Il était un peu plus de 15 heures lorsque Lyra rejoignit sa mère devant la petite boulangerie du vieil Edmond. Une délicieuse odeur de pain perdu, de tarte au chocolat et de cannelle embaumait l’air à chaque ouverture de la porte. Laurinda observait d’un air un peu absent la vitrine aux nombreuses pâtisseries appétissantes. Quelques-unes étaient doté d’un nappage enchanté, de petits personnages en meringue ou en pâte d’amande se promenant sur le glaçage ou escaladant les diverses couches des gâteaux à étages. Elle n’en détourna les yeux qu’en apercevant le reflet de sa fille approcher.
— Ah, te voilà. Ils n’ont pas été trop impolis, j’espère ?
— Aussi aimable que d’ordinaire, répondit Lyra avec un haussement d’épaules. Angie n’est pas avec toi ? poursuivit-elle en avisant l’absence de cette dernière.
Son regard coula vers l’intérieur de la boutique qu’elle examina à la recherche de leur petite terreur. Elle s’attendait à la voir faire les yeux doux au vieil Edmond pour avoir un chou à la crème mais ne trouva pas trace de la fillette. À côté d’elle, sa mère poussa un profond soupir.
— J’ai réussi à convaincre tante Agathe de la garder pour l’après-midi.
Lyra se retourna d’un bloc, interloquée.
— Tu es sûre que c’est une bonne idée ? s’enquit-elle avec un certain malaise. Ces deux-là s’entendent comme…
— Chien et chat, je sais, coupa sa mère en se passant une main sur le visage. Mais connaissant ta sœur, il valait mieux la laisser à la maison. Je t’avoue ne pas me sentir la force d’affronter un nouveau caprice lorsque nous passerons devant la boutique de baguettes. Ou devant n’importe quelle boutique d’ailleurs. J’espère juste qu’elle ne fera pas trop de bêtise en notre absence.
Lyra fit la moue, peu convaincue. Si on ne retrouve pas la maison en feu au retour, ce sera un miracle, songea-t-elle sans oser le dire.
Tante Agathe était ce qui se rapprochait le plus d’une vieille pie, adepte des écoutes derrière les portes et friande de ragots. Son caractère de cochon lui avait valu de se retrouver seule et l’unique raison pour laquelle Laurinda persistait à garder le contact, c’était à cause de son défunt mari qui avait toujours bien aimé la créature opiniâtre qu’était leur vieille voisine. Il fallait dire que Jupiter Oakwood avait un grand cœur et une manière bien à lui de voir le monde. Une manière qu’avait hérité sa fille aînée.
— On commence par quoi ? questionna-t-elle pour changer de sujet.
Vu l’état des ongles de sa mère, il était quasi certain qu’elle imaginait déjà tout un tas de catastrophe se produire durant leur absence.
Laurinda se secoua et sortit la liste des fournitures. Dessus, elles purent lire :
ACADÉMIE AUBELUNE
ÉCOLE D’ENSEIGNEMENT MAGIQUE SUPÉRIEUR
MANUELS
Est demandé aux élèves de se munir des exemplaires suivants :
Invocation d’une Ombre, le guide du familier par Erebus d’Arcy
Histoire des arts magiques, l’Arcane à travers les âges par Celestina Blanchette
Sortilèges et enchantements avancés par Arnold Doidefée
Maléfices et contre-sort, s’en prémunir par Mary Foulcamp
Permutation des métaux et théories alchimiques par Paracelse Changeplomb
Encyclopédie des fées et autres êtres extraordinaires par Charity Lellouche
Le grand livre de la Divination par Davina Rêveclair
Le petit guide des herbes, racines et champignons enchantés par Sage Lachanterelle
Le pouvoir des astres, manuel d’astronomie par Ebony Ombrelune
Runologie ou l’art des mots magiques par Richard Courtepail
Potions et remèdes par Octavius Atwater
FOURNITURES
Sont également demandés :
Une baguette magique gravée (en bois, verre, cristal ou autre pierre)
Un télescope
Un nécessaire de chimie (en verre ou en cristal)
Un pendule (en métal ou cristal ou autre pierre)
Une paire de gants protecteurs (en cuir de dragon ou de vouivre)
Un tablier (en cuir de dragon ou de vouivre)
UNIFORME
En accord avec le règlement intérieur de l’établissement, il est interdit aux élèves de se présenter aux cours autrement qu’en uniforme. Ce dernier se composera :
Chez les messieurs :
Un blazer noir
Une chemise blanche
Une lavallière couleur de nuit
Un pantalon droit noir
Des brodequins noirs
Chez les demoiselles :
Un blazer noir
Une chemise blanche
Une lavallière couleur de nuit
Une jupe noire plissée ne dépassant pas les chevilles
Des bottillons noirs
Veillez à prendre votre uniforme en plusieurs exemplaires, aucun manquement au règlement ne saurait être toléré.
