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Au matin, Noah renonça à son idée de retourner à la bibliothèque pour passer du temps avec Clée. La jeune fille s’en montra tout excitée, et ils sortirent de l’auberge de bonne heure pour aller acheter leur petit déjeuner et peut-être, leur repas de midi. Le temps s’annonçait clair. Une belle journée les attendait. La fillette lui tenait la main. Noah s’étonna de ces articulations des doigts, si finement fabriquées, qui lui permettaient de mouvoir sa main comme n’importe quel humain.
C’était la fabricante qui avait conçu la marionnette. C’était une marionnette de porcelaine, de la taille d’une petite fille. Son visage était celui d’une poupée : de grands yeux, des joues rouges, et des lèvres délicatement peintes, mais qui ne s’ouvraient pas. Elle l’avait habillée d’une robe blanche, simple, après quoi elle l’avait posée sur une étagère, aux côtés de ses autres fabrications. Et un beau jour, la marionnette était devenue vivante. Une âme, l’habitait. La fabricante en avait été étonnée au début, mais elle n’était pas comme tous ces autres gens, ceux qui avaient peur de ce qui sortait de la normale, ceux qui méprisaient la magie, les choses « pas naturelles ». Si l’on avait trouvé la marionnette vivante, la fabricante aurait sûrement été punie, et la marionnette emportée pour être étudiée. On aurait pu croire qu’il s’agissait d’une relique, mais le commun des gens n’avait pas le droit de posséder de relique ou quelconque objet magique, sauf autorisation spéciale de la reine.
Alors la fabricante avait caché sa marionnette vivante aux yeux des autres. Elle s’en occupait comme elle l’aurait fait de sa fille. Elle l’avait appelée Clée, et s’était efforcée de lui apprendre à lire et à écrire pour qu’elle puisse communiquer. C’est chez la fabricante que Noah avait rencontré Clée. Là-bas, il lui avait promis de trouver qui était Clée, car la fabricante était persuadée qu’elle avait un passé, qu’elle avait été quelqu’un avant de venir se loger dans la marionnette qu’elle avait fabriqué. Malheureusement, il avait été impossible d’obtenir le moindre indice, la moindre information, de la part de la jeune fille, dont les souvenirs restaient très confus. Mais peut-être ce voyage serait-il l’occasion de provoquer un déclic dans ses souvenirs, en visitant un lieu où elle était déjà allée par le passé par exemple…
Clée tira sur sa main, le sortant de ses réflexions. Ils étaient arrivés à la limite du village, et se trouvaient non loin de la dernière maison. Là, on voyait la clairière s’étendre, plutôt grande, pour une simple clairière, et au loin la forêt. Sans que Noah ne s’en rende compte, ils avaient suivi le cours de la rivière qui traversait la ville . Celle-ci coulait donc juste à leurs pieds, avec des clapotis joyeux. Clée ne pouvait pas sourire, mais ses yeux pétillaient. Elle s’accroupit dans l’herbe, et plongea sa main dans l’eau. Peut-elle seulement sentir l’eau couler entre ses doigts ? se demanda Noah. Si elle voyait et entendait, il était possible qu’elle eût pu avoir d’autres sensations… En tout cas, le simple fait de voir l’eau s’écouler autour de sa main semblait la satisfaire. Le jeune homme s’assit à côté d’elle, et profita de la brise qui soufflait . Bientôt, il enleva ses chausses et mit les pieds dans l’eau. Elle était froide, et très vite, Noah ne sentit plus le bout de ses orteils, mais il faisait beau, la météo se prêtait bien à barboter dans l’eau. Soudain, il sentit l’eau fraiche lui éclabousser le visage. Il tourna la tête, et vit Clée, qui avait encore la main mouillée hors de l’eau, et qui l’observait. Elle sortit sa deuxième main de l’eau, et avec ses deux doigts, mima un sourire devant ses lèvres. C’était comme ça qu’elle faisait quand elle était d’humeur taquine. Levant les sourcils, un demi sourire aux lèvres, Noah se pencha vers la rivière. Il reçut une deuxième éclaboussure en pleine figure, et directement après, contre-attaqua.
