Dans sa voiture, Sofia remonte le haut de son pull jusqu’au cou. Il commence à faire frais, le soir. L’été touche à sa fin, et la saison des mariages aussi. Bientôt, elle n’aura plus à passer ses samedis soir à se fondre dans des masses inconnues dans lesquelles elle sera toujours l’intrue, celle qui dérange, celle qui fait tache, celle qu’on pense payer trop cher mais qu’on remerciera néanmoins chaleureusement lors de la livraison des photos. Elle aura plus de temps pour elle. Et pour Baptiste aussi.
Sous les néons qui colorent Bordeaux de ses lumières dorées, Sofia trouve cocasse d’être témoin dans la même soirée de deux des plus grands moments d’un couple. Un mariage et une séparation. Si elle avait pu, elle aurait interchangé les deux paires. Non qu’elle souhaite du mal aux gens, même pas à ce marié dont le stress contagieux et les remarques acerbes avaient rendu la préparation de cette prestation laborieuse, mais elle ne les connaissait pas. Alors si elle devait choisir, oui, Sofia aurait préféré que ce soit Ana qui se marie et eux qui se séparent.
Et voilà qu’elle part pourtant consoler son amie.
Sofia s’est toujours bien entendu avec Samuel. Même avant qu’il sorte avec Ana, ils avaient traîné ensemble pendant plusieurs mois avec le groupe de l’école de design de sa meilleure amie. Ana et Sofia étaient alors colocataires et celui qui s’apprêtait à être son copain pendant dix ans trouvait toujours des raisons de venir à leur appartement. Un pote en commun présent, un passage inopiné dans le quartier, une part de gâteau au chocolat qu’il déposait en chemin. Quand Ana avait annoncé à Sofia qu’elle et Samuel s’étaient embrassés à une soirée alors que Sofia était rentrée plus tôt pour réviser le lendemain, elle n'avait pas été surprise. Cela faisait sens. Entre eux, ça cliquait, comme ça a continué de le faire les années suivantes. Tout semblait couler de source. L’amour au naturel. Jusqu’à ce soir.
Sofia ne s’y attendait pas.
Elle veut des explications.
Elle aussi, elle se sent trahie par cette séparation. Et pourtant, Samuel ne lui devait rien, à elle.
Il a quitté sa meute. C’est surtout ça le problème. Il a quitté l’un de siens donc il les a quittés tous.
Sofia trouve une place dans la rue où habitent Ana et Samuel. Leur maison n’a beau être qu’à quelques mètres, Sofia n’aime pas marcher seule la nuit. Elle traverse pour marcher sur le trottoir le plus éclairé, à l’abris du passage des voitures pourtant inexistant à cette heure et accélère le bras en gardant les poings alertes. Au moindre signal, elle n'hésitera pas à frapper. Quand elle arrive enfin devant la porte, elle n’a croisé personne. Ce n’est que quand la porte s’ouvre qu’elle s’autorise enfin à décrisper ses épaules.
Dans l’entrée, Ana l’accueille avec une mine déplorable. Ses joues rosies par l’émotion, ses yeux rougis par les larmes, son nez éraflé par l’utilisation abusive de mouchoirs, tout sur son visage attire la peine de son amie. Ana a les épaules si lourdes que c’est tout son corps qui menace de s’effondrer. Tenir debout est dur. Être est insupportable.
Sofia l’entoure de ses bras, lui caresse le dos assailli par les spasmes. Elle n’a pas l’habitude du contact, mais à ce moment elle n’hésite pas et l’étreint franchement. Son amie renifle sur son épaule à plusieurs reprises. Celle-ci gémit, pleure, gigotte. Sans doute étale-t-elle sa morve partout sur la veste militaire de Sofia mais celle-ci ne lui en veut pas. Il y a des circonstances où ces contacts-là sont nécessaires. Elle-même aime les câlins de Baptiste, se réveiller en boule dans le lit, lovée par son corps. Les gestes de réconfort du quotidien aussi subtils qu’une main qui se pose sur une autre, ces attentions qui font que d’un coup, la vie est plus facile. Elle tient à toutes ces choses-là. Ana, elle, n’y aura plus le droit avec Samuel. C’est pour cela qu’elle lui offre cette étreinte longue et rapprochée. Elle a besoin que quelqu’un la soutienne, la réconforte. Sofia ne le fera pas tous les jours mais ce soir-là c’est différent. Ce soir-là, elle ne rechigne pas.
