Chapitre 3 : Deux milliards

L'habituel sourire de Morrh avait disparu en une seconde, et ses yeux s'étaient écarquillés de terreur. Le regard fixé au-dessus du chasseur, il ne disait rien. Il était pétrifié. Soudain alerte, Orn se retourna vivement, et regarda le ciel. Son sang ne fit qu'un tour, tous ses muscles se raidirent, et son cœur était comme écrasé par des mains invisibles. Les images de la planète défigurée défilèrent devant ses yeux qu'il ne pouvait croire. Tout autour, le Marché Noir s’anima, la panique et l'incompréhension s’emparant de toutes les différentes personnes qui y étaient. Des cris s’élevèrent partout, certains couraient tandis que d’autres rangeaient précipitamment leurs affaires avant de partir le plus vite possible. Même les oiseaux avaient arrêté de chanter, et s’étaient envolés se réfugier dans les arbres.

La Station Orbitale Impériale, noire face à la clarté du ciel Alderaanien, surplombait la clairière, telle une pleine lune apportant un sombre présage. Elle était magnifiquement menaçante, symbole d’une puissance interdite, et bloquait le soleil éclatant. Orn restait immobile face à ce spectacle terrifiant. Il ne pensait plus, n’entendait plus mais voyait seulement cette Station qui, il n’y avait pas longtemps, était dans le système de Scarif. Derrière lui, Erik, ignorant tout de la planète tropicale et de la pseudo-lune, reprit ses esprits. L’air inquiet, il se tourna vers le chasseur. L’éclat de malice dans ses beaux yeux bruns avait disparu, remplacé par une frayeur lancinante.

 

"Orn, qu’est-ce… Qu’est-ce que c’est ?"

Sa voix tremblante ramena le concerné à la réalité. Erik aussi, intérieurement, sentait qu’un grave danger s’incarnait en la Station, bien qu’il ne l’eût jamais vu auparavant. Le chasseur ne trouva pas la force de répondre. Il déglutit, et détacha enfin ses yeux de la sombre lune avec difficulté. Son cœur battait rapidement, et il sentait son sang tambouriner dans ses tempes, répondant à la panique qui l’habitait. Orn tenta de parler, mais il n'émit aucun son. Il avala sa salive de nouveau et réussit enfin à parler, fixant Erik avec un air effrayé.

"Il faut partir, maintenant ! Prends ton vaisseau, et-et éloigne-toi le plus possible de cette chose," souffla-t-il vivement.

Morrh hésita une seconde. Dans ses yeux, le Twi'lek vit des milliers de questions se bousculer. Érik avait tant à demander au chasseur qui semblait savoir quelque chose sur la lune noire. L'homme fit un mouvement vers Orn, comme s’il voulait rester avec lui, mais se ravisa. Il n’eut pas besoin de l’entendre une deuxième fois pour finalement se décider à rejoindre son vaisseau, laissant le Twi’lek seul. Ce dernier reprit ses esprits à la vue de son contact qui fuyait, et prit enfin son communicateur pour courir à son tour, vers le Vautour Couronné.

"Twik ! Prépare-toi le vaisseau pour partir ! C’est urgent !" cria-t-il.

Il entendit un grésillement, puis la voix robotique de son coéquipier lui parvint.

"Je me disais bien que ce truc n'était pas normal..."

Orn ne répondit pas, trop occupé à courir pour quitter Alderaan le plus rapidement possible. Puis il reprit son communicateur, sentant le besoin de préciser un détail crucial.

"Tu t’envoles seulement lorsque je suis dans le vaisseau avec toi !"

