Chapitre 3 - Anna : Encore un déménagement !

Par Emma

La maison n’est pas aussi grande que la précédente, mais bien assez pour nous trois. Comme des poupées russes, elles rapetissent au fur et à mesure des déménagements. Ce constat m’amuse, et chaque fois je me demande si je suis la seule à le remarquer. Nous voilà installés à Demon River. À l’aide de Google, j’ai pu en savoir un peu plus sur cette ville. J’ai noté différentes salles de boxe, un cinéma, un bowling, un bar karaoké, un diner, une banque, une poignée de magasins et un parcours pour jogger. Curieuse, j’ai mené des recherches sur la signification de son nom. Je m’attendais à une rivière courant à travers la ville ou aux alentours, mais rien. D’après les informations sur Internet, cette ville avait été nommée ainsi à cause de son manque de précipitation. Il faut dire que l’Arizona n’est pas renommé pour son climat, il y fait chaud les trois quarts de l’année, des tempêtes de sable sont à prévoir et les pluies diluviennes surviennent aussi brutalement qu’elles ne cessent. Elles n’apportent à l’environnement que très peu de verdure et de fraîcheur ; reste l’hiver, cette saison est relativement douce selon les années ! Mais au vu des photos trouvées sur une autre page, la neige n’est pas à exclure non plus on dirait.

Encore un déménagement, et je rends mon tablier ! Enfin, façon de parler. Pas la peine de compter, j’ai arrêté à sept et j’ai dû en oublier. Mes parents ont la bougeotte. Pas moyen de les freiner dans leur élan.

Je déballe le dernier carton, trie les objets que j’ai envie de garder pour agencer ma nouvelle chambre, et empile les autres pour les descendre au sous-sol. J’ai beau n’avoir que 18 ans, j’ai bien assez de souvenirs et d’évènements à mon actif pour ne plus m’encombrer de mes décorations d’adolescente. Pas question d’accrocher des posters, encore moins mes trophées, qui datent d’avant mes 10 ans.

J’installe mes produits de beauté dans la salle de bains attenante à ma chambre, j’aperçois au passage mon reflet dans le miroir. Mes cheveux blonds tout bouclés s’échappent du chignon que j’ai tenté de faire avec un élastique prêt à rendre l’âme. Je souffle sur une mèche, elle retombe aussitôt en travers de mon front en rebondissant tel un ressort. D’un geste rageur, j’enlève pour la énième fois ce chouchou de malheur et le remets du mieux que je peux. Mon teint hâlé et mes taches de rousseur ne cachent pas les cernes qui entourent mes yeux bleus. Le manque de sommeil me rattrape et la chaleur étouffante de cette ville m’épuise déjà.

J’aimerais ressembler à ma mère, avec ses cheveux raides et presque blancs tant ils sont clairs, une peau parfaite et aussi douce que de la soie. Ou avoir la carnation de mon paternel, hawaïen de naissance. J’ai toujours l’impression qu’il s’apprête à poser pour une célèbre marque de sous-vêtements masculins. En même temps, il est bâti comme une armoire à glace, je vois bien comment les femmes le regardent !

Je retourne dans ma chambre et mets les cartons vides dans le couloir. Mon téléphone vient d’émettre un bling dans la poche de mon short. Un texto de Lexi. C’est la seule personne que je connaisse dans cette ville. Son père et le mien sont amis depuis des années. On se suit sur plusieurs réseaux sociaux, mais en vrai, je ne l’ai pas vue depuis une éternité. Elle voudrait savoir si ça m’intéresserait de sortir un de ces quatre, je m’empresse d’accepter.

Encore quelques semaines de vacances, et j’entrerai en première année de fac. C’est une petite université d’état. Il y a un seul amphi, et peu de salles, les élèves sont mélangés par manque de place. Sur la brochure, j’ai vu qu’il y avait aussi un théâtre, un stade, une bibliothèque et une cafétéria. Comme je n’ai pas l’intention de vivre loin de mes parents, ce choix me va très bien. Nous avons toujours tout fait ensemble et il n’y a aucune raison pour que cela change. Penser à la fin de l’été et au campus, fait monter en moi une bouffée de stress. J’ai besoin de prendre l’air. Je dévale les escaliers en portant autant de cartons que possible et rejoins mes parents dans la cuisine. Connaissant mon père, il va partir en reconnaissance à travers la ville. Si ce n’est pas le cas, j’irai courir quelques kilomètres afin d’évacuer mon trop-plein d’énergie.