La bataille d’eau dura quelques minutes encore, après quoi, les deux jeunes gens sortirent de l’eau. Le soleil approchait de son zénith, et ils n’avaient finalement pas acheté de quoi manger. Noah attrapa sees chaussures d’une main et de l’autre la main de Clée, et tous deux se dirigèrent vers le village. Le temps qu’ils y arrivent, les pieds du jeune homme étaient secs, et il remit ses souliers. Ils achetèrent un peu de pain à la boulangerie, et ce fut là leur déjeuner. Avant de retourner à l’auberge, ils déambulèrent encore un peu dans les rues. Cette fois, il y avait quelques personnes : on était dimanche. Khotaô semblait moins sinistre que lors de la première sortie de Noah. Mais les passants continuaient de leur lancer des regards étranges : on ne pouvait pas les empêcher de se méfier des voyageurs.
Sur le chemin du retour, Noah remarqua plusieurs affiches accrochées un peu partout dans les rues, et finalement, s’arrêta pour en lire une. Il y avait d’abord une image qui prenait presque tout l’espace : une illustration qui représentait la scène d’un théâtre avec des comédiens qui y jouaient, dessinés dans des poses exagérées, avec de grands sourires et un air malicieux. Au-dessus il y avait une légende : La troupe du Bras-cassé présente ses pièces de théâtre tous les soirs, sur la « Place-première » du village de Khotaô.
Alors qu’il déchiffrait encore la légende, Noah entendit une voix derrière lui. Il se retourna, pour voir le garçon de la bibliothèque descendre la rue vers eux.
̶ Bonjour ! s’exclama l’enfant : Quel heureux hasard de vous retrouver, je pensais justement à vous, monsieur qui aime les légendes !
̶ Bonjour, vous revenez de la bibliothèque ?
̶ Non ! J’y allais, justement, voulez-vous que l’on fasse un bout de chemin ensemble ?
Noah accepta la proposition, et suivit le garçon qui ne s’était pas arrêté en passant devant eux.
̶ Vous avez donc vu ces affiches, reprit l’enfant, qu’en pensez-vous ?
̶ Les membres de cette troupe sont sympathique : c’est eux qui m’ont amené jusqu’à Khotaô, l’autre jour.
̶ Vraiment ? Intéressant… Ils me semble que le théâtre n’est pas leur unique activité : certains soirs, ils racontent des histoires… Cela s’apparenterait tout de même à un monologue… Oh, nous arrivons !
En effet, on voyait la vieille place au bout de la rue, ainsi que la bibliothèque. Ils marchèrent encore un peu, puis arrivés au niveau de la fontaine asséchée, le jeune garçon s’arrêta et se retourna vers Noah.
̶ Je crois que j’aimerais discuter avec vous un peu plus… Que diriez-vous de vous joindre à moi pour prendre un en-cas ?
̶ Oui, bien sûr, ce sera avec plaisir, répondit Noah, malgré sa surprise de se voir ainsi proposer une invitation de la part de quelqu’un qu’il connaissait si peu.
Un sourire illumina le visage du garçon. C’était un sourire d’enfant, qui creusait les joues de deux petites fossettes, et pendant un instant, le garçon perdit son étrange attitude d’adulte. Puis il se reprit, et tendit la main à Noah, qui la lui prit.
̶ C’est donc décidé : rejoignez-moi pour seize heures, si cela vous convient, monsieur… ?
̶ Noah.
̶ Noah. J’habite le manoir qui se trouve à quelques pas du village, je suis sûr que vous avez dû l’apercevoir… J’y serai lorsque vous arriverez.
̶ Vous connaissez mon nom, comment dois-je vous appeler ?
Le jeune garçon sourit.
̶ Ange.
Il se détourna sur ces mots, et entra dans la bibliothèque.
Ange. Ça lui allait bien, à ce petit, avec ses boucles châtain et son sourire d’enfant, Ange.
***
Un peu avant seize heures, il arriva donc devant le manoir. Bien qu’imposante, la bâtisse restait décorée humblement. Les murs étaient gris, percés de nombreuses fenêtres, le manoir s’étirait sur deux étages. De l’ardoise noire recouvrait le toit, rendant le bâtiment plus austère encore. Pas vraiment de décorations sur la façade ni devant, juste une statue sinistre qui représentait une silhouette humains drapée d’une longue cape. Mais on pouvait tout de même deviner qu’un parce s’étendait de l’autre côté du manoir. Noah s’avança vers la porte d’entrée, et grimpa les quelques marches qui y menaient avant de toquer à la porte, d’un air hésitant : le garçon allait-il vraiment l’entendre, caché quelque part dans une si grande demeure ?
