donc la porte de l'amphithéâtre qui était évidemment en train de se remplir, et me dirigeai comme toujours vers les places du fond.

Je me laissai tomber sur le siège et m'affalai sur la table. Je n'étais vraiment pas adepte des séances de shopping.

Je sortis mon téléphone et décidai d'appeler Ariadne qui décrocha au bout de la troisième tonalité.

-Rachel ?

-Jusqu'à preuve du contraire, oui, c'est bien moi, répliquai-je.

Je l'entendis souffler.

-Où est ce que tu es ? Tu es rentrée ? Et, pitié, dis moi que tu as acheté la tenue que tu m'as montré !

Je jetai un coup d'œil au sac que j'avais négligemment jeté par terre.

-Oui malheureusement je n'ai pas eu mon mot à dire (je me redressai) je suis à l'amphi et je suis rincée. J'avais espéré que tu puisses me booster, tu sais, avec ton petit truc là (Je claquai des doigts) la motivation.

-Oh tu veux parler de cette petite montée d'adrénaline qui efface la fatigue lorsqu'on est ultra motivé et heureux de vivre ? Oh mais je vais t'en donner ma poulette : On a une soirée ce soir alors t'as intérêt à être en forme sinon je demande à Adrian de t'envoyer chercher le matos. Et si tu te fais prendre : Heures de retenue ! Ça te va comme motivation ?

Je poussai un soupir peu convaincu.

-Ok je suis en route. Je vais te requinquer ! Prépare moi le tapis j'arrive.

J'éclatai de rire en secouant la tête.

-Dis moi quand tu seras devant la porte, ça serait bête sinon.

-Mais oui bien sûr ça va de soi !

Elle raccrocha. En jetant un coup d'œil l'heure je vis qu'il était dix neuf heures moins cinq, je m'affalai alors sur la table et fermai les yeux. La dernière chose que je vis fût le rétroprojecteur en préparation.

Une odeur de terre emplit mes narines, en bougeant le visage je sentis une substance répugnante s'y coller. Je bougeai alors les doigts, arrivant difficilement à ouvrir les yeux, et sentis une longue grappe de plante. Je grimaçai en me secouant la tête et me redressai sur les genoux.

Je parvins à retrouver progressivement la vue. J'étais dans le Moon Hill, où j'avais passé l'été avec l'académie. Cet endroit porte ce nom en raison du trou en forme de lune au centre de l'une des collines, je trouvai qu'il ressemblait un écran géant, et je me demandai à quoi pouvait ressembler la lune si nous l'observions de là-bas.

Je regardai autour de moi tentant de comprendre comment j'avais pu arriver là. J'avançai jusqu'au pied de la colline mais n'essayai pas d'atteindre son sommet, son arc étant trop abrupte, quand soudain je revis la personne qui s'était posé devant ma cabine postée à quelques mètres de moi.

Plusieurs idées me traversèrent: Le frapper, le menacer, le torturer ou rester plantée là comme une démente. Ce que je fis fut plutôt simple à deviner.

Je le dévisageai, ne comprenant rien à la situation. Quand il releva les yeux, je vis que ceux-ci étaient de couleur céladon et qu'il me regardait de façon moins agressive qu'au centre commercial.

J'ouvris la bouche, sans savoir quoi dire, mais le garçon me devança.

-Inutile de me regarder comme si j'étais la Vierge-Marie, dit-il d'une voix grave et posée.

Je le regardai en haussant un sourcil.

C'est un rêve.

Je me souvins alors que j'étais à l'amphithéâtre en train d'attendre Ariadne et que je n'étais plus à Yangshuo. Même si c'était la première fois que je réalisai en plein rêve que je dormais. Mais après tout, le subconscient était quelque chose de très complexe.

Alors je décidai de ne rien lui répondre. Je ne sais pas comment je le regardais mais il pinça les lèvres et me dit d'un ton plus dur.

-Rachel Wilkerson, dit-il en butant sur mon nom de famille. Est-ce-que me reconnais ?

Reconnaître était plutôt flou comme terme étant donné que la seule raison pour laquelle que je le voyais était que le fait de l'avoir vu plus tôt. J'avais lu quelque part que le cerveau ne pouvait inventer personne dans les rêves. Cette apparition était peut-être la preuve que je l'avais vraiment vu ? Ou peut-être était-ce bien une hallucination, mais qu'il en avait quand même pris compte ? Un peu comme les amis imaginaires que nous avions étant enfant. Cela m'était arrivé de rêver d'eux sans pour autant les avoir rencontrés.

Je me rapprochai alors de lui pour le toucher en tendant la main et il me regarda faire sans broncher. Lorsque je posai ma main sur lui je fus surprise de sentir les battements réguliers de son cœur. Cela n'était pas sensé être possible, si ?

Il faisait une tête de plus que moi et me regardai comme un animal curieux, chose que je devais également faire.

Je retirai ma main et reculai de deux pas.

-Je t'ai vu tout à l'heure, dis-je en essayant d'adopter un ton détendu et sûr.

Je le vis contempler les lieux comme si c'était la première fois qu'il y venait, puis il hocha la tête.

-C'est ici que tu es venue cet été ? demanda-t-il.

-Oui, répondis-je, surprise par cette question. C'est... plutôt sympa comme endroit (je haussai les épaules) C'est reposant.

