2017
Déjà le mois de juillet. Quand j’entre dans ma chambre d’étudiant, je vois tout de suite la lettre de Takeo sur mon bureau étroit. Elle attend là depuis une semaine, toujours fermée. Je ne vais pas attendre davantage pour la lire et lui répondre. Ce qui me retient, je crois, c’est lorsque je vois le temps et la volonté qu’il y a mis. Il doit se douter qu’une période compliquée approche pour moi. J’ai envie de lui rendre autant d’efforts, même si lui ne s’en apercevra pas forcément.
Je m’assois à mon bureau, et m’autorise une pause de quelques instants pour clore cette journée intense. Je soupire profondément. Je viens de commencer ma formation et j’ai dû trouver un job à côté pour financer mon hébergement à Kyoto. Je sais que j’en ai pour deux ans. Je pourrai ensuite ouvrir mon cabinet et mettre en pratique mes dons, ce que j’attends avec impatience. Cette perspective éveille un sourire dont mon visage avait presque oublié l’existence. Avec précaution, je détache la fermeture de l’enveloppe. J’en sors une page unique de quelques lignes. Paradoxalement, ses lettres me paraissent toujours complètes. L’aura de ses mots en dit bien plus long que lui.
Naoto,
Quand tu recevras cette lettre, tu auras surement déjà commencé ta formation (tu ne veux toujours pas que je t’offre un portable, sérieux ?). Je te souhaite que cette première année se passe bien ! Pour moi aussi le cursus commence. Ce sera j’en suis sûr des années enrichissantes que je ne regretterai pas. On m’a déjà proposé un stage dans une grande entreprise américaine basée à Tokyo, dont je ne peux pas mentionner le nom. C’est une chance inouïe ! Je crois que je vais accepter.
Pour répondre à ta lettre précédente, je pense passer par Kyoto sur mon retour à Fukuoka d’ici la fin de l’été. On se verra à ce moment-là.
Et toi, tu as le moral ?
À bientôt mon pote,
Takeo
Son hypocrisie m’agace. Il est malheureux comme les pierres et il n’ose pas m’en parler. Il croit me préserver de ses problèmes – il ne se rend pas compte que j’en ai bien conscience – et je me demande d’ailleurs s’il s’en est aperçu lui-même. Il est dans le déni de son état. Il essaie de me convaincre, ou plutôt de se convaincre lui-même qu’il a fait les bons choix. Je sais très bien que non, que le commerce n’est pas la voie pour lui. Depuis le début, je le sais. Mais je n’ai pas trouvé le courage de le lui dire. Je considère que je n’ai aucune légitimité à le conseiller sur ses choix de vie. Le devrais-je, plutôt que de le sentir s’éteindre peu à peu et de ne rien faire ?
Et moi, si j’ai le moral ? Il connait très bien la réponse à cette question. Pour me conforter et pour me malmener, j’ouvre le dernier tiroir de mon bureau. J’y observe le mouchoir tissé de bleu, de rouge et de noir. Il y subsiste davantage le souvenir d’elle que le parfum de ses douces intentions.
Déjà une année a passé. Je n’ai pas eu de nouvelles d’elle.
Que devient-elle ? Pense-t-elle à moi au moins à moitié autant que je pense à elle ? M’a-t-elle oublié ? A-t-elle même prévu de retourner à Fukuoka un jour ? En tout cas, je ne doute pas d’une chose : si nous nous y croisons, je percevrai pour sûr sa présence rayonnante parmi la foule, même un jour de procession.
Y penser remue une douleur dans le fond de mon ventre. Comme si je m’attendais à un miracle, je regarde derrière moi. La pièce parait désespérément vide. Pour me changer les idées, je reprends la lettre de Takeo et commence à lui rédiger une réponse. Comme lui, je fais l’autruche, sans rien mentionner du fond de ma pensée, comme si tout allait bien dans le meilleur des mondes.
simple et efficace, une petite histoire qui se lit paisiblement. D'habitude je cherche une intrigue au moindre recoin d'un point, ou à chaque revers de virgule, mais là, je n'en ressent pas le besoin. A voir, comment le don de Naoto ( j'imagine de voir l'aura des mots ? ou peut être plus ultérieurement) va s'exprimer..
Par contre la mère de Naoto m'a bien fait marrer, entre le fait qu'elle se sente triste pour la cécité de son fils et finisse en mode "Allez va te coucher, on va voir ça demain."
Je te remercie pour ton avis, ça me fait très plaisir ! ^^
J'ai tardé à poster le chapitre suivant, qui est un peu plus long que celui-ci ^_^ J'espère qu'il t'emportera tout autant !
Super chapitre, comme les précédents
Très agréable à lire
On en apprend un peu plus sur le moral de Naoto, qui semble un peu pas, comme celui de son ami.
Le fait que Naoto soit obligé de recevoir des lettres car il n'a pas de téléphone me fait un peu rire, mais j'aime la vibe
Je n'ai pas relevé de fautes en particulier, mais peut-être car j'étais trop absorbée par l'histoire
Au plaisir de lire la suite !
À bientôt :D
Merci pour ton retour, j'en suis très heureuse.
A croire que ce texte est assez fluide à la lecture, finalement, mais je pense que je le retravaillerai un peu quand même, alors n'hésite pas à me dire s'il y a des incohérences ou des phrases peu claires ! ^_^