Alors qu’il se posait cette question, la porte s’entrebâilla, et Ange apparut. Lorsqu’il reconnut Noah, son visage s’illumina, et il ouvrit le panneau plus largement pour le laisser passer. Le jeune homme entra. Tout ce qu’il vit d’abord, ce fut un couloir sombre, plutôt étroit, sans aucune fenêtre.
̶ Bienvenue dans ma demeure, lui dit l’enfant, si vous voulez bien me suivre…
Ange le mena dans le long couloir. Il n’y avait pas de porte, mais on pouvait distinguer des tableaux qui ornaient les murs à la lumière des lampes à gaz. Le couloir arriva bientôt à sa fin, laissant place à un grand hall d’entrée, piqué de deux volées de larges marches, de chaque côté de la pièce. Le hall était dallé d’un damier rouge et noir, et dans les mêmes tons de couleurs, les marches de l’escalier étaient d’un bois sombre, ornées d’un tapis rouge.
̶ Le manoir n’est plus tout jeune, mais j’espère que vous le trouverez accueillant… Je m’efforce de l’entretenir du mieux que je peux.
Noah n’avait encore vu personne dans le manoir à part Ange. Y’avait-il du personnel ? Cet enfant vivait-il seul ? Avait-il des parents pour s’occuper de lui ?
Le garçon lui fit rapidement visiter le rez-de-chaussée. Il y avait là la sale à manger, et un grand salon qui faisait office de salle de jeux, en plus des cuisines et du dortoirs du personnel. Entre les deux escaliers se trouvait une autre porte de bois, qui faisait face au couloir par lequel ils étaient arrivés. C’est vers là qu’ils se dirigèrent finalement. Derrière cette porte se trouvait une rotonde tout en vitres, accolée au bâtiment. La coupole était elle aussi vitrée, et laissait entrer la lumière du jour. Par rapport à l’intérieur qui était jusqu’ici plutôt sombre, Noah eut vraiment l’impression de respirer, et fut même légèrement ébloui. L’endroit n’était pas particulièrement vaste comparé aux autres pièces du rez-de-chaussée, mais l’on y avait mis une table ronde avec plusieurs chaises, un fauteuil calé contre les vitres, et quelques plantes. Depuis les vitres, on voyait le parc.
̶ Vous avez donc du personnel qui s’occupe du manoir. Remarqua Noah lorsqu’il posa son regard sur les buissons taillés et l’herbe impeccablement tondue.
̶ Oui, j’ai une femme de chambre, une cuisinière et un jardinier. Si ça ne tenait qu’à moi, je ne m’occuperais pas du parc, mais mes parents aimaient cet endroit plus que tout, alors j’ai demandé au jardinier de continuer de l’entretenir comme il se doit. Mais tout seul, la tâche est compliquée… Ce parc n’est plus aussi splendide qu’il l’était avant.
̶ Cela reste tout de même impressionnant.
̶ J’aime venir ici. Cela m’apaise, lorsque je regarde le paysage à l’extérieur, tout en sachant que je suis en sécurité à l’intérieur.
L’enfant s’assit et invita Noah à en faire de même. L’assise des chaises était légèrement rembourrée, ce qui les rendait confortables. Ils passèrent un petit moment à contempler le paysage sans échanger un mot. Au bout de quelques minutes, une femme arriva pour déposer un petit plateau sur la table. Il y avait dessus quelques gâteaux et deux tasses de chocolat chaud. Il faisait beau, le temps ne se prêtait pas trop aux boissons chaudes, mais Noah se saisit tout de même de sa tasse et but une gorgée de chocolat. De son côté, l’enfant grignota un gâteau en regardant le parc, l’air pensif.
̶ Avez-vous pu trouver ce que vous cherchiez dans les livres de la bibliothèque ? demanda-t-il finalement.
Noah haussa les épaules.
