– T'es sûre que ça va ?
Ces mots-là donnaient toujours envie à Camille de pleurer. Combien de fois aurait-elle voulu pouvoir y répondre très sincèrement que non, ça ne va pas du tout. Combien de fois s'était-elle finalement mise à pleurer avant de dire à demi-mot que non, ça ne va pas vraiment, non. Ses yeux se posèrent sur son ventre rond et elle pensa amèrement que peu importe comment elle expliquerait son état, ce poids-là ne partirait pas aussi facilement. Quand elle réussit à dire à sa mère qu'elle était enceinte et que non, elle n'allait pas avorter et pourquoi, parce que c'est trop tard, oui, parce que ça fait six mois et comment, car j'ai fait un déni de grossesse et de qui, un mec, juste un mec, oui maman, une aventure et non, je ne vais pas lui dire et non, je ne vais pas le garder et oui, j'en suis sûre maman et oui oui, j'en suis sûre sûre et oui bordel, arrête de me faire culpabiliser et bah ouais salut au revoir. Putain. Camille bloqua le numéro de sa mère et alla se coucher. Tandis qu'elle regardait le plafond, elle s'entendit dire :
– Toi au moins, je te ferai pas chier avec tes décisions de vie.
Puis, elle se demanda tout haut :
– Est-ce que tu me feras chier avec mes décisions de vie ?
Camille se redressa dans son lit avant de rallumer son ordinateur. Elle avait évoqué son envie d'accoucher sous X à son gynécologue (ou plutôt le gynécologue vu qu'elle ne l'avait vu qu'une fois. Celle qui la suivait précédemment avait déménagé dans la Creuse. La Creuse.) qui lui avait dit que c'était son choix. Mais elle avait bien remarqué que ses yeux semblaient vouloir la clouer au pilori. Camille tapa « accouchement sous X » dans son navigateur web et tomba très rapidement sur l'information qu'elle recherchait.
« L'enfant pourra demander, à sa majorité, à connaître sa mère et si elle donne son consentement, le secret de la filiation pourra être levé. »
Ah. Je ne veux peut-être pas de toi dans ma vie, mais toi... Sans savoir vraiment pourquoi, Camille se mit à renifler. Elle referma son ordinateur portable puis se faufila sous la couette en maugréant :
– Foutues hormones.
Me revoici après le marathon des Histoires d'Or, pour reprendre la lecture. Et wow j'adore comme tu tisses les pensées de Camille et y mêles peu à peu le dialogue avec sa mère qu'elle s'imagine elle-même dans le flot de questions - réponses. Ce cheminement hyper fort des mots, des émotions. Le déferlement, le sentiment d'être oppressé à cette si difficile question "ça va ?" quand non, clairement, ça ne va pas.
La voici devant tout cette indicible. La peur de dire tout ça à sa mère - et la rudesse que c'est pour elle de se trouver là, devant ce changement qui arrive inéluctablement après le déni de grossesse.
Et de l'échange coûteux avec la mère, on glisse vers le dialogue intérieur tout aussi complexe avec le petit à naître.
Vraiment, belle maîtrise ! <3
Je repasse tout bientôt dans le week-end pour continuer
Encore une fois un beau chapitre où tu saisis vraiment bien les difficultés de Camille. Je suis restée un peu sur ma faim car il est très court, mais du coup j'attends la suite avec impatience.
Merci pour cette lecture.