L’air frais lui hérisse les poils de la nuque et Sofia donne un coup de pied pour fermer la porte.
Ana renifle un bon coup et se sèche les yeux. Elle attend de lui tourner le dos et de se diriger vers le salon pour dire enfin :
— Tout allait bien pourtant, non ?
Sa voix déraille.
— Qu’a-t-il dit exactement ?
Ana se laisse choir sur son fauteuil en cuir déchiré qu’elle a essayé de repriser à coup de patchs en tissus lors de sa période recyclage, avant d’attraper un mouchoir et de souffler dedans aussi fort qu’un train à vapeur.
— Il n’est pas rentré dormir à la maison, un soir, le week-end dernier. Il a été distant toute la semaine… Je voulais juste discuter…
— Il était où ? coupe Sofia.
Elle fulmine. Expire. Darde Ana d’un regard hagard.
— Il m’a dit qu’il a dormi chez Max, un pote du hand. Du moins, c’est ce qu’il m’avait dit…
Sofia ne dit rien. Elle attend qu’Ana crache le morceau, même si elle devine déjà ce qu’il va en sortir.
— Je suis sûre qu’il fait une erreur. Un jour, il va s’en rendre compte, et ce jour-là, il va le regretter. J’ai essayé de lui dire, mais il ne m’a pas écouté.
— Ça faisait combien de temps ?
— Tu te rends compte que tous les mardis, je pensais qu’il allait au hand. Mais ça, c’est comme cette histoire de Max, c’était du pipeau en fait. Il a rencontré cette fille il y a trois mois. Et moi qui lui préparais son sac à chaque fois pour les entraînements !
— Trois mois ? Et tu ne l’avais pas trouvé changé, à part cette semaine ?
— Dès qu’il avait l’air ailleurs, il me disait qu’il pensait au boulot. Monsieur avait « de gros dossiers » en cours. Mon cul.
— Un gros dossier oui, surtout.
Ana s’effondre sur le dossier, les yeux rivés vers le plafond, comme si regarder en l’air allait stopper le flot de larmes qui menaçait d’arriver.
— J’arrive pas à croire qu’il t’ait fait ça.
Dans l’échelle de considération de Sofia, Samuel a dégringolé des premières marches pour tomber si bas qu’il roulerait loin, très loin du dernier barreau. Ainsi, Samuel est ce genre de personnes. De ceux qui mentent, blessent, et quittent le domicile conjugal en laissant derrière eux celle qu’ils ont prétendu aimer.
— J’arrive pas à croire qu’il m’ait fait ça maintenant, reprend Ana.
— Quel que soit le moment, c’est inacceptable, grince Sofia.
— J’ai trente-deux ans, merde ! S’il devait me quitter comme ça, il ne pouvait pas le faire il y a des années, quand j’avais encore le temps de me reconstruire ?
Cette fois, c’est sur l’accoudoir qu’Ana s’effondre. Elle est incontrôlable. Sofia se rapproche mais son amie ne lui laisse pas de place. Même de recevoir du réconfort, elle n’en a plus la force.
— Trente-deux ans putain !
— Tu as toute la vie pour te reconstruire, souffle Sofia en lui caressant le crâne.
Elle attrape un mouchoir qu’elle tend à son amie. Elle lui propose une trêve éphémère dans sa souffrance, sur laquelle Ana se jette avec désespoir avant un nouvel orchestre cacophonique de reniflements.
— J’ai pas toute ma vie non. Il va me falloir quoi ? Un an, deux ans pour me reconstruire ? Et trouver quelqu’un de bien, ça prend quoi… T’as bien vu Ophé, ça fait des années qu’elle galère. Et même si je trouve quelqu’un en quelques mois… Le temps de se tester… Savoir si ça va… C’est déjà trop tard !
— Regarde ma cousine, quarante-trois ans et elle a encore eu un enfant.
