Le jeune garçon courait. Il faisait très attention de ne pas tomber. Habituellement maladroit, il avait tendance à buter sur tous les rochers de la route. Aujourd'hui, il ne voulait pas s'écorcher sans raison.
Il venait des champs. Son père l'avait envoyé chercher madame champignon. Ce n'était évidemment pas son vrai nom mais tout le monde la nommait ainsi car la vieille dame était experte dans l'art de trouver et de reconnaître ces plantes.
Or, les paysans, en défrichant le bord de leur champ, étaient tombés sur un gros tas de champignons. Ils n'osaient les ramasser de peur qu'ils soient nocifs mais ne pouvaient pas non plus les laisser là car un animal sauvage risquait de les manger à leur place s'ils s'avéraient comestibles.
Le soir tombant, les hommes n'allaient pas tarder à rentrer. Arfer devait se presser. Son père lui avait promis une belle raclée s'il ne se dépêchait pas ou tombait en chemin. Le garçon entra dans le village en trombe et se figea en constatant que tous étaient dehors, au bord de la route, prosternés et que quatre Mordens avançaient.
Il rejoignit les siens et baissa les yeux. Encore essoufflé de sa course, il avait du mal à respirer calmement. Il attira ainsi sur lui le regard du premier Morden. Arfer ne fut jamais en mesure d'annoncer la trouvaille des hommes à la dame champignon. Il fut emmené.
Pendant un an, sa vie fut un cauchemar. Son maître adorait par-dessus tout humilier ses esclaves en les traitant plus mal qu'un animal. Il fut courant qu'il doive dormir dehors ou qu'un collier et une laisse enserre son cou. Les coups de martinet, l'arme de prédilection de son maître, furent quasiment incessants, tout étant bon pour le rabrouer.
Arfer n'abandonna jamais. Il ne céda jamais. Il survécut, à la grande surprise de son maître. Ce dernier se rendit compte que par moments, le jeune homme semblait apprécier les coups et la douleur. Arfer n’avait jamais osé admettre, y compris à lui-même, qu’il aimait ça. Son goût pour la souffrance lui avait sûrement permis de survivre. Lorsque son maître revint ce soir-là, il lui tendit un petit médaillon et il lui ordonna de le prendre. À son contact, Arfer hurla tant la douleur fut grande.
- Tu es un Morden, dit son maître en souriant.
Arfer n'en crut pas ses oreilles. Lui, un Morden ? Qu'est-ce que cela signifiait ? Son maître se changea en mentor mais sa cruauté et sa domination ne diminuèrent pas pour autant.
Pendant quatre ans, Arfer apprit la magie, ses secrets, ses complexités, ses apports et ses limites. Étant Morden, il ne pouvait utiliser la magie présente dans l'air qu'à travers des objets magiques créés spécialement pour eux par les ensorceleurs qui, pour ce faire, avaient besoin de magiciens. Or, la magie ayant disparu depuis des siècles, ces objets étaient devenus rarissimes. Arfer n'aurait probablement jamais la chance d'utiliser ses pouvoirs dans toute sa potentialité. Il en fut extrêmement peiné. Son dégoût fut profond.
Il s’en dégagea surtout une envie, un besoin de posséder des objets magiques. La sensation était partagée par tous les Mordens mais Arfer souffrait de ne pas en avoir, ce qui n’était pas le cas de ses camarades.
Naturellement, il y avait de nombreux objets magiques à la forteresse, mais leur usage était très limité et leur accès réservé aux lieutenants et au grand maître seulement.
Arfer demanda à faire partie des justiciers. Il parcourut le monde avec Ewin, By’ard et Cythil, trois Mordens avec qui il s’était entraîné sans devenir ami avec eux pour autant. Ils firent respecter la loi mais Arfer s’en moquait. Il voulait trouver des objets magiques.
Dans une foire, il trouva son premier. Ça ressemblait à une simple baguette de tambour, mais une fois activé, il lançait une petite flamme à même d'allumer quelques brindilles. Arfer se demandait avec curiosité ce dont serait capable cet objet si la magie venait à revenir. Il imaginait déjà des boules de feu géantes. Le vendeur ne savait même pas que l’objet possédait un pouvoir mais Arfer, en bon Morden, l’avait senti. Il l’acheta. Ewin, By’ard et Cythil ne ressentirent pas la présence de l’objet magique dans la besace d’Arfer. Le Morden en conclut, avec bonheur, que ses compagnons n’étaient pas aussi réceptifs que lui. Ce fut sa première victoire mais il lui en fallait davantage.
Dans un vieux temple en ruine, il trouva une feuille d’ange, à côté d’un cadavre. Il avait réussi à s’éloigner assez longtemps de ses deux compagnons pour la trouver, mais il était passé à un cheveu de se faire prendre, et donc de devoir partager sa trouvaille avec la communauté. Il était heureux que ses compagnons ne soient pas aussi attirés par les objets magiques que lui, sans quoi ils auraient senti leur présence sur le jeune homme. Une fois dans la forteresse, ses possessions passaient inaperçues dans la magie des lieux.
Toutefois, la présence de ses compagnons gênait ses recherches. Ayant fait ses preuves, il obtint la permission de errer seul. Il réalisa toujours son travail de Morden mais laissait son instinct le guider pour la destination et cela fonctionna.
Le troisième objet qu’il dénicha était un masque en bois. Trouvé sur un mur d’une auberge, il l’avait marchandé pour une bouchée de pain au propriétaire des lieux. Son utilité était inconnue à Arfer. En effet, autant il savait qu'il s'agissait d'un objet magique, autant les bribes de magie extérieure n'avaient jamais été suffisantes pour activer l'objet.
Enfin, il avait trouvé, attachée à un rocher, une corde qui ne semblait pas vouloir se dégrader. Lorsqu'il l'activait, la corde s'attachait ou se détachait à volonté. Pratique pour franchir des terrains escarpés, Arfer s'en était souvent servi. Le jeune homme était fier de lui.
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Plusieurs jours avaient passé. Un soir, une servante apporta à Elna un nouveau livre. La nuit n’allant pas tarder, Elna se dit qu’elle le lirait le lendemain. Elle remercia la jeune esclave mais ne put empêcher son regard de se porter sur le titre de l’œuvre. Elle sursauta. « La biographie d’Astrid Astralius ». Astralius, répéta-t-elle mentalement. S’agissait-il du même Astralius que celui des exclamations des Mordens ? Elna fut coupée dans sa réflexion par l’arrivée d’Ewin, qui, comme tous les soirs, venait vérifier qu’Elna allait bien. Il lui demanda le nombre d’interrogatoires auxquels elle avait assisté et sa réponse lui convint. Il allait partir lorsqu’Elna osa :
- Maître ?
- Oui, répondit Ewin sans faire montre du moindre agacement.
Encouragée, Elna continua :
- On vient de m’apporter ce livre : la biographie d’Astrid Astralius. Est-ce le même Astralius que dans vos…
- Par Astralius ? interrogea Ewin.
Elna hocha la tête.
- Oui, c’est le même, confirma Ewin. Pourquoi ?
- Hé bien, je pensais… D’habitude, ce genre d’exclamation est réservé aux dieux. Je veux dire, dans mon village, les hommes disaient souvent « Par la dame ronde », qui est la déesse que nous vénérons.
Ewin hocha la tête.
- Du coup, continua Elna, j’en étais venue à supposer qu’Astralius était un dieu pour vous. Si c’est le cas, maître, comment peut-il avoir vécu, car c’est forcément le cas si on a pu écrire sa biographie ?
Ewin réfléchit avant d’expliquer :
- Astralius est un être de chair et de sang, qui a vécu, il y a bien longtemps. Par ses actes, il est devenu un guide, un mentor voire même un dieu pour certains d’entre nous.
- Qu’est-ce qu’il a fait ?
- Il a sauvé le monde, que les voyants s’apprêtaient à détruire.
Elna n’en revenait pas. Il lui tardait de pouvoir lire ce livre. Pour une fois, elle était mécontente de voir venir la nuit.
- C’était un Morden ? interrogea Elna, qui savait qu’elle obtiendrait des informations beaucoup plus rapidement par son maître qu’en lisant.
- Un très grand Morden, répondit Ewin.
Elna était surprise que son maître ne l’envoie pas paître en la punissant de lui faire perdre son temps. Elle se rendit compte qu’Ewin souriait. Il aimait parler de cet homme si important à ses yeux.
- Il a guidé notre peuple. Il a vécu la disparition de la magie. Avant, tous les peuples magiques vivaient en paix, en harmonie avec le monde. Chacun apportait sa pierre dans l’édifice pour le bien commun. Puis la magie a disparu. Les voyants, les ensorceleurs, les druides et les nécromanciens se sont reclus sur eux-mêmes.
- Qu’est-ce que c’est, un voyant, un… commença Elna.
- C’est la preuve qu’ils ont laissé tomber le peuple. Tu ne sais même pas qu’ils existent. Seuls les Mordens ont décidé de rester, de se battre et d’aider le peuple.
- En les terrorisant ? ne put s’empêcher de dire Elna.
Ewin lui lança un regard noir. Elna se recula en tremblant. Était-elle allée trop loin ?
- Qui vous protège contre les brigands ? Qui règle vos conflits ? s’exclama Ewin.
Elle le pensait quand elle était petite. Puis elle avait vu cet homme agresser sa petite sœur, même pas adulte, et son respect avait fondu comme neige au soleil. Elna prit son courage à deux mains et gronda :
- Vous tuez des gens.
Ewin eut un éclat de rire mauvais. Il se pencha vers Elna qui trembla de plus belle.
- Tu te souviens quand des Mordens sont venus torturer un enfant ici ?
Elna hocha la tête.
- Ça ne s’est produit qu’une fois, continua Ewin.
- Je suppose que vous avez fait en sorte que ça soit le cas.
- En effet, j’ai fait pendre le responsable.
Elna avala difficilement sa salive.
- Si je ne l’avais pas fait, si la punition n’avait pas été aussi lourde, crois-tu que les autres auraient obéi ?
