Chapitre 3 La visite de Duvet

- Ah mes amis, quelle joie de vous voir !

Duvet entra chez Plume comme elle entrait dans chaque endroit qu’elle visitait, de façon conquérante et sûre de son droit. La jeune dragonne avait grandi dans la gloire de sa famille, dont les membres étaient maires du village depuis au moins 4 générations. Depuis la création de cette enclave, la maison des Llort était devenue par la force des choses une sorte d’hôtel de ville. Plume essayait d’y aller le moins souvent possible car il y avait toujours beaucoup de monde, de bruits et de Llort.

- Flamme je suis contente de te trouver ici. Il y a eu un problème de voisinage pas loin de l’accès Nord, et vu les familles impliquées tu es le seul de ma garde qui n’a pas d’intérêt dans l’histoire. Tous mes autres gardes sont cousins avec l’une ou l’autre des familles qui se disputent pour une drôle d’histoire de brouette disparue. C’est devenu assez urgent, je t’avoue que l’on te cherche depuis ce matin, surtout qu’une des femelles impliquées dans l’histoire a essayé de déraciner un arbre de ses voisins.

Flamme réprima un sourire amusé, puis jeta un regard vers Plume, qui fixait sa tasse de thé pour éviter de le fusiller du regard devant témoin. Flamme haussa les épaules, fit un salut à Duvet, en répondant “Bien Mairesse” et sortit de chez Plume pour aller vers la zone du village que lui avait désigné Duvet.

La mairesse commença par faire un saut dans la cuisine pour attraper une tasse, et se servir un thé à la bouilloire préparée par Flamme. Plume bouillonnait lui aussi intérieurement, mais il ne tenait pas à lancer la conversation. Il avait très bien compris les manœuvres de Duvet. Le fait d’éloigner Flamme pour pouvoir parler seule à seul avec Plume, et sa façon de prendre possession des lieux, étaient des manœuvres évidentes aux yeux du jeune dragon, des actes aussi transparents que des cristaux polis.

Comprenant que Plume ne mordrait à aucune de ses perches, Duvet vint s’asseoir en face de lui, de l’autre côté de sa massive table en bois. Une table que sa mère avait ramené quand il était encore bébé, d’un lieu qu’elle avait toujours gardé secret. Personne d’autre au village ne possédait de mobilier humain.

- Alors Plume, comment te portes-tu? demanda Duvet en le regardant des pieds à la tête. Tout le monde s’est inquiété pour toi cet hiver, tu as été la victime la plus touchée par la grippe du solstice. J’ai même pensé qu’il allait falloir te trouver ton propre guérisseur.

- Je ne mérite pas tant d’égard, et encore moins toute cette sollicitude.

Le regard moqueur que Duvet lui porta lui rappela qu’il devait surveiller son langage. Plume prit une longue gorgée de thé pour se redonner des forces, puis reposa sa tasse sur la table.

- Toi et moi, on se connaît depuis assez longtemps pour savoir qu’aucun de nous deux ne prend plaisir à cet échange. Alors arrête de tourner autour du pot et dis-moi ce qui t’amène chez moi.

Duvet tenta de boire à son tour une gorgée de thé, mais elle fit vite la grimace avant de reposer sa propre tasse.

- Ce thé est aussi bizarre que toi, tu sais. Même si je n’aime pas le thé en général, celui-ci est vraiment imbuvable.

- J’adore quand ton masque d’hypocrisie tombe, j’ai l’impression de me retrouver de nouveau dos à un arbre dans la cour de notre école, avec toi qui en profite pour m’insulter devant tes copines.

Duvet éclata de rire.

- Oui, une époque plus simple pour moi. Où pour obtenir tes services j’avais seulement à te menacer et à éviter de me faire voir par Flamme. Mais assez plaisanté, et on a déjà eu une conversation pour régler ces problèmes de gamins. Effectivement tu as bien compris que je ne suis pas venue te voir par plaisir. Flamme a du te dire que la famille de ma sœur avait été relogée dans l’ancienne maison de Souche. Et bien c’est à cause de ça que je viens te voir.

Duvet se redressa sur sa chaise pour bien se mettre en face de Plume avant de continuer à parler.

- Comme tu le sais sans doute, ma sœur faisait partie de la délégation des dix ans dans l’enclave des lacs. Pendant la cérémonie des prétendants, elle y a trouvé son nouveau compagnon.

- Oui, Flamme m’en a parlé. Et il est arrivé seul ou sa famille a choisi de faire le voyage d’adieu ?

- Ils ont choisi le voyage, et ils étaient assez nombreux. D’ailleurs pendant l’aménagement du jeune couple, la grand-mère, une très vieille dragonne, m’a racontée une drôle d’histoire.

Plume entendait rarement parler de la région d’origine de sa mère. Brume en parlait peu et il ne connaissait aucun membre de sa famille. Ni de celle de son père non plus d’ailleurs. Brume était arrivée au village quand elle était adolescente, déjà enceinte de Plume. Jamais elle n’avait reparlé de ses origines, ou du père de Plume.

Plume avait appris son bout d’histoire personnelle le jour où il avait pris une maison en partant de chez Souche. Elle lui avait appris le peu qu’elle savait autour de l’arrivée de Brume au village, et comment ils avaient vécu après sa naissance. L’enclave des lacs était trop loin, et Plume trop peu aventurier pour partir faire un voyage à la recherche de ses origines. Son seul véritable héritage se résumait au grimoire de sa mère, et à ce qu’elle lui avait transmis sur ses connaissances en magie, et cela lui avait toujours suffit. Jusqu’à aujourd’hui.

- Je t’écoute, dit Plume à Duvet en essayant de ne pas montrer son excitation.

- Je savais que cela te rendrait curieux! Tu vas peut-être même tellement apprécié ce que je vais te raconter que tu vas enfin comprendre que je ne suis plus l’affreuse gamine qui te harcelait à l’école.

- Ne mets pas la barre trop haut, les miracles ça ne court pas les rues.

- Laisse-moi parler, tu pourrais être étonné.

Duvet lui fit alors le récit de l’histoire que lui avait raconté la vieille dragonne.

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