Narhem attrapa sa chope et en avala la moitié restante. Il essuya sur sa manche la mousse de la bière accrochée à ses lèvres puis leva le bras vers la serveuse qui hocha la tête. Il détourna le regard pour observer les deux coqs en contrebas, dans l’arène de sable. Les deux gallinacés se jetèrent l’un sur l’autre, plumes blanches contre feu et noir.
Narhem cria sur le volatile blanc, espérant lui faire peur pour que l’autre, sur lequel il avait parié, puisse gagner. Bien sûr, dans l’ambiance survoltée de la taverne, cela ne changerait rien mais Narhem aimait crier, s’amuser et boire.
Cela tombait bien, la serveuse revint et remplit sa chope. En échange, il plaça une pièce dans son décolleté, non sans caresser ses seins au passage. La jeune femme fit mine de n’avoir rien remarqué et repartit vers ses autres clients.
Narhem mata son cul rebondi. Des exclamations l’extirpèrent de la vision pour le ramener vers les oiseaux. Le blanc gisait au sol. Narhem hurla de joie. Il avait gagné ! Il partit chercher ses gains puis s’avala une autre chope avant d’aviser l’heure. S’il ne se dépêchait pas, il serait en retard.
Il sortit le pas alerte malgré les nombreuses chopes avalées. L’alcool, il en buvait assez souvent pour le soutenir sans difficulté. Il emprunta la route principale mais bifurqua vers le nord, alors même que sa demeure où l’attendait sa femme se trouvait au sud. Il sortit rapidement du village.
Narhem inspira une grande bouffée d’air frais. Le printemps naissant rendait le paysage merveilleux. Il était heureux. Il se sentait remarquablement bien. Il observa les vignes devant lui. L’épamprage était en cours. Narhem se tourna vers la forêt dans son dos. Les arbres centenaires fourniraient le bois nécessaire aux tonneaux. Il s’avança sur le chemin. Il avait rendez-vous dans la clairière aux mille fleurs.
Il ne lui avait pas été difficile de convaincre Emelyne, la fille du meunier, de l’y rejoindre. Beau, bien bâti, fortifié par des années à fendre le chêne, l’écourter, à manier le doloire, à jointer avec minutie, à mettre en rose au marteau et à la chasse, à cintrer, à chauffer, à poser les fonds en robinier, à percer la bonde et le broquereau, à mettre en place les feuillards de châtaignier, pour enfin poncer et nettoyer. Tout cela lui avait donné un corps puissant et robuste.
Certes, il s’en servait principalement pour se battre à la taverne après avoir trop bu, et alors ? La vie était courte et méritait d’être savourée. Ses pensées le menèrent vers sa femme et ses critiques incessantes. Il perdait la moitié de l’argent qu’il gagnait dans les combats de chiens et de coqs ? Et alors ? De l’argent, il en avait. Il comptait bien en profiter. Elle avait de quoi faire vivre les mômes !
Il arriva à la clairière. Cela sentait la lavande et quelques abeilles bourdonnaient. Emelyne n’était pas encore arrivée. Il s’assit sur un rocher plat. Sa femme, il l’emmerdait. Il préférait largement passer sa soirée avec la jolie fille du meunier qu’avec cette casse-couille qui passait son temps à le critiquer. Il cracha par terre. Son mollard fut la dernière chose qu’il vit pendant longtemps.
Pourtant rompu à l’art du combat au poing, il ne put rien contre le sac jeté sur sa tête et les mains liées dans le dos. D’un coup sec, un de ses agresseurs tira sur une ficelle et le sac enserra sa gorge, le privant de toute visibilité. Il était dans le noir complet. Il se débattit mais quelques coups bien placés l’assagirent rapidement.
Il fut mis debout et, une dague sous la gorge, se laissa dévêtir en tremblant. Il demanda plusieurs fois l’identité de ses agresseurs, ne comprenant pas ce qui lui arrivait. Toujours sous la menace de la lame, il se retrouva entièrement nu, dans un silence pesant. Qui que soient ses agresseurs, ils ne disaient pas un mot. Des mains touchèrent son sexe. Il tenta d’éviter mais le couteau appuyant sur sa carotide le calma.