Elna ne savait pas quoi répondre à ça.
- Il faut savoir être ferme pour obtenir la paix et l’ordre.
- Vous prenez du plaisir à tuer et à torturer, répliqua Elna en reprenant un peu contenance.
- C’est notre seule manière de vivre ! s’écria Ewin, obligeant Elna à se recroqueviller de terreur. Depuis la disparition de la magie, nous autres être magiques ne sommes que des morts-vivants. Plus rien ne nous touche. Ni la joie, ni le sourire d’un enfant, ni l’amour d’une femme, rien ! Les seuls sentiments que nous sommes à même de ressentir, les seuls qui nous prouvent que nous sommes vivants, sont la souffrance, le pouvoir, la domination, la cruauté. Les autres êtres magiques sont dans le même état que nous mais ils ont choisi de se renfermer sur eux-mêmes, sourds aux souffrances du peuple. Nous avons tendu la main au gens. Nous sommes venus les aider. En échange de ça, nous demandons le droit de vivre. Chaque torture nous rappelle que nous sommes vivants. Chaque meurtre nous sort de notre engourdissement quotidien. Alors oui, nous prenons du plaisir à tuer et à torturer, et je n’ai aucune honte à le dire.
Elna avait écouté sans broncher. Elle ne comprenait pas tout mais elle avait ouvert grand ses oreilles et enregistré tout ce que le Morden venait de lui révéler. Il semblait très en colère, mais également ravi d’avoir pour une fois pu exprimer ses sentiments face à une personne du peuple, ce peuple qui haïssait les Mordens alors qu’ils se sacrifiaient pour lui. Ewin se dirigea vers la porte et soudain, Elna comprit quelque chose.
- Maître ? lança-t-elle.
- Quoi encore ? demanda Ewin, visiblement contrarié.
- Je croyais que tout ce qui touchait à la magie était secret, que vous ne vouliez pas que ça s’ébruite.
- En effet, et alors ?
- Pourquoi me dites-vous tout ça ?
Ewin eut un petit sourire et Elna comprit que ça n’était pas bon. Les seuls sentiments à même de faire rire un Morden n’étaient pas positifs.
- Parce que tu ne pourras jamais l’ébruiter…
À ces mots, Ewin sortit de la cellule, laissant Elna seule méditer ses dernières paroles. Elna frissonna. Elle ne sortirait jamais de cette prison.
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- Lieutenant !
Decklan venait de se lever lorsqu'un garde accourut vers lui.
- Nos éclaireurs viennent de nous prévenir ! Les voyants et les résidents de la forteresse des mages ont apparemment décidé de mettre leurs forces en commun. Ils arrivent.
Soudain, l'alarme d'attaque résonna, appuyant les mots du garde. Decklan jura. Il suivit le garde en demandant :
- Ont-il envoyé des émissaires ?
- Oui, c'est pourquoi le lieutenant Ewin m'a envoyé vous chercher. Un voyant et un envoyé des magiciens sont là, répondit le garde.
- Il n’y a plus de magiciens, marmonna Decklan.
Le lieutenant de la division justice suivit le garde jusqu'à la grande cour. Là, l'attendait une femme – la voyante – et le même émissaire des magiciens que lors de leur dernière rencontre.
- Nous aimerions parler au grand maître, annonça la voyante.
- Ce sera moi, ou personne, siffla Decklan.
La voyante lui envoya un regard noir.
- Acceptez votre faute passée, ouvrez-nous les portes et acceptez de subir votre châtiment ou nous attaquerons, annonça l'émissaire des magiciens. Vous avez pu constater que nous étions venus en force. Vous n'avez pas la moindre chance.
Decklan sourit.
- Lorsque les vôtres verront vos têtes au bout d'une lance, croyez-vous qu'ils comprendront notre réponse ?
La voyante sursauta et l'émissaire des magiciens ne bougea pas. Il semblait s'y attendre. Lorsque, quelques instants plus tard, les armées disposées autour de la forteresse virent les lances être montrées, l'attaque commença… enfin pour peu qu’on puisse appeler cela un combat.
Decklan, depuis le haut des murailles, observa les rixes avec circonspection. Il n’était ni justicier, ni militaire mais tout de même, il savait reconnaître la nullité quand il la voyait.
Les voyants portaient seulement des couteaux. Les Mordens vivant en pleine les repoussaient à mains nues. Les voyants avançaient par petits groupes, contournant leurs ennemis, jouant plus sur la surprise qu’autre chose. Ils semblaient éviter les coups, comme s’ils étaient prévenus du prochain à venir.
Apparemment, il y avait assez de magie dans l’air pour leur permettre de voir quelque chose d’aussi proche qu’un coup de poing dans la figure. Cependant, ils furent vite submergés et fuirent.
De l’autre côté, les résidents de la forteresse de mages, armés d’épées, d’arbalète et d’arcs, s’en sortaient bien mieux. Rompus à l’art du combat, ils forçaient les Mordens vivant dans les plaines à déployer tout leur art. Decklan ne vit aucun des siens tomber. Aucun adversaire non plus.
À quoi cela rimait-il ? Ces abrutis ne voyaient-ils pas qu’ils n’atteindraient jamais les murailles ? Decklan bailla devant cette vision d’un ennui mortel. Jamais bataille fut plus ennuyeuse.
Le grand maître semblait être du même avis que Decklan car il ne demanda même pas aux justiciers présents de sortir aider les habitants des plaines. À quoi bon ? Ils s’en sortaient très bien tous seuls. Les justiciers et quelques gardes se préparaient dans la cour. Ils sortiraient soutenir les leurs dehors au moindre geste du grand maître.
Il n’eut jamais à donner l’ordre. Les voyants survivants disparurent en fuyant dans les bois. Les résidents de la forteresse des mages se replièrent. Pas un mort des deux côtés sur ce front-là. Une dizaine de voyants tombés, peut-être un peu plus. Moins de cent en tout cas.
Les Mordens étaient complètement perdus. Pourquoi agir ainsi ?
- Lieutenant ? lança un garde qui arrivait en courant.
Il se campa devant Ewin Craig, qui avait observé l’attaque depuis les murailles aux côtés du grand maître, de Decklan et des autres lieutenants Mordens.
Le nouveau venu qui bredouilla :
- Nous avons un problème. Le… la…
- Hé bien, parlez ! s'exclama Decklan.
- L'Ar'shyia a disparu. Les attaques à l'est et au sud étaient des diversions. Une petite équipe est entrée par le nord, a tué les quelques gardes présents dans les prisons et a emmené l'Ar'shyia.
- Par Astralius ! s’exclama Ewin. Ce n’est pas possible !
- Une autre personne est portée manquante, annonça le garde. Sakku a profité de l'attaque pour partir.
Decklan était dégoûté. Il ne comptait pas laisser partir cet homme sans le faire suivre. Les magiciens l'avaient totalement pris par surprise. Comment savaient-ils pour l'Ar'shyia ? En un instant, les Mordens avaient tout perdu et ils ne pouvaient pas se permettre d'aller la rechercher. Il était évident qu'elle était chez les magiciens. Le château des mages était facile à attaquer mais ils ne pouvaient pas se le permettre car désormais, une magicienne arpentait ses couloirs.
- Tout n’est pas noir, tenta de positiver Ewin.
Decklan se tourna vers son confrère sans comprendre.
- Ah bon ?
- L'Ar'shyia est chez les magiciens. Elle va apprendre à développer ses pouvoirs. Nous pourrons l'utiliser davantage, développa Ewin.
- Bien sûr, et quand elle reviendra, elle saura tellement bien utiliser ses pouvoirs qu'elle nous dominera. Quelle chose merveilleuse en effet !
Ewin sembla réfléchir à cette réponse. Decklan continua :
- Les magiciens sont censés gouverner le monde. Avez-vous réellement envie de voir cette petite paysanne vous donner des ordres ? Moi non, en tout cas. Il ne nous reste plus qu’une seule possibilité : les ensorceleurs. Je vais m’y rendre en personne.
- Que comptez-vous leur dire ? interrogea Ewin. Nous ne leur avons jamais dit que nous avions une Ar’shyia en notre possession. S’ils venaient à l’apprendre, ils pourraient rompre tout contact avec nous…
- Je ne suis pas un Maître en diplomatie pour rien.
Après un petit silence, Decklan murmura :
- Comment ont-ils su ? Pour l'Ar'shyia ?
- Il semblerait que les voyants aient eu une vision, répondit Ewin qui avait obtenu cette information de ses justiciers au front.
- Je croyais qu'ils ne voyaient presque rien, répliqua Decklan.
- Suffisamment pour apprendre que nous possédions une Ar'shyia.
Decklan était dégoûté. Comment lutter contre ça ? Et surtout, que faire maintenant ? Une réunion fut menée. Les discussions y furent vives et animées.
Après plusieurs jours, ils n'avaient toujours pas trouvé une réaction correcte et chacun commençait à accuser l'autre de trahison. L'ambiance était plus que morose. Tous les espoirs reposaient en Decklan, parti rencontrer les ensorceleurs.
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Le geôlier venait d'allumer les lampes. Elna s’apprêtait à lire la biographie d’Astrid Astralius lorsqu’elle entendit un bruit de cloche, puis deux, puis toute une ribambelle. Elle entendit du bruit dans le couloir puis plus rien. Elle se demanda ce qui pouvait bien se passer.
Elle entendit des cris, des hurlements, des tintements d'épées et la porte s'ouvrit. Trois hommes bien armés entrèrent. Elle eut très peur pour sa vie. Ces gens venaient-ils la tuer ? Ils s'approchèrent mais elle ne pouvait rien faire. Elle fut totalement surprise lorsqu'ils la détachèrent et que l'un d'eux annonça :
- Nous venons te libérer. Suis-nous.
Elna n’eut pas le temps de se poser la moindre question, de s’interroger sur l’identité de ses sauveurs, de s’inquiéter de leurs raisons. Ils l’embarquèrent sans autre forme de procès, comme s’ils avaient le feu aux trousses.