̶ Pas exactement… J’ai certes trouvé un livre avec de très belles illustrations, mais je cherchais surtout à en savoir plus sur les légendes urbaines et les histoires qu’on raconte dans la région… Le livre restait plutôt dans le général.
̶ Il faut dire que les légendes sont des traditions orales avant d’être retranscrites à l’écrit.
̶ Bien sûr. Je devrais peut-être demander directement aux habitants de Khotaô, mais ils ne m’ont pas eu l’air très disposés à discuter légendes avec un étranger de passage…
Ange poussa un petit rire.
̶ Qui sait ? C’est peut-être justement à cause de l’une de ces légendes que les villageois ont tendance à se méfier : c’est encore à la campagne qu’il peut se passer le plus de choses sans que personne ne soit au courant…
Le garçon but une gorgée de chocolat chaud puis reprit :
̶ Ton amie n’est pas là ? Celle qui t’accompagnais tout à l’heure…
̶ Elle est restée à l’auberge.
̶ C’est une ombre ?
«Qu’avez-vous dit ? » : C’est ce que s’apprêtait à dire Noah, ne sachant comment répondre à la question. C’était évident : son mensonge ridicule comme quoi Clée n’était qu’un automate n’allait pas pouvoir tenir très longtemps… Mais Ange parla avant même que Noah n’ait pu lui répondre.
̶ Ce n’est pas grave. Je ne suis pas de ces gens qui méprisent ce qui n’est pas humain.
Il y eut un silence, puis Noah leva la tête vers le garçon. Celui-ci l’observait, sans mépris, sans méfiance. Simplement, il l’observait ; peut-être dans l’attente d’une réponse.
̶ Je ne sais pas si elle est une ombre. C’est ce que je cherche à savoir : ce qu’elle est.
̶ Vraiment ? Comment vous êtes-vous rencontrés ?
̶ C’est une longue histoire.
Une histoire qu’il n’avait pas envie de raconter maintenant, à un enfant presque inconnu.
̶ Alors vous connaissez les légendes du coin, je suppose ? fit Noah pour changer de sujet.
Ange eut un sourire, comme s’il avait compris ce que voulait faire son invité par cette question. Il se leva et s’épousseta, avant de se retourner vers Noah.
̶ Attendez-moi donc ici, je vais voir ce que j’ai dans ma bibliothèque personnelle. Je reviens tout de suite.
Et il partit en laissant la porte ouverte.
Pendant un moment il ne revint pas, et Noah se leva alors pour faire le tour de la rotonde. Il avait observé le parc, mais à présent, il s’intéressait à l’intérieur de la pièce. À côté d’un fauteuil placé contre les vitres, il y avait une petite table où étaient posés quelques papiers et un petit carnet. C’est ce qui avait retenu son attention lorsqu’Ange avait quitté la pièce. Il avait d’abord feint de ne pas le voir, mais la curiosité l’avait emporté sur la politesse. Il s’approcha du bureau, et écarta les feuilles volantes pour se saisir du carnet qui était en dessous. C’était un petit livre, pas bien épais, dont la couverture de cuir était gravée de motifs abstraits. Sur le fermoir, il y avait une petite pierre. Les pages paraissaient un peu gondolées ; sûrement avaient-elles absorbé déjà beaucoup d’encre… Noah détacha le fermoir et ouvrit le carnet à la première page. En haut à droite, dans une calligraphie irréprochable, était écrit le nom d’Ange, avec à la suite une initiale, qui devait être celle de son nom de famille. Le jeune homme tourna la page.
La bête chasse
La bête mange
Il faut nourrir la bête.
Ces trois phrases écrites à l’encre rouge au milieu de la page le firent frissonner. La bête ? Qu’était-elle ? Et ces phrases : était-ce une sorte d’incantation ? Ou un rappel ? De quoi parlaient ces lignes exactement ? Noah ne le savait pas, mais il avait l’impression d’avoir mis le doigt sur quelque chose d’important.
C’est un monstre. C’est une ombre, tu le sens. Tu le sais n’est-ce pas ? Elle existe.
Noah ne répondit pas. Il repoussa cette petite voix et ce qu’elle disait, qui ne le rassurait pas.
Tu vas m’ignorer ? Enfin… Vas-y, fais-donc ce qui te plais… Continue de nier ce qui est évident.