Sa femme avait-elle décidé de lui faire payer ses aventures ? Non, elle était bien trop faible pour mettre en place en tel stratagème ! Était-ce l’un des maris cocus ? Dans ce cas, la liste des candidats possibles aurait pu remplir un grimoire entier.
Une corde fut entourée autour de la base de son sexe et enroulée autour de ses testicules. La lame disparut et on tira sur la corde, amenant une intense douleur à l’entrejambe de Narhem, qui suivit sous la terrible contrainte. La marche commença.
Entièrement nu, Narhem pensa que ses agresseurs cherchaient à le ridiculiser. Il demanda leur identité, leur destination, leurs intentions. Il n’obtint que le silence en retour.
Il aurait pensé que marcher pieds nus lui apporterait davantage de douleur et pourtant, il fut surpris de ne ressentir qu’une légère gène. Marcher les mains dans le dos, à l’aveugle, tiré par une laisse liée à ses couilles le gênait bien davantage. Pourtant, il trébuchait rarement. Ses agresseurs choisissaient le terrain avec soin. Il se prit à penser qu’ils avaient l’habitude de ce genre de situation.
La marche dura. Narhem, dans le noir, n’avait plus la notion du temps. Il avait l’impression de marcher depuis des jours et pourtant, il ne ressentait ni fatigue, ni soif. Certes, il marchait souvent mais les douleurs dans les jambes se faisaient sentir, au moins un tiraillement. Là rien. Marchait-il seulement depuis quelques instants ? Son esprit lui jouait-il des tours ?
Ils marchèrent, marchèrent. Les pensées de Narhem s’enflammèrent. Était-ce des jours ou des lunes ? Des jours sans manger, ni boire, ni dormir, ni pisser, ni chier ? Impensable ! Narhem grognait. Le moindre ralentissement lui valait un sérieux coup de rappel dans les testicules. La douleur le vrillait. Il ne pouvait que suivre, les poignets douloureux et cette peur qui montait, impossible à retenir.
Chaque pas augmentait ses angoisses. Où allait-il ? Pourquoi ? Qui s’en prenait à lui de la sorte ? Et ce silence, pesant, insoutenable. Seule preuve de la réalité : cette souffrance insupportable entre ses jambes si son pas perdait en vigueur. Il suivit, impuissant, terrorisé.
Sa respiration s’accélérait, son cœur s’emballait. Il voulait hurler, fuir, pleurer. Il haletait. Soudain, il sentit une main se poser sur son épaule gauche et une intense chaleur parcourut tout son corps et ce fut le calme dans la tempête. Une merveilleuse sensation de bien-être l’envahit, faisant fuir la terreur. Sa marche fut plus solide, plus sûre. Il n’était jamais tombé depuis son enlèvement. Il n’avait jamais souffert et voilà qu’ils l’aidaient à s’apaiser. Une certaine confiance s’en suivit. Ces gens, qui qu’ils soient, prenaient soin de lui. Narhem ne l’expliquait pas mais l’accepta.
Le sol changea sous ses pieds. Aveugle, il fut incapable de reconnaître la sensation. Herbe, mousse, chemin rocailleux, montagne, cailloux ? Non, rien de tout cela. Il n’avait tout simplement jamais croisé une telle surface. Ils marchèrent encore. Narhem ne comprenait pas. Comment un tel miracle était-il possible ? Combien de temps durerait cette randonnée improbable ?
Enfin du bruit, des animaux que Narhem ne reconnut pas. Des bruits, des sons, insaisissables. Sous le sac de cuir, il ne voyait ni ne sentait rien et le dehors lui parvenait modifié. Coupé du monde extérieur sauf par son corps brûlé par un soleil puissant, Narhem suivait la laisse sans se battre, se sachant perdant, craignant la douleur autant que la lame de ses agresseurs. Il ne voulait pas mourir, pas maintenant. Il était au sommet de sa gloire !
