Une semaine passa. Une semaine sans rien de suspect. Aucun homme camouflé n’avait fait son apparition. Personne n’avait approché Monsieur Violon, si ce n’est pour lui donner un peu d’argent.
Le soir du septième jour, j’avais les nerfs à vif. Je n’avais rien fait d’autre que de suivre cet homme, encore et encore, tous les jours, toutes les heures. La filature commençait à me rendre irritable.
Le soleil descendait dangereusement à l’horizon, recouvrant la capitale d’un voile noir. Toute la journée passée à suivre Monsieur Violon, quasiment sans rien boire ni manger...
Toujours aucun incident n’était survenu en cette journée, aucun suspect ne s’était montré. Profitant d’un instant sans personne autour de nous, j’enjoignais Monsieur Violon à se rendre sur le pont.
Heureusement, Gallant s’y trouvait déjà, observant l’horizon. En nous voyant, il ne fit aucun geste. Aussi précautionneusement que possible, je fis mine de m’en aller, et Gallant se mit à suivre Monsieur Violon. Mais un terrible pressentiment me tordait les entrailles. Mon cœur pesait lourd tandis que mes pas me conduisaient à la maison.
*
La nuit était tombée depuis bien longtemps. Voilà des heures que Gallant suivait Monsieur Violon à bonne distance, assez loin de lui pour qu’il doive courir s’il voulait le rattraper, mais assez près pour toujours le garder à œil. Leur balade nocturne les avait conduit dans un quartier malfamé où les taudis s’entassaient les uns sur les autres. Il n’y avait pas un chat dehors. Rien que des ruelles mal éclairées, des lampadaires faiblissant, et des pavés bruyants.
Gallant se posait plusieurs questions. A commencer par l’histoire du vieil homme. Se pourrait-il qu’il eu tout inventé ? Ce trésor, ce criminel et son possible acolyte, tout ne serait-il qu’un tissu de mensonges ?
Et même s’il disait vrai, alors que faisait ce criminel à l’heure actuelle ? Pourquoi ne se montrait-il pas ? Attendait-il que Monsieur Violon soit strictement seul pour attaquer ? Avait-il décidé d’abandonner son trésor ? Et puis, quel était donc ce fameux trésor ? ...
En passant près d’une arrière-court sans clôture, Gallant aperçut un mouvement du coin de œil. Il se tourna, et aperçut une gamine sur le seuil d’une porte ouverte. Sa tignasse rousse était en pagaille et une petite robe jaune délavée lui faisait office d’unique vêtement en cette nuit glaciale.
- Que fais-tu ici ? Demanda Gallant d’une voix douce. Rentre chez toi, petite, tu vas attraper froid ! Et puis, c’est dangereux pour une enfant de sortir seule le soir !
La gamine secoua la tête et croisa les bras.
- Non ! Répondit-elle. Veux pas rentrer. J’vous ai vu traîner ici. Le vieux m’sieur aussi il traîne souvent ici.
- On ne fait aucun mal. On se balade, voilà tout. Rentre chez toi, maintenant. S’il te plaît.
- Vous cherchez les méchants ?
- Quoi ? S’étonna Gallant. De quels méchants parle-tu ?
- Les deux m’sieurs qui se baladent souvent ici, eux aussi. Ils étaient en colère, la dernière fois que j’les ai vu. Ils se disputaient. Ils parlaient d’un vieil homme.
- De qui parle-tu ? Quels méchants ? Est-ce qu’ils portaient une écharpe ?
La gamine ouvrit la bouche pour répondre quand un bruit étouffé se fit entendre. Gallant se retourna, remarqua l’absence de Monsieur Violon.
Le détective courut jusqu’à un croisement de rue. Tournant la tête à droite, il vit le vieil homme allongé au sol, une flaque sombre s’élargissant sous son corps.