— Je n’ai plus le droit à l’erreur ! hurle-t-elle. Je n’ai plus le droit à l’erreur. Tout devait bien se passer. Je devais fonder une famille avec Samuel, et au lieu de ça, je vais devoir sauter sur le premier venu pour avoir un gamin dans les temps.
— Tu n’en sais rien !
— Ou faire un gamin toute seule…
— Ne sois pas si fataliste.
— Tu te rends compte, avec mon travail ? Je n’ai pas le temps de rencontrer le tout-Bordeaux ! Ni l’envie. C’est Samuel que j’aime. Qu’est-ce qui lui a pris de faire ça ?
Sofia se lève pour aller remplir deux verres d’eau dans la cuisine qui porte encore les stigmates de la soirée : une poêle remplie de sauce bolognaise, des pâtes dans l’égouttoir. Deux assiettes sorties qui n’ont jamais été remplies. Leur vie de couple s’est arrêtée là, en plein vol, un samedi 4 octobre entre l’essorage des spaghettis et le passage à table. C’est triste, que dix années de couple se terminent comme ça. Sur le fond comme sur la forme, il y a un goût d’inachevé.
— Tu veux que je te fasse réchauffer à manger ? demande Sofia d’une voix timide en revenant dans le salon.
— Jamais plus je ne mangerai de bolognaises !
— Tu ne peux pas priver l’humanité de tes pâtes parce que Samuel est un con.
— Elles auront toujours le goût de ce soir.
Sofia hausse les épaules. Voici une bataille qu’elle ne gagnera pas et qui n’est pas si grande par rapport à la guerre qui fait rage.
— Je sais que c’est dur à croire là, ce soir, tâtonne Sofia, mais un jour tu iras mieux. Et ce jour-là, tu pourras faire toutes ces choses que tu voulais faire avec lui avec quelqu’un d’autre.
— Je n’ai pas le temps, Sofia.
— C’est…
— Non, la coupe Ana. Tu ne peux pas comprendre. Tu t’en fous, toi, des enfants, alors tu ne peux pas comprendre. Mon corps crie bébé, putain ! J’ai envie de coucher avec la terre entière à toutes les moitiés de cycle pour me reproduire. C’est dans mon ADN. Et ça, tu ne le comprends pas, parce que tu ne veux pas d’enfants.
Ana a parlé d’un ton plein de poison. Elle a piqué Sofia au vif.
Sofia n’est pas certaine de vouloir des enfants, mais elle s’est pris ces accusations comme une baffe. Un juste renvoi de ce qu’elle avait laissé entrevoir ces dernières années, sûrement. Mais rien d’aussi définitif ne devrait sortir de la bouche de quelqu’un d’autre qu’elle.
Elle ne veut pas d’enfants, mais elle ne le dit pas. Elle laisse planer le sujet quelque part dans les nuages, et elle déteste qu’on vienne tirer dessus pour le ramener sur la table.
Elle pourrait décider de ne pas vouloir d’enfants, mais cela ne veut pas dire qu’elle ne comprend pas la peine de son amie. Elle sait ce que c’est d’aimer, de vouloir des enfants, elle-même en a longtemps voulu, elle sait ce que c’est que d’être une femme, et soudain, parce qu’elle n’est plus si sûre en ce moment, elle serait privée d’accéder à ce spectre inconscient que partageraient toutes les autres par le simple fait qu’elles connaissent ou aspirent à la maternité.
Sofia serre les poings mais inspire bruyamment pour se contenir.
Pas maintenant. Pas ici.
Alors, pour Ana, et pour ne pas la contrarier plus qu’elle ne l’est déjà, Sofia ne dit rien. Elle saisit son verre d’eau et boit une gorgée machinalement avant de le reposer sur la table dans un bruit sec. Voilà. Ce sera toute la démonstration qu’elle s’autorisera pour ce soir. Un coup sec, et des instants de silence. Ana, elle, est bien trop occupée à s’apitoyer sur son sort pour se rendre compte qu’elle a vexé son amie.
Sofia le lui pardonne. Et pendant toute la nuit où Ana refuse de fermer l’œil, son amie reste et l’écoute ressasser en boucle son désespoir teinté de surprise sur ce virage inattendu qu’a pris sa vie en quelques jours.