Une main sur le torse le fit stopper. Première arrêt depuis son enlèvement. Narhem trembla. Était-ce une bonne ou une mauvaise nouvelle ? Son sexe fut manipulé et la laisse retirée. Les nœuds enserrant ses poignets furent tranquillement défaits. Enfin, le lien maintenant le sac serré autour de sa gorge fut délié et le sac retiré.
Narhem fut instantanément aveuglé par un soleil brillant et étouffé par la chaleur brûlante l’environnant. Les odeurs lui sautèrent au nez, mélange de transpiration et d’épices. Les hurlements qui l’entouraient l’assourdirent. Il s’écroula, un poids lourd sur les épaules venant de l’y contraindre et des cris de joie explosèrent près de lui. On le retourna et un coup de poing magistral vint s’abattre sur sa joue. Il sentit le goût du fer dans sa bouche.
Les combats de taverne lui revinrent et il réagit instantanément. Encore à demi aveuglé, il évita le coup suivant et repoussa son adversaire, qui se jeta sur lui et, les mains sur sa gorge, serra. Narhem comprit soudain que le combat ne laisserait qu’un seul survivant. Une image lui sauta aux yeux : lui, hurlant sur un coq, l’enjoignant à attaquer et à tuer. Il avait tout parié sur lui. Le gallinacé avait intérêt à se montrer à la hauteur. Aujourd’hui, il était l’animal sur qui on misait. Il eut envie de vomir.
Au bord de l’inanition, il enfonça ses pouces dans les yeux de son adversaire qui recula. Narhem respira fortement et se redressa, au moment exact où son adversaire faisait de même et fonçait sur lui. Narhem le roua de coups et ses poings se couvrirent de sang sous les hourras d’une foule en délire. Enfin, l’autre ne bougea plus, cadavre inanimé. Narhem venait de tuer quelqu’un pour la première fois.
À genoux, il haletait. Il leva les yeux pour découvrir ses agresseurs et la tête lui tourna. Autour de lui, partout, des créatures humanoïdes à la peau bleue sombre, aux oreilles pointues, aux cheveux longs et noirs, vêtues de vêtements colorés longs et couvrant.
Pas le temps de recouvrer ses esprits. L’un d’eux se campa devant lui et dit quelque chose dans une langue que Narhem ne comprit pas. Heureusement, le geste de la main de son interlocuteur lui permit de comprendre qu’il devait se lever. Il obtempéra et se laissa repasser la laisse autour du sexe.
Hébété, il suivit son tortionnaire sur des chemins de sable sombre sinuant entre des huttes de pierre aux toits de chaume. Parfois, une habitation à un étage apparaissait mais elles étaient rares. Le soleil brillait dans un ciel sans nuage.
Ils entrèrent dans l’une des huttes. La créature à la peau noire l’amena au fond de la hutte et attacha la laisse à un anneau fixé à un poteau enfiché dans le sol puis s’éloigna. Narhem mit un moment à reprendre ses esprits.
Dans la hutte se trouvaient quatre autres hommes, dans la même position que lui, chacun lié à son poteau par les couilles, les mains libres, ne touchant pourtant pas les cordes qu’il serait aisé de défaire. Narhem regarda sa laisse. Pourquoi aucun d’eux ne tentait quoi que ce soit ? Narhem décida de jouer la prudence. Exténué par le combat, il s’assit sur le sol, rêvant soudain d’un peu d’eau fraîche.