Horrifié, Gallant accourut vers lui et s’accroupit. Il ne put que constater l’entaille béante qui découvrait la gorge de Monsieur Violon. Dans un terrible borborygme, ce dernier bafouilla :
- Prenez soin de ma... ma beau... ma beauté...
La panique s’empara de Gallant. Bent Larsen et Catherine Boleyn avaient déjà péris quand il était arrivé sur les lieux. Mais là, c’est la vie qui s’écoulait doucement, lentement, juste sous ses yeux. Et il était impuissant.
Il releva la tête, prêt à crier pour demander de l’aide. La rue était déserte, mais les habitants devraient certainement entendre ses appels au secours.
Toutefois, il n’eut le temps d’émettre aucun son.
Un violent coup porté à sa tempe le fit basculer sur le côté. S’étalant sur le dos, il tenta de reprendre son souffle. Une silhouette masquée d’une écharpe violette et d’une capuche noire s’assit sur lui à califourchon.
Gallant tenta de se dégager, mais son assaillant pesait bien trop lourd. Un poignard posé sur la gorge du détective anéantit ses espoirs de se libérer. Immobile, il osait à peine respirer, de peur de frôler la lame.
Un visage aux yeux verts se pencha vers lui et murmura :
- Où est-elle ? Où l’a-t-il caché ?
- Je ne vois pas de quoi vous parlez.
- Arrête de me prendre pour un idiot ! J’ai bien vu ton petit manège, à toi et à l’autre dandy. Vous suivez ce vieillard depuis plusieurs jours maintenant. Il vous a tout raconté, hein ? Vous êtes quoi, des policiers ? Des espions ? Pour qui tu travailles ?
- Vous nous avez vu ? S’étrangla Gallant. Vous nous avez suivi ? Mais nous, nous ne nous sommes même pas aperçu de votre présence !
- Imbécile, tu pensais que j’allais vous suivre avec cet accoutrement ? Vous vouliez un homme masqué, alors vous avez cherché un homme masqué, sans même penser que je pouvais vous suivre sans porter aucun déguisement.
Gallant émit un rire sarcastique, qu’il ravala lorsque l’assassin appuya sur sa lame.
- Dis-moi où elle est ! Menaça le criminel.
- Calmez-vous, temporisa le détective. Je vais vous emmener jusqu’à elle, mais ne faites aucune bêtise, s’il vous plaît.
- Tu ne m’emmèneras nul part. Dis-moi juste où vous l’avez caché, et je t’achèverai rapidement.
- Pourquoi... pourquoi avoir tué cet homme ? Il vous aurait tout avoué, lui.
- Tu parles ! Il arrêtait pas de réclamer son foutu violon. Mais c’est pas un violon que je veux moi, c’est le trésor ! Arrête de gagner du temps. Je te laisse une dernière chance de m’offrir la réponse que je veux.
Gallant se força à ne pas céder à la panique. La voix qui lui parlait était jeune, mais la lame ne tremblait pas, révélant un criminel qui n’avait pas froid aux yeux. Cet homme était expérimenté. Si Gallant voulait survivre, il devrait bluffer.
- Très bien, annonça le détective. Je vais vous dire où elle est, mais pas à vous. C’est à lui que je veux parler.
Gallant pria pour que le criminel soit allié à un quelconque collaborateur ou chef, ne serait-ce qu’avec ce deuxième homme sur le pont. A quiconque il pourrait relié ce “lui” sans remarquer l’ignorance totale du détective.
L’assassin resta silencieux quelques instants, avant de lentement déclamer :
- Le Vicaire ne reçoit personne. Tu ne veux rien me dire ? Tant pis pour toi, je n’aurai qu’à interroger ton ami. Sous la torture, il sera peut-être plus bavard que toi.
Galland ouvrit de grands yeux, s’apprêta à rétorquer.
C’est alors qu’un hurlement strident retentit.
Gallant et l’assassin sursautèrent à l’unisson, tournèrent la tête dans la même direction. La gamine rousse se tenait au bout de l’allée. Elle se remit à hurler, provoquant la fureur de l’assassin.
