Chapitre 3: des grains de sable dans la machine

Notes de l’auteur : Sophie-Charlotte s'est montré naïve et imprudente. Sa petite expédition nocturne sur le port l'a menée dans une situation périlleuse, voire désespérée. Les gangsters servant de service d'ordre à un ensemble de hangar près des docks sont décidés à ne rien laisser sortir de cet endroit. Elle a sans doute trouvé beaucoup plus qu'elle ne l'imaginait. Son principal objectif est de réussir à sortir de là, si possible envie, pour pouvoir raconter ce qu'elle a vu. Malheureusement, le quartier a été laissé aux gangs dans le cadre d'un accord avec le maire et le chef de la police. La police a été volontairement bridée pour respecter cet accord... Les espoirs de sauvetage sont quasiment nul, elle ne pourra compter que sur elle meme.

Opération Pandore –2 

 Quartier du port — 6 janvier — 22H30

 

Les hommes de Dante étaient trop confiants. Dès son entrée dans le quartier, ils avaient repéré Sophie-Charlotte. Ils connaissaient chaque rue, chaque établissement, presque tout le monde. C’était leur territoire, leur zone d’influence. Et même au-delà si on voulait pousser la réflexion plus loin, car leur influence débordait de plus en plus de leur territoire. 

 

Cette situation de puissance relative les poussait à baisser la garde et se sentir en totale sécurité, trop habitués qu'ils étaient à ce que les gens soient terrorisés et soumis face à eux. 

 

Ce n'est  pas le cas de Sophie-Charlotte qui est  terrorisée mais combative. Elle leur donna du fil à retordre tout le long du trajet jusqu'à une taverne qui servait de base aux opérations du gang, multipliant les tentatives d'évasions. Elle se débattit comme une furie : tentant de fuir, griffant, mordant, donnant des coups à l’aveugle....  Les obligeant à la secouer et même la gifler pour la maintenir prisonnière tandis que son compagnon de détention s’était laissé faire comme un mouton que l'on mène à l'abattoir. Elle est  terrorisée, furieuse contre elle-même mais aussi contre l'autre prisonnier pour sa passivité. 

 

Ce ne fut qu'une fois arrivée au premier étage de la taverne qu'elle change de stratégie, se laissant docilement mener dans une pièce où l'on comptait les enfermer attendant la suite. Quelle suite ? elle ne préfère pas le savoir. Elle ne compte pas, elle passe à l'action dès qu'elle vit qu'il n’y avait qu'un seul gardien chargé de les surveiller. Elle se jeta sauvagement sur lui, tête en avant sur son torse et se releva tout aussi violemment dans un coup de boule qui la surprit elle et dont elle ne se serait jamais cru capable.  Après un pugilat désordonné dont l’essentiel tenait dans  une tornade de coups et se conclut par un objet lourd s'écrasant sur la tête du geôlier, il était temps de se demander comment sortir de la. 

 

Son partenaire de détention, enfin sorti de sa torpeur,  fit comme elle en détachant les liens fait sommairement. Elle compte bien profiter de leur mesure de sécurité reposant essentiellement sur la docilité causée par la peur qu'inspire le gang. Ils avaient décidément pris de bien mauvaises habitudes, heureusement pour Sophie-Charlotte. 

 

Elle se dit qu’elle pourrait le  remercier d’avoir voulu l’avertir et essayer de le motiver mais à peine ouvre-t-elle la bouche qu’elle voit des impacts de balle s’ouvrir sur la poitrine du malheureux. Elle a juste le temps de reconnaître l'effet d’une décharge  de plomb tiré par un fusil à pompe et de plonger sur le côté pour éviter le second tir. Ils ne plaisantent pas, ils avaient décidé de ne pas faire dans la demi mesure. Il était hors de question pour eux qu’elle ne quitte l’endroit pour raconter ce qu’elle a vu, cela prouve qu’elle était tombée au bon endroit. Sophie-Charlotte se surprenait elle-même en gardant un minimum de sang froid et parvenant à réfléchir à la suite des événements. Elle se glissa dans le couloir perpendiculaire à la cage d'escaliers en direction de plusieurs portes, dont l’une paraît mal fermée. 

 

C’est un bureau et tout en écoutant ce qui se passe dans le couloir, elle observe la pièce. Il est évident que celui qui a tiré depuis le rez-de chaussée craint qu’elle n'ait pris l’arme de son geôlier et n’avance pas avant d’avoir du renfort. Elle pesta intérieurement de ne pas avoir eu le réflexe de prendre le revolver, elle peste également de s'être aventurée dans ce couloir sans issues. La seule sortie visible était l'escalier et le tireur, ce qui explique son calme et sa patience avant de monter. Rien ne l’oblige à prendre des risques, il peut prendre le temps de s’organiser car elle est bloquée dans une souricière. 

