Chapitre 3

Notes de l’auteur : Accrochez vous bien !

La vérité jaillissait toujours quand on ne l'attendait pas.

- Je ne suis pas... vivant... articulai-je difficilement, une drôle de boule formée dans la gorge.

- Tu n'es pas mort, murmura-t-elle.

Elle essuya les larmes qui coulaient à flots sur mes joues. 

- Calme toi, me chuchota-t-elle, la voix légèrement tremblante.

- J- je ne suis pas m- mort, pleurai-je d'une voix coupée.

Elle prit mon visage en coupe, tandis que je fermai les yeux, inconsolable. 

Tellement de réponses à mes questions étaient sous mon nez dès le début...

Je reniflai, et fut pris de violents spasmes. Annie s'approcha, encore et encore, puis m'enlaça, glissant ses mains autour de mon cou, tapotant régulièrement ma nuque. Je reposai mon front sur son épaule, relâchant la tension de mon corps entier.

Mes pleurs doublèrent alors d'intensité.

- Chhh, calme toi.

- J- je...

- Tu n'es pas mort. 

Je n'étais pas mort. N'est-ce pas...?

***

J'avais mis du temps à me calmer. Et lorsque je l'étais enfin, j'avais un regard vide, et j'étais silencieux. Il faisait déjà nuit. 

Annie était assise en tailleur à côté de moi, et son silence complétait le mien.

Je réfléchissais. 

Il me semblait qu'au fond de moi, je le savais. Que... quelque chose paraissait évident. Que je ne voulais juste pas l'affirmer haut et fort. 

Néanmoins, je me rendais compte que je n'avais aucun pouvoir similaire à ceux d'Annie. Je ne pouvais pas contrôler de personnes à ma guise. Il m'était impossible d'être invisible à ses yeux ou de disparaître soudainement, comme elle l'avait fait, plusieurs fois déjà. 

- A- Annie...?

J'osai enfin briser le silence. Une idée venait de traverser mon esprit.

La rousse leva ses iris glacées en direction des miennes, signe qu'elle était toute ouïe.

- Maintenant, je suppose que je peux lire le contenu du cahier de classe ?

- Tu poses enfin cette question, soupira-t-elle, les traits de son visage détendus.

Elle se leva immédiatement, et je fis de même.

- On y va différemment cette fois-ci. Attrape ma main.

Je n'eus même pas le temps de réfléchir qu'elle agrippa ma main. La sienne était douce, plus petite que la mienne. J'adorais ce contact qui, malheureusement, cessa aussi vite qu'il avait commencé, car nous arrivâmes à la bibliothèque de l'école.

Je m'accroupis en même temps qu'elle et fouillai dans les étagères.

Trouvé.

- Vas-y, m'autorisa-t-elle lorsque je l'interrogeai du regard.

Lentement, j'ouvris le cahier de classe d'il y a deux ans. Je feuilletai, encore et encore, chaque page, observant chaque visage, chaque nom. Puis je tombai dessus. Sur ma photographie. Je passais un doigt tremblant sur mes cheveux couleur paille, mes yeux en amande couleur noisette, mon nez fin, mes lèvres pincées. C'était moi, Milan. En dessous de la photographie, il y avait mon nom complet.

Milan Rieger

Il y avait aussi ma date de naissance. J'avais dix-huit ans deux ans auparavant. J'en conclus que j'errais depuis deux ans, maintenant.

J'étais né... Le 25 décembre.

- Moi aussi, murmura-t-on derrière moi.

J'avais passé un doigt sous cette date, soulignant celle-ci, lentement. Je me retournai et croisai le regard brillant d'Annie, lisant par dessus mon épaule.

- Je suis aussi née le vingt-cinq, répéta-t-elle.

J'eus un sourire à l'idée que nous avions le même jour de naissance. Je fus surpris de la voir sourire également. Son expression était mélancolique, alliant tristesse et joie.

Elle déposa sa main sur mon épaule. Je ne tressaillis plus et accueillis ce contact avec grand plaisir.

Je lus la suite de ma fiche de renseignement. Il y avait une adresse. Mais ce n'était pas situé à côté de la place du marché.

- Je sais où c'est.

Je me tournai vers la jeune rousse et elle me sourit de façon évasive.

- Tu es sûr de vouloir y aller ? demanda-t-elle lorsque je refermai le livre et me levai, décidé.

Elle se redressa à son tour et me pris la main après que j'eus hoché la tête.

Mais on ne voyagea pas tout de suite. 

- Veux-tu apprendre quelque chose à mon propos ? m'interrogea-t-elle soudainement.

J'opinai, intrigué, et pour seule réponse, elle tenta de toucher le livre que je tenais dans ma main. Son doigt passa à travers les feuilles.

- J'arrive à traverser les murs aussi, précisa-t-elle.

Je pinçai les lèvres, lorsque je vis qu'elle me souriait tristement. J'étais conscient qu'elle voulait me transmettre un message.

- On y va ? fit-elle, changeant immédiatement de sujet.

***

Nous étions arrivés devant une petite maison, avec un petit jardin. Ce lieu m'était familier. Je me permis un coup d'œil intéressé quant à la lumière distinguée par la fenêtre de ce que je devinais être le salon.

- Tu vas éviter d'entrer par la porte d'entrée cette fois, me lança la rousse d'une voix amusée.

J'eus l'air penaud, et le troquai contre un petit sourire lorsque Annie joignit à nouveau nos deux mains. 