Détail surprenant : un seul objet se trouvait dans la hutte, en plein centre : un seau. Cependant, la laisse de Narhem était trop courte pour lui permettre de l’atteindre. Un des hommes près de la porte, qui l’observait depuis le départ, lui sourit puis se rendit au seau, sa laisse le lui permettant. Sans lâcher Narhem des yeux, il plongea ses mains dedans qui ressortirent mouillées. De l’eau ! Narhem fulmina et l’homme sourit. Il but sans le lâcher des yeux puis retourna à sa place en ricanant. Narhem regarda sa laisse, si facile à délier, mais ne tomba pas dans le piège. L’autre cherchait à lui faire commettre cette erreur. Pourquoi ? Il l’ignorait, mais Narhem était trop intelligent pour succomber à une manœuvre aussi évidente.
La chaleur augmenta. Narhem vit un homme se lever, se rendre aux bords du mur de pierre et chier là, sur la terre. Un autre urina. L’odeur, déjà nauséabonde de transpiration, devint irrespirable.
Narhem décida de passer outre. Il devait rester concentré et ce n’était pas un peu de merde qui allait lui faire perdre sa contenance. Trois créatures armées d’une simple dague entrèrent et les prisonniers se crispèrent, prêts… mais à quoi ? se demanda Narhem. L’un des soldats se plaça près de Narhem et lui donna ce qui ressemblait fortement à un ordre. Le geste indiqua à Narhem qu’il ne devait pas bouger. Il hocha la tête, espérant avoir bien compris.
Un homme entra dans la hutte. Il est entièrement nu mais son sexe était entravé d’une prison d’acier. Narhem frémit d’horreur. L’homme s’empara du seau qu’il emmena dehors et à sa place entrèrent six hommes identiquement lestés à l’entrejambe, portant une auge en bois qui semblait lourde. Ils la posèrent au centre de la hutte en lieu et place du seau puis sortirent. Aucun des prisonniers ne bougea et pourtant, Narhem sentait leur impatience. Les créatures sombres sourirent.
Enfin, l’un d’eux siffla et les hommes se ruèrent sur l’auge, grattant, léchant, chacun cherchant à en arracher davantage au bois que son voisin. Narhem vit ses compagnons d’infortune avaler les minuscules bouts de nourriture attachés sur les bords, retenus dans les petites alvéoles et baissa les yeux. Depuis combien de temps n’avait-il pas mangé ? Son estomac s’éveilla soudain. Sous la menace du garde armé d’une dague, Narhem attendit sagement.
Nouveau sifflement. Les hommes regagnèrent immédiatement leur poteau et les six hommes enserrés d’acier reprirent l’auge. Deux gardes sortirent. Celui de Narhem resta. Il défit la laisse liée au poteau puis parla. Narhem ne comprit pas mais écouta sans le couper avant de le suivre. Il apporta une grande attention aux gestes, attrapant le seau et la raclette en bois puis retourna à l’intérieur.
Le garde lui désigna les excréments des autres prisonniers. Celui qui avait bu de l’eau devant lui ricana. Narhem, tremblant autant de rage que de peur, ramassa la merde qu’il plaça dans le seau. La hutte redevenue propre, Narhem suivit le garde jusqu’à un enclos à ciel ouvert où il reconnut un faiseur de fumier. Il plaça les déjections dans le bac puant puis retourna à l’entrée de la hutte où il déposa ses outils.
Le garde parla et Narhem, suivant ses gestes avec précision, attrapa le seau d’eau pour constater qu’il était vide. Le garde attrapa la laisse et Narhem suivit docilement. Que se passerait-il s’il s’attaquait à la créature ? Après tout, ne venait-il pas de tuer un homme ? L’évidence le frappa. Il était un coq qui venait d’en tuer un autre. Si le coq attaquait un humain, il serait tout simplement mis à bouillir avec du vin.
Il arriva à un puits. La corde fut longue à tirer mais finalement, il put remplir le seau. La créature sombre lui parla et son ton était plutôt aimable. Malheureusement, sans geste, Narhem ne comprit pas. Le garde dut s’en rendre compte car il répéta sa phrase en l’accompagnant de gestes : il lui proposait de se rafraîchir maintenant et de remplir une seconde fois le seau ensuite.