Ils parcoururent plusieurs couloirs. Elna trouva étrange qu'ils soient tous vides. Lorsqu'elle était sortie pour sauver le maître d’armes, elle avait vu des gardes partout. Aujourd'hui, la forteresse était vide.
Les hommes la menèrent jusqu'à un haut mur. Une corde y pendait. Elle l'attrapa et fut hissée au sommet. Trois autres hommes l'attendaient de l'autre côté. Ils la firent monter dans une voiture dont ils fermèrent les rideaux et l'escortèrent sur des chevaux.
Elna ignorait où on l'emmenait. Elle regarda dehors. Elle avait une vue splendide sur la forteresse Morden. Elle était attaquée. Ceci était la raison de la disparition des gardes : ils protégeaient la forteresse.
Lorsqu'un des hommes d'escorte remarqua qu'elle avait soulevé le rideau pour regarder dehors, il le rabattit sans douceur et Elna recula. Son ventre se noua. Elle se demanda où on l’emmenait et qui étaient ces gens. Que lui voulait-on ? L’avait-on sorti d’un enfer pour la plonger dans un autre ? Ceux-là ne semblaient guère plus aimables que les précédents. De peur de les mécontenter, elle n’osa plus regarder dehors.
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La porte s’ouvrit. Elle jeta un œil apeuré dehors. Un homme se tenait là, un sourire chaleureux sur le visage. Ses cheveux grisonnants flottaient sous le vent. Ses yeux noisette semblaient tout connaître du monde. Son visage était fin et il portait à merveille une barbe blanche nette et bien taillée. Une robe rouge élégante couvrait son corps.
Elna observa son environnement : une cour intérieure d’un immense bâtiment dont elle supposa ne voir qu’une petite partie. Elle sortit à peine la tête. L’escorte s’éloignait, la laissant seule avec l’homme à la robe rouge.
- Bienvenue au château des mages, dit l’homme d’une voix accueillante et posée. Permettez-moi de me présenter. Je suis Ketall Prass, assistant en chef et régent de la terre des mages. C'est à moi que vous devez votre libération.
- Je vous remercie, seigneur, répondit Elna, peu sûre du titre à employer mais également très méfiante.
Que pouvait bien désirer cet homme en échange de sa liberté ?
- Désirez-vous manger quelque chose ? interrogea Ketall en souriant.
Elna hocha la tête. Il lui proposa d’un geste de le suivre. Ils parcoururent plusieurs couloirs pour arriver jusqu’à une immense chambre.
- Ce sont vos appartements, annonça Ketall Prass.
« Mes appartements ? » pensa Elna, perdue.
Il lui désigna un fauteuil devant une table. Elle prit place tandis qu’il tirait une cordelette et très vite, une dizaine de serviteurs entrèrent et posèrent des plats en tout genre sur la table. Elna picora. Elle n'avait en fait pas très faim. Par contre, elle était assoiffée.
- Vous allez mieux ? demanda Ketall Prass d'une voix courtoise.
- Oui, merci. Excusez-moi de vous demander ça, mais, qu'est-ce que je fais ici ?
Ketall Prass sourit puis répondit :
- Nous avons appris il y a peu de temps votre présence chez les Mordens. Nous avons pensé que vous ne seriez pas contre une petite libération. Avons-nous commis une erreur ?
- Nous ? répéta Elna.
- Les assistants de magiciens, expliqua Ketall Prass.
- Je suis désolée si je vous parais malpolie mais… Je suis heureuse que vous m'ayez libérée, mais… Qu'attendez-vous exactement en échange ?
Ketall Prass sourit.
- Directe, j'aime ça, répondit le seigneur. Je déteste les gens qui tournent des heures autour du pot. Vous êtes quelqu'un d'unique, Ar'shyia.
Elna sursauta à ce surnom. À chaque fois qu'on l'appelait ainsi, ça se terminait par une souffrance sans nom.
- Que voulez-vous ? souffla-t-elle.
- Je comprends que vous soyez apeurée, mademoiselle. Nous ne vous voulons aucun mal, croyez-nous.
- Vous allez souvent jusque dans la forteresse des Mordens pour libérer les gens ?
- Non. Une centaine d'hommes sont morts pour permettre votre libération, lui apprit Ketall. Mais la fin justifie les moyens.
Elna était de plus en plus nerveuse. Sur ses gardes, elle attendait la suite avec appréhension.
- Que voulez-vous ? répéta-t-elle.
Le seigneur soupira.
- Vous ne lâchez jamais vous, hein ! Écoutez, peut-être pourriez-vous simplement vous reposer. Nous parlerons plus calmement demain. Qu'en pensez-vous ? En attendant, je vous ferai visiter le château.
- Non, je ne crois pas non, répondit Elna. Dites-moi ce que vous voulez, maintenant.
- Écoutez, j’essaye de ne pas brusquer les choses, parce que j’ai peur… de votre réaction. Nous n’avons jamais eu à faire cela. Nous savions que ce jour viendrait mais… je ne sais trop comment m’y prendre.
- Parlez ! ordonna Elna qui en avait assez de ce petit jeu.
- Elna, nous sommes des assistants de magiciens. Notre rôle est d’aider les magiciens.
- Je ne sais pas ce qu’est un magicien, avoua Elna sans perdre la colère qui faisait vibrer sa voix.
- Vous êtes une magicienne. C’est donc notre rôle, notre mission, notre devoir de vous venir en aide. Nous ne voulons rien en échange.
Elna ouvrit plusieurs fois la bouche pour parler mais aucun son ne sortit. Finalement, après avoir pris le temps d’inspirer et d’expirer avec calme, elle répéta :
- Je ne sais pas ce qu’est un magicien.
- C’est quelqu’un qui crée et contrôle la magie, expliqua Ketall.
- Je ne sais pas ce qu’est la magie, mentit Elna.
Elle préférait faire croire à son ignorance totale, même si certains ouvrages lus dans la prison Morden lui avait permis d’un peu mieux saisir cette entité étrange.
- La magie, c'est un peu comme le vent. Vous pouvez le sentir, mais pas le voir. Il existe, mais il est invisible.
Elna ne comprenait pas. Ketall continua :
- Il y a très longtemps, du temps de nos arrières arrières arrières arrières – et j’en oublie – grands-parents, la magie était partout. Comme le vent, elle était invisible. Toutefois, certaines personnes avaient un don. Ils étaient capables de ressentir sa présence et même de s'en servir.
Elna reconnut là les propos d’Ewin. Il lui avait raconté à peu près la même chose. Toutefois, Elna feignit ne pas savoir afin de s’assurer de la cohérence des deux versions.
- De s'en servir ? Comment cela ? interrogea Elna.
- Ils pouvaient faire apparaître des objets, devenir invisibles, soigner des blessures, ou détruire des villes. En fait, ils pouvaient faire à peu près tout ce qu'ils voulaient. Cela ne dépendait que de leurs intentions. Seulement, la magie a disparu de notre monde et depuis, elle n'existe plus que par bribes. De ci, de là, il y a quelques filaments de magie, mais ceux-ci sont très faibles. Ce sont ces fibres de pouvoirs qu'utilisent les gants des Mordens pour fonctionner. Seulement, il y a tellement peu de magie que les gants ne durent pas longtemps.
- Sauf quand je suis là.
- Exactement, parce que vous êtes une Ar'shyia, une élue. Votre corps est capable de créer de la magie. Vous en créez sans cesse. Vous êtes remplie de ce pouvoir. Seulement, pour le moment, vous ne savez pas vous en servir.
- Vous pourriez m'apprendre à m'en servir ? interrogea Elna, pleine d’espérance.
- Non, assura Ketall, désespérant Elna. Je ne suis qu’un assistant. Je ne suis pas un magicien. Cependant…
Elna releva les yeux vers son interlocuteur.
- Nous avons en notre possession, dans le château, le contenu de la bibliothèque des mages. Elle contient des milliers d’ouvrages. Une énorme quantité indique comment utiliser la magie. Nous avons étudié ces œuvres, nous les connaissons par cœur. Nous restons des hommes simples, sans pouvoir, mais en travaillant ensemble, nous arriverons à faire de vous une magicienne.
- Je croyais que j’étais une magicienne, répliqua Elna.
- Pas encore. Vous êtes une Ar’shyia. Le moment venu, vous vous séparerez et vous deviendrez une magicienne. Ça sera sûrement long et compliqué, car il n’y aura nul magicien pour vous guider, mais je suis sûr que nous y parviendrons.
- Il n’y a pas de magicien dans le château des mages ? Où sont-ils ? interrogea Elna.
- Ils sont morts, lui apprit Ketall.
- Quoi ? Quand ?
- Lorsque la magie a disparu. Tout ça à cause d’un sorcier. Un sorcier qui a détruit le monde.
Elna afficha un air ahuri.
- Vous ne savez pas ce qu’est un sorcier, hein ? comprit Ketall. Un sorcier est une personne capable de lancer un sort en utilisant la magie extérieure.
Elna ne cacha pas son incompréhension.
- Ce n'est pas clair, comprit Ketall.
- Non, en effet, c'est même plutôt confus, annonça Elna.
- Il y a deux sortes de magie. La magie extérieure, présente dans le monde, comme le vent. Et la magie intérieure, qui n'existe que chez certains élus. Les sorciers sont capables d'utiliser la magie extérieure à l'aide d'objets magiques conçus spécialement pour eux. Les magiciens, au contraire, utilisent la magie intérieure. Cette magie, ils la créent eux-mêmes. Vous comprenez ?
- Les Mordens sont des sorciers et je suis une magicienne.
- Dire que les Mordens sont des sorciers est un peu exagéré, mais on va dire que oui. Il y a longtemps, un sorcier a lancé un sort qui a utilisé une telle dépense de magie que toute la magie extérieure a été prise pour son accomplissement. Seulement, la magie extérieure du monde n'a pas suffi. Après avoir pompé toute l'énergie du monde, le sort est allé chercher au fond de tous les élus leur magie intérieure. Lorsque le sortilège fut accompli, ce monde était vide de toute magie, à part quelques bribes de ci, de là.