- Encore toi ! Hurla-t-il.
Gallant profita de cette diversion. Il agrippa les doigts de l’assassin qui tenaient la lame, et les replia violemment en arrière dans un angle improbable.
L’assassin glapit de douleur en bondissant sur ses pieds, laissant tomber son poignard. Son regard se tourna alors vers l’enfant, ses yeux d’émeraude voilés de violente frénésie.
Libre, le détective se remit debout, ramassa le poignard et accourut vers la gamine, faisant barrière de son corps pour la protéger. Des maisonnées s’éclairèrent, des bruits de confusions se firent entendre.
Alors que des gens commençaient à sortir, le criminel jeta un dernier regard à Gallant, à l’enfant et à Monsieur Violon, puis il détala en sens inverse.
Le début de l'histoire est assez différent des deux dernières, c'est raffraichissant (j'imaginais peut etre tomber dans un schéma classique identique aux deux premières) et j'aime le fait que les deux detectives soient impliqués directement dans l'affaire
J'aime le début, mais je lui trouve un côté plus "romancé" que les deux autres, un peu moins crédible car il présente Paris et le crime de manière presque trop joli. Les SDF sont très/trop utilisés dans les histoires pour tirer l'empathie des lecteurs (pour de bonnes raisons, mais assez souvent pour que ça me sorte un peu de l'histoire sur le coup), j'aurais presque souhaité que Laon fasse preuve de condescendance/dédain de par sa situation de noble juste pour qu'il se fasse corriger par Gallant ou l'inverse, ou que le sdf essaye de pousser la générosité de Laon (en justifiant que pour lui la survie dépend de chaque pièce qu'il peut obtenir). Ça ne les rend pas méchants pour autant, mais plus crédibles dans la situation sociale qui leur correspond je trouve.
Le passage avec le chat est un peu identique, surement parce que je l'ai vu souvent mais je sens la main de l'auteur qui veut m'amener à aimer Gallant pour sa gentillesse envers le chat, c'est logique mais un peu artificiel je trouve. Je me doute qu'il servira plus tard, mais pour le moment son utilité scénaristique est réduite à être un point positif de Gallant et c'est un peu dommage.
La tension et le mystère sont palpables et j'aime bien ça, et la volonté ici est bien plus méchante qu'un accident ou par amour donc j'aime que Gallant se fasse un peu malmener, on voit à quel point le métier est dangereux.
Le dialogue entre lui et l'assassin est moins inspiré je trouve par contre, là où d'habitude tu extrais vite le sujet et l'important de la discussion, j'ai l'impression qu'ils discutent trop quand Gallant est au sol. Le criminel prend même le temps de lui expliquer pourquoi ils ne l'ont pas reconnu. Comme c'est un moment où le suspens est à son comble c'est dommage de faire retomber la pression avec des explications un peu superflues.
Mon com sonne un peu plus négatif mais j'aime toujours l'histoire, c'est juste que je vais pas répéter tous les points positifs que j'ai pu faire remarquer dans les histoires précédentes et qui s'appliquent encore ici.
Merci, et je lis la suite bientôt !
Ah, ce commentaire change de ceux plus positifs que tu faisais jusque là ! ;-) Mais c'est normal, et j'accepte les critiques avec grand plaisir !
J'avoue apprécié l'idée d'un Laon dédaigneux qui se fait recadrer, peut-être même au point où j'apporterai des modifications à l'histoire. Je comprends aussi ce que tu veux dire avec l'assassin qui parle un peu trop à un moment de suspense, mais c'est pour poser les jalons d'évènements importants pour la suite, même si j'entends bien que ça casse un peu le rythme à un moment aussi crucial.
En ce qui concerne le chaton, c'est une petite fantaisie de ma part ! Je suis gaga des animaux, et je voulais en ajouter dans mon histoire. Il aura certes un rôle très très mineur, mais j'espère que tu sauras l'apprécier quand même ! :-)