Narhem sauta sur l’occasion et la sensation fut délicieuse. L’eau sur sa nuque, ses mains couvertes de sang retrouvant leur couleur d’origine, le liquide frais sur ses lèvres sèches. Narhem retrouva ses esprits. Il remplit une seconde fois le seau et retourna dans la hutte. Le seau fut placé au centre et Narhem retrouva sa place mais la laisse, liée plus loin, lui offrait autant de liberté qu’aux autres prisonniers. Narhem venait de réussir la première épreuve, quelle qu’elle fut.
L’homme près de la porte grimaça, grogna puis se coucha. Les autres firent de même. Dormir, en pleine journée ? Quelle drôle d’idée. La chaleur monta. Dehors, le soleil se fit de plus en plus brillant. Narhem n’avait jamais connu de sa vie de telles températures. Harassé, il sombra lui aussi dans le sommeil.
Au réveil, il ressentait de violents vertiges. Son estomac grondait. La chaleur était suffocante. Il se rendit au seau pour boire et constata qu’il est vide. L’homme près de la porte ricana. La longueur de corde ne permettait pas à Narhem de l’approcher. Il retourna à son poteau en se traînant. Sa vessie l’obligea à se soulager sur le mur derrière lui. Sa barbe naissante le démangeait. Il détestait cela. Il se rasait toujours de près d’habitude. Devoir subir ses poils l’insupporta.
Enfin, la chaleur diminua et Narhem, par la porte, constata que la luminosité régressait. La nuit tombait, comprit-il. Un sourire se peignit sur son visage. Enfin un peu de fraîcheur. Il regretta rapidement cette assertion car la nuit fut glaciale. Il grelotta, recroquevillé, à l’image de ses compagnons d’infortune. Quel était ce pays pourri ? Il ne dormit pas une seule seconde et fut un instant heureux d’avoir fait la sieste. Il comprit pourquoi ses compagnons profitaient des heures les plus chaudes pour se reposer. Le faire sous les étoiles relevait de l’impossible.
Le jour se leva et les températures remontèrent, permettant à chacun de reprendre ses esprits. Les hommes attendirent en silence, s’évitant du regard. Narhem ne tenta pas de communiquer, imitant ses compagnons.
Deux gardes entrèrent dans la hutte. Le plus proche de la porte fut emmené ainsi qu’un autre homme. Un peu plus tard, seul celui près de la porte revint, le corps couvert de sang et Narhem trembla. Ils n’étaient là que pour s’entre-tuer pour le plaisir malsain des créatures sombres. Malsain ? répéta une petite voix dans sa tête. C’est sûrement ce que pensaient les coqs. Narhem secoua la tête pour faire taire cette importune.
Deux gardes se présentèrent un peu plus tard et l’auge arriva. Cette fois, Narhem put participer. Il découvrit à quel point le contenant était vide. Les morceaux restants étaient vraiment minuscules. Il parvint à en déloger un qu’il goutta et découvrit avec stupéfaction un met succulent. Jamais il n’avait dégusté pareil délice. Son corps ronronna de plaisir. Narhem n’en revint pas. Il s’attendait à une pâtée immonde, pas à un régal gastronomique ! Il gratta encore et parvint à ingérer deux morceaux supplémentaires avant que le sifflement ne l’oblige à retourner, dépité, à son poteau. Il y en avait encore ! Il aurait pu en obtenir davantage.
En partant, un garde fit un signe de la tête à l’homme près de la porte qui défit lui-même sa laisse, sortit chercher le seau et la raclette, nettoya la hutte puis sortit, pour revenir un peu plus tard propre chargé d’un seau d’eau. Narhem s’avança mais l’homme, d’un double claquement de langue, le dissuada d’approcher. L’homme désigna un prisonnier qui s’avança en s’inclinant humblement. Narhem fut le dernier désigné et put vider le seau. Il restait suffisamment pour qu’il se réhydrate mais pas davantage.
