Je m’avance avec mes béquilles dans cette ruelle étrangère. Même si je sais que ça s’est passé ici, ça ne me rappelle pas grand-chose. Cela fait trois mois, je ne crois pas que ce soit si étonnant. Je soupire. Pourquoi j’ai voulu revenir ? J’imaginais peut-être que j'aurais un flash au fond. Mais rien. C’est une ruelle comme les autres. Mais avec les larges bennes à ordures embaumant le passage, je ne vois pas comment une voiture aurait pu passer. Une moto peut-être. Pourtant j'ai l'impression fugace d'autres choses. Un cauchemar persistant, d'autres choses.
- Bonjour.
Je tourne la tête, surprise, vers une grande femme vêtue d’un trench noir. Je remarque en premier son rouge à lèvres carmin qui illumine son visage pâle. Ses cheveux bruns tirés en un chignon soigné sont impeccables. J'ai l'impression de l'avoir déjà croisé, mais je ne sais plus où.
- Bonjour …
- Je vous prie de m'excuser, je ne voulais pas vous faire peur.
Son sourire dévoile une rangée de dents aussi parfaite que le reste.
- Non ce n’est rien, c'est moi, c'est… bref.
Son arrivée soudaine me fait m'emmêler les pinceaux.
- Vous êtes-vous perdue ? Ce n'est pas une ruelle très fréquentable.
- Je voulais revenir voir quelque chose ici. Et vous ?
- Comment cela ?
Elle semble surprise de ma question.
- Vous venez de dire que ce n'était pas un endroit fréquentable, du coup qu'est-ce que vous faites là ?
- C'est plein de bon sens. Pour tout vous dire, je voulais vérifier quelque chose également. Peut-être que nous pourrions nous aider mutuellement ? Qu'est-ce que vous recherchez ?
Ce n'est pas un secret du pentagone, je peux bien lui en parler.
- J'ai eu un accident à une soirée il y a quelques semaines, j'aurais été percuté par un véhicule en partant, dans cette même rue.
Je trouve ça difficile de parler de quelque chose dont je n'ai pas souvenir. Elle m'adresse un regard compatissant.
- Je suis désolée pour vous.
- Merci. Depuis cette nuit-là, j'essaie de me rappeler quelques choses mais je ne me souviens de rien. On me dit que ça s'est passé dans cette ruelle, mais je ne vois pas comment. À part une moto, je ne vois pas ce qui aurait pu se passer avec ces poubelles.
- Ça semble plausible.
- Heureusement que quelqu'un a appelé une ambulance. Enfin, je parle trop. Qu'est-ce que vous cherchez, vous ?
- J’inspectais le quartier pour de la prospection immobilière.
- Ah…
L’étiquette “femme d'affaires" aurait dû me sauter aux yeux. Je jette un dernier regard de part et d’autre de la ruelle avant de me faire une raison.
- Bon, je ne crois pas que je trouverais quoique ce soit. Je vais y aller.
- Je vous raccompagne dans la rue.
Elle marche à mes côtés en suivant mon rythme clopinant.
- Ne vous rappelez-vous vraiment de rien ?
- C'est trop flou. Mais il devait forcément y avoir quelqu'un avec moi. On s'est servi de mon téléphone pour appeler le 911.
- J'espère que vous trouverez, mais ne vous empoisonnez pas l'esprit. Certains problèmes sont insolubles.
- J'aimerais savoir, mais je ne saurais sûrement jamais ce qu'il s'est passé.
Nous quittons enfin cet endroit nauséabond pour la rue plus aérée. Enfin, ça reste new-york.
- Voilà, vous êtes de retour dans la lumière.
Nous nous regardons un instant.
- Vous voulez prendre un café ? Je connais un endroit pas loin.
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Qu'est-ce que je fais… Je n'aurais même pas dû aller la voir et maintenant je lui propose un café ? Elle ne sait rien, après trois mois à la garder à l'œil, cela semble plus certain que jamais. Du haut de ses béquilles, elle hausse les épaules.
- Pourquoi pas, je n'ai rien de prévu immédiatement.
