Séléné est revenue plein de fois à la maison. Je n’ai plus aperçu son visage ni entendu sa voix, je veille à me cacher dans ma chambre, mais chacune de ses visites charrie en moi la mélodie démoniaque qu’est Fantaisie Impromptue. Dans ces moments, je serre la barrette rouge entre mes doigts, et tout va mieux.
Je sais que je ne dois jamais m’en séparer.
~
Je suis sur la chaise sculptée des invités. Elle tressaute, prise de folie. En face de moi, il y a le Maître, illuminé de l’intérieur. Ses yeux sont un ciel, Son sourire un soleil. Il rit puissamment.
Soudain, un hurlement m’ébranle, me percute. Je me tords. Il ronge chaque parcelle de mon corps, cheminant jusqu’à mon cœur qu’il déchire violemment.
Le monde est souffrance.
Je me réveille en sursaut, fiévreuse. Ma main affolée se lance vers la table de chevet en quête de la barrette. Mon cœur fait un bond quand mes doigts l’atteignent, mais le talisman est repoussé par leur mouvement saccadé. Je l’entends tomber sur le parquet et y faire quelques sauts.
Des mains froides m’enserrent la gorge, un cri étranglé m’échappe. Je tombe et me rue vers l’interrupteur que j’écrase avec panique. La lumière perce l’air et vient heurter mes iris qui gémissent. Je vacille, mes yeux blessés fouillent le sol à la recherche d’un rouge salvateur. Mes genoux frappent le parquet que je tâte à quatre pattes, à moitié aveuglée. Le bois sombre est nu. La barrette ne peut être que sous le lit ou la table de chevet.
Mes doigts se glissent, frémissants, sous le second meuble. Bien que l’objet n’ait pas pu bondir jusqu’à l’armoire je vérifie quand même. Elle n’y est pas. Ne reste que le lit.
Le noir abyssal qui se traîne sous la couche me glace. Il y a un monstre tentaculaire là-dessous, je le sens. Si je m’approche trop, il m’attrapera et me dévorera.
J’hyperventile, mes yeux roulent en tous sens. Je balbutie des paroles inintelligibles alors qu’une ombre m’engloutie pour m’éteindre. C’est elle. Je pousse un bref cri, les larmes jaillissent. Elle me grignote, elle va me submerger.
- Eri ?
Elle recule précipitamment.
Le Maître apparait, son éclat chasse la mauvaise ombre.
- Eri, qu’est-ce qu’il y a?
- Je… j’ai perdu ma barrette…
Il fronce les sourcils.
- Ah oui ? Tu n’as aucune idée de où elle se trouve ?
- Sous le lit… je pense… mais il y a le monstre.
Il a un sourire.
- Voyons, ma fille, il n’y a pas de monstre sous ton lit. Regarde.
Il tend la main qui disparait dans l’ombre. Il tâte tranquillement le dessous du lit, la tête penchée sur le côté pour observer l’Antre. J’entends le monstre se tasser en couinant.
Le Maître se redresse après un temps, soucieux.
- Je suis désolé mais je ne trouve pas la barrette. Tu as bien cherché partout ?
Je hoche frénétiquement le menton, désespérée.
On vérifie encore partout, y compris dans le lit, les tiroirs, et même dans la salle de bain. Mais la barrette rouge est introuvable.
Elle est repoussée par la présence du Maître, mais sans la barrette elle risque de faire surface dès qu’Il sera parti.
- Je peux dormir avec vous ? tenté-je, larmoyante.
- Non, Eri.
Je baisse la tête, tremblante.
- Pour la retenir, je te donne ceci, en attendant de retrouver la barrette.
Il me tend sa montre. Elle est grande et rutilante, elle brille de mille feux. Je la passe autour de mon poignet qui devient soudain lourd. Elle est trop grande et va presque jusqu’à mon coude, mais cela suffit à me rassurer.
Le Maître m’offre encore un autre de ses sourires et s’en va.
Je dors assez mal le reste de la nuit, avec aucune autre crise ne l’amène. Malgré la montre chaude du Maître que je serre contre mon cœur, l’absence de la barrette m’angoisse. Il faut à tout pris que je la retrouve.
~
Le lendemain je fouille de nouveau le grenier. J’ai même le courage de passer le manche d’un balais dans l’Antre. Mais rien.