Ne seront accepté en supplément uniquement :
Une cape d’hiver fourrée ET fermable
Une écharpe
Un bonnet
Une paire de gants (idéalement fourré)
Une paire de cache-oreille (si nécessaire)
Lyra jeta un coup d’œil à sa mère. En découvrant son expression catastrophée, elle sentit une boule se former dans sa gorge. Malgré la somme rondelette qui reposait au fond de sa sacoche, Laurinda semblait s’inquiéter de telles dépenses. Lyra l’imaginait faire ses calculs et aboutir à une somme qui lui ferait tourner de l’œil si sa fille ne bénéficiait pas d’une bourse conséquente.
— Pas besoin de nouveau télescope, lâcha l’adolescente à brûle-pourpoint, celui de papa ira très bien.
— Tu es sûre ? s’enquit sa mère avec une certaine appréhension.
Les opportunités de s’acheter du neuf étaient rares, mais Lyra, en grande économe, ne voyait pas grand intérêt d’acheter pour acheter. Tout son matériel n’était pas à remplacer. De plus, elle aimait profondément le vieux télescope de son père. C’était celui avec lequel elle avait pu voir la constellation de la Lyre pour la première fois et où son père s’était amusé à lui présenter « l’autre Jupiter ». Il y avait aussi les runes qu’il s’était amusé à graver sur les anneaux du télescope lors de ses années d’études, et qui donnait un certain cachet à l’objet en plus de protections magiques.
Il était vieux, un peu patiné, mais fonctionnel.
Catégorique, Lyra opina.
— Bon, si tu y tiens…
— Quant au nécessaire de chimie, poursuivit Lyra, il me faudrait juste de nouvelles fioles. Angie me les a cassés le mois dernier. Avec mes béchers. Et mon bel alambic.
Lyra songea au triste spectacle qu’elle avait retrouvé dans sa chambre quand sa sœur s’était mise en tête de s’essayer à la potion elle aussi. De son côté, Laurinda soupira. Elle avait l’air éreintée.
— Celle-là alors…
— Mon pendule en quartz ira aussi très bien, poursuivit l’adolescente sans vraiment l’écouter.
Sa mère tiqua et cessa de se ronger l’ongle du pouce pour se tourner vers elle.
— Celui que t’a offert Jude l’an dernier ?
Lyra opina.
— Bon… il ne nous reste donc plus que les livres, l’uniforme, les gants et le tablier de protection et de quoi remplacer ton matériel de potion, réfléchit Laurinda tout haut.
Elle se rongea encore un peu l’ongle, perdue dans ses pensées avant de secouer la tête. Elle replia la liste et la rangea avant de passer un bras sous celui de sa fille.
— Dépêchons-nous, marmonna-t-elle en jetant un regard anxieux au ciel où le soleil avait encore un peu décliné. Je n’aime pas savoir ta sœur et tante Agathe toutes seules.
Et ce disant, elle pressa le pas en remontant la rue.
Laurinda décida de passer en premier par la Boîte de Pandore, la boutique de matériel en tout genre où elle choisit pour sa fille une solide paire de gants en cuire de dragon – elle faillit tourner de l’œil en découvrant le prix – et un tablier en peau de vouivre – plus susceptible de supporter des éclaboussures de décoctions magiques grâce à sa nature enchantée.
Elles se dirigèrent ensuite chez Tisse-Écueil, la boutique de Mme Flanelle chez qui la famille Kingsford faisait faire tous leurs vêtements. Une valeur sûre, donc, malgré les prix exorbitants.
La boutique était plutôt petite et son intérieur cosy. Un charmant petit salon avait été aménagé près de l’entrée où faire patienter les clients. Une théière y attendait, environnée d’une tripotée de tasses en porcelaine délicate et de deux plateaux de biscuits. Cette dernière s’était d’ailleurs élevée à leur arrivée et leur servait déjà une tasse de thé sans qu’aucune main ne vienne l’assister.
De jolies couvertures de laine soyeuses couvraient les fauteuils et le petit canapé tandis que juste derrière, sur tout un pan du mur, s’étendaient des présentoirs qui débordaient d’échantillons de tissus que les clients pouvaient examiner à loisir.