- Parfait, je m'appelle Katelyn.
- Abigail, enfin tout le monde m'appelle Aby.
- Dans ce cas, appelez-moi Kate. C'est par là.
Nous marchons côte à côte, ce qui me laisse encore une fois l’occasion de l’observer. Elle se débrouille bien avec ses béquilles, ce qui est logique après toutes ces semaines, mais ce sont ses cheveux qui attirent le plus mon regard ; Ils ondulent sur ses épaules à chacun de ses mouvements.
- Vous avez mal ?
Je connais la réponse, mais j’aimerais savoir comment elle appréhende son état.
- Tant que je ne pose pas le pied, c'est supportable.
- Je peux imaginer.
Nous ne mettons que quelques minutes à rejoindre le café. Je prends soin de lui tenir la porte d'entrée. L'atmosphère de ce café, avec son style classique anglais, même si ce n'est que de l'imitation, m'est plaisante. Je la guide vers une banquette dans un coin discret. Elle clopine un peu pour s’installer sur la banquette, mais soupire d’aise discrètement une fois assise. Nous ne tardons pas à être abordés par un serveur.
- Bonjour mesdames, qu’est-ce que je peux vous servir ?
Elle balaie rapidement la carte avant de répondre.
- Un café noisette s'il vous plaît.
Elle boit beaucoup de café. C’est en tout cas ce que j’ai pu remarquer ces derniers temps. Connaissant la carte, je n'ai pas besoin de l'étudier.
- Un London Fog pour moi, je vous prie.
Le serveur repart en nous débarrassant des menus de l'établissement.
- Je peux vous demander ce que vous faites dans la vie Aby ?
C’est l’une des rares questions à laquelle je n’ai qu’une réponse partielle.
- Je reprends doucement mon travail d’assistante en maison de ventes.
- Vous êtes contente de reprendre ?
- Après des semaines à ne rien faire si ce n’est lire et réapprendre à marcher, oui. Enfin, ce n'est que du temps partiel pour l'instant.
- Vous avez une spécialité peut-être ?
- Les antiquités européennes, j’aide les commissaires-priseurs en majorité, je ne suis pas experte.
- Ça doit être fascinant.
- Ça l’est, et vous ?
- Qu'est-ce que je fais ?
- Oui.
Son intérêt à mon égard me fait sourire.
- Je travaille dans l’informatique, je développe des structures logicielles pour des tiers.
- J’avais compris que vous étiez dans l’immobilier.
- Par rapport à ce que j’ai pu dire tout à l’heure ? Non, ce n’est qu’un à côté dans lequel j’espère placer un peu d’argent.
Dans les faits, c’est déjà plusieurs propriétés que j’ai un peu partout en ville et ce n’est bien évidemment pas pour cela que j’étais dans cette ruelle.
- Ça va peut-être vous paraître bizarre, mais on ne se serait pas déjà vu ?
Sa question à brule pourpoint me fait me remettre en question. J'essaie de faire comme si je réfléchissais tout en connaissant parfaitement la vérité. Je n’aurais pas dû la rencontrer. Je pensais le danger écarter mais nos interactions pourraient raviver sa mémoire.
- Je ne crois pas, pourquoi ?
- Je ne sais pas.
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Je n’arrive pas à m’enlever cette idée de la tête. Où est-ce que j’ai pu la voir ? Au boulot ? Elle me l’aurait dit, je pense. Non, c’est autre chose. Je pense être malpolie si je l’interroge sur une idée si vague, alors je n’insiste pas.
Le serveur revient avec nos commandes, dont les odeurs se mêlent harmonieusement. J’approche ma grande tasse de café de mes lèvres pour souffler dessus, pendant que Kate mélange la sienne. Elle le fait comme si elle avait réalisé ce même geste des milliers de fois.
- Qu’est-ce que vous avez pris par curiosité ?
Je m'interroge, ça sent le thé.
- C’est un London Fog, un Earl Grey avec du lait et de la vanille.
- Je ne connaissais pas.
- Vous voulez goûter ?
- Non merci, je vais me contenter de mon café.