Je refoule mon angoisse en embrassant la montre du Maître. Il est parti tôt au travail, me laissant seule avec elle.
Non, je ne dois pas dire ça. Avec Sa montre, c’est comme s’Il était à côté de moi.
~
Ces derniers temps, je trouve le Maître soucieux. Il demande une tartine de plus le matin, n’ajuste par Sa raie quand il se coiffe et oublie les clés de sa Rolls quand Il descend au garage. Ça fait longtemps qu’un invité n’est pas entré dans la salle du sous-sol, j’aimerais que quelqu’un vienne pour soulager un peu le Maître de Son anxiété. J’essaie de refouler la mienne pour L’aider, mais j’ai beaucoup de mal à faire semblant, d’autant que le Maître me connait par cœur. Voilà un mois que ne retrouve plus la barrette, et la montre se refroidit sur mon poignet.
Je fais le ménage dans le salon, ruminant les dernières recherches infructueuses que j’ai mené dans l’escalier menant à ma chambre. J’attrape la corbeille d’un geste distrait, mais un visage attire mon attention. Un journal froissé dépasse de la poubelle. Normalement le Maître ne me laisse jamais voir les journaux, Il a dû l’oublier.
La corbeille tombe à terre dans un grand fracas, et je ne tarde pas à la suivre.
Le portrait m’aspire dans l’horreur.
Elle est en face de moi. Elle sourie sur cette photo. En plus de son visage, son nom dans les gros titres me frappe.
DU NOUVEAU DANS L’AFFAIRE ERIKA FURCHAUSEN
Elle surgit derrière moi en sifflant, ses mains glacées mais pourtant brûlantes attrapent mon cou et le serre à se rompre. Mon corps est agité de convulsions tandis que j’essaie de me débattre. Mais elle me retient, elle est trop forte.
La montre tombe à terre et se brise. Elle se presse contre moi, l’acide de sa peau me ronge.
- Enfin, cette je vais t’avoir !
J’ouvre la bouche pour crier mais seul un râle parvient à émerger de mes cordes vocales compressées. Je me secoue, me tords, griffe l’air de mes bras affolés. Je rue, sue, hurle intérieurement. Je tente de mordre, de déchirer sa peau incandescente mais je me brûle les lèvres. Les vertiges m’emportent, le monde se met à tournoyer comme son rire qui s’élève et me perce les tympans. Mes veines explosent, mes yeux sortent de leur orbite, ma peau se déchire, tout mon corps se disloque.
Un monstre sombre me prend, je tournoie encore plus vite. Je hurle, je ne sais pas si c’est en pensées. Il me dévore férocement, le monde disparait dans un sursaut.
Le noir.
Je me relève, tremblante. Je ne suis pas très assurée sur mes appuis et vacille. J’ai enfoncé mes ongles dans le parquet, la douleur m’aiguillonne. Je lèche le sang, son goût âcre me fait frissonner.
J’avance, un pied devant l’autre, observant autour de moi un décor nouveau et pourtant familier. Un rire nerveux secouent mes épaules, des larmes s’échappent de mes paupières.
Je dois m’enfuir d’ici au plus vite, m’éloigner de ce salopard qui m’a tout pris avant qu’il ne reviennent.
Alors…
Je m’arrête, le cœur battant.
Et si je lui rendais la pareille ?
Elle s’agite en moi, elle se débat. Je sais que je ne pourrai pas la contenir éternellement.
Non, mauvaise idée. Scipio est trop fort, il va la faire revenir et ce sera fini. D’un autre côté… voilà l’occasion rêvée de me débarrasser de lui. Je sais que s’il me rattrape je suis perdue. Sauf que le tuer est bien plus dangereux.
Le dilemme est insolvable, pourtant il faut que je me dépêche.
Mon regard retombe sur la vieille photo moche de ma carte de bus que les journalistes ont eu la bonne idée de placarder en grand sur leur torchon. Je me saisis du journal et lit l’article.
Hum.
Un sourire se dessine sur mes lèvres. Merci Moonlight, je sais quoi faire grâce à toi.
Je n’ai plus qu’à faire en sorte que la barrette ne soit pas retrouvée. J’inspire difficilement, elle s’agite. Il faut que je résiste à l’envie de m’enfuir à toutes jambes. Patience, le temps viendra.
Du moins je l’espère.
