Chapitre 3

Par Ohedenn

Ils s’étaient réveillés tard ce matin-là, étourdis par la fatigue heureuse de leur escapade nocturne à la crique. Le soleil filtrait à travers les rideaux légers, dessinant des formes d'or sur la peau de Lila. Maxime s’était étiré lentement, laissant échapper un soupir comblé.

Vers onze heures, après une douche paresseuse, ils descendirent finalement prendre un apéritif au bar de l’hôtel. La terrasse était presque vide à cette heure intermédiaire, bercée par la douceur tiède du vent venu de la mer.

— Deux Spritz, s’il vous plaît, lança Maxime au serveur avec un sourire.

Alors qu’ils prenaient place sur les fauteuils de rotin, Maxime remarqua un homme assis à la table voisine qui les observait avec une attention curieuse. Il avait l'air local, avec une chemise en lin ouverte sur un torse hâlé, des cheveux gris coupés court, et des yeux d’un bleu troublant, presque translucides.

— Vous êtes ici depuis longtemps ? demanda soudain l'homme avec un fort accent grec, rompant poliment le silence.

Maxime et Lila se tournèrent vers lui, surpris mais amusés par cette entrée en matière directe.

— Quelques jours à peine, répondit Lila en souriant.

L’homme hocha lentement la tête, semblant réfléchir.

— Vous connaissez l’histoire de cette île ? continua-t-il lentement, son français teinté des accents chantants du grec.

Maxime s’appuya confortablement contre le dossier de son siège, intrigué.

— Non, mais vous avez piqué notre curiosité, répondit-il en riant doucement.

L’homme eut un sourire mince, teinté de mystère.

— Il y a très longtemps, bien avant que les hommes ne marchent sur cette terre, cette île appartenait aux dieux. Aphrodite, déesse de l’amour et de la beauté, régnait sur les passions des mortels, tandis que Poséidon, dieu des océans, contrôlait les mers et les tempêtes. On raconte qu'un jour, Aphrodite a décidé de jouer avec Poséidon. Vous voyez, elle aimait séduire, provoquer, puis disparaître. Elle s’approche donc de lui dans une clairière ici même, sur l’île. Elle lui sourit, lui effleure doucement le bras, murmure quelques mots doux. Poséidon, sous le charme, est totalement conquis. Mais au moment où il tend la main pour la retenir, Aphrodite éclate de rire, se détourne et disparaît dans un nuage parfumé. Poséidon, laissé seul, fou de rage, jure alors vengeance.

Lila, captivée, s’appuya sur la table, les yeux pétillants d’intérêt.

— Et alors ? Qu'a fait Poséidon ? demanda-t-elle avec curiosité.

— Poséidon a promis que quiconque viendrait troubler à nouveau ce lieu par une moquerie semblable connaîtrait une solitude éternelle.

Maxime échangea un sourire amusé avec Lila, haussant légèrement les sourcils.

— Une solitude éternelle, rien que ça ? demanda-t-il avec ironie.

L’homme fixa Maxime d’un air calme mais ferme, insensible à sa légèreté.

— Je ne fais que vous raconter ce que mes ancêtres racontent depuis longtemps. On dit ici : « Ne réveille jamais la colère de Poséidon dans la clairière d’Aphrodite, ou tu resteras seul pour toujours. »

Un silence flottait désormais entre eux, chargé d’une étrange tension. Maxime tenta d’en détendre l’atmosphère :

— Et cette fameuse clairière, elle est où exactement ?

L’homme lui répondit sans hésitation, désignant vaguement un sentier qui partait du fond du jardin, derrière les arbres.

— Vous longez le petit chemin de terre qui traverse les pins, jusqu’à arriver près d’un rocher en forme de proue. Tournez à droite juste après. Vous ne pourrez pas la manquer. Elle est circulaire, parfaitement ronde, entourée d'arbres si serrés qu'on la croirait faite exprès pour cacher des secrets.

Lila sourit, intriguée.

— Ça ressemble à une jolie balade, dit-elle en posant sa main sur le bras de Maxime.

L'homme leva simplement son verre, un sourire énigmatique aux lèvres, avant de détourner le regard vers la mer, comme s’il avait accompli son devoir.

Maxime et Lila finirent lentement leurs verres en silence, le regard rêveur. Le soleil brillait haut désormais, invitant à l’aventure, à l’insouciance.

— Alors, dit Maxime en se penchant vers elle, cette clairière mystérieuse, tu veux aller voir si on peut provoquer Poséidon ?

Elle leva vers lui un regard pétillant de malice :

— Avec plaisir. J’ai toujours rêvé de défier un dieu.

Ils se levèrent en riant doucement, laissant derrière eux la terrasse, l’homme silencieux, et les dernières brumes de cette étrange légende qui commençait déjà à prendre vie.

Ils suivirent le chemin indiqué par l’homme, riant et échangeant quelques plaisanteries légères sur cette histoire étrange. Le sentier serpentait à travers les pins odorants, et bientôt, ils atteignirent le rocher en forme de proue. Suivant les instructions, ils tournèrent à droite et découvrirent enfin la clairière, exactement comme décrite, circulaire et secrète, presque magique.

Lila fit quelques pas vers le centre, tournoyant doucement sur elle-même.

— C’est donc ici que Poséidon a perdu la tête pour une déesse ? dit-elle en riant doucement, comme pour tester l'air autour d'elle.