Elle est sympa, mais on ne fait pas de mélange.
- À part l'informatique et l'immobilier, vous aimez faire quoi de vos journées Kate ?
- J'ai peur d'être très banale, j'aime lire, je regarde la télévision… Et vous ?
- Eh bien, j'aime courir même si en ce moment c'est un peu compliqué… On vient à peine de m'autoriser les béquilles.
- Vous avez encore une longue période de convalescence ?
- Encore quelques longues semaines.
Ça me fait chier, mais j'essaie de rester positive. J'ai fait le plus embêtant et j'ai retrouvé pas mal d'autonomie déjà. Je regarde mon téléphone pour voir qu'il est déjà tard. Beaucoup plus tard que prévu. Comment j'ai pu ne pas m'en rendre compte ?
- Je vais devoir vous laisser.
Je fais signe à notre serveur que je veux l'addition et il ne met qu'un instant pour nous l'apporter. J'essaie d'atteindre mon portefeuille, mais il est coincé dans ma poche avec l'angle de ma jambe.
- Je vous invite.
- Merci mais ce n'est pas la…
Mais je vois déjà Kate tendre sa carte de crédit au serveur. Je n'ai pas le temps de réagir qu'elle a déjà réglé. Je suis partagée.
- Vous n'aviez pas à faire ça.
- C'est moi qui vous ai proposé ce café, cela me semble normal.
- Dans ce cas, donnez-moi votre numéro.
- Je vous demande pardon ?
- Que je puisse vous inviter à mon tour.
Un instant, je crois voir une ombre dans son regard avant qu'elle ne sorte et me tende une carte de visite
- Pourquoi pas.
Je prends la carte pour la lire : K. Ashton, Consultante en Informatique.
- Je n'ai pas de carte pour vous, vous avez un stylo ?
Elle en sort un de sa pochette. Évidemment qu'elle en a un. Je griffonne mon numéro sur ma serviette et la lui tends tout en lui rendant son stylo.
- Merci.
Je lui souris alors que je galère à me remettre debout avec l'aide de mes béquilles. Si la ville était praticable en fauteuil, j'aurais peut-être gardé celui de mon assurance. Je me dirige vers la porte qu'elle m'ouvre à nouveau. Elle peut toutes me les ouvrir, c'est si chiant à faire les mains prises… Une fois dans la rue, je hèle un taxi qui quitte le trafic pour s'arrêter à ma hauteur.
- Au revoir Abigail.
- Au revoir.
Je m'engouffre sur la banquette arrière, le sentiment amère d'être parti trop tôt. Elle était sympa.
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Une amertume étrange étreint mon esprit en voyant son taxi s'éloigner. Même si cette rencontre a été productive, il faut que je continue à la surveiller. Elle croit vaguement m'avoir déjà vue, ce n'est pas sans risque. De plus, elle remet partiellement en cause la théorie de l'accident. Je range précieusement la serviette avec son numéro dans ma pochette. Si je dois la revoir, il faudra que je prenne une décision au sujet de sa mémoire.
L'histoire avance et les deux jeunes femmes se rencontrent. Bien évidemment Kate est sur la défensive, mais je sens une certaine curiosité vis-à-vis de d'Abi, bien au-delà de sa surveillance.
Abi se sent perdue et tu le décris bien, la pauvre est dans une galère, perso je ne l'envie pas, mais peut-être que sa situation va s'arranger bien plus vite qu'elle ne le pense ?
Je spécule, bien évidemment, mais un petit coup de pouce de la part de Kate pourrait changer la donne !
D'ici là, j'attendrai la prochaine publication.
Un bon chapitre à retravailler à mon sens, quelques répétitions par ci par là, et peut-être remanier certaines phrases pour leur permettre d'être plus fluides.