Elna en fut désolée. Elle attendit la suite.
- Des dizaines de gens sont morts, annonça Ketall. Vous savez ce que ça fait quand on vous prend votre magie intérieure…
- Ça fait très mal, répondit Elna.
- Ça, c'est parce que vous n'avez pas été séparée, lui apprit Ketall. En réalité, pour le moment, vous ne parvenez pas à faire la différence entre la magie intérieure et votre propre vie. Elles sont liées. Toutefois, vous pouvez et devez apprendre à les séparer. C'est la première étape pour devenir magicien. Une fois que c'est fait, vous pourrez utiliser votre magie intérieure sans souffrir et donc lancer des sorts. Toutefois, si on vous prend toute votre magie intérieure, vous mourrez, séparée ou non, car elle fait partie de vous.
- Alors, tous les magiciens sont morts ? s'exclama Elna.
- Tous, sans exception.
Un long silence suivit. Elna n’en revenait pas.
- Comment savez-vous tout cela ? demanda-t-elle au bout d’un moment.
- Par les livres. Les assistants de magiciens de l’époque ont tout consigné. Après avoir vu leurs magiciens mourir, ils sont revenus ici, pour garder la forteresse et transmettre le savoir.
- J’aimerais lire ces livres.
- Nous vous apprendrons à lire. Cela fait partie de notre travail, assura Ketall.
- Je sais lire, annonça Elna.
Ketall fronça les sourcils, suspicieux. Qu’une paysanne sache déchiffrer les symboles avait de quoi surprendre.
- Les Mordens m’ont appris, indiqua Elna.
- Ah bon ? s’exclama Ketall. C’est… surprenant… mais merveilleux ! Ça va nous faire gagner un temps considérable. La bibliothèque vous est grande ouverte. Ceci dit, nous avons tout notre temps. Les Mordens n’attaqueront pas la forteresse. Ils n’oseront pas s’en prendre à vous.
- Ils l’ont pourtant fait par le passé, répliqua Elna.
- En secret, mais ils n'attaqueront pas de front une future magicienne, assura Ketall.
- Pourquoi ?
- Parce que les magiciens sont les maîtres du monde et que les Mordens le savent.
Elna frissonna. Quelle était cette nouvelle découverte ? Elle n’aimait pas ça du tout.
- Encore une fois, nous avons tout notre temps. N’essayez pas d’aller trop vite. Reposez-vous, reprenez des forces. Profitez de la vie. Vous êtes pâle, émaciée et faible. Combien de temps êtes-vous restée prisonnière des Mordens ?
- Je l’ignore, lui apprit Elna. Difficile de dire précisément dans un endroit sans fenêtre. Mon ventre a saigné plus souvent que j’ai de doigts sur la main.
Ketall ne tenta pas de cacher sa peine. Elna apprécia. Cet homme semblait compatir à son malheur.
- Je vous laisse vous reposer.
- Comment trouverai-je la bibliothèque ? interrogea Elna.
- Vous vous trouvez dans la forteresse des mages. En tant qu’unique magicienne, cet endroit est à vous. Toute personne qui s’y trouve est votre serviteur. Demandez à n’importe qui. On vous guidera.
À ces mots, Ketall quitta la pièce. Elna regarda la chambre où elle se trouvait. Ses appartements, avait dit Ketall. Cette pièce faisait trois fois la maison où elle avait passé toute sa vie ! Elle avait des centaines de domestiques à ses ordres. Elle avait la sensation d’être un imposteur. Elle ne se sentait pas à sa place.
Elna resta tout l'après-midi à réfléchir. Elle dîna seule dans sa chambre puis dormit. Sa nuit fut très mauvaise. Dans ses rêves se mêlaient les interrogatoires auxquels elle avait assisté, son enlèvement par Ewin dans son village, sa mère la berçant, puis elle se voyait lançant des sorts, le tout sans la moindre cohérence.
Quand elle s'éveilla, l'aube n'était pas encore levée. Elna ne se sentait pas reposée mais n'avait pas envie de se rendormir. Elle sortit et se promena au hasard dans le château. Elle croisa quelques gardes qui la saluèrent et quelques serviteurs qui s'inclinèrent à son passage. Tous savaient déjà qui elle était. Elna ne s’en sentit que plus mal.
Elle s'arrêta lorsqu'elle arriva dans un couloir ouvert qui donnait sur une cour de plusieurs centaines de mètres de côté. Entièrement entourée de bâtiments, elle soutenait en son centre une énorme aiguille de pierre noire surmontée d'une grande bâtisse en pierres écrues de plusieurs étages.
- La tour des mages, annonça Ketall.
Elna se retourna vers le seigneur qui la saluait d’une révérence appuyée. Elna lui répondit poliment puis s'appuya à la balustrade et contempla l'énorme édifice. Le seigneur se plaça à côté d'elle.
- Quel est ce bâtiment en haut ? demanda Elna.
- Une bibliothèque, celle des magiciens. Inaccessible aujourd'hui.
- Pourquoi ? demanda Elna.
- C’est tout ce qui reste de l’ancienne bibliothèque. À l’époque, la forteresse toute entière était à cette hauteur. La disparition de la magie a eu d’autres conséquences. Entre autres, la forteresse a été détruite. Celle que vous voyez aujourd’hui a été reconstruite depuis.
Elna fut attristée, mais également soulagée que quelque chose ait pu survivre.
- Qui sait ? souffla le seigneur. D'ici peu, peut-être quelqu'un ira lire les trésors qu'elle contient !
Elna sourit. Aurait-elle réellement jamais le pouvoir d’aller tout là-haut ? Elle se tourna vers Ketall. Elle se sentait mieux que la veille. Elle sentait qu’elle pouvait faire confiance à cet homme.
- Désirez-vous que je vous fasse visiter les environs ? proposa le seigneur.
- Non, merci. Je me suis levée bien avant l’aube. J'aimerais me reposer un peu. J'apprécierais d'être seule. Je vous remercie de votre proposition. C'était très aimable de votre part.
Le seigneur sourit.
- En ce cas, je vous laisse. Si vous désirez me parler, demandez à me voir. Je viendrai ! Bonne journée, Ar’shyia.
Elna s'inclina alors que le seigneur disparaissait dans un escalier. Elna attendit quelques minutes puis se rendit dans la cour intérieure. Il lui fallut une bonne demi-heure pour s'y retrouver dans les couloirs et les escaliers et atteindre enfin l'immense cour contenant l'aiguille de pierre.
Elle s'approcha. Lorsqu'elle toucha l'énorme rocher, elle leva les yeux. Elle eut le vertige rien que de regarder l'imposante aiguille. Elna se dit qu'elle devait être aussi haute que dix étages. Elle entreprit d'en faire le tour. L’aiguille était lisse. Même un expert en escalade ne pouvait espérer atteindre le sommet. Elna aurait aimé voir cette bibliothèque. Elle soupira. Ses muscles étaient tendus. Elle se massa les épaules.
- Vous désirez un massage ?
Elna se retourna pour voir le visage souriant et chaleureux d’une femme d’âge mûre.
- Je m’appelle Beth. Je travaille ici. Je fais les meilleurs massages relaxants.
Elna comptait bien refuser. Elle ne méritait pas qu’on s’occupe ainsi d’elle. Elle n’était qu’une paysanne. Ses muscles gémirent. Cela faisait bien longtemps qu’elle n’avait pas marché. Monter et descendre les escaliers lui avait donné des courbatures partout. Elle soupira puis accepta.
Beth mena Elna jusqu’au sous-sol, vers les thermes du château. Beth choisit une alcôve individuelle, pour plus d’intimité, puis aida Elna à se dévêtir. L’idée de prendre un bain chaud arracha un sourire à la jeune femme.
Alors qu’elle se défaisait de sa robe, un objet tomba au sol. Beth le ramassa et le tendit à Elna. C’était la biographie d’Astrid Astralius. Elna l’avait en main lorsque les assistants étaient venus la libérer de la prison Morden. Elna l’avait complètement oubliée. Après le bain chaud et les massages, Elna retourna dans sa chambre et entreprit de découvrir le livre racontant la vie du guide des Mordens.
Le début du livre racontait l’enfance d’Astrid. Né de parents sorciers, il avait vécu dans la forteresse car son père était lieutenant et y demeurait. Sa mère s’occupait de l’intendance dans l’aile ouest du domaine. Astrid faisait partie de la génération blanche, ces enfants qui n’avaient jamais vu le soleil de leur vie.
Quelques années auparavant, un volcan avait explosé dans l’océan, loin, au nord ouest, mais les vents avaient apporté les nuages de cendres jusque-là. Depuis, les êtres magiques protégeaient tout le monde, permettant aux humains de survivre malgré les conditions difficiles. Tous considéraient que l’hiver noir ne durerait pas éternellement. Astrid n’avait jamais rien connu d’autre.
Très rapidement, le jeune homme s’était révélé être davantage un rat de bibliothèque qu’un soldat. Adorant les études, il était rapidement devenu un expert en magia verborum.
Elna plissa les yeux. « magia verborum ». Elle n’avait pas la moindre idée de ce que cela pouvait être. Elle garda ces deux mots dans un coin de son esprit, se promettant de demander leur signification aux experts du château des mages.
L’histoire continuait, montrant Astrid devenant le conservateur de la bibliothèque. Un jour, des corbeaux apportèrent à la forteresse des sorciers une bien lugubre nouvelle : les voyants venaient de prédire la fin du monde. Selon leurs visions, l’hiver noir n’était qu’une des prémices de l’agonie de leur monde en souffrance. Selon le message, d’ici moins d’un siècle, cette terre ne serait plus en mesure de porter la vie.
Les sorciers ne purent le croire. Des émissaires furent envoyés par les voyants, qui revinrent porteurs des mêmes nouvelles. Les sorciers furent circonspects. Une telle chose était-elle possible ?
Le grand maître eut des soupçons. Les voyants devenaient chaque jour un peu plus avides de pouvoir, plus hautains. Ils se croyaient supérieurs à tous et à tout de part leur capacité à connaître, selon eux, les moindres recoins du temps.