Le chasseur attendit une réponse, mais cette dernière ne vint pas. Pestant intérieurement, il courut plus rapidement, se dépêchant du mieux qu’il le pouvait. Orn se rappelait toujours le moment fatidique où il vit le Vautour Couronné quitter Tatooine sans lui, alors qu’il était poursuivi par des Hommes des Sables mécontents. Tout ça parce qu’un certain droïde de combat prenait toujours les ordres au pied de la lettre, sans daigner réfléchir. Il avait réussi à s'en sortir grâce à un ancien acolyte, mais Orn savait parfaitement que s'il manquait le départ de son vaisseau, aucune aide ne lui serait utile. Il n’avait plus d’acolyte, il était seul sur Alderaan. Le Twi’lek continua à courir, poussant les passants, haletant dans son casque, sachant que le temps était compté. La buée commençait à se former sur sa visière, mais le chasseur l'ignora et accéléra. Lorsqu'enfin il aperçut le Vautour Couronné au détour du Lac Royal, le soulagement s'empara de lui. S’arrêtant, Orn leva la tête un instant. La Station Orbitale était toujours là, il semblait même qu'elle s'était rapprochée. La peur rattrapa le chasseur, qui l'avait oubliée à la vue rassurante de son vaisseau.

Sans plus attendre, il ouvrit la porte du Vautour. Cette dernière se baissa lentement, trop lentement pour le chasseur. Il entra avant même que l'ouverture ne touche le sol, frappa le bouton pour la fermer comme si ajouter de la force à ce geste accélérait le processus de fermeture. Orn se jeta sur son siège, sans regarder Twik. Ce dernier bougea simplement les commandes, et le vaisseau s'envola plus rapidement qu'il aurait dû. La porte était toujours ouverte, le vent emplissait le Vautour Couronné et son bruit assourdissant envahit le vaisseau. Le silence revint une fois l'ouverture fermée. Orn ne pouvait détacher ses yeux de la Station, comptant sur son co-pilote pour les guider en lieu sûr. Le chasseur remarqua alors une lumière verte émanant de la pseudo lune. Pris de panique, il força le vaisseau à faire un saut de quelques mètres en hyperespace, malgré la dangerosité de cet acte. Le droïde s'alarma et tenta d’annuler le processus, sans succès.

Après quelques secondes qui leur semblèrent être des minutes, Orn remit le Vautour Couronné à sa vitesse normale. Un chasseur TIE de l’Empire apparut en même temps que l’environnement spatial, et le vaisseau des deux échappés était dans sa trajectoire. Le droïde, paniqué mais préparé à une telle situation, s’empara des manettes et fit virer brusquement le Vautour. Le danger évité, Orn se tourna vers la Station Orbitale, qui n’était qu’à quelques mètres. Il savait que son rayon tracteur devait encore les attirer vers elle, mais le chasseur ne pouvait que se concentrer sur les différentes lignes lumières vertes de cette station. Elles se réunirent en une seule ligne, qui, violemment, se dirigea vers Alderaan. Les deux pilotes étaient bien placés, et virent le magnifique rayon toucher la planète. À l’instant où il l’atteignit, Alderaan explosa.

Pas un seul bruit ne retentit dans le vide formant l’espace tandis qu’une planète entière, peuplée de millions de personnes, disparut. En une seconde, des fragments d'Alderaan furent projetés, formant des anneaux autour du cœur de l'explosion. Tout autour, différents vaisseaux qui tentaient de fuir disparurent, chutant en même temps que la planète. Les vagues de l'explosion se propageaient, menaçant le Vautour Couronné, jusqu’alors immobile. Sans prendre le temps de comprendre ce qui venait d’arriver, Orn dirigea le vaisseau le plus loin possible. Seulement, les indénombrables débris ce qui fût une planète avançaient à une vitesse folle, sans trajectoire déterminée. Un de ces débris atteignit le Vautour, qu’une grande secousse ébranla. La tête du chasseur se cogna violemment contre le mur, et il sentit un liquide chaud glisser sur son front. Une alarme se déclencha dans le poste de contrôle. Twik informa son co-pilote que les freins étaient touchés, ainsi qu'un des deux canons. Ne voyant aucune autre issue, le Twi’lek prit son communicateur et envoya un message à la Station Orbitale, qui regardait passivement la scène, indifférente à une telle destruction.

"Ici le Vautour Couronné ! Nous avons été touchés, je demande la permission d'atterrir immédiatement sur la plate-forme la plus proche !" cria-t-il, toujours paniqué.