Nous étions dans l'entrée. Très bien décorée, avec quelques tableaux de bon goût et... des photographies. Elles étaient encadrées, et accrochées en un petit nuage de souvenirs.

Je me rendis compte qu'Annie n'avait pas lâché ma main. La sienne serrait toujours la mienne en une étreinte voulue chaleureuse, et encourageante.

Il y avait plusieurs photos d'un enfant aux cheveux couleur paille comme les miens. Il souriait à côté de la mer, souriait lorsque son père le portait sur ses épaules. Il y avait également une photographie sur laquelle la mère et le père embrassaient chacun une joue de l'enfant qui riait.

- Cet enfant, c'est toi, Milan. 

Annie avait prononcé mon prénom d'une voix douce. Cette fois-ci, je le savais, que c'était moi. Mais le fait que je ne me rappelais de rien rendait cet enfant inconnu à mes yeux.

- Chérie, viens manger, fit une voix masculine depuis la pièce à vivre.

Il y eut un silence, puis une femme mûre apparut, le pas traînant. Je fus surpris de voir Annie regarder ailleurs, lâchant ma main pour aller observer les photographies de plus près. 

Alors je m'avançais vers cette dame. Elle avait une peau légèrement ridée, des cheveux blonds clairs et des yeux verts. Son nez était identique au mien, la forme des yeux également. 

- Que nous as-tu donc préparé, murmura la femme, prenant place en face de son mari.

Sa voix me rendit nerveux. Elle était fatiguée, et faible. 

- C'est le réveillon de Noël, sourit tendrement l'homme en coupant la viande de son assiette en petits morceaux.

Il avait mes cheveux, la peau rasée et des yeux chocolat. Il souriait beaucoup. 

- Bientôt le troisième Noël... sans lui, soupira la femme, d'une voix tremblotante et triste.

- Je suis , me surpris-je à murmurer, d'une voix perdue et paniquée.

- Mange, mon cœur. Il... il est fort.

J'eus un regard désespéré et voulus prendre... ces deux personnes dans mes bras. 

- Il est fort, mon Milan, confirma la dame.

Entendre mon prénom de sa bouche fut l'élément déclencheur de mes larmes. Je ne les retins pas. La douleur du mari était refoulée, dans le seul but de consoler sa femme, qui depuis deux ans, pleurait la perte de son fils.

Fils que j'étais. Que je suis.

Je pleurais silencieusement, en regardant les deux adultes manger dans un silence obstrué par le tintement des couverts.

- On ira le voir demain, d'accord ? proposa d'une voix calme le mari.

Sa femme hocha la tête et macha noblement sa nourriture. 

Je retournai rapidement dans l'entrée, mes larmes essuyées, à présent intrigué.

Annie avait les bras ballant. Elle observait les photographies d'un regard inquiétant. Lorsqu'elle se retourna en ma direction, je fus happé par ses iris bleues. 

Ses yeux seuls appelaient à l'aide.

Je m'approchais lentement, d'un pas, puis d'un autre, et la cherchait du regard. Elle me fixait, d'un œil perdu, vide.

- Annie ?

Je fis un autre pas. Nous étions à moins d'un mètre de distance. Ma main rejoignit la sienne, et elle se reconnecta enfin à la réalité.

- Milan. Désolée, murmura-t-elle chamboulée.

Le regard plein d'interrogations, elle nous transporta dans mon lieu de vie. 

- Annie ! Ils parlaient d'aller me voir. Où suis-je ?

Je me rendis compte que l'autre jour, dans le cimetière, je m'étais instinctivement mis à chercher mon prénom, introuvable cependant.

- Je sais où tu es. 

J'étais pressé de savoir. Si je n'étais pas dans ce cimetière, je devais être dans un autre. J'avais besoin de voir la réalité devant moi, pour enfin vivre sans me mentir à moi même.

- C'est assez proche d'ici, m'apprit la rousse. 

- Je veux y aller, fis-je d'un ton déterminé. 

- Alors allons-y, souffla Annie, la main tendue vers la mienne.

J'étais éternellement surpris par la rapidité du voyage. Je n'avais même pas le temps de réfléchir qu'on arriva dans une pièce à moitié sombre, aux lumières tamisées. 

Bip, bip

C'était une bruit continuel, qui me faisait mal à la tête. Annie m'écrasa presque la main lorsque je tournai enfin la tête vers...

Mon corps, allongé sur un lit, pale, aux yeux fermés, relié à des machines par de nombreux fils et un énorme tube relié à mon bas visage.

- Annie...

Bip, bip, bip

- Milan...

Bip, bip

Le torse du garçon sur le lit se soulevait, et s'abaissait en rythme.

- Annie... Il- il respire...

Je fixai le corps, ses yeux clos, ses mains blessées, son visage blafard. 

Il dormait, tout simplement.

Je serrai la main de la jeune rousse, et scellai mes yeux humides aux siens. Son regard brillait. Elle avait l'air au bord des larmes.

- Tu n'es pas mort, Milan.

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Camarev
Posté le 24/04/2023
Ha trop fort, j'étais persuadée qu'il était mort mais en fait il est dans le coma ! Je note que tu mentionnes souvent (peut-être un peu trop ?) les "iris glacés" et de la rousseur d'Annie. J'ai hâte de savoir comment il en est arrivé sur ce lit d'hôpital notre Milan !
Sungleeee
Posté le 24/04/2023
Oh ! Intéressants tes commentaires ;) J'en recherchais qui pointeraient plus les défauts de mon récit !
Merci, en tout cas, j'ai commencé une réécriture et je prendrai en compte tes petites remarques 😗.
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