Maxime la regarda faire, un sourire tendre sur les lèvres. La clairière était silencieuse, enveloppée d'une étrange quiétude. Les arbres formaient une couronne dense autour d'eux, laissant filtrer des éclats dorés de soleil.

Il s’approcha lentement, glissant ses mains sur ses hanches.

— C’est ici même, répondit-il à voix basse, penché vers son cou. Et je comprends pourquoi il était si troublé.

Lila ferma les yeux un instant, frissonnant légèrement sous ses lèvres qui caressaient doucement sa peau. Elle se retourna vers lui, levant son regard brillant et joueur.

— Alors, monsieur Poséidon, voyons si vous résistez mieux à Aphrodite que votre prédécesseur, murmura-t-elle en passant ses bras autour de son cou.

Leurs lèvres s’effleurèrent avec douceur, puis s’épousèrent avec une intensité soudaine, presque fiévreuse. Maxime sentit le souffle de Lila s’accélérer contre sa bouche, sa poitrine pressée contre lui, la chaleur montant en lui, rapide, urgente.

Elle glissa doucement à genoux devant lui, le regardant d’en bas, un sourire espiègle sur les lèvres. Elle déboutonna lentement son short, libérant délicatement son sexe déjà durci. Le vent bruissa dans les arbres, comme un murmure approbateur ou peut-être inquiet, tandis que Lila, lentement, prit Maxime entre ses lèvres.

Maxime gémit doucement, levant les yeux vers le ciel entre les branches. La sensation était profonde, délicieuse, presque vertigineuse. Il glissa ses doigts dans les cheveux de Lila, guidant doucement ses mouvements. Elle le regardait toujours, ses yeux brillants d’amusement et de désir mêlés.

Tout sembla s'accélérer autour d'eux. Maxime sentit son souffle se briser, le plaisir grimper en lui jusqu'à l'étourdissement. Et lorsqu’il atteignit l’extase, un brusque coup de vent balaya la clairière, faisant frémir les branches au-dessus d'eux comme une onde violente.

Lila se releva en riant doucement, essuyant délicatement ses lèvres, le regard malicieux.

— J’espère que Poséidon aura apprécié la performance, murmura-t-elle avec insolence.

Maxime l'attira à lui, déposant un baiser tendre sur son front.

— Tu viens peut-être de déclencher la malédiction, souffla-t-il avec amusement.

Elle haussa les épaules, provocatrice :

— Alors tant pis pour les dieux.

Ils quittèrent la clairière d’un pas léger, encore euphoriques de ce qu’ils venaient de vivre. Ils marchaient lentement sur le sentier, main dans la main, échangeant des sourires complices et quelques murmures joueurs. Pourtant, à mesure qu’ils s’éloignaient du lieu de leur étreinte, l’atmosphère changea subtilement.

Le chant des oiseaux s'était éteint, remplacé par un silence presque oppressant. Maxime ralentit instinctivement, jetant un regard autour de lui. Lila remarqua sa tension soudaine et resserra légèrement ses doigts autour des siens.

— Tout va bien ? demanda-t-elle doucement.

— Oui... juste, tu n’as pas l'impression que c'est plus calme qu'à l'aller ?

Elle fronça légèrement les sourcils, attentive à ce qui les entourait.

— C’est vrai… on dirait presque que l’île retient son souffle.

Maxime haussa les épaules, chassant ses inquiétudes d’un sourire :

— Peut-être que Poséidon boude vraiment, après tout.

Lila éclata de rire, le taquinant d’une légère tape sur l’épaule.

Ils avancèrent lentement sur le chemin de retour, chaque pas semblant peser un peu plus lourd que le précédent. À mesure qu’ils approchaient de l’hôtel, un silence épais, presque tangible, s'installait progressivement autour d’eux, comme une brume invisible venue les envelopper. Les bruits familiers de la nature avaient disparu, laissant place à un vide étrange, irréel, comme si le monde retenait désormais son souffle.

Lorsqu'ils arrivèrent enfin devant l’hôtel, ils s’arrêtèrent net. Tout était vide.

Pas de rires au bord de la piscine, pas de musique douce provenant du bar. Aucune silhouette se dessinant derrière les grandes baies vitrées du lobby. Le bâtiment semblait soudainement abandonné, comme figé dans une immobilité parfaite.

— Où est passé tout le monde ? murmura Lila, son sourire se figeant lentement.

— C’est bizarre…, répondit Maxime en s’avançant prudemment vers l’entrée principale.

Le lobby était impeccable, mais désert. Le comptoir de la réception était vide, les clés soigneusement alignées dans leurs casiers. Un verre à moitié plein trônait sur le bar, comme si quelqu'un venait de le poser quelques instants auparavant.

Maxime appuya nerveusement sur la sonnette du comptoir, mais seul un écho métallique répondit.

— Tu crois qu’ils organisent quelque chose sur la plage ? tenta Lila, plus pour se rassurer elle-même que pour vraiment poser une question.

— Allons vérifier, répondit-il simplement, bien qu'une étrange sensation s’insinuait déjà au creux de son estomac.

Ils traversèrent lentement les jardins parfaitement entretenus, dépassèrent la piscine aux eaux immobiles, puis descendirent jusqu’à la plage privée de l’hôtel. Le sable blanc s’étendait devant eux, désert. Pas une âme en vue, ni sur les transats abandonnés sous les parasols, ni sur le ponton en bois qui s’avançait sur la mer silencieuse.

— C’est pas possible, souffla Lila, une pointe d’angoisse dans la voix. Où est-ce qu’ils sont tous ?

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