Une seconde d'attente. Une seconde lente et douloureuse, pleine d'incertitudes, s'écoula. Puis, soudain, une réponse.

"Ici la Station Orbitale Impériale. Vous avez l'autorisation de vous poser. Un escadron de stormtroopers viendra inspecter votre vaisseau," annonça une voix calme et posée, en total décalage avec le chaos derrière le Vautour.

Ce dernier se précipita à toute allure vers une plate-forme, beaucoup trop rapidement pour que l'atterrissage ne soit sans danger.

"Orn, on va s'écraser !

— Non, tu crois !?" ironisa le chasseur pour masquer sa peur.

"Mais les freins sont cassés, espèce de Twi'lek sans cervelle !

— Je sais ! Fais-moi confiance !"

Le chasseur attrapa les commandes du Vautour et dirigea le vaisseau vers le haut, comme s'il voulait faire une boucle. Il n'appuyait pas sur l'accélérateur et espérait que ce début de figure les ralentirait à temps. De son côté, Twik ne bougeait pas, regardant simplement d'un air mauvais et inquiet celui qui les emmenait vers une mort probable. La plate-forme approchait à vue d'œil, et rien ne semblait pouvoir freiner le Vautour Couronné. Après quelques minutes à grimper dans l'Espace, la vitesse commença enfin à ralentir. Orn poussa un soupir de soulagement, mais resta cependant concentré. Tout n'était pas encore joué. L'entrée de la plate-forme était à un ou deux mètres des deux pilotes, dont la vitesse était toujours élevée. S'excusant du plus profond de son cœur à son vaisseau, Orn le fit racler le sol de la Station.

À l'extérieur, le Vautour projetait des étincelles en frottant durement le plancher, avec violence. Les deux compères furent secoués dans tous les sens, tandis que, pour ne pas se blesser une seconde fois, le chasseur mit sa main sur le mur. En même temps, Twik, décidé à ne pas mourir, s’empara à son tour des commandes. Il le fit tourner d'un coup sec et bref, ce qui eut pour effet immédiat de d’arrêter le Vautour. De la fumée remplit l'intérieur du vaisseau, rendant l'air irrespirable pour le Twi’lek, qui se mit à tousser avec force. Le droïde de combat ouvrit la porte, et Orn se précipita dehors, toussant toujours et se battant pour respirer de l'air pur. Des stormtroopers se dirigèrent vers lui afin de le contrôler, sans se soucier de son état.

"Qui êtes-vous et pourquoi étiez-vous sur Alderaan ?"

S'il n'avait pas eu son casque, les quatre soldats auraient vu un Twi'lek les regardant avec les yeux ronds, mi-surpris, mi-outré, mais surtout énervé et sous le choc.

"Qui je… Je suis le Chasseur Impérial ! Je faisais une mission pour l'Empire quand vous avez…," commença-t-il, sans être capable de terminer sa phrase.

La réalité le rattrapa violemment. Le chasseur se tourna vers la sortie de la plate-forme, qui donnait vue sur l'espace. Là où devait se trouver Alderaan, des milliers de débris se bousculaient, tel un champ d'astéroïdes. Mais chacun ces astéroïdes était un morceau d'une planète où vivait toute une civilisation antique. Une planète où, il y a quelques minutes de cela, des enfants jouaient dehors avec leurs parents, où des vendeurs gagnaient leur vie en échangeant des sourires aux passants. Un monde entier, peuplé d'innombrables univers variant selon les personnes et les espèces. Un monde qui avait disparu en une fraction de seconde, comme s'il n'avait jamais existé, comme si les milliers de vies y habitant ne comptaient pas.

