Ostara Talamh était une jeune fille discrète, au visage doux. Ses cheveux, longs et épais, étaient si difficiles à coiffer qu’elle se contentait de les attacher négligemment avec un ruban déniché sur un marché quelconque. Quelques mèches rebelles s’échappaient çà et là. Elle ne prêtait pas vraiment attention à son apparence d’habitude. Elle était originaire de Midgard, un petit village de fermiers au sud-est du royaume. Il était perdu au milieu des nombreux champs et pâturages qui fournissaient au royaume la majorité des vivres nécessaires. Régulièrement secoué par des tremblements de terre, pourvu d’un magnétisme fort, avec des terres capricieuses qui devenaient infertiles si on ne les traitait pas avec le plus grand soin et le plus grand respect, ajouté à un mode de vie laborieux et rudimentaire, il était coutume de dire qu’on ne pouvait pas s’y acclimater sans y être né.
Elle vivait avec son frère Will dans un ranch à proximité depuis peu. Cela avait toujours été son souhait depuis que ce dernier était parti du foyer. Elle l’adorait et vouait une passion pour les chevaux. Elle n’avait d’autre ambition que de vivre simplement, entourée d’êtres qu’elle aimait et de prendre soin d’eux. Et surtout, de fuir ses parents. Ils étaient céréaliers, et ils la prenaient pour l’esclave de la maison en lui demandant de s’occuper des tâches ménagères et de la cuisine en plus de son travail aux champs, et bien qu’elle ne fût pas réfractaire au travail le moins du monde, le fait de suer plus que son lymphatique de père avait tendance à l’irriter quelque peu. Dès que ses parents avaient un public, ils faisaient grand éloge de sa personne, elle était extraordinaire, mieux que les autres, car elle était Mystique. En grandissant, elle réalisait de plus en plus clairement que ses géniteurs étaient de braves idiots. C’était pour cette raison qu’elle avait pris la décision de rejoindre son frère, car elle ne voulait pas en arriver à les mépriser totalement.
Elle caressa l’encolure de son cheval pour le rassurer en traversant la foule amassée sur la place d’Aimsir. Elle était mal à l’aise. Ce qu’elle vivait-là était aux antipodes de son existence. Elle n’avait jamais vu autant d’humains au même endroit, jamais entendu autant de bruit, d’agitation. Ses yeux n’arrivaient pas à se fixer car tout bougeait autour d’elle.
Soudain, elle remarqua quelque chose d’immobile au milieu de cette cacophonie. Une silhouette noire, encapuchonnée, qui semblait regarder fixement dans sa direction. Un frisson lui parcourut l’échine. Son cheval s’agita de plus belle. Il soufflait nerveusement, son regard et ses oreilles ne restaient pas en place. Ostara pris sur elle pour calmer son cœur et apaiser sa monture, mais dans un tel contexte, aussi inédit, elle n’y parvenait guère. Une fois la silhouette dépassée, elle n’osa pas se retourner pour voir s’il la scrutait toujours, mais elle avait la sensation d’avoir toujours son regard sur elle, quand bien même elle n’avait pas vu ses yeux. Elle n’était pas particulièrement peureuse, mais la magie décuplait l’intuition, et la sienne lui indiquait, au rythme de sa respiration qu’il y avait du danger dans l’air. Elle décida de se concentrer sur la distance restante.
Soudain, elle se retrouva quelques mètres en arrière, le regard de nouveau tourné vers la silhouette noire. La surprise fut telle qu’elle en eut le souffle coupé. Elle resta hébétée sur sa monture, qui elle aussi avait marqué l’arrêt. Elle remarqua alors qu’il n’y avait non pas une, mais deux silhouettes sombres qui regardaient dans sa direction. Elle n’avait pas vu la seconde au premier passage, puisque légèrement en retrait. Elle ne pouvait pas distinguer leurs visages de là où elle se trouvait, et avant qu’elle ait pu reprendre ses esprits, elle se retrouva de nouveau à sa place initiale, comme si de rien n’était. Elle regarda tout autour d’elle, comme si elle avait une chance de comprendre ce qui s’était passé en observant la foule qui semblait ne pas avoir bougé. Elle rassura sa monture qui, comme elle, était prise de panique.