 

Tout en réfléchissant aussi vite que possible, elle eut le réflexe de jeter un œil sur le bureau, fouiller les tiroirs sommairement et jeter un œil à l’armoire juste à côté. Elle n’avait pas le temps d’analyser tout ce qu’elle lisait mais son expérience lui dit qu’elle était bien tombée, elle ramassa fébrilement autant de documents qu’elle ne pouvait en glisser dans son sac en bandoulière et deux livres reliés en cuir. Elle plia les paquets de feuilles en deux pour gagner de la place et glissa les deux livres à côté, le sac était déjà rempli malheureusement . Mais cela valait de l’or. Un livre de compte, un autre faisait office de registre et une flopée de correspondances et factures diverses. Elle ne pouvait pas en déterminer la nature exacte sans prendre le temps de tout lire attentivement mais tout cela n’avait aucun rapport avec une taverne miteuse dans ce quartier, elle avait touché le jackpot. 

 

Soudain, cavalcade!! Elle se félicita d’avoir eu le réflexe de verrouiller la porte. Après avoir poussé une armoire contre la porte, elle repère une ouverture. Une petite fenêtre étroite en hauteur surplombe le bureau, une petite source d'aération donnant sur l’air pollué des usines mais quand même bienvenu sans doute dans l'atmosphère de cigarette; d'alcool et de sueur de la taverne.  Elle se hâte de trouver un moyen de l’atteindre, consciente que la porte ne les freinerait pas. 


— Ouvre cette porte ! ! Ouvre tout de suite espèce de connasse!!! Aboya un des hommes. 

 

Déjà des coups étaient donnés dans la porte et elle voyait le bois craquer.Elle ne pouvait attendre, malgré la douleur qui lui vrille la tête et brouille ses pensées, elle réfléchit à une vitesse fulgurante.  Elle portait encore les stigmates de la bagarre avec son geôlier. Elle se glissa près de la porte pour attraper une sorte de tabouret et remarqua  que la porte bougeait. Elle voulut renforcer le barrage qu’offrait l’armoire avant de s’éloigner pour atteindre la fenêtre. Le tireur qui avait abattu son compagnon de détention ne fit pas dans la demi mesure et tira au travers de la porte, pensant qu’elle avait réussi à verrouiller. 

 

Une morsure fulgurante la fit sursauter et poussa un petit cri de surprise, un des plombs et quelques éclats de bois l’avaient atteint sur le côté. Comme les griffes d’un chats, rien de grave mais la douleur l’avait transpercé sans prévenir. Ce fut comme une gifle qui la propulsa en avant vers la sortie, elle plaça le tabouret à la volée d’une seule main et grimpa dessus au moment où la porte volait en éclat. Quelques coups de pieds désordonnés sur la fenêtre suffirent à faire tomber la vitre à l’extérieur, l’état de décrépitude du châssis l’avait bien aidé. 

 

Sans prendre le temps de se retourner, Sophie-Charlotte jeta son sac par la fenêtre pour éviter de prendre le risque d'être bloquée au moment de passer dans la minuscule ouverture. Elle suivit immédiatement mais senti qu’on attrapait ses jambes, ruades immédiates. Hors de question de se faire capturer à nouveau, elle ne comptait pas rester ici. 

 

De rage son poursuivant lui donna un coup de lame qui lui taillada la cuisse mais elle était déjà trop engagée à l’extérieur pour que cela ne la freine, elle poussa avec ses bras tout en hurlant de rage et de douleur mélangés. Ce n’est qu’à se moment qu’elle remarque qu’elle n’avait en aucun cas pris le temps de regarder ou donnait cette fenêtre. Sa hâte de quitter les lieux où on la retenait prisonnière avait éteint toute prudence, la fenêtre donnait sur la rue et se trouvait au deuxième étage. 

 

Le plongeon fut vertigineux, heureusement amorti par une sorte de tonnelle couvrant l’entrée pour abriter les clients de la pluie. Sa chute ravagea tout sur son passage, elle avait entraîné l’appui de fenêtre et l’encadrement, traversé la tonnelle qui avait pris tout ce qui se trouvait autour dans la mêlée. 

 

— Mon dieu… Je me suis cassé le bras.. Ouf non…  Gémit elle en trouvant miraculeusement la force de se lever à la volée et de se mettre à courir maladroitement. 

— Attrapez la !! Hurla un homme à la fenêtre qu’elle venait de quitter. 