J'aime beaucoup tes personnages, comme d'habitude. Je me sens bien en leur compagnie. Je trouve ça intéressant comment l'amitié revient dans tes différents textes, est-ce que c'est un sujet / une dynamique qui te passionne ?
Sur ce chapitre, j'ai eu la sensation qu'il me manquait de la matière à croquer un peu. Des détails, peut-être ? Des surprises ? Je ne sais pas exactement. Comme si les personnages avaient dit exactement ce que je savais qu'elles diraient grâce aux chapitres précédents, et du coup c'est comme si elle avait pu être implicite et je l'aurais imaginée comme ça quand même ? Tu vois ce que je veux dire ?
Ceci dit, j'ai aimé l'image des pâtes bolognaise (et ça m'a donné faim, par ailleurs) comme repas qu'Ana ne pourra plus manger pendant longtemps à cause de ce soir-là. C'est une de ces marques sur le réel que laissent les ruptures (et d'autant plus les trahisons).
Et je retiens qu'il ne faut pas faire confiance quand on nous dit "je vais au handball".
J'ai hâte de voir comment l'amitié de Sofia et Ana et leurs différents rapports au corps et à la maternité et à la vie de famille vont se développer ! Je continue très bientôt ♥
Je vois totalement ce que tu veux dire sur "ce petit truc" qui ferait que cette rupture serait unique, et non une parmi tant d autres. A méditer en réécriture :) d ailleurs, je me suis demandée ces derniers temps si le chapitrage ne devrait pas être revu pour de plus gros chapitres, et par exemple que les chapitres 2 et 3 soient réunis... à méditer, mais peut-être que pour certains passages ça changerait aussi la façon qu a le lecteur de se projeter dans la scène.
Quant à la thématique de l amitié, c est vrai, d autant que tu as lu Millénaire. Autant, dans mes autres romans, c était totalement absent (au point qu on a pu me demander pourquoi bizarrement ces gens étaient si seuls), autant quand je la représente elle est très présente et structurante. Au point que quand j ai réfléchi à cette histoire je mensuis dit "vraiment ? Je vais réécrire un roman autour de deux amies ?" Et puis oui, je vais le faire, mais différemment. L amitié, c est ce lien très important mais bien moins représenté que la famille. Pourtant, c est capital. Et surtout, je trouve que dans la vie, on ne nous prépare pas aux hauts et aux bas de l amitié comme pour l amour. L amour, on sait que ça peut mal finir, mais des amis, on grandit en pensant que c est pour la vie. Alors que c est comme un couple : c est un pillier, qui parfois tangue dangereusement, connaît des zones de turbulesces. Je trouve même intéressant que le terme de rupture amicale soit si récent dans le langage. Enfin bref, je pourrais divaguer longtemps mais voilà, c est vrai que pour Plurielles, comme Millénaire, l amitié offre l avantage de perspectives différentes sur mon thème, et c est quand j ai "vu" cette amitié entre Sofia et Ana que j ai compris ce que serait ce roman :)
Merci pour tes retours !
Ravie de lire ton retour ! Je me demandais avant : est ce qu une mère qui a voulu l être verrait quelque chose dans cette histoire ? Qu en penserait un homme ? Et tant d autres questions. A lire ton retour, et d autres, je mz dis que la partie identification a pris, alors OUF !!
Justement pour le chapitrage, ça fait partie des questions que je me pose : conserver ce rythme-là ? Réunir plusieurs chapitres lorsqu ils représentent un jalon de l histoire ? Je n ai pas encore la réponse... au début, ça me semblait juste de faire des chapitres courts, et comme j aime me faire des noeuds au cerveau, maintenant je ne sais plus.
Merci pour tes retours !!!
Bravo d'aborder ces thématiques-là <3 Ton texte me touche beaucoup.
Hop ! Dans ma PàL - et j'en poursuivrai la lecture à coup sûr après les Histoires d'Or
Alors encore une fois un grand MERCI pour tes retours qui ne me donnent qu une envie sur cette fin d année chargée : trouver du temps et avancer avancer avancer !
