Chapitre 3 : Au chevet de sa mère

Perdue dans la nature, à quelques longes du village de Midedal, mon foyer pataugeait au bord du lac Iéna. La lueur crépusculaire grimait ses pigments rouge orangé sur ses façades et la surface de l’eau clapotait sous les baisers d’une brise légère. La chaumière brunâtre faisait petite. Prise en tenailles entre l’immense cirque d’Abervy, composé d’anguleuses montagnes. Et la forêt Souare, constitué de séquoias géants et sombres entre autres.

 

Endreiz enfonça la porte de chêne noir. Les gonds, mal huilés, grincèrent. La lumière entra dans la pièce sombre, le menant jusqu’à la chambre de sa mère. Elle était étendue, là, sur son maigre lit, les cheveux noirs défaits et le teint diaphane. Les draps blancs couvraient son corps rachitique engoncé dans sa robe crème. Il voulut se déplacer avec silence, mais c’était peine perdue, le plancher, mal entretenu, se lamenta bruyamment. Les yeux vert émeraude, si familiers parce qu’il avait les mêmes, s’ouvrirent sur lui, comme éteints.

 

— Ah ! C’est toi, mon fils... dit-elle comme un baume.

— Oui, môman. Comment t’y vas ?

— C’t à toi qu’on devrait d’mander ça… …. Va-t’y bien ? … … Ta journée s’est bien passée ? … ... T’m’as l’air bien pâ...

 

La fin de sa suite de phrases espacées se termina sur une quinte de toux. Il se précipita à son chevet alors qu’elle le tenait toujours en mire. Ne pouvant tenir son regard tellement il lui faisait de la peine, il détourna son attention sur l’intérieur de la maisonnée. Il caressa du regard l’atmosphère désuète et pauvre du salon, des paravents comme uniques séparations avec leurs chambres. Le plafond et les murs métalliques aux tuyaux dézingués commençaient à être mangées par la rouille. Les interfaces digitales se pixelisaient petit à petit en milliers de reflets irisés de lumière stroboscopique. Le vernis ambré du mobilier faisait antédiluvien par rapport à l’équipement cybernétique vétuste. Le canapé et autres assises d’un rouge passé étaient miteuses. Ce décor familier le réconforta quand même.

 

— Tu sais… marmonna-t-elle en voulant se caler à son oreiller fantomatique.

 

Alarmé, Endreiz se précipita pour l’aider.

 

— Môman ! Préserve tes forces !!

 

Il se tourna vers sa mère et l’ausculta avec gêne. Sa peau était sur ses os et son ventre toujours aussi sensible. Au toucher, sa mère avait de la fièvre. Il passa un linge humide sur son front et lui fit avaler le remède prescrit par la doctoresse de Midedal.

 

— Enfin… Tu sais… T’inquiètes trop...

— Tout va bien, môman. Rendors-toi, annonça-t-il, le ton raffermi.

— T’es un gentil fiston… Ton père aurait été…

 

Elle voulut rajouter quelque chose. Sa mine stricte et renfermé la convainquit d’économiser son souffle. Il était des sujets dont il ne fallait pas parler.


 

Dans quelques heures, le soleil allait mourir dans l’horizon. Il se sentait comme lui. Abattu. Longtemps, il s’était couché et levé avec l’astre des jours. Saleté de chien de Lumineux, il le mordait d’une manière honteuse et vicieuse. Sans mère, comment ferait-il ? Déjà qu’il n’avait plus vraiment de père. Avec ou sans. Finalement, c’était tout comme pour lui. Balayant ce souvenir, Haidol entra telle une tornade et la brise fraîche du début de soirée l’accompagna. Le froid prit Endreiz dans sa cape, engoulant tout l’intérieur de la demeure. Il se rapprocha de son âtre et, avec quelques morceaux de bois et d’étincelles statiques, il fit fleurir un feu bientôt abondant dans la cheminée. Son compagnon de tous les jours s’assit à ses côtés, attendant ce qu’il adviendrait une minute. Une parole. Un premier mot qui romprait le silence où Haidol ne voudrait s’y tapir désespérément.

