Chapitre 3 – Le blessé
Il pleuvait à verse dans le jardin du prieuré, ce jour-là. Une boue collante avait remplacé la jolie terre fine entre les carrés de potager amoureusement entretenus par les sœurs Ursulines. Des souliers de cuir souple qui furent un temps robustes, dé-cloutés par endroits, sous une robe et une cape de serge noire s’affairaient près d’un carré de valériane, faisant fi des intempéries. Un panier d’osier posé tout près, la jeune converse, serpette en main, coupait délicatement quelques tiges et autres fleurs médicinales. Tout en chantonnant pour elle-même un petit cantique guilleret, la religieuse déplaçait son panier de carré en carré, courbée en avant, dissimulée sous une grande capuche, glanant ici et là, passiflore, camomille, verveine, thym et autre romarin qu’elle préparerait en infusion afin de calmer les esprits déprimés ou énervés. Peu lui importait qu’il pleuve ou non. Elle aimait venir dans ce jardin, se pencher sur cette terre fertile et généreuse, cueillir les fruits de son labeur comme autant de récompenses à ses efforts. Octobre pleurait son ciel gris et bas, mais le cœur de sœur Mathilde était toujours en joie par tous les temps. Servir Dieu tout en servant la terre ; prier le Seigneur et ensemencer le sol, nourrir son prochain, comme implorer Sa Clémence, elle ne demandait rien de plus que de participer à cette grâce et en percevoir les fruits. Elle se sentait riche des présents que son Seigneur lui accordait, même au prix de souffrances physiques, parfois, et cela comblait ses aspirations. Seule, dans le jardin détrempé par la pluie, elle communiait avec les éléments aussi allègrement qu’elle confiait à Dieu tout l’amour qu’elle avait dans le cœur. Sœur Mathilde était heureuse.
Lorsqu’elle rentra à l’intérieur, sœur Béatrice s’empressa auprès d’elle :
- Sœur Mathilde, vous êtes sortie par ce temps, mais vous allez attraper la mort ! lui reprocha sa consœur en la voyant entrer ruisselante de pluie, son panier de plantes sous le bras. Vous savez bien que notre Mère ne nous donnera aucun change, dussions-nous aller nues dans le froid...
- Pourquoi devrais-je attraper la mort alors que notre Seigneur est si généreux avec nous ? interrogea sœur Mathilde un sourire lumineux affiché sur son visage lisse et harmonieux en rabattant le capuchon de sa cape.
Comme à chaque fois qu’elle revenait du jardin, il y en avait une pour museler sa joie et sa bonne humeur. La légèreté qu’elle éprouvait à soigner ses plantes se voyaient lestée de plomb sitôt revenue dans sa cuisine où il se trouvait toujours une consœur acariâtre, frustrée ou jalouse pour lui jeter au visage des reproches qu’elle estimait injustifiés. Pas un cheveu ne dépassait du bandeau blanc qui entourait la tête de la jeune cuisinière et sa guimpe immaculée lui enserrant les épaules. Seule une paire d’yeux gris pailletés d’or sur un visage ovale égaillait l’austérité de son vêtement. Elle était heureuse et, comme à chaque fois qu’elle éprouvait du bonheur, elle dû le renvoyer bien au fond d’elle-même et effacer de son visage cette expression béate qui attisait tant d’inimitié. Sœur Béatrice, sœur de chœur, elle, et plus âgée, lui était supérieure en hiérarchie. Elle vouait sa vie à la prière et se faisait un devoir de militer ardemment auprès de ses inférieures de la rejoindre dans la pénitence. Son rôle de zélatrice lui donnait toute autorité pour parvenir à ce que l’amende soit payée, et elle entendait bien le faire à sa manière.
- Je ne sais pas comment vous faites pour apprécier de telles intempéries, ma sœur, fit sœur Béatrice en accompagnant ses pas énergiques jusqu’au foyer, je voudrais avoir votre enthousiasme, mais je crains de manquer de foi envers mère nature.
- Vous avez tort, ma chère, répliqua la voix qui se voulait encore enjouée de sœur Mathilde en posant le panier sur la grande table de chêne massif. Dieu a créé mère nature pour nourrir notre foi et regardez ce qu’elle nous offre ; des plantes pour la santé de notre corps et la pluie pour les nourrir. N’est-ce pas merveilleux ? Dieu est généreux avec nous. Sachons le remercier pour tout ses bienfaits.
- Vous avez peut-être raison sur ce point, ma sœur, concéda sœur Béatrice un rien pincée par l’à-propos de la converse. Mais, notre corps n’est-il pas le vil support de notre âme ?