Quand je remonte du sous-sol, il est au téléphone. Ses biceps contractés m’ont toujours impressionnée. Il tient l’appareil d’une main, passe l’autre sur son crâne rasé. Lorsque j’étais plus jeune, je m’amusais à placer mes bras autour des siens pour qu’il me soulève, ce qu’il faisait sans aucun effort. J’avais la sensation d’être en présence d’un guerrier, mon héros.

Ma mère s’approche de moi et me tend un verre de thé glacé, elle me regarde comme si j’étais la huitième merveille du monde. Pour la remercier, je pose ma tête sur son épaule, l’embrasse dans le cou, puis je me redresse et bois mon verre d’une seule traite. Mon père raccroche et nous sourit, sa peau mate fait ressortir ses dents blanches.

— Mickaël Wallace est d’accord pour me rencontrer demain après-midi. Il a un emploi à me proposer. D’après lui, je ne regretterai pas le poste qu’il va m’offrir.

Contrairement à ma mère qui écrit et illustre des livres pour enfants, mon père vient de prendre sa retraite. C’est un ancien boxeur professionnel, aimé de son public, ami des médias et de la plupart de ses adversaires. Il est le parfait exemple du gars célèbre et super sympa. Pourtant, il n’est pas fan de tout ce tapage. C’est un homme simple. Il abhorre les grandes agglomérations et préfère les coins isolés et la tranquillité des petites salles de sport dans lesquelles il peut travailler. Pour mon père, c'est important d'aider les jeunes qui, comme lui par le passé, proviennent de milieux défavorisés.

**

Les rues de Demon River sont plutôt paisibles et révèlent quelques coins sympas, nous visitons tranquillement les lieux, et en profitons pour déguster une glace. Pour avoir observé la ville sur Internet, j’ai constaté qu'elle se découpait en trois secteurs bien distincts. La banlieue nord regroupe les plus fortunés avec leurs aménagements de luxe, le centre-ville et ses environs sont réservés aux familles aisées, désormais notre secteur, et le quartier sud englobe les plus démunis.

Les gens abordent mon père comme une star. Il signe des autographes, pose pour des selfies, serre des mains, répond aux personnes qui l’interpellent de loin, sans jamais se départir de sa bonne humeur. Il se prête au jeu sans ciller, même si les bains de foule ont tendance à le rendre nerveux. Ma mère prend des quantités de photos, avec un appareil si vieux que je me demande si l’on aura la chance de les voir un jour ! Nous traversons un parc. Inspirée par le lieu, elle commence à conter l’histoire de la fontaine située en son milieu. Nous écoutons avec la plus grande attention. Ses récits sont toujours captivants et imprégnés de poésie. Comme nous nous installons sur un banc, mes parents s’enlacent. À cet instant, je me sens bien, confiante et pleine d’espoir. On finira par aimer cet endroit, j’en suis sûre. Suffisamment, en tout cas, pour qu’ils n’aient plus envie de partir. Ras-le-bol des déménagements !

Le lendemain, j’accompagne mon père pour son rendez-vous professionnel. Dès que nous le pouvons, nous passons du temps ensemble. Comme il fait chaud, j’enfile une robe et attache mes cheveux en queue de cheval. En dépit de mon tempérament de sportive, mes courbes féminines empêchent mes adversaires de voir en moi une combattante à la hauteur. Je suis obligée, malgré moi, d’être plus agressive et plus déterminée.

Dès notre entrée dans le local, papa inspire profondément. L’odeur de pied et de sueur, bien sûr ! Vu sa tête, je sais qu’il est aux anges.

Mickaël Wallace, avec son nez fracturé à de nombreuses reprises et sa musculature impressionnante, nous accueille à bras ouverts. Le complexe est loin d’être bondé, mais tous les regards se braquent sur moi jusqu’à ce qu’ils croisent celui de mon paternel. Je me pensais plus téméraire, mais là, je me sens plutôt mal à l’aise. Je suis de près mes "gardes du corps " et avance vers le seul bureau se trouvant en ce lieu. Je m’installe à côté de la baie vitrée. Comme elle donne sur le ring, j’observe les entraînements sans en perdre une miette. Je n’écoute pas un traître mot de ce que racontent les deux hommes, tant je suis absorbée par les échanges des combattants.