En regardant dans le chaos où s'était tenue Alderaan, Orn se sentit écrasé par le vide de l'Espace. Il vacilla sur ses jambes soudainement faibles. Une douleur au crâne lui survint d'un coup. L'adrénaline de l'action était partie, son corps put donc protester librement, tandis que son esprit réalisait l’ampleur des évènements. Le Twi'lek regarda son vaisseau. Ce dernier était dans un piètre état. De la fumée s'échappait de l'arrière du Vautour, et des flammes se manifestaient çà et là. Il s’avança vers l’engin d’un pas hésitant, et y posa une main, tendrement. Il avait vécu la grande majorité de sa vie dans ce vaisseau, et l’avoir abîmé autant lui brisait le cœur. C’était comme détruire sa propre maison. Poser sa main sur le Vautour, malgré son état, le calma quelque peu, mais Orn sentait la panique et l’horreur danser dans ses pensées, formant une spirale infernale et infinie qui le tourmentait et le faisait souffrir. Piégé ainsi par son propre esprit, il n’entendit pas des pas s’approcher de lui, et la voix qui s’éleva soudainement lui arracha un sursaut.

"Chasseur ? Que faites-vous ici ?" demanda un Commandant derrière lui, l’air réellement inquiet pour Orn, alors que les restes d’une planète dansait à sa gauche.

Le concerné se retourna et regarda de haut en bas l’homme qui venait d’arriver, comme s’il n’arrivait pas à croire qu’il posait une telle question. La tristesse et le choc se mélangeaient en lui, formant une rage profonde qui ne demandait que de sortir.

"Vous venez de détruire une planète ! Une planète dont les débris ont endommagé mon vaisseau ! Une planète sur laquelle vous m’avez envoyé ! Vous voulez me tuer, c’est ça ?!

— Non, vous savez que ce n’est pas vrai…" répondit le Commandant, tentant de le calmer, en vain.

"Je demande des ré-"

Orn ne finit pas sa phrase. Du coin de l’œil, il avait aperçu un escadron de stormtroopers qui escortait le bras droit de l’Empereur. Ce dernier s’arrêta et se tourna brusquement vers le chasseur, qui sentit sa colère retomber quelque peu, remplacée par une peur ancienne. Dark Vador s’avança lentement vers la plate-forme, avec une démarche toujours crispée et sèche. Le Commandant baissa la tête, imité par Orn, avant de s’éloigner pour laisser les deux hommes casqués. Le Seigneur Sith arriva d’un pas lourd et intimidant en face du Twi’lek. Il regarda au-dessus de ce dernier et vit le Vautour Couronné. Vador sembla observer le vaisseau pendant quelques secondes, puis reporta son attention sur le chasseur.

"Que s’est-il passé, ici ?” demanda-t-il simplement.

Orn hésita sur sa réponse, mais sa colère le rattrapa, parlant à sa place.

"Vous m’avez demandé de capturer le roi Organa, qui était à Alderaan. Sauf que… Sauf que vous avez détruit cette planète, endommageant mon vaisseau dans la foulée. À défaut d’explications, j’exige qu’on me répare mon vaisseau, ainsi qu’une compensation, Seigneur Vador."

Le concerné ne répondit pas immédiatement, se contentant de regarder le chasseur à travers son casque noir. Orn se demanda s’il n’était pas allé trop loin, lorsque Vador s’exprima d’un ton ferme mais posé.

"La capture de Bail Organa n’était plus la priorité de l’Empereur. Mes hommes répareront votre vaisseau, en guise de remerciement pour votre dévouement dans cette mission."

Il ne dit pas un mot sur les compensations réclamées par le chasseur, qui comprit qu’il pouvait dire adieu à la prime de trente mille Crédits promise. Il hocha la tête doucement en signe d’approbation, puis Vador tourna les talons sans un mot, rejoignant le couloir d’où l’attendaient ses soldats, avant de s’arrêter.

"Je vous conseille cependant de ne pas oublier à qui vous parlez, chasseur de primes," ajouta-t-il sans se retourner.