Le grand maître envoya un espion auprès des voyants. Il apprit que la prédiction n’était en fait pas si simple que ça. Seule la moitié des voyants avaient prédit la fin du monde, l’autre le voyait vivre. La prédiction partait en fourche. Les prédictions se contredisaient mais subsistaient toutes deux.
Cet évènement n’était pas rare. Le libre arbitre demeurant, il était parfois difficile de déterminer l’avenir avec précision. En revanche, la nature étant dépourvue de volonté, les évènements climatiques étaient entièrement prévisibles, sans aucune erreur possible. Or, la fin du monde était liée à la nature. Que les voyants aient choisi de cacher l’existence de cette fourche était un acte grave.
Les sorciers furent divisés. Les voyants agissaient-ils réellement dans l’intérêt commun en ne révélant pas l’existence d’une fourche sur un évènement aussi important que la fin du monde ?
Certains se contentèrent de l’accepter et se réfugièrent dans la prière. D’autres tentèrent, chacun à leur façon, de sauver le monde. S’en suivit un chaos total.
Ce qu’ils firent exactement n’était pas décrit dans le livre. La suite de l’histoire était plus confuse, comme si l’auteur, un dénommé Gunther Thumb, était moins sûr de ce qu’il avançait.
Astrid décida de s’éloigner de la fureur ambiante pour se réfugier dans un endroit calme, loin de tout. De là, il chercha la meilleure incantation possible, les mots les plus justes, les plus précis.
Un jour, enfin, il sut qu’il avait trouvé. Il lança le sort et il eut l’effet escompté. La fin du monde n’eut pas lieu et le monde fut sauvé. Astrid ne vécut jamais pour voir le renouveau car le sortilège, complexe, le tua.
Le livre se terminait ainsi, sur le sacrifice du sorcier. Elna comprenait que les Mordens aient pu décider de vénérer Astralius. Ce sorcier avait payé de sa vie son dévouement envers le monde. Il y avait de quoi le considérer comme un dieu. N’avait-il pas permis à tous de vivre, au mépris de sa propre existence ?
Elna médita le livre. Elle le plaça dans un repli de sa robe puis sortit de sa chambre, avant de se rendre à la bibliothèque. Ketall l’accueillit avec joie, sous les regards curieux des autres érudits. Il lui offrit un siège et lui apporta un livre. Elna s’en saisit mais ne l’ouvrit pas, demandant d’un geste à Ketall de prendre place en face de lui.
- Vous connaissez ces livres, supposa Elna et Ketall acquiesça. Discuter me fera gagner du temps et me permettra de mieux comprendre les choses.
- Comme vous voulez, Ar’shyia.
Elna ne put s’empêcher de frissonner à ce titre. Ketall murmura :
- C’est ce que vous êtes.
- Je sais, dit Elna d’une voix calme en accompagnant ses mots d’un sourire chaleureux. Je vais m’y faire. En attendant, je voudrais vous poser une question. Qu’est-ce que la magia verborum ?
- Où avez-vous entendu parler de ça ? s’étonna Ketall.
- C’est surprenant que je connaisse ce terme ?
- C’est juste l’un des secrets les mieux gardés des Mordens. Tellement bien gardé par leurs ancêtres, les sorciers, qu’aucun Morden actuel ne la parle.
- C’est une langue ?
- La langue magique, murmura Ketall. Avant la disparition de la magie, les sorciers étaient capables de lancer des sorts en parlant. La magia verborum ne connaissait aucune limite. Cependant les sorciers, ne souhaitant pas que ce savoir puisse leur être dérobé, ne le transmettaient qu’à l’oral. L’écrire était interdit, puni de mort. Lorsque la magie a disparu, la connaissance de cette langue, devenue inutile, se perdit. On ne se souvient que de son nom.
- Les Mordens d’aujourd’hui ne sont pas vraiment des sorciers parce qu’ils ne maîtrisent pas la magia verborum ?
- Même s’ils savaient la parler, ça ne leur servirait à rien. Il n’y a plus de magie… en tout cas plus assez. Les quelques filaments, des déchets, ne permettent pas d’alimenter un sort aussi complexe que ceux que la magia verborum permettait de mettre en œuvre.
- Vous savez que la magia verborum permet de faire des choses complexes ?
- Des biographies racontent comment des sorciers, d’un simple mot – non retranscrit – pouvaient décimer des armées entières. Écrire sur la magia verborum n’était pas interdit. Écrire la magia verborum l’était. Vous saisissez la nuance ?
Elna hocha la tête. Les sorciers de l’époque étaient sacrément puissants. Il était rassurant de savoir que ce pouvoir n’était pas disponible pour les Mordens.
- Comment la magie a-t-elle disparu ? interrogea Elna, désireuse de connaître l’avis des magiciens sur la question. Que s’est-il passé ?
Il narra la fin de monde prédite par les voyants, concordant ainsi avec la version de la biographie d’Astrid Astralius obtenue chez les Mordens. Une divergence se produisit cependant rapidement.
- Le grand mage eut la surprise de voir arriver à la forteresse la grande prêtresse des voyants. D’habitude, elle ne se déplaçait pas. Elle expliqua que le message ne contenait pas les détails exacts. En réalité, cette vision offrait une fourche. Certains voyants avaient vu la fin du monde : leur vision montrait un avenir inexistant. L’autre moitié voyait le monde perdurer, s’épanouir, plus beau encore qu’avant, comme s’il renaissait de ses cendres. Les deux visions se contredisaient clairement. La seconde n’ayant été perçue que par des enfants, les voyants avaient choisi de l’écarter pour n’écouter que la première.
"L’avenir donna raison aux deux. Grâce à un sorcier, le monde ressurgit de ses cendres, mais à quel prix ? Son sort, trop complexe, absorba la magie du monde en plus de sa propre vie. La magie disparut, interdisant aux voyants l’accès aux visions. Les adultes n’avaient pas vu un avenir inexistant. Ils avaient vu l’impossibilité de prédire l’avenir.
- Je ne comprends pas, avoua Elna.
Ketall lui lança un regard surpris.
- Astrid Astralius a sauvé le monde, continua Elna. Cela a coûté la vie des magiciens et je comprends que cela vous horrifie, mais ça ne doit pas faire oublier le but. Astrid lui aussi est mort en sauvant le monde. Quelques sacrifices sont parfois nécessaires pour le bien commun.
- Vous parlez comme un Morden.
- Je parle comme vous, répliqua Elna. Ne m’avez-vous pas dit vous-même que ma libération avait coûté plusieurs vies, mais que la fin justifiait les moyens ?
Elna crut avoir mouché son interlocuteur mais celui-ci ne lâcha rien.
- Astrid Astralius n’a pas seulement tué quelques dizaines de magiciens. Il a causé la mort de millions de gens !
- Je ne pense pas qu’il y ait autant d’habitants dans notre pays, fit remarquer Elna.
- Le sort qu’Astrid Astralius a lancé n’a pas concerné que notre pays, mais notre monde tout entier. Son sort n’a pas seulement sauvé le monde, il l’a remodelé. Ce qui était jusque-là un volcan en fusion est devenu un océan calme et paisible.
- C’est plutôt une bonne chose.
- La géographie du monde entier a été changée. Les plaines se sont changées en lac, noyant tous ses habitants. Les montagnes se changèrent en canyons, entraînant avec eux la chute d’hommes, de femmes et d’enfants, et ce partout dans le monde. Et les Mordens osent vénérer cet homme ?
- Ce sorcier a sauvé le monde, insista encore une fois Elna. Que faisaient les magiciens pendant qu'il sacrifiait sa vie ?
Ketall grimaça. Elna comprit qu’il avait pris sa question comme une insulte.
- Je ne fais que me renseigner, assura Elna. Je ne juge pas. J’essaye de comprendre.
Ketall baissa les yeux. Visiblement, il répugnait à en parler. Elna laissa le temps passer sans rien dire et finalement, Ketall murmura :
- Nous n’en sommes pas fiers. Nous n’avons rien vu. Nous avons failli à notre devoir.
- Comment cela ?
- Les magiciens s’étaient réunis suite à la venue de la grande prêtresse des voyants. Les mages ont toujours fait aveuglément confiance aux voyants. S’ils avaient choisi de prédire la fin du monde, c’était qu’elle allait se produire. Ils ont décidé d’alléger au maximum les souffrances du peuple en attendant que l’apocalypse arrive. Alors qu’ils comptaient s’éparpiller dans le pays pour offrir leurs pouvoirs au peuple et les soulager en leur apportant bien-être et guérison, les ensorceleurs vinrent à la citadelle. Ils proposèrent une idée tout simplement stupide aux magiciens, qui la refusèrent tout net. Les ensorceleurs envoûtèrent les magiciens, les forçant à accomplir leur volonté.
- Envoûtèrent les magiciens ? répéta Elna sans comprendre.
- Vous ne devez jamais approcher d’un ensorceleur ! Ils n’ont pas de magie personnelle et ne peuvent pas se servir de la magie présente dans l’air. Non, leur pouvoir est beaucoup plus vicieux : ils peuvent voler la magie d’un magicien et la manier à leur guise. Cependant, il y a pire car ils peuvent également devenir maîtres des volontés d’un magicien. Ils peuvent les contrôler, comme des marionnettes. C’est à ça que servent les assistants. Ils connaissent leur mage et peuvent déceler un envoûtement.
- Les assistants ont donc protégé les mages…
Ketall baissa à nouveau les yeux avant de chuchoter :
- Les assistants ne se sont rendus compte de rien. Ils ont cru en la proposition des ensorceleurs. Ils ont cru, de toute bonne foi, que leurs magiciens avaient aussi trouvé l’idée excellente. Ils ont accompagné les magiciens et les ensorceleurs jusqu’à une colline, où le sort fut lancé… en vain. Un assistant y perdit la vie mais surtout, la vérité fit jour car les magiciens restèrent dans un état catatonique alors que le sort était terminé. Les assistants reconnurent l’action des ensorceleurs mais ceux-ci utilisèrent les pouvoirs des magiciens pour repousser les assistants. Pendant deux jours, les forces en présence luttèrent. Les assistants attaquaient les ensorceleurs qui se relayaient pour repousser les assauts avec les magies de leurs marionnettes, jusqu’à ce que…
Dans les yeux de Ketall, Elna voyait maintenant de la colère.