Oui ! L’histoire avance et la grande rencontre a lieu ! Tu sens des choses intéressantes, je dois le reconnaître. Il faudra lire la suite pour savoir ce que le destin réserve à Aby et Kate…
Je te remercie pour tes conseils. Je vais revoir les répétitions, si certaines sont voulues pour représenter un mimétisme ou une façon de penser, je pense que d’autres sont remplaçables. Je ne suis pas satisfaite de ce chapitre à bien des égards, les scènes ne sont pas exactement de la couleur que je veux notamment, la fluidité y est peut-être pour quelque chose. Par ailleurs, je crois que je vais remanier les chapitres déjà publiés pour rajouter des incises aux dialogues à terme. J’ai voulu essayer de faire sans, mais je finis par trouver ça inutilement confus.
Merci de ton commentaire, la suite arrivera d’ici peu…
tu pourrais construire ta phrase ainsi par exemple : Mon regard scrute la ruelle, il y a trois mois jour pour jour, je me suis fait agresser ici même, je n'en ai aucun souvenirs et pourtant j'ai une impression de déjà vu.
ou bien : Aidé de béquilles, j'avance dans cette ruelle sordide, je m'arrête et essaie de me souvenir de mon agression, elle a beau s'être déroulée ici même, ma mémoire me fait défaut.
Bien sûr ces exemples restent à ta discrétion, mais si tu veux je peux t'aider à remanier tes phrases. je l'ai déjà fait et si cela peut t'aider, j'en serai ravie.
dis moi ce que t'en penses.
Tes alternatives sont bonnes, mais pour moi ne correspondent pas à la façon de s'exprimer d'Abigail.
J'entends par là que j'essaie, dans la limite de mes capacités, de réserver certaines tournures de phrases ou expressions à l'une ou l'autre de mes protagonistes. Pour moi, Katelyn qui a une pensée plus posée et calculatrice aura des phrases plus longues et un vocabulaire potentiellement plus daté quand Abigail sera plus organique et spontanée, voire aura des pensées peut-être emmêlées.
Peut-être n'ai-je pas le niveau suffisant pour ce genre de détails, mais j'y travaille. Mis à part ça, si je comprends bien, ce serait pour toi un problème de fluidité ?
Je te remercie une nouvelle fois de tes conseils, n'hésite pas à me faire coucou sur Discord, j'y suis tous les jours, ce sera peut-être plus simple pour discuter.
L'écriture ça se travaille, c'est comme tout le reste, plus tu vas écrire et plus ton style s'affinera, et puis j'ai remarqué que de corriger les autres, aides à nous améliorer, c'est pour cette raison que je me permets de proposer des choix différents. J'aime ta façon d'écrire, ton style est simple, efficace et addictif, sinon crois-moi je ne te lirais pas. Mon avis est exerce toi le plus possible et tu verras cela changeras la donne.
Je n'ai pas Discord, mais je vais l'installer, donc si après tout ce que j'ai écrit, cela t'intéresse toujours on pourra échanger sur Discord.
Je ne pensais pas que tu disais que je n'avais pas le niveau, je l'affirmais simplement de mon côté. À tort ou à raison, je me retrouve souvent à penser ne pas avoir les moyens de mes ambitions (Si ce n'est ne pas les avoir tout simplement). J'ai par ailleurs le défaut, sans doute commun, de ne jamais être satisfaite pleinement de ce que je fais.
Pour la fluidité c'était une simple question sans arrière pensée également. Les quelques lignes que tu reformules, c'est parce que tu y trouves un problème de fluidité ?
Une nouvelle fois je te remercie et suis heureuse que tu apprécies mon style et que tu complimentes mon histoire. J'y ai voulu un style plus simple que dans d'autres de mes projets, après tout nous sommes simplement à New York, pas dans une quête épique et grandiloquente, un style plus directe et moderne me semble plus adapté ou en tout cas me convient mieux.
Tous les avis donnés honnêtement et cordialement sont bons à prendre et j'apprécie les tiens. Hâte de te croiser sur le Discord, tu verras, nous ne mordons pas et l'ambiance est très agréable.
A très vite ;)
et pour répondre à ta question, si je trouve ton récit fluide, mais encore une fois je ne m'exprime pas forcément comme toi, donc, comme cité plus haut, j'y mettrais mon vocabulaire évidemment.
J'ai installé Discord, si tu veux qu'on échange.🤗