Peu importe, c'est remarquablement écrit, au point que l'identification ou au moins l'empathie pour l'une ou l'autre, ou les deux, coule de source. Je trouve même ça troublant de reconnaître à ce point une situation vécue, soit directement soit aux côtés d'une amie. Nos histoires de couples sont-elles à ce point universelles ?!
Bravo et merci pour ce très beau début !
Merci encore pour tes retours !!
Ravi’e que les Histoires d’Or m’amènent par chez toi, c’est un plaisir de retrouver ta plume !
Chapitre 1
“Elles feraient tout ensemble comme les trois amies ont eu la chance de le faire.” Hein ?
“— Vous êtes à jour dans vos vaccins ? demande Samuel” Leurs deux maris / compagnons (à la mère, et à Ana) s’appellent tous deux Samuel ??
“Sofia ne participe jamais à ces conversations. Elle attend que le sujet passe comme un vent qui souffle : ça dure plus ou moins longtemps." Hum, je ne sais pas si tu comptes suivre une narration interne, ou plutôt une narration omnisciente… J’aurais dit interne au début, et puis on est dans la tête de la mère, puis d’Ana presque, très brièvement, puis on retourne à Sofia… Je ne sais pas si c’est très heureux ?
Chapitre 2
“à table les midis (midi) quand elle doit supporter ses collègues” Ah, donc elle n’est pas photographe pro… ?
“que le taboulé tranches de rôti que lui avaient (avait) réservé le traiteur semblaient (semblait ?) avoir quitté leur frigo”
“Les grains piquaient l’acidité (d’acidité) dans sa bouche”
Chapitre 3
“Sofia s’est toujours bien entendu(e) avec Samuel”
“à l’abris (abri) du passage des voitures pourtant inexistant à cette heure et accélère le bras (pas)” Jolie typo x)
“Son amie renifle sur son épaule à plusieurs reprises. Celle-ci gémit, pleure, gigotte (gigote)” Vu la construction des deux phrases, “celle-ci” se rapport à l’épaule de Sofia x)
“C’est déjà trop tard ! // — Regarde ma cousine, quarante-trois ans et elle a encore eu un enfant” Je sais que c’est le thème de ton roman, les enfants, mais les personnages ne le savent pas… donc ça m’a semblé un peu bizarre que Sofia fasse directement le lien avec le fait qu’Ana parle de cette chère horloge biologique ?
“Sofia n’est pas certaine de vouloir des enfants” Ah ouais ? Elle m’avait l’air plutôt certaine dans son aversion pourtant, plus tôt…
“sur ce virage inattendu qu’a pris sa vie en quelques jours” En quelques heures, plutôt, nan ?
Ooh-oh, mais y a plein de thèmes intéressants dès ce début de roman, dis-moi !
J’ai un peu rigolé sur la phrase d’ouverture de l’histoire (“la chose violacée” ou quelque chose comme ça), surtout que j’me suis toujours dit que c’était un bébé x) Je vois tellement ma mère et moi en Sofia, versus ma grand-mère en train de s’extasier sur le truc hurlant à la table à côté au resto ! Surtout que, bon, y a aimer les enfants (et/ou vouloir en avoir, pour plein de raisons), et aimer les bébés, quoi – c’est quoi ces petits humains tous fripés qui ne parlent pas encore ? J’ai du mal à voir l’attrait /j
J’aime spécialement le petit passage dans le chapitre 1 où on est du point de vue de la mère (malgré le souci de point de vue abordé plus tôt), et qu’elle hoche la tête à “surtout appelle-nous si t’as besoin d’aide” tout en pensant qu’elle ne le fera pas… Quel drôle de truc, la parentalité, et la responsabilité qu’on accepte avec ! Cette idée de devenir une entité unique, avec l’autre parent, aussi…
Et j’apprécie aussi que Sofia soit une si bonne amie dans le chapitre 3, quand elle lâche tout pour aller voir Ana parce que c’est la chose à faire dans cette situation – et puis aussi, quelle ne soit pas célibataire. Ça permet d’être bien sûr de ne pas tomber dans le cliché qu’une femme qui ne veut pas d’enfants, c’est une vieille peau aigrie et solitaire, haha.