Par chance, son convoi était en première position. Elle n’avait même pas la tête à admirer l’édifice superbe qui se dressait devant elle, qu’elle pouvait enfin approcher, après avoir passé toute sa jeune vie à apercevoir au loin ses toits noirs et pointus depuis les plaines. Il lui paraissait encore trop loin. La traversée de la cité lui semblait durer une éternité, à plus forte raison si elle remontait le temps.
« Le temps ! C’est le temps qui fait ce qui lui chante, tout comme la terre de Midgard… C’est effrayant. »
Elle se contenta de sourire timidement aux badauds, tout en essayant de ne pas croiser leurs regards. Elle regretta que son frère ne fût pas avec elle. Elle se sentait terriblement seule à cet instant. Elle s’apaisa un peu quand ils pénétrèrent dans l’enceinte du château. Ils passèrent par d’immenses portes en fer forgé qui s’ouvrirent sur une grande cour intérieure, bordée par des écuries impeccables, d’où provinrent des hennissements de bienvenue. Les chevaux, curieux, sortirent la tête de leurs stalles dès les premiers claquements de sabot sur les pavés blancs. Ils attendirent que les deux autres convois arrivent et mettent pied à terre avant de se diriger vers un escalier magistral en marbre blanc qui menait à la porte d’entrée principale. Ostara était émerveillée par tant de beauté, d’élégance, et de raffinement dans chaque pièce d’artisanat. Chaque porte, chaque fenêtre, chaque rampe, chaque lampe, tout était réalisé avec le goût le plus exquis et les matériaux les plus précieux.
Dans son village, rien de tout cela. Les maisons étaient en bois tout ce qu’il y avait de plus banal. On coupait des planches et on les assemblait. Quand on avait besoin de faire une barrière, c’étaient des rondins qu’on utilisait. Avec tous les séismes, on préférait construire léger, c’était plus facile à réparer ou à refaire. Les harnachements des chevaux de Midgard étaient sans fioritures, du bon cuir qu’ils tannaient eux-mêmes, des boucles forgées par leur soin. À Aimsir, les selles et les filets des chevaux étaient des œuvres d’art à ses yeux.
Perdue dans ses observations, elle ne remarqua pas que deux femmes s’approchaient d’elle.
- Bonjour !
Ostara sursauta. Elle dévisagea la jeune femme élancée aux yeux gris et perçants qui l’avait saluée. Cette dernière sembla amusée par sa réaction. Elle esquissa un sourire doux mais espiègle.
- Pardonne-moi, je ne voulais pas t’effrayer.
- Ce n’est rien, j’étais perdue dans mes pensées.
- Je m’appelle Judith Gaoth. Je suis la Mystique du Vent de Njord.
- Enchantée. Ostara Talamh, Mystique de la Terre de Midgard.
- Et je suis Elista Thintri, Mystique de l’Eau. Je suis venue de Glyphe avec mon père.
- Je suis ravie de faire votre connaissance.
Ostara était sincère. Elle se sentait un peu moins seule tout à coup. Les deux femmes devant elle semblaient très sympathiques, bien qu’impressionnantes par leur taille et leur charisme. Ostara n’était pas très grande, elle n’avait jamais eu la prétention d’être particulièrement jolie ou de dégager quoi que ce soit. Elle se trouvait assez banale, elle savait qu’on disait d’elle qu’elle avait de grandes dents et un nez droit et plutôt long qui la faisait ressembler à une jument, mais elle s’en fichait totalement. Elle était tout sauf superficielle. Elle ne souciait pas vraiment de ce que les autres pensaient, elle ne jalousait personne, pas même ces deux beautés, qui bien que différentes, se distinguaient clairement du commun des mortels. Elle songea qu’elle les aurait reconnues en tant que Mystiques sans même avoir eu besoin des présentations, notamment grâce à leurs armes, une lance et un espadon immenses qui leur scindaient le dos. Son arme sacrée était la Hache de la Terre, et bien qu’elle fût déjà lourde, il n’y avait aucun doute que ces deux armes-là étaient plus difficiles à manipuler, en particulier l’espadon, plus grand que sa porteuse. Impossible pour Elista de passer inaperçue, c’était une évidence.
Elles furent invitées à rentrer dans le hall majestueux aux larges fenêtres, au sol de marbre blanc étincelant, décoré de statues et de tableaux raffinés. La hauteur du plafond laissa Ostara sans voix.