-Ouais, répondit-il en reportant son attention sur moi.

Il sembla chercher ses mots et soupira.

-Viens, marchons. Je déteste rester statique, lâcha-t-il en avançant sans m'attendre.

Même si j'étais convaincue de rêver, je me dis que, quitte à parler à une de mes créatures imaginaires. Autant commencer par les bases.

-Alors, dis-je en l'ayant rattrapé. Qui est-tu ?

-Isaac, répondit-il. Tu peux m'appeler Isaac. (il jeta un coup d'œil vers moi) Il est cool... ton rêve.

-Est-ce-que je t'ai rencontré? demandai-je brusquement.

Il remit une mèche de cheveux derrière son oreille et inspira.

-D'après toi ?

-Je pense que j'ai des troubles psychiques (je haussai un sourcil) rien d'étonnant d'ailleurs. Dans la mesure où je vis dans une académie de vampires dans laquelle j'enfreins toutes les règles.

Je le vis du coin de l'œil esquisser un léger sourire.

-Tu penses que je suis dans ta tête ? Comme une... entité?

Je fronçai les sourcils.

-Ça fait mal à entendre, dit comme ça, avouai-je.

-Encore plus à assumer, répliqua-t-il. Alors garde ça pour toi.

-On verra. Selon les circonstances.

Nous traversâmes un champs de fleurs violettes, et le vent frais fouetta mon visage. Le ciel était dégagé et la vue était sublime.

-Donc, tu es allée au centre commercial ?

Je voyais bien à sa façon de parler qu'il n'était pas sociable. Il devait employer une certaine volonté pour se forcer.

-Ouais.

Malheureusement, on était deux.

-J'y ai été contrainte. Par Sydney. Que je viens de rencontrer, dis-je en me coupant. Et (je réfléchis à quelque chose à dire) tout comme la soirée à laquelle je dois aller.

-Une soirée ? Quel genre de soirée ?

Je soupirai exagérément.

-Euh... Tout ce qu'il y'a de plus banal. De la musique, de l'alcool, du bruit, du bruit et du bruit.

-Si tu n'aimes pas ça pourquoi est-ce-que tu y vas ? demanda-t-il ?

Je haussai les épaules.

-Pour ne pas m'apitoyer sur mon sort (Je claquai la langue) et puis quand un voile se dépose devant tes yeux après onze shoots de Vodka c'est un peu compliqué de voir les mauvais aspects de la vie.

Il me regarda d'un air désapprobateur et je poursuivis:

-Surtout que je finis toujours par le regretter. Que ce soit avant, pendant, ou après ma cuite.

Il secoua la tête faisant virevolter ses cheveux autour de lui, et je remarquai que contrairement à la première fois, il avait rabaissé sa capuche.
Même si les garçons ne m'intéressaient pas, je savais reconnaître ceux qui avaient un charme. Isaac en avait un, mais, étrangement cela ne me faisait ni chaud ni froid.

-Ça ne me dit pas pourquoi tu le fais.

-J'y ai déjà répondu, répliquai-je en levant les yeux au ciel.

-Pas vraiment. On croirait avoir affaire à ces pseudo adolescentes dépressives de treize ans.

-Je ne suis pas en pleine crise de confiance si c'est ce que tu insinues.

Il regarda autour de lui comme pour imprimer les images dans sa mémoire et je me rendis compte nous avions débouché sur une plaine. Malgré le fait d'être venue ici, je me rendis compte que nous avions manqué les plus beaux endroits. Étant trop axés sur la ville.

Il s'arrêta soudainement et se tourna vers moi.

-Je vais devoir y aller (sa silhouette commença à se dissiper et il me regarda d'un air sévère) je sais que même si tu penses que je ne suis qu'un rêve, tu sais que j'existe. Ne cherche pas à me retrouver (je fronçai les sourcils) C'est tout bonnement impossible.

-Ah mais bien sûr, je vais sagement attendre que tu pénètres une autre fois dans ma tête. Surtout maintenant que j'ai eu la confirmation que tu existais, pensais-je.

Même si le fait de me l'avouer aussi facilement portait à croire qu'au contraire, il voulait que je le découvre. La situation était bizarre. Seulement une journée s'était écoulée depuis mon retour à l'académie et trop de choses s'enchaînaient.

-Tu es juste venu faire un contrôle de routine dans mon subconscient ? demandai-je.

-J'ai fait ce que j'avais à faire.

Et ce fut la dernière chose qu'il dit. Tout autour de moi s'assombrit et je recommençai à discerner le brouhaha de l'amphithéâtre.

Je me redressai et vis que j'étais bien de retour, j'entendis la voix d'Ariadne non loin de moi qui discutait avec certains étudiants, mais ce fut comme si je n'étais plus là. Je me frottai les yeux et posai une main sur mon front. Était-ce réellement un rêve ? J'étais convaincue du contraire, mais observant mes jambes, sensées être recouvertes de boue, et mes mains normalement égratignées à cause de la chute, intactes, je remis cette certitude en question.

Tandis que je fus sur le point de me poser d'autres questions, l'enseignant arriva et Ariadne se jeta à côté de moi en me lançant un sourire lumineux.

-Isaac, pensai-je.

 

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