- Il l’est, sœur Béatrice, fit l’autre, perdant peu à peu son visage détendu. Mais, sans lui, nous ne connaîtrions pas le sacrifice qui nous rapproche de Dieu… Rappelez vous notre Seigneur Jésus-Christ, mort sur la croix pour nous…
Elle étala délicatement sa cueillette sur la table.
- … et un sacrifice adouci par un corps en bonne santé, c’est toujours mieux qu’un corps de douleur, poursuivit-elle doctement. Je sais que d’autres préféreraient porter le cilice à longueur de temps et jeûner que d’apprécier Dieu à travers les saveurs que nous offre Sa création. Moi, j’ai choisi. Je préfère offrir les vertus bénéfiques de ces plantes aux souffrants, ainsi, mon âme s’en trouve élevée.
- Vous êtes une âme généreuse, sœur Mathilde, admit la sœur de chœur. Mais j’aimerai vous voir faire preuve de modestie et vous soumettre plus souvent à la contrition. Vous aurez tout le temps d’user de vos chères plantes quand votre corps saignera abondamment et vous suppliera de rendre grâce.
Sœur Béatrice ne perdait pas une miette de l’effet de ses paroles sur la converse. Sœur Mathilde avait perdu son sourire lumineux et retenait difficilement le tremblement de ses mains qui triaient les plantes sur la table. Elle sentait sur elle le regard sadique de la zélatrice qui cherchait les traces du dernier supplice qu’elle lui avait imposé. En effet, c’était elle qui faisait appliquer à la lettre les actes de contrition convenus avec la mère supérieure. C’était elle qui vérifiait que le cilice était bien enfilé. C’était elle aussi, si nécessaire, qui vêtait de force les récalcitrantes de ces habits de crin et de pointes meurtrissantes. Son corps ne le savait que trop. Avant que la sœur de chœur ne s’avançât vers elle pour vérifier ses dires, sœur Mathilde s’échappa vers le puits pour en tirer de l’eau fraîche et la versa dans la marmite suspendue dans l’âtre où rougeoyaient les braises. Elle resta là en attendant que l’eau bout et en espérant que sa supérieure l’abandonnerai là sans la harceler de soupçons. C’était peine perdue.
- J’espère que le vôtre est bien resté en place, ma chère, sinon, je me verrai obligée de sévir une nouvelle fois, soupçonna la voix grinçante de sœur Béatrice derrière elle.
- Je puis vous assurer que j’ai observé la règle comme il se doit, certifia sœur Mathilde en retenant difficilement la boule dans sa gorge qui faisait trembler sa voix.
- J’aimerai m’en assurer...
Et, sans aucune forme de politesse, la zélatrice enfila une main ferme sous ses jupes de serge et tâta l’intimité de la cuisinière avec brutalité. La jeune femme étouffa un cri lorsque sa consœur promena ses doigts froids et nerveux sur les plaies sanglantes de son entre-cuisse. Le dernier cilice, volontairement disparu, avait eu le temps de faire son œuvre. Sœur Béatrice se redressa soudain. Un silence furibond lui raidissait le corps pendant que les jupes occultèrent de nouveau le forfait. Ses yeux braqués sur le dos tremblant de la jeune converse, elle se retenait de l’envoyer valser dans les braises pour l’outrage manifeste au règlement.
- Où l’avez-vous mis ? éructa la zélatrice, hors d’elle.
La jeune femme resta figée face au foyer, prenant conscience qu’elle paierai cher ce qu’elle estimait être son droit au bonheur. Sa supérieur ne lui ferai désormais aucun cadeau et il allait être difficile d’échapper à la prochaine punition. Elle n’eut pas la force de répondre.
- Il vous en coûtera cher de ne pas avoir gardé votre cilice, poursuivit-elle avec une telle perversité dans la voix que sœur Mathilde fut parcourue d’un frisson glacé malgré le feu de la cheminée. Je vais me faire un plaisir de vous poser le prochain moi-même et je vous ferai passer l’envie de le faire disparaître ! Ce soir, après le dîner, je vous veux dans ma cellule, soumise et consentante. C’est un ordre !
La cloche des vêpres se mit à sonner. Dans le couvent, un froufrou à peine chuchoté se déplaça jusqu’à la chapelle. Les sœurs de chœur s’en allaient prier. Sœur Béatrice devait répondre à l’appel et sortit de la cuisine à grandes enjambées, retenant difficilement la fureur qui l’avait envahie. Cette jeune libertine ne perdait rien pour attendre ; il lui en coûterai d’avoir désobéi, assurément ! Sœur Mathilde fut enfin seule devant son âtre. Un soulagement lui échappa si puissant que son souffle fit danser la fumée au-dessus de la marmite.