- Jusqu’à ce qu’Astrid Astralius lance son sort, finit Ketall, tuant ainsi tous les magiciens. Ils sont morts prisonniers. Ils sont morts en esclaves. Ils n’ont pas eu le droit de dire au revoir à ceux qu’ils aimaient. Ils n’ont pas eu le droit de hurler au moment de mourir.
- Astrid Astralius n’y est pour rien. Les ensorceleurs sont à blâmer pour ça.
- Je ne nie pas l’horreur des actes commis par les ensorceleurs, mais ils ne sont pas responsables de la mort de l’ensemble des magiciens et ni de celle de millions d’autres personnes. Astrid Astralius est responsable ainsi que tous les Mordens qui aujourd’hui encore le vénèrent.
Elna comprit qu’elle ne tirerait rien de plus de Ketall aujourd’hui. Elle se leva et rejoignit la salle principale de la bibliothèque. Elle s’empara du livre que lui avait proposé Ketall, l’ouvrit à la première page… qu’elle fixa sans la lire pendant plusieurs minutes. Finalement, elle se leva et retourna dans la salle de repos, où Ketall se trouvait toujours.
- Une chose me tracasse, exprima Elna.
Ketall lui lança un regard interrogatif.
- Comment savez-vous autant de choses sur Astrid Astralius ? C’était un sorcier, pas un magicien et visiblement, il s’était reclus à la fin de sa vie.
- Deux magiciens, Philippe et Helena Mandrake avaient décidé de l’aider dans sa quête. Ils furent bannis par le conseil des mages mais ils accompagnèrent Astrid Astralius dans ses recherches. Ils ont passé de nombreuses années à ses côtés. Ils ont appris à le connaître et ont écrit sa biographie.
- La biographie d’Astrid Astralius ? proposa Elna, tendue.
Ketall acquiesça avant de rajouter :
- Vous voulez que je vous apporte cet ouvrage ?
- Vous l’avez dans cette bibliothèque ?
Ketall hocha la tête tandis qu’Elna n’en revenait pas. Elle suivit Ketall le long de plusieurs couloirs ouvrant sur d’immenses pièces, toutes remplies d’étagères croulants sous les grimoires. Elna ne s’était pas rendue compte que la bibliothèque fût si grande. Elle fut soudain très heureuse que les érudits la guident dans ses lectures.
Ketall entra dans l’une de ses salles et d’une étagère, il tira un petit ouvrage qu’il tendit à Elna. « La biographie d’Astrid Astralius ». Elna feuilleta le petit ouvrage. L’écriture n’était pas la même que dans le livre qu’elle cachait dans un repli de sa robe. L’histoire, bien que racontée par des mots différents dans un style différent, racontait la même histoire, à quelques anecdotes près, prouvant que l’auteur avait eu accès à des connaissances personnelles concernant Astrid Astralius. De plus, dans ce livre, la présence des deux magiciens aux côtés d’Astrid Astralius était précisée et leur amitié contée, ce qui n’était pas le cas dans la biographie des Mordens. Le texte s’arrêtait sur Astrid, trouvant enfin la formule.
- Philippe et Helena Mandrake étant des magiciens, ils sont morts eux aussi. Ils n’ont pas pu raconter ce qui s’est passé ensuite, annonça Ketall.
- Comment ce livre s’est-il retrouvé entre vos mains ? interrogea Elna.
- Le livre a été trouvé par hasard dans le ventre d’un poisson acheté dans un marché par un assistant peu de temps après la disparition de la magie. En piteux état, il était tout de même lisible et a été recopié. Ceci n’est qu’une copie.
- Savez-vous qui est Gunther Thumb ? demanda Elna.
- Non, pourquoi ?
Elna montra que ça n’était pas important. Thumb devait être un érudit Morden, un historien. Il avait rassemblé toutes les informations possibles sur Astrid Astralius mais son récit comportait beaucoup de trous, de manques. Ce texte était plus complet sur la vie d’Astrid après sa rencontre avec Philippe et Helena Mandrake mais moins sur son passé. Les deux ouvrages se complétaient admirablement.
Elna retourna dans la salle principale, laissant Ketall à sa question sans réponse. Elle réfléchit. Les magiciens – ou plus exactement les assistants de magiciens – accusaient les Mordens d’être responsables de la disparition de la magie. Ils leur vouaient une haine sans nom à cause d’un sort à la fois destructeur et salvateur lancé par celui que les Mordens vénéraient comme un dieu. Les assistants de magicien haïssaient également les ensorceleurs mais dans une moindre mesure.
Les Mordens, quant à eux, vouaient une haine sans nom aux voyants, qu’ils jugeaient responsables de la fin du monde par leur mauvais choix concernant le sort à fourche. Que pouvaient donc bien penser les voyants de tout cela ? Comment vivaient-ils avec le souvenir de l’erreur de leurs ancêtres ? La honte était-elle la raison de leur réclusion volontaire ?
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Elna passa de longs jours à lire les ouvrages sélectionnés par les assistants. Elle se rendit vite compte que bien que certains parlèrent de magie, une grande majorité traitait du rôle des magiciens au sein de la société. Les érudits tentaient d’enseigner en douceur à Elna son futur rôle de magicienne. En revanche, la magie en elle-même restait trop difficile à appréhender pour eux.
Un soir, Elna prit sa décision. Elle alla voir Ketall dans la salle à manger, s’assit à côté de lui, partagea son dîner et pendant le fromage, elle annonça :
- Je pars demain. J’aimerais que vous fassiez seller un cheval.
- Où comptez-vous aller ? interrogea Ketall.
- Chez les voyants, pour commencer.
- Certainement pas ! s’exclama Ketall. Votre place est ici ! Vous êtes en danger tant que vous n’êtes pas séparée.
- Soyez honnête, ça ne se produira pas avant des années. Aucun de vous ne sait comment procéder et aucun des livres ne répond à la question car ce secret est aussi bien gardé que la magia verborum.
- Tant que vous n’êtes pas séparée, vous êtes une proie facile ! insista Ketall.
- M’empêcherez-vous de partir ? interrogea Elna, très mécontente.
- Si votre sécurité en dépend, oui, assura Ketall.
- Quelque soit la taille d’une prison, elle reste ce qu’elle est. Vous ne valez pas mieux que les Mordens.
Elna se leva et sortit, en colère et frustrée. Ketall la regarda partir sans broncher. Il savait que la future magicienne n’avait pas le choix et qu’avec le temps, elle comprendrait. Elna n’attendit pas que Ketall puisse prévenir qui que ce soit. Elle se rendit aux écuries, prit un cheval et sortit sous le couvert de la nuit. Les gardes, pas encore prévenus, la laissèrent s’en aller.
Elna chevaucha toute la nuit et ne s'arrêta que le matin pour dormir sous un arbre. Peu après le déjeuner, elle reprit la route. La boussole et la carte volées à la citadelle des mages ne l’aidaient guère. Elle ne savait se servir ni de l’une, ni de l’autre. De fait, elle erra plus qu’elle n’avança. Les assistants, lancés à sa poursuite sur ordre de Ketall, sachant qu’elle comptait se rendre chez les voyants, passèrent à quelques kilomètres d’elle sans le savoir.
Elna avançait depuis deux heures, le soleil dans le dos, lorsque des hommes jaillirent de chaque côté de la route, la désarçonnant. Elna se débattit mais lorsque la pointe d'une épée se posa sur sa gorge, elle ne bougea plus. Soudain, la tête de son agresseur se détacha de son cou et tomba dans un bruit sourd à côté d'Elna. Elle se releva tandis que le second homme tombait sous les coups de l'épée d'un troisième homme. Il se tourna vers Elna et lui sourit. Elna lui rendit sourire et s'écria :
- Sakku ! On peut dire que vous tombez bien !
Ils s'étreignirent puis Elna annonça :
- Vous avez l'air d'aller bien.
Il était habillé comme un seigneur et son épée était de bonne qualité.
- Très bien. Je suis libre.
- Comment avez-vous échappé aux Mordens ? s’enquit-elle, surprise qu’ils l’aient laissé partir.
- Pendant l’attaque qui a permis votre libération, je me suis enfui par une poterne dans un jardin à l'ouest de la forteresse.
Elna sourit. Sakku attrapa le cheval d'Elna puis commença à avancer.
- Mieux vaut ne pas traîner. Il y a pas mal de brigands dans le coin.
- Ces gens étaient des brigands ? s'exclama Elna.
- Oui, les habitants de cette contrée sont très pauvres alors ils attaquent tout ce qui semble posséder un peu d'argent et qui n'est pas un Morden. Avec votre robe et votre cheval, ils croyaient tomber sur une riche noble. Que faites-vous là ?
- Je… Je me rends chez les voyants.
- Ah… Pourtant, la route sur laquelle vous vous trouvez mène droit à la forteresse Morden.
- Je… suis incapable de m’orienter, je le crains. J’ai une carte et une boussole, annonça triomphalement Elna en les sortant de sa besace, mais je ne sais pas m’en servir, finit-elle penaude.
- Moi, je sais, révéla Sakku. Nous sommes là, continua-t-il en pointant avec certitude un point sur la carte. Il faut rebrousser chemin et tourner à la première à gauche.
- C’est le chemin le plus direct ? interrogea Elna.
- Le plus court, assura Sakku.
- Pourrions-nous prendre un chemin… détourné ? demanda Elna.
- Nous ? répéta Sakku. Hola, doucement ! Je ne compte pas vous accompagner. Je vous montre le chemin, c’est tout !
- Je comprends. Vous m'en voulez, c'est normal que vous ne vouliez pas m'aider.