Après l’entretien et une ferme poignée de main, nous reprenons la route. Mon père a accepté le poste et sa mine réjouit fait plaisir à voir.

— Mike est d’accord pour que tu viennes t’entraîner dans la salle, me dit-il très content.

Je me tourne vers lui, les yeux écarquillés de surprise.

— Excuse-moi, mais tu oublies un petit détail là, il n’y a pas une seule femme dans cet endroit ! C’est vrai, j’adorerais faire du sport avec toi, mais ça, ce n’est pas une bonne idée, en plus, je ne suis pas de taille à affronter ses poids lourds !

Tout en conduisant, il me jette un coup d’œil amusé.

—  Cet endroit est parfaitement convenable. Tu pourrais venir t’y entraîner au moins jusqu’à la rentrée, et voir par la suite si tu as envie de continuer. Et ne t’inquiète pas, je réglerai son compte au premier gars qui te manquera de respect. Reste le problème des combats, je trouverai une solution, fais-moi confiance, il y en a toujours une. Et comme tu l’as si bien dit, ça nous permettrait de passer un peu de temps ensemble. Tu veux bien y réfléchir ma puce ?

Comme il repère une place sur le parking, il se gare juste en face d’un magasin de sport.

Si je mets un pied là-dedans, il m’aura à l’usure et j’essaierai des gants à coup sûr ! Je suis foutue.

Quand je braque les yeux sur lui, son air est tellement innocent qu’il n’est même pas crédible.

 

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Edouard PArle
Posté le 27/06/2024
Coucou Emma !
Très cool de découvrir le personnage d'Anna, qui apporte un sacré contraste avec les points de vue de Kyle. Elle n'a clairement pas la même vie, ne recherche pas les mêmes choses, sa famille est vraiment chou. Bon, je pense voir où tu nous emmènes avec ce début de roman, vers une rencontre à la boxe puis une romance. Peut-être que je me trompe, je verrai ça bien vite xD
En tout cas, j'ai beaucoup aimé découvrir ce personnage et je suis curieux de voir ce qu'elle va penser de sa nouvelle ville et des entraînements de boxe.
Mes remarques :
"la neige n’est pas à exclure non plus on dirait." couper après exclure ?
"en rebondissant tel un ressort." je suis pas sûr de la métaphore même si je vois ce que tu veux dire
"Quand mon paternel raccroche," tu utilises plusieurs fois le terme paternel, je trouve ça un peu étrange. Pourquoi pas père ?
Un plaisir,
A bientôt !
Emma
Posté le 27/06/2024
coucou Edouard,
Heureuse de te lire. Je vais commencer par tes remarques :
au sujet des ressorts, j'ai toujours entendu cette expression, es-ce correct de l'écrire ainsi, en fait j'en sais rien, mais le plus important c'est que tout le monde comprend l'idée, et comme je n'ai pas l'intention de me faire publier, je prend des libertés.
j'ai relu le texte, je n'ai que deux fois le mot "paternel" donc je vais les laisser, il ne me dérange pas plus que ça, de plus il n'y a pas vraiment de synonyme au mot "père"

en ce qui concerne l'histoire, et bien tu verras bien, je ne vais pas te raconter la suite, mais sache que ma romance est très cliché au départ tout du moins. je peux te dire que la boxe a son importance, mais peut-être pas comme tu le crois.
Au plaisir de te lire
Edouard PArle
Posté le 28/06/2024
Yes, l'expression existe, je me demandais simplement si elle était adaptée dans le contexte.
D'acc, c'est tout à fait compréhensible. Je me permet de faire des retours comme je pense que la majorité des auteurs sur PA en recherchent après n'hésite pas si tu en souhaites seulement sur le fond, j'adapterais mes commentaires (=
Oui, c'est vrai qu'il n'y a pas vraiment de synonyme, j'avoue que j'aime pas trop le "paternel" seulement pour remplacer père car pour moi ça a une signification un peu différente, ça a un côté plus oral. "mon paternel"
Yes, après ce n'est pas parce qu'on devine la destination qu'on aime pas le chemin eheh Hâte de découvrir la suite !
Emma
Posté le 02/07/2024
Pour répondre à ta question, un peu tardivement et je m'en excuse, je prends tous les retours, sinon c'est pas drôle !
Aucun ne me dérange🤗
Edouard PArle
Posté le 02/07/2024
D'acc !
Saskia
Posté le 26/06/2024
Coucou Emma !