Je me laisse tomber sur le sofa en soupirant. Je n’ai pas envie de laisser cette gamine fanatique revenir. Le piano attire mon attention. C’est vrai qu’il est magnifique. Je me lève et m’installe devant le clavier, mes doigts sont frémissants. Je vérifie que j’ai arrêté de saigner pour les poser sur les touches. Elles sont douces.
La fantaisie s’emparent de mes mains qui se mettent à danser. Deux ans sans jouer, ça rouille, je fais plusieurs fautes. Mais cela n’empêche pas la passion de m’emplir.
J’imagine cette scène qui m’a été volée. Le public attentif, mon anxiété qui se délie peu à peu au fil des notes. Puis un tonnerre d’applaudissements. Je me vois souriante quoique mal assurée, versant quelques larmes. J’aperçois Amélie au premier rang qui applaudit en pleurant.
Et voilà, la mélodie s’achève, de véritables larmes ont envahi mes joues. Je renifle, et délaisse avec regret le piano. Si je veux que mon plan réussisse, il ne faut pas que Scipio réalise quoi que ce soit. Je dois laisser la potiche reprendre son travail d’esclave et me retirer.
Les larmes, encore. La liberté est pourtant si proche. Et si fragile.
Je vais chercher un briquet dans la cuisine et brûle le papier journal. Voir mon visage se consumer la ramène. Je ferme les yeux, une dernière larme se glisse entre mes paupières.
Puis je bascule.
Je reprends conscience, allongée sur le sol. Je chavire plusieurs fois avant de réussir à me relever. J’ai froid, j’ai peur. Je sais qu’elle a pris le contrôle, mais je ne me rappelle pas de ce qu’elle a fait. Il faut que j’en parle au Maître à son retour, c’est urgent.
Je récupère la montre cassée et me remets à la tâche en tremblant, tentant d’oublier dans le travail ce qu’il vient de se passer. Alors que mes yeux se perdent dans le vague, ils se posent sur le piano.
Je le trouve étrangement beau.
On apprend enfin la véritable identité d'Eri, je t'avoue que c'était un peu de secret de Polichinelle.^^ Un peu déçu de la négligence du Maître qui laisse traîner ses papiers compromettants un peu n'importe comment.^^
On comprend le lien qu'elle a avec le piano. J'ai bien aimé les je en italique et les allusions au maître qui ne sont plus en majuscule.
Pour la fin, je me demande si le fait de faire revenir Eri est bien prudent, ne va-t-elle pas retomber dans la soumission aveugle? Un plan bien risqué mais j'attends de voir comme toujours!
A bientôt!
Ça faisait longtemps que je n'avais rien lu de toi, alors voilà, je profite de l'émulsion des HOs pour passer dans le coin ^^
Coquillettes :
- Chapitre 1 :
"qui cesse enfin de crachoter sa musique batarde (bâtarde)
"Sa mâchoire carrée accueille un bouc élégant strié de noir" Moyen convaincue par ce "accueille"...
"Fais le nécéssaire (nécessaire)"
"Je nettoies (nettoie), lustre"
"Le damier noir et blanc me lance" Lui lance quoi ?
"le Maître à bien calculer (a bien calculé) la dose. Il est temps dans (de) le descendre dans la salle en damier noir et blanc"
"Il faut qu’il s’économise, sinon il n’aurait (n'aura) plus de voix"
"Je pousse un crie (cri)"
"puis nettoies (nettoie) la chaise"
- Chapitre 2 :
"Moi aussi je sourie (souris)"
"Et voilà, encore un cauchemars (cauchemar)"
"pour observer la femme que le Maître à ramener (a amenée) par le trou de la serrure"
"Son visage porte des lèvres pulpeuses et un regard puissant" ... porte ? Pas très convaincue par ce choix de mot...
"Une convulsions (convulsion) soudaine me jette contre la porte de l’armoire dans un grand bruit"
"Puis enfin, elle se taie (tait)"
"dis-je d’une vois (voix) tirant sur les aigus."
"Allez, vas (va) te coucher"
- Chapitre 3 :
"Il faut à tout pris (prix) que je la retrouve"
"Elle sourie (sourit) sur cette photo"
"- Enfin, cette (fois ?) je vais t’avoir !
"Un rire nerveux secouent (secoue) mes épaules"
C'est glaçant à souhait ! J'aime bien la vision de la salle en damier noir et blanc, avec juste le rouge du sang, puis plus tard le rouge de la barrette... ça, et l'évolution de la couleur des yeux du "Maître", ça fait des jolies images, très graphiques.