Elles empruntèrent l’escalier et arrivèrent sur le palier où les attendait toute la famille royale dont elle connaissait à peine les noms. Elle ne pensait pas être impressionnée, mais ce fut pourtant le cas. Elle réalisa que son rôle avait une importance particulière, car peu de gens pouvaient se vanter d’être autorisés à approcher ainsi des têtes couronnées, encore moins de leur parler. Judith et Elista ne semblaient pas plus à l’aise qu’elle, ce qui la rassura. Elle ne serait pas la seule à avoir l’air gauche. Elle fut prise de panique quand elle se rendit compte qu’elle ne connaissait absolument pas les bonnes manières, ni aucune règle de bienséance applicable en présence de la royauté. Elle se contenta de sourire bêtement et de hocher la tête. La princesse Adelle se présenta, puis ce fut la Mystique de la Lumière, Myhrru Solas, qui la salua chaleureusement. Cette dernière laissa une très forte impression sur Ostara. Elle incarnait son élément à la perfection : elle était solaire, brûlante, forte, sans concessions. Ostara connaissait son parcours. Elle était célèbre dans tout le royaume pour la volonté dont elle avait fait preuve, ainsi que son ascension sans faute qui l’avait conduite à occuper un des postes les plus prisés des chevaliers. La jeune femme se demanda si elle aussi incarnait bien son élément. Probablement. Elle était plutôt effacée, tout comme la Terre sur laquelle on marche et qu’on remarque seulement quand elle se met à trembler. En voyant les autres Mystiques, elle commença à se demander pourquoi elle avait été choisie.
Une fois les présentations terminées, il fut enfin l’heure de commencer la cérémonie. Les Mystiques sortirent en premier, sous les acclamations et les applaudissements fournis. Vint ensuite la famille royale, les cris s’intensifièrent. Ariana salua son peuple d’un geste gracieux. Le sage entama son discours, qui sembla durer une éternité pour Ostara. Les gens parlaient-ils toujours pour ne rien dire à la cour ?
Enfin, Ariana fit une révérence élégante, afin que le sage du Temps dépose une couronne sublime sur sa tête. Elle était gravée de fines arabesques florales, dorées, dans une forme qui rappelait celle d’une tiare. Au centre, la pointe était magnifiée par un diamant extraordinaire, qui agissait comme un miroir du soleil. Ariana s’exprima à son tour après avoir prêté serment, remercia tous ceux qui s’étaient déplacés, et mis fin à la cérémonie. Les Mystiques furent invitées à se lever et s’avancer pour adresser un geste d’attention à la foule. Ostara obtempéra à contre-cœur. Elle fut prise de vertiges, elle n’était jamais montée plus haut que son toit, et c’était déjà trop pour elle. Les natifs de Midgard étaient pour le moins… Terre-à-terre. La vue de tous ces visages fixés sur elle et ses consœurs lui donnèrent la nausée, en plus d’être étourdie par le bruit. Elle s’efforça d’esquisser un sourire, mais il s’effaça lorsqu’elle aperçut, un peu en retrait de la foule, une silhouette noire encapuchonnée.
J'aime beaucoup cet univers et ce chapitre se lit facilement. Les descriptions sont fluides. Il me semble quelques fautes de temps mais rien qui gêne la lecture.
A bientôt
Je crois que je vais investir dans Antidote pour guetter les fautes parce que je crois que je ne vois pas tout malgré ma grande intolérance à ce sujet ^^"
J'apprécie ton retour en tout cas, merci. A bientôt !
Quand on parle des fautes...
Bon sang, j'ai adoré ! C'est hyper fluide.
"En grandissant, elle réalisait de plus en plus clairement que ses géniteurs étaient de braves idiots." J'adore !
Quelques petites fautes dans ton texte (genre "salua" à la place de "salut") mais vraiment trois fois rien.
Beaucoup moins d'informations au début, c'est bien plus facile à suivre. Bravo !
Il faudrait remanier ton dialogue aussi parce qu'on ne comprend pas qui parle, ça manque de contexte et le dialogue n'apporte finalement pas grand-chose. On n'y découvre pas de nouvelles infos.
À bientôt !
Audrey
Concernant le dialogue il sert juste à introduire les personnages, mais ton commentaire m'a donné d'autres idées pour le faire donc je vais y réfléchir.
Et merci pour les fautes, je suis très à cheval dessus mais au niveau de la conjugaison et de la concordance des temps je m'arrache parfois les cheveux, les cours de français sont bien loin 😅
J'espère que la suite va continuer à te plaire 😊
J'aime beaucoup l'histoire en tout cas. Tu as déjà tout écrit ?