C’est chouette de découvrir Anna et sa famille. Malgré les déménagements à répétition, on voit qu’elle a une vie assez tranquille où elle n’a jamais eu à s’inquiéter de grand-chose, contrairement à Kyle. Elle découvre simplement son nouveau lieu de vie, et avec son amie Lexi dans les parages, ça devrait être assez facile pour elle de trouver ses marques ^^

Après c’est vrai que ça ne doit pas être simple d’être la seule femme au milieu d’un groupe de boxeurs… Mais étant donné la belle complicité qu’elle a avec son père et son fort intérêt pour la boxe, elle ne peut que craquer et venir s’entraîner ici XD
Emma
Posté le 26/06/2024
Coucou Saskia,

Heureuse de te retrouver. Tu as raison, oui, Anna a une vie mouvementée par les déménagements, mais remplie d'amour, Lynn et Taylor sont au petit soins pour leur fille. sa vie est douce, est elle-même est une jeune fille avec un côté très fleur bleue.
Mais c'est aussi une fille qui aime le sport, et la boxe en fait partie bien sûr, et le fait que Kyle en fait lui aussi, eh bien
pourquoi ce gêner.😁
A bientôt
NamiSakura
Posté le 01/05/2024
Le personnage d'Anna me semble très prometteur avec un caractère à la fois doux, et en même temps elle sait ce qu'elle veut, j'ai hâte de mieux la connaître. ; )
Emma
Posté le 01/05/2024
Tu as très bien cerné Anna, ça me fait plaisir, car ce n'est que le premier chapitre, tu es très perspicace.
Merci infiniment pour tes encouragements.
à bientôt de te lire
SagaLee06
Posté le 18/04/2024
Salut Emma !

Je poursuis ma lecture donc ma lecture ! Très intéressant ce chapitre avec Anna, je la trouve rafraîchissante (un sacré contraste avec le quotidien violent de Kyle).

Alors mes petites remarques :
1)Ton premier paragraphe est alourdit par les "que", "qu'", et "qui", c'est dommage car ça casse le rythme du descriptif de la ville de Demon River.

2)"Elle voudrait savoir si ça m’intéresserait de sortir un de ces quatre" -- J'aurais remplacée par "Elle voudrait savoir si ça m'intéresserait de sortir un de ces jours".

3)Tu expliques qu'Anna va a la fac, mais quelle est sa spécialité ? Ou ça n'a aucune importance dans le livre ?

4)"Le choix est rapidement fait. Nous sillonnons des rues plutôt paisibles qui révèlent quelques coins sympas, et visitons tranquillement les lieux, tout en dégustant une glace." -- Tu as mis deux adjectif en ent avec "Rapidement" et "Tranquillement, puis tu termines avec "dégustant". Je te suggère d'alléger la phrase, je trouve que ça alourdit. Mais si ça te convient comme ça, je comprends !

5)"Je suis de près mes - gardes du corps - " -- quelle est l'utilité des tirés ici ? Ou alors as-tu voulu faire de l'ironie ?

Voili voilou c'est mes quelques remarques (constructives 😅) et des questions au passage !
À bientôt et au plaisir de te lire !
Emma
Posté le 18/04/2024
Bonjour SagaLee06,
ravie de te lire.
1 ) Je vais me pencher sur les répétitions.
2 ) Anna va à la fac, mais sa spécialité n'a pas vraiment d'importance, pour le moment en tout cas.
3 ) oui, les tirés sur les mots : gardes du corps- c'est juste pour dire qu'elle se sent protégée, en sécurité, en traversant le complexe.
Merci de prendre le temps de commenter, cela m'aide beaucoup.
A très vite :)
Emma
Posté le 18/04/2024
Je viens de corriger mon chapitre, j'espère que les modifications te plairont :)
SagaLee06
Posté le 18/04/2024
Re-salut (du soir),

Tes modifications améliorent le texte ! Il n'y a pas tant de changement à faire, c'est juste quelques petites phrases mais rien de trop gros non plus !

Bonne soirée à toi et à bientôt :)
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