Ne prenant pas plus de temps, le Seigneur Sith repartit et rejoignit son escorte sans adresser la parole à quiconque. En même temps qu'il sortit de la plate-forme, deux ingénieurs impériaux arrivèrent et se dirigèrent vers le chasseur, lui demandant ce qu’ils devaient faire. Orn leur expliqua ce que le Vautour avait subi pour leur permettre de commencer les réparations, avant de retourner dans son vaisseau. Twik était toujours à sa place, réparant de son côté certaines commandes et fonctionnalités, l’air ennuyé. Le Twi'lek s'affala sur son siège, fatigué et éreinté de cette terrible journée. Après s'être assuré que le Vautour était bien fermé et que personne ne pouvait le voir, il enleva son casque. Il amena sa main à son front puis la regarda. Du sang, plus foncé que sa peau, tachait sa main et salit ses marques de vitiligo. Le chasseur s’empara d’une compresse stérile posée sur le poste de contrôle, puis s'essuya le visage pour enlever le sang. La pression nouvelle apportée sur sa plaie redémarra l'hémorragie, lui arrachant un soupir. Twik, qui l'observait en silence, lui tendit une autre compresse.

"C'est ta faute, tout ça. Je ne devrais même pas t'aider…

— Je te signale que je nous ai sauvés la vie.

— Veux-tu savoir quelles étaient les probabilités que tu nous tues dans ta stupidité ?

— Non," lâcha Orn, exaspéré et toujours énervé.

Le blessé avait pris la compresse des mains de son co-pilote et appuyait sur son crâne pour tenter d'arrêter le saignement.

"Quatre-vingt-dix-huit pourcents pour la vitesse-lumière. Quatre-vingts pourcents de chances qu'on s'écrase sur la plate-forme.

— On est toujours en vie, n’est-ce pas ? Alors tais-toi et répare l'intérieur."

Twik soupira encore. Il se leva et partit chercher un bandage, qu'il donna sans gentillesse au chasseur une fois revenu. Ce dernier retira le tissu et plaça le pansement sur sa blessure. Elle avait l'air superficielle, mais Orn savait qu'il fallait faire attention pour éviter une éventuelle infection. Il prit son casque et grogna en remarquant les taches de sang à l'intérieur. Le Twi'lek s'empara d'un chiffon propre qui était derrière son siège. Il nettoya le casque dans un soupir puis s'arrêta, rattrapé par ses pensées. Le chasseur posa les yeux sur le pare-brise, le regard troublé et vague.

"Twik, combien de personnes vivaient sur Alderaan ?

— Tu ne veux pas le savoir," répondit le droïde, dans un élan de sympathie.

"C'était un ordre," siffla le concerné entre ses dents.

"Environ deux milliards. Sans doute plus, avec les voyageurs."

Orn se redressa dans son siège, le souffle court. Il ferma les yeux et mit sa tête dans ses mains, cachant son visage. Malgré ce qu'il avait vu, le chasseur ne parvenait pas à croire que l'Empire détenait le pouvoir de détruire des planètes entières, avec une facilité terrifiante.

"Alderaan n'est - n'était - même pas une planète hostile… c’étaient juste des philosophes ou des pacifistes…

— N'oublie pas qu'ils ont protégé les Jedi et leur Ordre. Et que la princesse est une force active de résistance."

Le Twi'lek ne répondit pas. En réalité, il ne savait que penser de tout cela. Il devrait même être content de la destruction du dernier symbole des chevaliers antiques de la Galaxie. Orn savait également que l'Empire ne s'imposait que par la violence, alors il ne devait pas être surpris.

"Ce n'est pas ça qui me dérange. Non, je me fiche d'Alderaan, mais… Personne ne devrait avoir ce pouvoir. C'est impossible !

— Dixit celui qui a failli mourir sur cette planète. Et qui a failli nous tuer, au passage…"

L'accusé leva les yeux au ciel. Au fond de lui, il appréciait que le droïde changeait de sujet pour le distraire. En dépit de son sale caractère, ce dernier était tout de même attentif aux états d’âme de son co-pilote.

"Tu vas m'en vouloir toute ma vie, n'est-ce pas ?

— Eh bien ! Tu n'es pas si stupide que ça, finalement.

— Un jour, Twik, je vais te désactiver, crois-moi.

— Nous savons tous deux que tu ne le feras jamais. Tu serais perdu sans moi," répliqua le robot.

Pour la première fois depuis la destruction d'Alderaan, Orn sourit, affichant un air malicieux.

"Je n'ai qu'à acheter un autre droïde," dit-il l'air de rien.