La chaleur monta et ce fut l’heure de la sieste. Puis la nuit, glaciale et le lendemain, un membre de moins dans la hutte. Ce ne fut que le lendemain que Narhem et un autre prisonnier, pas celui près de la porte, furent désignés.
Autour du cercle de bois, les paris allaient bon train. Les créatures sombres les observaient comme des éleveurs scrutent une bête lors d’un concours de bœufs. Narhem subit en silence, serrant les dents et les poings de rage. Il observa l’autre qui tremblait, de peur comprit-il. Son adversaire était chétif. Depuis combien de temps subissait-il la faim, la soif, la chaleur brûlante de la journée et les nuits glaciales ? Narhem n’en avait cure. Il ne lui laissa pas la moindre chance. Son sang se répandit dans l’arène et Narhem n’en ressentit pas la moindre culpabilité. Il comptait bien survivre, à n’importe quel prix. Il fut heureux de nettoyer la hutte et d’aller chercher de l’eau car cela prouvait sa victoire.
Finalement, ils ne furent plus que deux dans la hutte, lui et celui près de la porte. La quantité de nourriture disponible n’en était que plus abondante. Lorsque les gardes entrèrent, ils étaient prêts mais seul Narhem fut désigné. Il ne comprenait pas. Il rejoignit l’arène hébété.
De l’autre côté du cercle de bois de trouvait un homme nu, la tête recouverte d’un sac. Narhem réfléchit rapidement. Cet homme là était en pleine forme. Ses coups seraient plus puissants, plus précis que les siens émoussés par des jours de famine et de manque de sommeil. Il rassembla ses souvenirs. La désorientation, voilà ce qui le frappa. Narhem décida de l’utiliser à son avantage. Il attrapa une poignée de terre sombre et s’avança vers son adversaire au signal.
L’homme, ébloui, ne vit rien venir. La poignée de terre dans les yeux l’aveugla totalement et Narhem frappa directement entre les jambes. Le souffle coupé, l’homme tomba à genoux et Narhem frappa, paume ouverte, sur le nez offert. L’os s’enficha dans le crâne, tuant sur le coup. Narhem sourit. Trop facile. Pas même un coup reçu. Pas une goutte de sang. Lorsqu’il revint dans la hutte, il perdit le sourire. Le lendemain, le combat serait bien plus ardu.
Salut Nathalie !
Ah tiens tu as rajouté un passage au début du chapitre ? Bon ajout, je trouve, il nous permet de mieux comprendre la violente chute de Narhem. Vraiment, passer d'une vie, certes pas chrétienne mais confortable, à cet enfer, ça doit être vraiment atroce. Je ne comprends pas comment Narhem a fait pour ne pas péter un cable, devenir fou, schizo ou autre ..... Mais ton rajout a encore une autre qualité : il nous fait voir qu'avant Narhem était celui qui pariait sur les coqs et maintenant le coq sur qui on parie.
" Il attrapa sa chope et en but la moitié la moitié restante" => Peut-être que savoir ce que contient la chope permettrait d'être mieux emporté dans ton univers ? Est-ce que c'est de la bière ou une boisson inconnue ?
=> ex : La boisson tiède et mousseuse ravit ses papilles. On ne trouvait cette merveille qu'à Eoxit.
D'ailleurs, il n'est pas dit que Narhem vit à Eoxit. Peut-être peux-tu le préciser ?
Sinon je me demandais, en année il s'écoule à peu près combien entre le début de l'histoire de Narhem et sa mort ?
Voilà voilà, je passe au chapitre suivant.
blairelle m’a conseillé de rajouter ce début de chapitre. Ravie de savoir que ça plaît :)
Narhem est devenu fou ? Tu ne le trouves pas complètement taré toi ? Chacun ses valeurs, je suppose…
On apprend que Narhem vit à Eoxit lorsqu’il le dit à Dolove. Le but est de laisser de lecteur dans l’expectative pendant quelques temps.
Sur ma chronologie personnelle, il se passe exactement 693 ans entre la naissance de Narhem et sa mort.