L’attention de Lyra glissa jusqu’au fond de la pièce où un seul autre client accaparait Mme Flanelle. C’était un homme petit au dos courbé et au visage profondément marqué par le temps. Il se tenait débout, les bras écartés, sur une petite plateforme surélevée et faisait face à un grand miroir triptyque qui lui renvoyait son sourire un peu absent alors qu’il écoutait d’une oreille les monologues enthousiastes de la petite dame qui lui tournait autour.
Lyra la trouva étonnement vive autant pour son âge que pour le léger embonpoint qui lui donnait un visage rond au cou quasi absent. Une expression joviale semblait gravée sur ses traits, impossible à enlever, même lorsqu’elle remarqua enfin ses deux nouvelles clientes après avoir annoté quelques mesures dans son carnet.
On pourrait croire qu’avec leurs vêtements tristement rafistolés et le prestige de la boutique, Mme Flanelle aurait froncé le nez, a minima demandé aimablement à ce qu’elles attendent dehors. Pourtant ce fut tout le contraire. Dès que la couturière posa les yeux sur elles, elle s’égaya d’un sourire chaleureux encore plus large si c’était possible. Cette femme doit être faite de rayons de soleil, songea Lyra avec curiosité, personne n’est aussi solaire.
— Je suis à vous dans une petite minute, lança-t-elle avant de revenir à son mètre ruban, installez-vous, installez-vous !
Mère et fille prirent maladroitement place sur les fauteuils rembourrés. Si Laurinda craignait de les salir, Lyra ne savait tout bonnement pas comment aborder pareille assise. Il n’y avait pas de fauteuil comme celui-ci chez elle. En fait il n’y avait même pas l’ombre d’un salon. Elle se décida donc à se laisser tomber dessus avec beaucoup moins d’élégance que sa mère.
Le choc fut brutal.
Pas qu’il fut douloureux ou inconfortable, c’était même tout l’inverse. Mais la sensation était somme toute surprenante. Lyra s’enfonça dans son fauteuil avec l’impression de s’étendre sur un nuage duveteux. Si sa mère se tenait droite, l’adolescente ne put résister à la tentation de se laisser aller contre le dossier avec la délicieuse impression qu’il allait l’avaler. Un jour, j’aurais un fauteuil aussi confortable, songea-t-elle avec rêverie.
Elle dut parler à voix haute, car elle vit sa mère dissimuler un sourire derrière sa main.
Lyra laissa son attention vagabonder un peu partout sur la boutique, du joli lustre aux montants de verre en passant par le comptoir d’accueil au bois de rose lustré. Elle finit par étudier le présentoir de tissus à sa gauche et fut tout de suite attirée par un échantillon de satin vert forêt. La couleur lui fit instantanément penser aux yeux de son père et elle se redressa légèrement pour mieux l’étudier.
À la lumière du soleil, le satin prenait un délicat reflet émeraude tout à fait charmant. Si elle en avait eu les moyens, peut-être se serait-elle laissée tenter par une robe de cette couleur. Peut-être même de cette étoffe en particulier.
Lyra fut sortie de sa rêverie quand, moins d’une minute plus tard – le temps pour Laurinda de terminer sa tasse – Mme Flanelle en avait terminé avec son client. Le vieil homme descendit de la plateforme avec l’aide de la couturière, qu’il remercia d’un sourire affable avant de renfiler difficilement sa veste. Lorsqu’il passa devant mère et fille, il les salua bien cordialement avant de s’en aller. De près, il avait paru encore plus vieux à Lyra. Quel âge peut-il avoir ? se demanda-t-elle distraitement alors que Mme Flanelle allait à leur rencontre.
— Alors, que puis-je pour vous ? demanda-t-elle avec un sourire chaleureux.
Il fallut un instant à Lyra pour comprendre qu’on s’adressait à elles. Et avec un train de retard, elle bondit sur ses pieds pour rejoindre sa mère, déjà debout. Encore un peu troublée par le fauteuil qu’elle venait de quitter, la jeune fille ne sut que répondre, ses mots s’étant vraisemblablement égaré quelque part entre son esprit et sa bouche.
— Ma fille va faire sa rentrée au Aubelune en septembre, il lui faudrait un uniforme, expliqua Laurinda à la couturière qui s’illumina.
— Une boursière ? s’exclama-t-elle en clapant dans ses mains. Comme c’est excitant ! Venez mon petit, venez !