Enfin, je trouve ça super cool comment tu abordes déjà dans ce début plusieurs facettes du “problème” ; ça ne m’a pas semblé trop… didactique, pas subtil ? forcé, en fait. Mention notamment au thème de… d’une expérience féminine partagée, je dirais ? Je pense au moment dans le chapi 1 où Sofia semble être dans le déni, très sûre de ses convictions (“Elle connaît. Elle sait parce qu’elle a grandi toute sa vie en pensant savoir”), et puis dans le chapitre 3 tout ce passage : “elle sait ce que c’est que d’être une femme (...) aspirent à la maternité”. J’arrive pas à m’exprimer plus clairement que tu ne fais en fait, mais j’aime bien x)
Pour la question du point de vue, tu soulèves quelque chose de très juste et que j'ai en tête depuis quelques temps. Je sais qu'en réécriture, quel que soit mon choix, il y aura un axe point de vue. J'ai aimé l'idée de l'omniscient, qui me permet aussi d'étoffer le sujet en allant aussi un peu dans la tête des autres personnages que Sofia, d'autant qu'au début je me disais "un chapitre Sofia, un chapitre Ana", mais l'histoire ne s'écrit pas comme cela. Toutefois, le point de vue omniscient n'est pas assez développé dans de nombreux passages pour être le point de vue majeur. Beaucoup de passages tiennent en effet plus de l'interne que de l'omniscient.
Je pense qu'une fois l'histoire plus avancée côté écriture (ou le premier jet écrit ?) je verrai plus nettement quel point de vue sera le plus approprié pour l'histoire. Si tu as un avis sur la question d'ailleurs, n'hésite pas à me le partager ;)
Merci encore !
J'ai adoré ce 3e chapitre, mon préféré jusque-ici. Je trouve ta plume vraiment magistrale dans la description de ce moment à la fois beau et terrible où une amie vient aider une autre dans un moment aussi difficile. Il y a de superbes passages, de très belles trouvailles en terme de tournures !
Petite réserve sur la fin de chapitre, qui tourne beaucoup autour du désir d'enfant. J'ai d'abord trouvé ça très bien amené mais je trouvais qu'elles parlaient beaucoup de ce sujet alors que Sofia a tout intérêt / envie de parler d'autre chose, surtout au vu du contexte. Je pense qu'une phrase assassine du genre "tu peux pas comprendre, t'en as jamais voulu" suffit, pas forcément besoin d'en faire plus pour blesser Sofia, et mettre le sujet sur la table plus tard.
Bon, tromperie, donc. On ne peut que compatir avec la tristesse d'Ana, le destin tragique d'un couple dans lequel elle s'était tant projetée, dans son inquiétude devant un futur désormais incertain. Ses phrases résonnent.
Sofia est en train de plus en plus me plaire, elle est vraiment une trop bonne amie ! Même si j'ai peur que le lien avec Ana soit un peu mis à mal par le fameux sujet du désir d'enfant.
Mes remarques :
"Sous les néons qui colorent Bordeaux de ses lumières dorées," joli !
"Sofia s’est toujours bien entendu avec Samuel." -> entendue
"Il a quitté l’un de siens donc il les a quittés tous." -> des
"Il a quitté sa meute. C’est surtout ça le problème. Il a quitté l’un de siens donc il les a quittés tous." joli passage !
"Les gestes de réconfort du quotidien aussi subtils qu’une main qui se pose sur une autre, ces attentions qui font que d’un coup, la vie est plus facile." joli, j'aime beaucoup !
"— Elles auront toujours le goût de ce soir." superbement écrit ! wow cette réplique claque.
Un grand plaisir,
A bientôt !!
C'est intéressant de voir que pour toi, ce sujet est peut-être "trop" présent sur cette fin de chapitre. J'avais l'impression que dans mes premiers chapitres, le thème n'était qu'effleuré et pas vraiment structurant. Comme quoi, encore une fois, on n'a jamais vraiment le recul suffisant pour jauger ces choses-là.
Merci encore !
J'ai adoré ces passages en particulier.
"Tout semblait couler de source. L’amour au naturel. Jusqu’à ce soir."
"— Tu ne peux pas priver l’humanité de tes pâtes parce que Samuel est un con.
— Elles auront toujours le goût de ce soir."
Bravo pour ce magnifique début !