Mes livres ne devraient plus être en vente là-bas. Je les ai retirés de lulu.com. Je vais aller me pencher là dessus. Merci de m’avoir prévenue.
Ah oui quand même ! 693 ans ! Un âge que je n'aurai jamais .... :-)
Les 3 chapitres sur Eilan, je les ai lu quasiment d'une traite et j'ai beaucoup aimé. Un peu plus que des attouchements non sexuels auraient sûrement donné un côté plus sombre au personnage mais le future me montrera peut-être que cela permettra une plus grande complicité entre ce personnage et les humains.
Sur ce chapitre ci j'apprécie d'avoir affaire au personnage qu'on aime bien détester.
J'ai hâte de lire la suite.
Merci beaucoup pour ton commentaire. Constructif ou pas, il me fait très plaisir (et c'est déjà une bonne raison pour l'écrire, non ?).
Ce livre est à destination de tout public. Je n'entre donc pas trop dans les détails. Le but est que le lecteur comprenne sans en rajouter. On sent bien, normalement, que si elle ne s'était pas enfuie, cela aurait vite tourné au vinaigre. De plus, ce genre d'attouchements (ou de harcèlement, on appelle ça comme on veut) sont souvent sous-estimés, pourtant, ils laissent eux-aussi de graves séquelles psychologiques.
Narhem, le héros qu'on aime détester, je trouve très juste ta tournure. J'espère que tu vas beaucoup l'aimer et le détester tout autant. N'hésite pas à me tenir au courant !
Bonne lecture !!
J'aime bien le côté "j'étais un mâle alpha qui pariait sur des coqs et maintenant je suis le coq, OK c'est de bonne guerre" de Narhem. Ça aide beaucoup à faire passer les éléments trash comme "bah oui c'est comme ça qu'on fait dans cet univers" et pas comme "j'en fais des caisses gratuitement pour émouvoir les lecteurs" (pardon j'ai une dent contre les gens qui en font des caisses pour émouvoir les lecteurs, sans que ça n'ait aucune utilité dans le scénario ou dans le développement des personnages). Je pense que ça aurait été bien de faire durer un peu plus son passé de mâle alpha qui parie sur des coqs, boit à la taverne et trompe sa femme, pour mieux faire sentir le contraste.
Et pour l'instant les "propriétaires" de Narhem, je les imagine physiquement comme les Navis d'Avatar, c'est assez bizarre parce que de ce que j'ai entendu d'Avatar (je n'ai pas vu les films) c'est pas du tout la même personnalité.
Et après ce commentaire encore une fois beaucoup trop long, je retourne à mon beamer.
Commencer par une scène dans une taverne où Narhem boit et parie, puis sort pour rejoindre sa maîtresse ? Pourquoi pas. Je vais y réfléchir. Merci beaucoup.
Les propriétaires de Narhem et avatar ? J'avoue ne pas bien connaître avatar mais pour moi, dans avatar, ils sont bleus clairs alors que ceux là sont bleus sombres limite violine aux reflets noirs. De plus, les na’vis d’avatar ont une queue ce qui n’est pas le cas ici mais je comprends la référence. Et la personnalité n'a rien de commun (il me semble que les na’vis d'avatar sont plus proches des elfes des bois que des propriétaires de Narhem).
Tes commentaires ne sont pas du tout trop longs. Tu devrais regarder les miens. Tu aurais peur ! Je fais souvent 10 fois plus long que toi (limite je commente plus longuement que le texte en lui-même). En tout cas, n’hésite pas à continuer. Tes commentaires m’aident beaucoup !
Bonne lecture !
Deux coquilles :
arhem attrapa sa chope et en avala la moitié restante => Narhem, il manque la première lettre
Le gallinacée avait intérêt à se montrer à la hauteur => gallinacé (je crois)
Ravie que l'ajout du début te plaise. Après tout, il existe grâce à toi. Encore merci de tous tes commentaires !
Merci pour les coquilles !