Twik accusa le coup. Il prit l'outil de réparation à ses pieds et le jeta sur le chasseur. Ce dernier plongea au sol pour se protéger, ne voulant pas être blessé de nouveau. Il se tourna vers le robot, choqué.

"Mais t'as court-circuité ?! Tu aurais pu me tuer !

— Enfin tu comprends ce que c’est, d’être ton co-pilote," répondit Twik sans pitié, prenant un nouvel outil dans la main pour le lancer sur le chasseur.

Voyant cela, Orn écarquilla les yeux et leva les mains en l'air. Il savait que son compère ne le blesserait jamais, mais lui-même devait admettre que l'ancien robot de combat était effrayant, par moments.

"D'accord, d'accord ! Je m'excuse ! Je ne te remplacerais jamais !

— Je préfère ça," dit Twik, lâchant l'outil, qui tomba lourdement à ses pieds.

Orn soupira de soulagement, avant de regagner son siège avec un petit sourire. Il songea un instant au droïde. Ce dernier l'avait accompagné aussi longtemps que le Vautour Couronné, voire plus. Le chasseur avait trouvé Twik dans un sale état et désactivé. Avec quelques manipulations, il avait réussi à le reprogrammer pour en faire un robot astromécanicien, il y a dix-neuf ans de cela. Orn était alors âgé de quinze ans. Twik était resté depuis son seul compagnon, une des rares personnes qui connaissaient son visage et son identité. L'être qui avait sa plus grande confiance, c'était ce droïde. Jamais le chasseur ne se débarrasserait de lui.

"Est-ce que tu m’en veux encore ?

— Je t'en voudrais éternellement, et tu le sais. D'ailleurs, tu ne t'es pas excusé pour avoir failli nous tuer deux fois en moins d'une heure," répondit Twik, implacable, mais pensant en vérité tout le contraire.

"Je nous ai sauvés la vie.

— En fonçant dans un chasseur TIE ? En ne faisant pas de calculs avant de se mettre en vitesse-lumière ? En s'écrasant sur une plate-forme ? Décidément, tu as une drôle conception du sauvetage.

— Si je n’avais pas pris ces risques, nous serions morts avec ces deux milliards d’Alderaanniens. Tu le sais, Twik," ajouta Orn, voyant le robot protester.

Le droïde, pour une fois, ne répondit pas et retourna à ses réparations, sachant le Twi’lek avait raison. Le chasseur, quant à lui, tenta d’oublier la destruction de la planète royale. Il songea à Erik. Sans doute son contact était-il mort dans l’explosion. Orn fit son deuil en un soupir triste. Dans cette Galaxie, il ne fallait pas seulement se fier à personne. Non, il ne fallait pas non plus s’attacher trop à quiconque. Soit la personne vous trahissait, soit elle mourrait. Un des deux événements était voué à se produire tôt ou tard, le chasseur le savait mieux que quiconque. Malgré cette règle tacite que tous connaissaient, le Twi’lek s’était tout de même attaché à quelques personnes, ce qu’il regrettait fortement. Sa réputation en avait souffert, mais le Chasseur Impérial s’était relevé, fier et plus dangereux qu’avant.

Un bruit dehors l’arracha à ses pensées, le ramenant brusquement à la réalité. Orn mit son casque, sortit du vaisseau, et chercha l’origine du son. Il aperçut un des ingénieurs s’affairant sur le Vautour Couronné, qui avait l’air désemparé. Le chasseur craignit pour son cher vaisseau.

"Si je trouve une seule égratignure, je vous jette dans la Grande Fosse de Carkoon rejoindre le Sarlaac," menaça ce dernier.

L’ingénieur leva la tête, une expression de peur flottant sur son visage. Il se redressa sur ses jambes et essuya ses mains noircies par les salissures du Vautour.

"Ne… Ne vous inquiétez pas. Je changeais juste une pièce défectueuse," balbutia l’homme, se dandinant d’une jambe à l’autre.