 

— La pauvre ! Je la plains !! Elle a trimé toute sa vie en s’occupant de moi et des champs.

— Oui et tu me diras qu’elle était toute seule.

— Bien sûr qu’elle était toute seule !! Il n’y avait plus… MON… GÉNITEUR !!!

 

Avec une moue douloureuse, la bouche remplie d’un fruit acide imaginaire, il cracha plus ce patronyme qu’il ne le prononça. Étant trop petit pour se souvenir distinctement de son père qui était parti sans crier garde, il le haïssait pourtant intensément pour avoir fait souffrir sa mère et l’avoir laissé seule. Elle eut pour uniques soutiens, ses manches à retrousser et Haidol qu’elle avait recueilli peu après comme pour combler le vide.

 

Ce garçon de ferme avait été le premier ami d’Endreiz. Échappant quelques fois à l’attitude surprotectrice de sa mère, il ne put, néanmoins, découvrir tout ce qu’offrait la jeunesse que ce soit de bien ou de mal. Alors qu’il était à l’âge d’être un petit homme, la santé de sa mère avait dégringolé de son piédestal du jour au lendemain. Ne sachant rien de la vie, Endreiz avait pris de plein fouet cet événement tragique. Dès ces douze ans, il l’avait dû reprendre le travail de la ferme, accompagné de son ami.

 

Pour Haidol, s’apitoyer sur le malheur d’une personne n’était pas son truc. Au moins, il pouvait l’accompagner dans la perte de son innocence. À quelques maux près, il avait l’habitude de compatir à cette diatribe sempiternelle, il la subissait au moins une fois par décade. Soit c’était sur la maladie de sa mère, soit sur l’absence de son père en de plus rares occasions. Ou c’était les deux, une fois par millénaire, lors ces moments maussades. À la plus grande partie, cela dérivait ensuite vers des sujets plus triviales et guillerets. Comme les champs à moissonner, les jolies fleurs des environs qu’ils aimeraient cueillir et autres. Ils faisaient un alcool artisanal de prunes détonnant grâce à un antique appareil appelé alambic. Cela aidait parfois grandement à dérouler les discussions jusqu’au bout de la nuit. Ils terminaient souvent dans le noir, le feu étouffé, entre culs et chemises, à ne plus savoir où étaient leurs lits. Ce qui ne fut pas le cas en ce soir...

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Mila
Posté le 02/07/2024
Hello !
Ici on en apprend plus sur la famille d'Endreiz. La maladie et la fragilité de sa mère est bien décrite, on visualise bien cette pauvre et petite femme au bout de la vie... Le style d''écriture est toujours aussi étonnant et plaisant.

Juste quelques coquilles :

"
Perdue dans la nature, à quelques longes du village de Midedal, mon foyer pataugeait au bord du lac Iéna."
=> PerdU, puisqu'il s'agit du foyer.

D'ailleurs, la majorité du premier paragraphe est en italique, avant de passer soudainement à une écriture droite en plein milieu d'u mot. C'est bizarre.

"Prise en tenailles entre l’immense cirque d’Abervy, composé d’anguleuses montagnes. Et la forêt Souare, constitué de séquoias géants et sombres entre autres."
=> Pour la continuité de la phrase "prise en tenaille entre.... et.... il ne faut pas mettre de point après "anguleuses montagnes" La phrase "et la forêt Souare..." est en fait la continuité de l'autre.

"Dès ces douze ans, il l’avait dû reprendre le travail de la ferme, accompagné de son ami."
=> Dès SES douze ans

"À la plus grande partie, cela dérivait ensuite vers des sujets plus triviales et guillerets. "
=> triviaux, puisque ce sont les sujets : masculin pluriel

À bientôt !
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