Je me demandais au début qu'elle allait bien pouvoir être l'histoire, puisqu'Eri avait l'air "satisfaite" de sa situation, et que Scipio semble assez discret dans ses... activités, mais avec ce chapitre, on sait qu'Erika est toujours recherchée, et surtout qu'elle n'a pas tout à fait perdu de sa combativité malgré ce dédoublement de personnalité, qui est d'ailleurs plutôt bien géré jusque là. Je suis curieuse de la suite du coup ^^
Ah oui on m’avait déjà fait le remarque sur le côté graphique, je sais pas vraiment si c’est une bonne chose ou pas. Pour certaine ME c’en est une mauvaise...
Merciiii pour ton com’ et ton relevage de coquilles <3
J'aime bien l'idée de ce dédoublement de personnalité et comment c'est géré. Bref, je n'ai pas grand chose d'utile à dire. Ce qui me dérangeait a été dit dans mon commentaire précédent. Tout ça pour dire que je te suis, désormais ^^
A bientôt !
Ce qui est fort, c'est que pour l'instant, la seconde personnalité n'a pas l'air beaucoup plus attachante que la première ! Ceci dit, elle n'est pas vraiment dans un environnement chaleureux, elle, alors c'est cohérent. Et puis elle doit être TRES en colère !
Je ne sais pas pourquoi, j'étais partie du principe que Eri était très jeune (genre 13-14 ans), mais je n'en suis plus si sûre.
Bon, argh... ton texte va rejoindre ma PAL ! Elle va s'écrouler à cause de ces Histoires d'Or ! Je reviendrai plus tard, des bisous !
Ah non elle est beaucoup plus âgée^^Mais c'est normal que tu ressentes ça puisque sa personnalité dominante est très enfantine
Mwo merci <3 Bisouilles !
Je m'arrête ici pour pouvoir continuer mes lectures Histoires d'or, mais je compte bien revenir lire le reste de ce texte ! ;-)
A très vite !
Oki encore merci à bientôt ! Et courge pour ce marathon de lecture ! ᕦ(ò_óˇ)ᕤ (oui je suis fan des emojis japonais x))
- n’ajuste par (pas) Sa raie
- ses mains glacées mais pourtant brûlantes attrapent mon cou et le serre (serrent) à se rompre
- Enfin, cette (fois ?) je vais t’avoir !
- Je (je ?) lèche le sang, son goût âcre me fait frissonner.
- Un rire nerveux secouent (secoue) mes épaules
- Je vérifie que j’ai (j ?) arrêté de saigner
- La fantaisie s’emparent (s’empare) de mes mains
Remarques
- Séléné est revenue plein de fois à la maison (je trouve cette phrases trop enfantine)
- Je dors assez mal le reste de la nuit, avec aucune autre crise ne l’amène. (… même si (par exemple) aucune autre crise…)
Merci beaucoup <3
(,le coup de la photo dans le journal est trop cool ! Je me demande si Scipio était perturbé à cause de ça ou de complètement autre chose, en tout cas c'est plutôt rassurant de se dire que sa disparition est connue et qu'Erika est recherchée !) trooop hâte de lire la suite, la dualité est folle ^^
J'ai trop de mal à décrocher : c'est vraiment très bien écrit !
Petite question, que veut signifie : "Je dors assez mal le reste de la nuit, avec aucune autre crise ne l’amène. "
Veux-tu dire : "Je dors assez mal le reste de la nuit, espérant qu'aucune autre crise ne l’amène."
Ou autre ?
Heu... c’est une coquille ! A la place de avec je voulais mettre mais. Je sais pas comment j’ai fait pour la louper celle-là XD merci de me l'avoir signalée !
Je suis bien sur team "je" ! enfin "elle" ! enfin, "Erika Furchausen". J'aurais préféré qu'elle s'enfuie très loin des qu'elle a repris ses esprits, qu'elle alerte la police plutôt que chercher la vengeance... je sens que ma tension est pas prête de redescendre.
Aussi, le maitre a du tellement la faire souffrir pour qu'elle se dédouble comme ça T.T
Trop peur, j'espère que c'est pas une histoire qui finira mal
Ce serait trop facile qu'elle s'enfuie non ;-)
Ah la la JEDISRIEN
Merci pour ta lecture et ton com'