Orn le regarda d’un air mauvais, bien que ce soit inutile avec son casque. Cependant, l’ingénieur ne semblait pas avoir besoin de voir le visage de son interlocuteur pour comprendre que le chasseur de primes le foudroyait du regard. Méfiant, le Twi’lek ne répondit pas mais fit le tour de son vaisseau pour vérifier son état et l’avancement des réparations. Il devait admettre que les deux ingénieurs Impériaux effectuaient un travail d’une extrême qualité. Twik serait sûrement jaloux de leur efficacité et les participants des courses de modules rêveraient d’avoir de tels mécaniciens dans leur équipe. Le second ingénieur plissa les yeux à l’approche du chasseur. Moins impressionné que son collègue, il était également plus âgé et connaissait mieux le milieu des mercenaires peu abordables. Orn n’était donc pour lui qu’un de ces malfaiteurs ne voulant que de l’argent. Ce dernier fit d’ailleurs une moue sous son casque. Il n’aimait pas cet ingénieur, mais il faisait un excellent travail, ce qui ne lui permettait pas de lui faire regretter son attitude. Le chasseur continua son inspection d'un pas léger, observant les moindres recoins du Vautour. Voyant qu'il n'avait rien à reprocher aux ingénieurs et que le vaisseau était entre de bonnes mains, il retourna à l'intérieur sans un mot.

Enlevant son casque, il prit un biscuit et le grignota. Il regarda son communicateur pour s'assurer qu'il n'avait aucune mission. À son grand soulagement, pas un seul de ses clients ne l'avait contacté. Les ingénieurs pouvaient donc prendre leur temps, et le chasseur resterait un moment dans la Station Orbitale. N'ayant rien d'autre à faire, Orn scruta la plate-forme à travers le pare-brise. De sa place, il pouvait apercevoir un couloir où différents groupes de soldats en armure blanche passaient, le pas militaire et synchronisé. Des Commandants se déplaçaient aussi calmement, faisant passer les différentes informations qu'ils avaient obtenues. Contrairement au chaos qui régnait près de la Station, tous étaient calmes et posés. Aucun ne se souciait d'Alderaan, comme si la planète n'avait jamais existé. L'atmosphère était bien différente de celle alors pesante de la première visite du chasseur. Là où les soldats avaient couru dans les couloirs, alarmés, ils étaient maintenant lents, pris dans une routine de surveillance futile après une telle démonstration de force. Certains employés Impériaux ne travaillaient pas, préférant discuter avec leurs collègues des récents événements ou des différentes courses de modules. D'autres jetaient quelques regards sur le Vautour Couronné et sa plate-forme abîmée. Les plus curieux s'approchaient et parlaient avec le Commandant responsable de cette zone. L'homme, content de ne plus avoir de chasseur enragé dans ses pattes, répondaient à leurs questions. Ce dernier se délectait de la vue, profitant de la vitre teintée pour passer son temps, pourtant précieux. Il remit son attention sur le couloir, avant de remarquer une étrangeté.

 

Parmi les uniformes blancs des stormtroopers et ceux gris des Commandants, une forme brune se mouvait discrètement. Orn se redressa, soudain alerte. Les va-et-vients incessants du personnel cachèrent un instant la silhouette et il la perdit de vue. Après le passage d'un escadron, le chasseur la retrouva. D'une forme humanoïde, la personne était encapuchonnée et vêtue d'une longue cape brune, qui semblait flotter lorsqu'elle bougeait. Les mouvements de l'intrus étaient fluides, témoignant d'un équilibre développé par un entraînement strict. Quelque chose rendait son observation ardue, et les différents soldats ne tournaient jamais la tête dans sa direction. La forme se cacha dans un renfoncement quand un escadron de stormtroopers passa. Elle attendit patiemment que la menace parte, puis se dirigea furtivement à l'opposé, vers un autre couloir. Sa manœuvre amena la forme hors du champ de vision du Twi'lek, qui se leva. Prévenant Twik, Orn prit ses armes et sortit du vaisseau après avoir remis le casque. Il ne voulait pas sonner l'alarme. Cela casserait l'effet de surprise, permettant à l'intrus, visiblement expert, de quitter la Station sans être découvert. Marchant vers le couloir d'un pas assuré, il s'avançait l'air de rien. Ses pieds ne faisaient aucun bruit contre le sol pourtant métallique de la plate-forme.