Noah refermait le carnet au moment où Ange reparut. D’abord, le garçon posa son regard sur la chaise vide, puis sur Noah, debout devant les fenêtres, et enfin sur le carnet qu’il tenait entre ses mains. Se sentant rougir, Noah reposa le livret sur la table basse en bredouillant des excuses, et revint s’asseoir à la table. Ange n’avait pas l’air en colère. Au contraire, ses lèvres se fendirent d’un sourire.
̶ Tu as trouvé mon carnet ? C’est justement celui que je cherchais dans la bibliothèque, je ne me rappelais pas l’avoir oublié ici. Tu l’as lu ?
̶ Seulement la première page, répondit Noah en détournant les yeux, celle avec les trois phrases…
̶ Je vois… Tu es curieux j’imagine ?
Le jeune hocha la tête. Ange l’avait vu feuilleter son carnet, alors dire qu’il n’était pas curieux de savoir ce que cela signifiait aurait été un mensonge éhonté. L’enfant croisa les jambes et se redressa un peu dans sa chaise.
̶ La bête est une vieille histoire au village. Disons qu’elle est une sorte d’équivalent du croque-mitaine, mais qu’elle fait aussi peur aux adultes.
Il s’interrompit pour boire une gorgée dans sa tasse, puis reprit :
̶ On dit qu’elle est arrivée au village il y a très longtemps et que sa faim est insatiable. Elle tue sans relâche lorsqu’elle se réveille… C’est un peu l’excuse pour demander aux gens de rentrer chez eux avant la tombée de la nuit.
̶ Elle existe vraiment ?
Le jeune garçon sembla réfléchir, et ses yeux noisette regardèrent vers le haut avant de revenir sur Noah.
̶ Tous les drames qu’il y a eu à Khotaô lui ont été imputés. Mais y a-t-il une personne qui l’ait vraiment vue ?
̶ Les drames ?
̶ Depuis toujours, Khotaô semble attirer toutes sortes d’incidents : pluies diluviennes, récoltes misérables, tueries, disparitions…
Noah se rappela alors l’extrait de journal qu’il avait lu à la bibliothèque, évoquant le massacre de plusieurs villageois, vraisemblablement perpétré par une bête sauvage, ou ce qui s’en rapprochait. Il en parla à Ange qui hocha la tête gravement.
̶ Oui, ça aussi. Je crois que cette histoire date d’il y a un peu plus de vingt ans. Elle avait fait la une des journaux de la région à l’époque. Avec des histoires pareilles, il ne faut pas s’étonner que les gens préfèrent rester loin du village…
Ange avait porté ses yeux vers l’extérieur, sans pour autant regarder quelque part en particulier. Ainsi pensait-il que la bête n’était peut-être qu’une légende… Noah se pencha vers lui par-dessus la table.
̶ Pourtant certains monstres existent. Les ombres existent par exemple. Il pourrait y en avoir d’autres…
̶ Les ombres sont différentes… C’est assez récent… Et elles sont invisibles la plupart du temps et pour la plupart des gens… Elles sont différentes des monstres de nos légendes.
̶ Mais admettons que la bête existe… Ne pourrait-elle pas être à l’origine de certains incidents survenus au village ? Comme ce massacre ? Y a-t-il eu d’autres évènements de ce type ?
Ange se leva soudain, repoussant sa chaise dans un bruit métallique.
̶ Il commence à se faire tard et j’ai encore à faire… Cette entrevue était vraiment intéressante, nous pourrions peut-être remettre ça. Si tu le veux, Noah, je pourrai te donner plus d’informations sur la bête.
Et sans plus de préambule, il l’emmena vers l’entrée du manoir.
Une fois dehors, Noah se retourna vers les portes désormais closes derrière lesquelles le jeune garçon avait disparu. Ange avait éludé sa question. Il avait fait comme si les questions de Noah n’avaient jamais été posées. Mais pourquoi esquiver une question, si ce n’était parce qu’elle était gênante, ou intrusive ? Se pouvait-il qu’il y eût quelque chose que Noah ne dût pas savoir ? Comme le fait que la bête fut réelle ?
C'est assez intéressant, cette histoire de bête, mystérieux. On a envie de savoir la suite. Je me demande si Clée ne serait pas liée à tout ça, justement.
Merci pour ce chapitre !