- Moi, je vous en veux ? De quoi ? De m'avoir sauvé la vie ? Sans vous, je n'aurais jamais dit la vérité aux Mordens et vu leur réaction, ça aurait été idiot. Ils m'ont très bien traité après que je leur aie tout révélé. Je dois au contraire vous remercier d'avoir agi de la sorte.
Elna était rassurée mais annonça :
- Alors pourquoi refusez-vous de m'aider ?
- Mais enfin, pourquoi devrais-je vous accompagner chez les voyants ? Je n’ai rien à y faire ! Je ne vous dois rien. Vous m'avez sauvé la vie, je viens de sauver la vôtre, nous sommes quittes.
Elna réfléchit à toute vitesse.
- Sakku, vous avez bien dit avoir été envoyé ici par des magiciens ?
Sakku hocha la tête.
- Pourquoi vous ont-ils choisi, vous ? Vous êtes magicien ?
- Non, je ne suis qu’un assistant.
Elna frémit. Elle était justement poursuivie par des assistants un peu trop zélés à son goût.
- Le mot Ar’shyia a-t-il un sens pour vous ?
- Oui, mais je suis étonné de vous entendre prononcer ce mot. Je vous croyais ignorante en matière de magie.
- Je l’étais, jusqu’à peu. Sakku, je suis une Ar’shyia, révéla Elna. Je suis en danger et je ne sais pas vers qui me tourner dans ce monde corrompu. Je ne fais confiance à personne, sauf à vous. Vous venez d’un autre monde. Vous êtes neutre dans cette affaire. Je vous en prie, aidez-moi !
Sakku trembla puis hocha la tête.
- Je vous aiderai.
Elna soupira d’aise tout en espérant avoir fait le bon choix. Cet homme allait-il l’aider ou tenter lui aussi de l’emprisonner ?
- Je dois aller chez les voyants, mais par un chemin détourné, car je suis traquée par des gens qui connaissent ma destination, expliqua Elna en évitant bien de préciser que ses poursuivants n’étaient autres que des assistants.
- Je vous accompagnerai, promit Sakku, et je vous protégerai.
- Merci, dit Elna à Sakku qui semblait la remercier elle des yeux.
- Éloignons-nous rapidement, murmura Sakku comme s’il craignait soudain que des milliers d’hommes lui tombent dessus. Nous passerons par des chemins de traverse. Vos poursuivants ne vous trouveront jamais.
Elna fut totalement rassurée. La voix de Sakku était transparente de sincérité. Il craignait pour la vie de la jeune femme et comptait bien la protéger, à tout prix.
Ils voyagèrent plusieurs jours, ne dormant jamais dans des auberges mais à la belle étoile, sous des arbres, cachés des gens, tant pour ne pas se faire voir des poursuivants d’Elna que des Mordens, dont ils foulaient les terres et qui seraient sûrement ravis de remettre la main aussi facilement sur l’Ar’shyia.
Sakku fut un véritable ange protecteur. Il chassa pour Elna, se rendit dans les marchés, seul, pour acheter ce qu’il ne pouvait attraper ou créer seul. Il monta la garde la nuit, l’aida à se positionner correctement sur un cheval.
Il lui apprit à lire une carte et à utiliser une boussole. S’ils discutèrent beaucoup, aucun des deux ne se livra réellement. Ils discoururent des animaux, des plantes et du temps, mais jamais de leur vie personnelle et cela convenait parfaitement aux deux.
- Nous approchons, annonça un jour Sakku. La forêt, à l’horizon, est celle des voyants, d’après la carte, en tout cas.
Elna regarda les champs se transformer en arbres avec appréhension. Qu’allait-elle trouver là-bas ? De l’aide ou davantage d’ennuis ? Elna arrêta sa monture. Surpris, Sakku fit de même avant de se tourner vers sa compagne de route.
- Qu’y a-t-il ? s’enquit-il.
- Pourquoi m’aidez-vous ? demanda Elna.
Sakku tourna la tête. Pendant un moment, il ne dit rien mais Elna ne le lâcha pas des yeux, montrant qu’elle comptait bien avoir une réponse. Elle ne pouvait pas s’engager dans de possibles ennuis sans être sûre de l’homme censé la protéger.
- Je suis venu ici dans un but précis, rappela Sakku. Mon magicien me faisait confiance. Tous les magiciens me faisaient confiance. Ils ont placé tous leurs espoirs en moi. Je n’avais qu’à venir et repartir. C’était tellement simple. J’aurais préféré que le sort ne fonctionne pas. Mais il a fonctionné ! J’ai trouvé la terre promise. L’échec de ma mission est de ma faute, uniquement ma faute, répéta Sakku, les lèvres tremblantes. Que suis-je censé faire ? Je voudrais racheter mon échec, sauver les miens, mais je ne peux pas.
Elna sentit les larmes lui monter aux yeux. Le jeune homme était bouleversé. Cela ébranla Elna.
- Si un jour je deviens magicienne, je vous rendrai votre pierre, promit-elle.
- Ça ne changera rien, lui apprit Sakku. Mon monde est probablement mort à l'heure qu'il est. Ça ne sert plus à rien. C'est fini. Je n'ai plus qu'à vivre avec ma culpabilité.
Sakku ne laissa cependant pas sa tristesse lui faire oublier ce qu'il venait de ressentir chez son interlocutrice.
- Vous semblez douter qu’un jour vous serez une magicienne, pourquoi ?
- Il n’y a plus un seul magicien vivant dans le coin. Comment suis-je censée me séparer sans personne pour me guider ?
Ce fut au tour de Sakku de lui lancer un regard désolé.
- Je suis assistant, annonça-t-il gravement. Mon rôle est de protéger les magiciens, même non séparés. En vous aidant, j’ai la sensation d’avoir enfin un rôle ici, un but, une raison de vivre.
Elna ne douta plus une seconde du dévouement envers elle de Sakku. Oui, le jeune homme l’aiderait. Il l’avait convaincue. Elna talonna son cheval. Sakku cala son allure sur la sienne et ce fut ensemble qu’ils pénétrèrent en Praedy, la forêt des voyants.
que va-t-elle trouver chez les voyants ? aide ou problèmes ?
Une fois n'est pas coutume je vais faire un commentaire partiel, car j'ai commencé ce chapitre mais je n'aurai pas le temps de le finir avant de partir bosser. Je reviendrai finir et poster la suite de mon commentaire en réponse à celui-ci plus tard.
L'histoire s'emballe d'un seul coup avec l'attaque de la forteresse Morden par l'armée des voyants et des magiciens. L'enlèvement d'Elna par ceux-ci suggère qu'elle va se retrouver au coeur d'une lutte de pouvoirs pour s'approprier sa magie et ses services. J'aime bien l'idée, ça présage de pas mal de combats entre les différentes "factions" par la suite.
Je me suis arrêté au moment où Elna se réveille dans le château des mages et regarde la forêt.
Pour l'instant, j'aime bien le début de ce chapitre. Le passage avec Arfer est intriguant, on assiste à la naissance et à la formation d'un Morden qui est passionné par les objets magiques. Je me demande quel rôle il va avoir dans l'histoire, je sens que le personnage a du potentiel mais pour le moment, tu te contentes de le présenter sans qu'on sache vraiment ce qu'il vient faire là.
J'imagine qu'on va le recroiser dans la suite de ce chapitre et que ça fera davantage sens à ce moment :)
Un petit bémol pour moi sur ce début de chapitre concernant l'attaque de la forteresse et l'enlèvement d'Elna. Cela semble être un évènement très important, puisqu'il va avoir beaucoup de conséquences et vient rompre tout un "cycle" dans lequel elle se trouve prisonnière des Mordens. Pourtant, tu le racontes de manière extrêmement rapide et tu évoques à peine la bataille. Pour ma part, j'aurais au contraire eu tendance à en faire un point culminant de ce début d'histoire, à décrire la bataille pour plonger le lecteur dedans, j'en aurais profité pour insuffler de l'empathie à l'égard des Mordens (qui pourtant se comportent comme des monstres, et j'adore vraiment cette dichotomie !). Idem pendant la "fuite" d'Elna avec les soldats qui viennent la libérer, je pense qu'il serait super intéressant d'avoir accès à davantage de ses émotions.
En fait, pour moi, ce passage en lui-même pourrait faire l'objet d'un chapitre à part si tu le détaillais davantage. Tu pourrais nous faire vivre la bataille, l'enlèvement d'Elna, l'évasion de Sakku et finir avec la réaction d'Ewin et Decklan à la fin. Et le chapitre suivant pourrait commencer quand Elna s'éveille dans le château des mages.
Qu'en penses-tu ?
Quelques remarques :
- "Ça ressemblait à un simple bâton de marche [...] l’objet magique dans la besace d’Arfer".
--> si c'est un bâton de marche, comment peut-il tenir dans une simple besace ?
- "Elna était surprise que son maître ne l’envoie pas paître en la punissant de lui faire perdre son temps."
--> Et moi, je suis aussi surpris qu'il ne la punisse pas d'avoir oublié son titre ;)
- "Ewin eut un hoquet de rire mauvais." --> un éclat de rire ?
- "Nos éclaireurs viennent de nous prévenir ! Les voyants et les magiciens ont apparemment décidé de mettre leurs forces en commun. Ils arrivent."
--> Mais je croyais qu'il n'y avait plus de magiciens, puisque la magie a disparu... Il ne reste que des objets magiques, non ? C'est un peu difficile à suivre, toute cette histoire. Je pense que ton récit serait encore mieux si tu clarifiais les choses.
- "Lorsque les vôtres verront vos têtes au bout d'une lance, croyez-vous qu'ils comprendront notre réponse ?"
--> Cette réplique m'a arraché un sourire. Decklan est le lieutenant de quelle division, déjà ? Ah oui, la di-plo-ma-tie. Très diplomate, cette réplique, en effet XD
(ne la supprime pas hein, je la relève justement pour te dire qu'elle est vraiment bien ^^)
- "Les attaquants n'avaient pas réussi à percer leurs premières défenses qu'ils reculèrent. Les Mordens étaient complètement perdus. Pourquoi agir ainsi ? Les magiciens se replièrent et les voyants disparurent dans les bois. Des centaines de cadavres jonchaient le sol mais nul ne semblait s'en préoccuper."