 

Des claquements se firent entendre avant d’être ponctués par des cris de peur et d’autres hurlements de douleur, elle vit avec horreur que des gens s'effondraient autour d’elle. C4est p

 

— c’est pas possible!! Ils tirent dans le tas pour m’avoir!! Gémit elle en se rendant compte que la situation ne faisait qu’empirer. 

 

Elle sentit un choc sur son côté et réalisa qu’elle était touché par un projectile quand elle se sentit chanceler, elle ne s'arrêta pas de courir. La foule présente sur la place était sa meilleure alliée car le chaos rendait la situation totalement incompréhensible et hors de contrôle, elle se dit qu’elle pouvait disparaître en se mêlant à la cohue. Elle jette sa veste par réflexe et se jette dans la foule courant de droite et de gauche, un mélange de gens s’enfuyant et d’autres portant secours aux personnes au sol . Du coin de l'œil, elle remarque qu’on tire toujours depuis la fenêtre et que des hommes patibulaires sortent de la taverne. 

 

Malgré la douleur et ses forces qui l’abandonnent, Sophie-Charlotte s’éclipse de la place par une rue transversale et se glisse dans une ruelle au hasard en tentant de garder l’ouest comme direction générale en vue de revenir vers le centre-ville. Après plusieurs minutes de cavalcade désordonnée, elle est à bout de force. Le sac qu’elle transporte commence à peser vraiment très lourd, ce n'est pas bon signe car elle comprend qu’il n’a pas changé de poid mais qu’elle est dans un sale état. Elle perd du sang et commence à ressentir le froid. Ses poursuivants passent à proximité, au bout d’une ruelle. Ils galopent dans tous les sens en pestant, jurant et l’insultant de toutes les manières possibles. Ils finissent apparemment par se décourager. Sa progression rapide pouvait reprendre vers l’ouest et le centre ville en quittant le district portuaire, elle n’avait plus que cette idée en tête. Sortir de la zone ou ses poursuivants pouvaient agir sans crainte des autorités, trouver quelqu’un qui pouvait l’aider à aller à l'hôpital après avoir prévenu Anne. 

 

Sophie-Charlotte avait réussi à leur échapper pour le moment... Mais à quel prix... Elle était blessée, traquée et n'avait engrangé qu'un maigre butin dont elle ne connaissait même pas la valeur exacte. Elle avait des documents mais que révélaient t-il ? Est-ce que cela en valait vraiment la peine de s'être mis dans ce pétrin... 

 

Elle titubait rapidement plus qu'elle ne courrait réellement, s'aidant des murs crasseux tous les dix pas. Elle avait perdu la notion d'orientation, elle savait juste que le port était derrière elle et que donc le centre-ville était devant elle. Pas de plan, juste s'éloigner du port le plus rapidement possible et trouver de l'aide. Elle s'enfonçait profondément dans les méandres tortueux du quartier portuaire pour quitter les grandes artères dans lesquelles on la localise et trop facilement, le souci étant qu'elle ne connaissait pas du tout cette zone. D'ailleurs personne ne connaissait le quartier quand on n'avait rien à y faire et ceux qui y vivaient étaient souvent contraints d'y rester à cause de la séparation sociale invisible mais bien réelle de la cité. 

 

Elle pataugeait dans une sorte de boue grasse et sombre dont on avait peu envie de connaître la nature exacte, sans doute un mélange de crasse et de graisse issue des usines qui se trouvaient drainée avec l'eau de pluie jusque dans les ruelles dépourvues de système d'évacuation digne de ce nom. Soudain, elle sentit sa tête lui tourner... Elle fut prise de vertige avant de tomber en avant, ne se rattrapant que pour se permettre de glisser le long d'un mur et de tomber assise. Elle se dit qu'elle avait besoin de prendre une minute pour récupérer de ses efforts avant de repartir. 

 

Elle réfléchit pour essayer de se situer et envisager un itinéraire, elle se rappela la présence de plusieurs casernes de police et se mit à parcourir l'itinéraire dans sa tête... Avant de s'offrir le soulagement de fermer les yeux une ou deux minutes pour se remettre de cette fuite éperdue... La pause se prolongea avant qu'elle ne s'évanouisse et ne glisse sur le côté…

 

Heureusement pour elle, ses poursuivants passèrent en courant sur une perpendiculaire et ne remarquèrent pas cette femme allongée dans la crasse derrière un tas d'objets d'origine indéterminée. Il pleuvait légèrement, ce qui faisait fortement diminuer la motivation des poursuivants à s'éterniser dans les ruelles boueuses. Ils étaient persuadés qu'elle était quelque part sur les grands axes menant directement au centre-ville et s'y précipitèrent sans investiguer davantage. Sophie-Charlotte se retrouva seule, allongée dans une ruelle boueuse, arrosée par une légère pluie grasse tombant sans discontinuer…

 

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