Réajustant sa capuche, Orn sourit dangereusement sous son casque. La chasse avait commencé.

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Syyougo
Posté le 22/05/2024
Et salut ! La description de la destruction d'Alderaan est poignante, et la réaction d'Orn face à cette catastrophe est touchante. La terreur qui s'empare de Morrh et d'Orn à la vue de la Station est immersive je trouve. Heureusement qu'avec Twik cela ajoute une touche d'humour qui est bienvenue dans cette atmosphère pesante.
SinnaraAstaroth
Posté le 16/05/2024
Ah ben, RIP Alderaan. RIP mon vaillant petit R2 blanc et doré.

Je vais commencer sur la forme du chapitre, je trouve que tu as une belle façon de décrire les choses, on est à la fois dans le visuel et dans l'émotion, ça nous permet vraiment de nous immerger dans la scène. J'ai relevé ce passage par exemple : « La Station Orbitale Impériale, noire face à la clarté du ciel Alderaanien, surplombait la clairière, telle une pleine lune apportant un sombre présage. Elle était magnifiquement menaçante, symbole d’une puissance interdite, et bloquait le soleil éclatant. »

On sent bien la menace et en même on visualise la forme du vaisseau, les deux sont bien entrelacés.

Ce passage : « Il entra avant même que l'ouverture ne touche le sol, frappa le bouton pour la fermer comme si ajouter de la force à ce geste accélérait le processus de fermeture. » J'ai rigolé parce que c'est tellement ça ! C'est comme dans les films quand ils spamment le bouton de l'ascenseur, comme si les portes allaient se fermer plus vite, alors qu'en vrai ça risque plus de faire bugger le système.

J'ai relevé quelques fautes d'inattention :

« débris ce qui fût » : de ce qui fut (pas de subjonctif ici)
« le fit racler le sol » : lui fit racler le sol
« immédiat de d’arrêter » : le « de » est en trop

Sinon un très bon chapitre, très prenant. Je me suis vraiment posée la question au début de savoir si l'Empire cherchait à se débarrasser de Orn, si c'était un piège/une trahison, ou alors si c'était juste qu'ils en avaient rien à faire qu'il vive o ou meurt, c'était un dégât collatéral comme un autre. Et j'ai eu ma réponse après du coup, ils en ont vraiment rien à faire de lui, le pauvre. x) Je pensais que Chasseur Impérial lui donnait un certain statut, qu'il était protégé et reconnu en quelques sortes et qu'il travaillait exclusivement pour eux, mais apparemment non. Du coup à ce tarif, autant être chasseur de primes indépendant ou carrément rejoindre les Rebelles.

Et en parlant de ça, je me demande si cette silhouette encapuchonnée ce ne serait pas notre princesse rebelle qui essaye de filer à l'anglaise. La suite au prochaine chapitre !
Solaq G.
Posté le 17/05/2024
Désolé, j'avais pas prévu que ce p'tit R2 capture ton cœur !
Merci beaucoup pour tes corrections, je fais rectifier ça dès que je peux ! Apparemment, les deux relectures que j'ai faites (certes, c'était y a longtemps ahah) n'ont pas suffi...

Par rapport au statut de Chasseur Impérial : en fait, Orn est protégé des autres chasseurs de primes ou autres seigneurs du crime (comme Jabba, par exemple), mais pas de l'Empire. L'Empire l'utilise comme un outil, parce qu'il est le plus efficace (et sa haine de la République va en ce sens). Mais sinon, l'Empire peut très bien faire quelque chose qui peut le tuer sans que ça leur pose un gros problème. Pour faire court, seul l'Empire a le droit de tuer Orn (sinon, toute attaque contre lui est perçue comme une attaque à l'Empire ou à son image). Il a un peu le même statut que les Death Troopers, finalement
En tout cas, merci beaucoup !! Tes commentaires sont toujours des plaisirs à lire
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