Elle la conduisit jusqu’à la petite plateforme devant le miroir et commença à prendre ses mesures, sans cesser de parler avec agitation. Le plus troublant était sans doute qu’elle paraissait sincèrement ravie de l’habiller.
— J’ai moi-même été boursière en mon temps, leur apprit la couturière. Oh bien sûr, ça n’était pas à Aubelune – je n’ai jamais eu grand intérêt pour leur cursus – mais la vie n’en était pas moins difficile. Il vous faut donc un uniforme complet, réfléchit-elle très vite avant même que mère ou fille ait pu répondre quoi que ce soit. Vous n’êtes pas la première à venir, ils s’y prennent toujours à l’avance. Oh, comme j’aimerai pouvoir vous offrir quelque chose de plus attrayant que ces uniformes sinistres… se désola-t-elle en posant une main potelée sur sa joue. Leur règlement est d’un stricte, c’est aberrant !
Lyra regarda sa mère avec de gros yeux alors que la petite dame trottinait loin de la plateforme pour aller vérifier ses stocks. Sa mère se contenta de hausser des épaules, l’air aussi impuissant qu’amusé.
Mme Flanelle revint peu après avec un crayon sur l’oreille et une paire de lunette en demi-lune qu’elle remonta sur son petit nez.
— Oui, je pense pouvoir terminer tout cela d’ici deux semaines, cela vous conviendrez-il ?
— Ce serait parfait, approuva Laurinda avec un sourire. Merci.
— Récapitulons donc : un uniforme composé d’un blazer, d’une chemise, d’une jupe et de bottillons en disons… au moins cinq exemplaires.
Lyra, comme sa mère, faillit s’étouffer, mais la couturière, si elle le remarqua, n’en fit aucun cas.
— J’ajouterai également des gants et une cape fourrée, c’est ce qu’ils demandent pour l’hiver, n’est-il pas ?
— En effet, approuva Laurinda d’un hochement de tête.
Mme Flanelle opina vivement avant de se gratter la tempe avec le bout de son crayon. Elle paraissait fort concentrée.
— Vous faut-il également une robe de soirée ? questionna-t-elle brutalement.
Lyra trébucha en quittant la plateforme et faillit s’étaler.
— Une robe de soirée ? répéta-t-elle avec confusion.
Elle se tourna vers sa mère qui se plaqua une main sur le front.
— Le bal, j’avais oublié.
Lyra cligna des yeux, complètement perdue.
— Un bal ? Quel bal ? interrogea-t-elle.
— Mais le bal de Noël, mon chou ! s’exclama Mme Flanelle comme une évidence. Il a lieu tous les ans à Aubelune, c’est une occasion en or de se faire remarquer !
— Je me souviens de mon premier bal de Noël, fit Laurinda, songeuse. Ton père m’avait invité à danser, c’était merveilleux.
Lyra fut tout de suite très intriguée, mais avant que son imagination ne s’échauffe, un doute survint. Elle prit la liste des mains de sa mère et l’examina une nouvelle fois.
— Maman, il n’est fait aucune mention d’une robe de bal.
Laurinda sortit un peu brutalement de ses rêveries et examina à son tour le papier. Elle retourna même la liste, cherchant vainement une indication qu’elles auraient manqué.
— Je doute avoir le droit de me servir de l’argent de la bourse pour ça, reprit calmement la jeune fille et sa mère se décomposa.
— Lyra…
— Ça ne fait rien, éluda-t-elle en haussant des épaules. De toute façon les bals ne m’ont jamais vraiment intéressé, tu le sais. D’ailleurs, je ne sais même pas danser.
Une image lui vint tout de suite à l’esprit, une Lyra au bras d’un cavalier au visage flou et dont les pas balbutiants finirent par se prendre dans l’ourlet de sa robe. Elle s’imagina tomber à la renverse, peut-être même en emportant d’autre personnes à la manière d’un domino géant. Un sourire amusé lui monta aussitôt aux lèvres. Quel cirque ce serait !
— Je pense d’ailleurs que ce serait plus sûr pour tout le monde si je ne m’y prêtais pas, avec mes deux pieds gauches, conclut-elle avec un sourire serein.
Laurinda, pourtant, ne paraissait pas convaincue. Pire, ses yeux étincelaient d’une certaine pitié qui serra douloureusement le cœur de sa fille.
— Ne t’en fais pas maman, je ne vise aucunement un beau mariage ou une place dans les hauts rangs. Seuls les enseignements d’Aubelune m’intéressent.