--> Je trouve que c'est trop rapide ici, ça manque de descriptions, d'un récit de l'attaque. Ils avancent, ils reculent, et pouf, il y a des centaines de morts. Comment se déroulent les combats ? Avec quelles armes les Mordens se défendent-ils ? (j'imagine qu'ils ne sortent pas de leur forteresse pour caresser les voyants avec leurs gants ?). Comment les voyants/magiciens attaquent-ils puisqu'ils n'ont pas de magie ?
On perd en immersion avec ce passage, et c'est vraiment dommage. Il y aurait matière à nous faire ressentir de l'inquiétude, de la tension, à dépeindre un champ de bataille animé et sonore, bref à amener de la vie plutôt qu'un simple "bon, bah... ils se sont battus. Et y'a des morts. Voilà, salut."
(Je force le trait volontairement ici, non pas pour critiquer ta manière d'écrire et ton choix, mais pour te faire comprendre pourquoi j'ai ce ressenti de "trop peu").
- "Decklan et Ewin, qui avaient supervisé l’attaque ensemble," --> plutôt la défense, non ? Les attaquants sont dans le camp d'en face.
- "Le château des mages était facile à attaquer mais ils ne pouvaient pas se le permettre car désormais, une magicienne arpentait ses couloirs."
--> Mais justement, si le château est facile à attaquer, ne devraient-ils pas organiser immédiatement une contre-offensive pour récupérer Elna avant qu'elle n'apprenne à maîtriser ses pouvoirs et ne puisse leur résister ? Pour l'heure, elle semble faible (et affaiblie par sa captivité) et les Mordens la terrorisent. Elle ne représente pas encore un grand danger pour eux, alors que s'ils attendent... non ?
- "Je ne suis pas un Maître en diplomatie pour rien."
--> Deuxième éclat de rire de ma lecture ("Lorsque les vôtres verront vos têtes au bout d'une lance, croyez-vous qu'ils comprendront notre réponse ?" Oui, oui, Decklan. Tu es en effet un maître de la diplomatie xD).
- "Elle se sentait merveilleusement reposée. Elle se leva. Elle aperçut une porte ouverte. Elle l'emprunta."
--> Hmm, je trouve là aussi que c'est un poil trop rapide. Elna a été prisonnière des Mordens pendant des mois, elle doit être terrorisée et sans doute paranoïaque, traumatisée par sa détention et la peur de redevenir une esclave. À son réveil je l'imagine bien effrayée, un peu perdue, hésitante avant de se lancer à l'aventure dans ce nouveau château, guettant le moindre bruit dans les couloirs, sursautant et courant se mettre à l'abri dès que quelqu'un passe à proximité, le coeur battant... Après tout, même si les mages sont venus la libérer, l'homme dans le carrosse qui a refermé le rideau sur elle n'avait pas l'air tendre. Elle pourrait s'imaginer qu'elle est de nouveau victime d'un enlèvement et qu'elle est juste retombée dans les mains d'autres geôliers.
Je m'arrête là pour le moment, je reprendrai ce soir en rentrant du travail ! :)
T’inquiète ! Je sais que mes chapitres sont longs. Je te remercie déjà du temps que tu y consacres !
Concernant Arfer : Dans la version initiale, un chapitre entier lui étais consacré (chapitre 7 en gros). Mais comme c’est un personnage important, j’ai préféré découper ce chapitre en petits paragraphes et commencer son introduction plus tôt. De plus, de ce fait, le lecteur comprend bien qu’il s’agit d’un univers multi-personnage dont Elna n’est pas (mais alors pas du tout) le personnage central. Ne voulant pas faire crouler les lecteurs sous les personnages (comme dans Game of thrones où perso, je n’ai rien compris au début tellement il y avait de monde), j’ai choisi de les distiller par petites gouttes.
« Pourtant, tu le racontes de manière extrêmement rapide et tu évoques à peine la bataille. »
→ J’ai rajouté la bataille. Je te préviens. Tu vas être déçu. C’est pour ça que je ne la racontais pas mais tu as raison, c’est mieux comme ça.
« --> Et moi, je suis aussi surpris qu'il ne la punisse pas d'avoir oublié son titre ;) »
→ Méfies-toi, tu deviens sadique ;)
« Mais je croyais qu'il n'y avait plus de magiciens, puisque la magie a disparu. »
→ J’ai modifié tous mes « magiciens » par « résidents de la forteresse des mages », dénomination bien plus juste, tu as raison.
Decklan est un excellent diplomate ! Non mais oh ! ;)
« Mais justement, si le château est facile à attaquer, ne devraient-ils pas organiser immédiatement une contre-offensive pour récupérer Elna avant qu'elle n'apprenne à maîtriser ses pouvoirs et ne puisse leur résister ? »
→ Non, en fait non. Ils ont commis une trahison en gardant prisonnière une peut-être future magicienne. Ils ont enfermé celle qu’ils auraient dû protéger et escorter dans son fief. Ils ont failli à leur mission. Ils ne sont déjà pas en bonne posture. Ils n’ont pas intérêt à en rajouter.
--> Hmm, je trouve là aussi que c'est un poil trop rapide.
→ J’ai modifié l’arrivée d’Elna au château des mages.
Merci pour les autres propositions de correction que j’ai prises en compte et corrigées.
Encore merci pour tes critiques. J’espère que mes modifications te plaisent. En tout cas, moi, je suis vraiment ravie de recevoir tes commentaires constructifs !
Un plaisir de t'aider et de découvrir ton histoire, pour l'instant je me laisse porter et je me régale. Je finirai la lecture de ce chapitre demain matin, je viens seulement de rentrer du boulot et je suis complètement KO. À très vite :)
De retour pour découvrir la suite de ce chapitre.
Effectivement, la "bataille" n'en est pas vraiment une, mais cela dit l'aspect ridicule des "combats" m'a fait sourire, c'est une bonne idée de l'avoir ajouté, ça montre à quel point les voyants et assistants des mages sont ridicules lorsque la magie est absente ^^
Les explications sur la disparition de la magie sont vraiment bienvenues, de même que pour la différence entre sorcier et magicien, magie intérieure et magie extérieure.
Cette histoire des deux magies est finalement assez similaire à mon univers où Shâat et Gzendra se répondent, donc je comprends beaucoup mieux la vision que tu peux avoir de tout ça.
La partie "séparer la magie intérieur de la vie du magicien" est encore un peu obscure, mais j'imagine qu'on verra plus concrètement ce que ça signifie lorsqu'Elna franchira ce rite de passage obligatoire.
Si je peux me permettre une remarque ?
Peut-être qu'une partie de ces explications sont un peu longues et répétitives.
Concrètement, Elna découvre une première fois l'histoire dans la biographie d'Astralius, puis elle interroge Ketall dans la bibliothèque qui lui redit exactement les mêmes choses (notamment l'arrivée du nuage noir, Astrid qui lance le fameux sort qui absorbe et détruit toute la magie du monde...).
Pour Elna, c'est important de confronter les deux versions, je saisis totalement l'intérêt du truc. Mais pour le lecteur, ça fait un peu redite et surexplication.
Suggestion : quand Elna va voir Ketall dans la bibliothèque le lendemain, il lui demande où elle a entendu parler de magia verborum. Elna lui dit qu'elle a lu la biographie d'Astralius, et du coup au lieu de répéter 90% de l'histoire, Ketall peut juste dire "dans ce cas vous savez déjà sans doute que blablabla..."
Qu'en penses-tu ?
(Bon après, peut-être que tu ne veux pas que Ketall soit au courant qu'Elna possède un exemplaire du livre sur Astralius, auquel cas ne tiens pas compte de mon idée).
Intéressant, ce passage avec Sakku à la fin. Toute son histoire prend un autre éclairage maintenant que je connais le sortilège d'Astralius et la fourche des voyants.
Puis-je me risquer à t'exposer ma théorie ? Je pense que Sakku est un assistant de l'époque d'Astrid Astralius, qui a été envoyé par les mages en quête d'un autre monde (car ils étaient convaincus que le leur allait être détruit). Mais finalement Astrid a sauvé le monde en tuant tous les magiciens et en détruisant la magie, ce qui a "bloqué" Sakku dans l'espace-temps. L'arrivée d'Elna, première Ar'shyia depuis des lustres, a "débloqué" le sortilège qui transportait Sakku car Elna génère de la magie, et il a atterri au milieu du pays des Mordens, persuadé d'être arrivé dans un autre monde alors qu'en fait, il se trouve dans le futur du sien.
En tout cas, que j'ai bon ou non sur cette hypothèse, c'est drôlement intriguant tout ça ! :)
Une petite erreur :
- "La seconde n’ayant été perçue que par des enfants, les voyants avaient choisi de l’écarter pour n’écouter que la seconde."
--> tu parles deux fois de la seconde
Je suis contente que cette bataille sans queue ni tête t’ait plu. Je l’ai toujours imaginée ainsi mais c’est mieux en le disant en effet, car ça n’avait rien d’évident.
Il y aura d’autres explications sur la magie plus tard. J’ai essayé de distiller pour ne pas engloutir le lecteur. La séparation d’un Ar’shyia sera mieux expliquée plus tard. Tu m’en reparleras sans nul doute à ce moment-là.
Je vais revoir le passage où Elna discute avec Ketall pour raccourcir mais en effet, Elna ne souhaite pas indiquer qu’elle a une version différente de la leur en sa possession.
Pour Sakku : ma foi, tu n’es pas loin (je dirais même que tu brûles). Je suis ravie de constater que le lecteur un peu observateur peut avancer autant vers la vérité. Ça ne m’inquiète pas plus que ça. Il y a tellement de retournements de situations à venir que lâcher celle-là me convient parfaitement.
Encore merci pour tes commentaires.
J’espère que la suite te plaira tout autant !