— Tu es sûre ? insista tout de même sa mère. Je peux peut-être…
Lyra secoua vivement la tête.
— J’en suis certaine.
À voir sa mine déçue, Lyra se demanda un instant qui des deux avaient l’opportunité d’aller à un bal.
Elle se tourna donc vers la couturière, essayant d’ignorer l’expression toute déconfite de sa mère.
— Un lot de cinq uniformes, des gants et une cape fourrée, récapitula Lyra.
Mme Flanelle l’observa longuement, songeuse, avant de retrouver son sourire enjoué. Elle prit rapidement note de leur commande, demanda s’il y avait des préférences de tissus pour la cape et les gants – seuls vêtements où l’on permettait un semblant de fantaisie – avant de leur annoncer le prix qui faillit achever Laurinda.
Lorsqu’elle et Lyra sortirent de la boutique avec leur bon de commande, ses yeux étaient toujours grands ouverts.
— Dix écus d’or et douze d’argent… murmura-t-elle d’une voix sans timbre.
Lyra la considéra avec curiosité.
— Ça va maman ?
— Dix écus d’or et douze d’argent, répéta-t-elle d’une voix plus forte où perçait cette fois-ci un semblant de colère. Comment un uniforme peut-il coûter une telle fortune ? s’insurgea-t-elle.
— Parce qu’il y en a cinq, que la fourrure de loup coûte cher en ce moment et que Mme Flanelle tenait absolument à prendre l’un de ses plus beaux tissus pour faire la cape.
Lyra sourit rêveusement en songeant à l’étoffe merveilleuse que la couturière avait choisie. On l’aurait dit tissée à même le ciel nocturne avec ses petites étoiles scintillantes.
Laurinda secoua la tête, défaite, avant de se masser les tempes.
— Combien d’hivers aurais-je pu vous vêtir avec une telle somme ? se désola-t-elle.
— Environ cinq ou six, si on faisait des économies, répondit très sérieusement Lyra.
Sa mère lui jeta un regard agacé.
— Peux-tu laisser ton pragmatisme de côté un instant et compatir avec moi juste une minute ?
— Pourquoi ? questionna Lyra, sincèrement surprise. Cet argent n’est même pas le nôtre, c’est celui de la bourse. Je ne pleurerai certainement pas de le dépenser, surtout qu’il m’en reste encore quelques milliers à la banque.
Laurinda déglutit de travers.
— Pardon ?!
— Puis, je ne vois pas ce qui te choque tant, persista Lyra en l’ignorant, n’as-tu pas été élevée dans le luxe ?
Sa mère se renfrogna et détourna les yeux. Ses oreilles, tout comme ses joues, avaient viré au cramoisi.
— C’était il y a longtemps, éluda-t-elle.
— C’était il y a vingt ans, lui rappela très calmement Lyra.
Laurinda pinça les lèvres, mais au lieu de paraître offusquée, elle laissa échapper un soupir.
— Ça fait déjà vingt ans ? questionna-t-elle sans vraiment attendre de réponse.
Lyra vit son regard se perdre dans le lointain. Sans doute repensait-elle au faste de son enfance où elle ne manquait jamais de rien. Avait-elle seulement idée des sommes dépensées pour elle avant d’être reniée pour se marier à Jupiter Oakwood ? Elle en doutait. Comme elle doutait pouvoir un jour comprendre ce qu’avait pu ressentir sa mère à la mort de son père, un peu moins de dix ans plus tôt, alors qu’elle venait tout juste d’avoir son deuxième enfant.
Tout doucement, Lyra passa le bras sous celui de sa mère, la ramenant à la réalité.
— Allez viens, il nous reste encore des courses à faire.
Laurinda lui sourit, un peu tristement, et elles poursuivirent leur chemin.
Coquilles :
"— En effet, approuva Laurinda d’un hachement de tête."
Alors soit Laurinda est un bourreau (hypothèse qui m'amuse fort, donc je la partage), soit c'était un "hochement" de tête.
"On l’aurait dit tissé à même le ciel nocturne" => tissée
"la fourrure de loup coûte chère en ce moment" => cher
"Ses oreilles, tout comme ses joues, avaient viré au cramoisie" => cramoisi
J'aime beaucoup Mme Flanelle et elle serait bien capable de le faire, mais j'ai eu une autre idée à ce sujet que je trouve encore meilleur, hâte de la partager !
Pour les coquilles, un grand merci ! C'est effectivement un "hochement" même si ta remarque m'a bien fait rire x) je corrigerai ça sous peu.
A bientôt !