Les sœurs converses, elles, dites les « tantes » pour leurs pensionnaires, firent mettre à genoux et mains jointes pour leurs prières. La cuisinière restait de corvée de repas ce soir et elle devaient se contenter d’une génuflexion devant le christ suspendu au-dessus de la chaire de la salle à manger. Pendant que résonnaient quelques cantiques entonnés au loin, la cuisinière se mit au travail. Légumes à éplucher et mettre un autre chaudron d’eau à bouillir. La cheminée monumentale qui ornait le mur Nord de la cuisine était l’antre de sœur Mathilde. Son foyer se trouvait là, au propre comme au figuré. Elle y exprimait sa foi avec toute la ferveur dont elle était capable. Sa ferveur bien à elle, qui lui criait que son corps n’avait pas à tant souffrir pour mériter l’indulgence du Seigneur. Mais, son secret dévoilé, elle allait devoir de nouveau subir le zèle sadique de sa supérieure. Elle ne voyait pas comment y échapper. À moins de feindre l’indigestion... ou quelque chose comme ça.
Un brouet d’orge. Le repas quotidien des religieuses. D’aucun pourrait froncer le nez et lever les yeux au ciel pour une nourriture aussi peu avenante, mais avec le savoir-faire de sœur Mathilde, ce plat prenait soudain des allures goûteuses et nourrissantes. Tout le cœur et la foi qu’elle mettait dans son labeur se sentaient sous le palais comme un regain de vitalité et de plaisir. Ce n’était pas sans créer quelques grincement de dents au sein de la communauté, d’ailleurs. Certaines eussent préféré ne rien ressentir en mangeant, estimant qu’il était inconvenant au regard du Christ d’éprouver un quelconque plaisir de quelque manière que ce soit. On se devait de rester modeste et pauvre. D’autres, au contraire, appréciaient en secret et encourageaient sœur Mathilde du regard, leur écuelle résolument vide et un sourire enchanté aux lèvres. Ce n’était pas sans indifférer la concernée, mais, après tout, peu importait le résultat. La joie qu’elle éprouvait dans sa tâche la comblait amplement. Elle n’était pas soucieuse de convertir toute la communauté à sa vision de la chose. Il était certaines disciplines imposées par les dogmes que l’on pouvait difficilement remettre en question, comme le jeûne par exemple, ou le repas en silence. Les actes de contrition comportaient certaines vertus, mais sœur Mathilde avait le plaisir comme guide et elle préférait éprouver le sacrifice dans un autre domaine que celui de la nourriture, quitte à se laver de ses péchés par ailleurs. Bien que ceux-ci, désormais, risquaient de lui faire vivre des moments très douloureux.
Pour l’heure, elle se mit à concasser les grains d’orge, pierre contre pierre, patiemment. Assise dans la cheminée monumentale sur un petit tabouret de bois, face à une grosse pierre plate polie, légèrement creuse, elle broyait la céréale à l’aide d’une autre pierre polie, elle aussi, calibrée parfaitement au creux de la grande pierre. Chaque poignée d’orge, ainsi écrasée, était jetée dans le chaudron d’eau bouillante, sur le feu, tout près d’elle. Et ainsi de suite, jusqu’à ce que le bouillon épaississe légèrement. Ensuite, c’était le tour des légumes d’être coupés en morceaux et plongés à la suite dans le récipient pour mijoter doucement. Ce qui faisait surtout la saveur incomparable de ce brouet, c’était son trésor qu’elle conservait bien à l’abri, tant des regards concupiscents que de l’humidité ; son bloc de sel. Une denrée extrêmement précieuse qu’elle s’était procuré grâce à la complicité de Firmin, l’homme à tout faire du couvent. Il était difficile d’avouer comment il s’y était pris pour l’obtenir. Aussi, ferma-t-elle les yeux sur sa filouterie tant cette denrée providentielle réputait sa cuisine plus savoureuse. Un troc pas catholique, elle en mettrait sa main à couper… Elle en cassa donc un tout petit morceau qu’elle broyait sur la pierre et qu’elle jeta dans le chaudron. Quelques tours de louche amoureusement donnés et la nonne posa le couvercle de fonte sur le fumet naissant. Il ne restait plus qu’à patienter jusqu’à la fin des vêpres et il serait cuit.
Ce soir-là, il n’y avait pas de viande. Elle était plutôt rare, en général. Et parfois même, il manquait de tout. Les récoltes étaient souvent maigres et les bouches à nourrir ne réduisaient pas. Mais, quand Firmin revenait de chasse avec un lièvre, des passereaux ou, plus rarement, avec un faisan, elle ne se faisait pas prier pour changer le menu. Et si d’aventure il avait troqué un lapin contre un morceau de lard au village, c’était toujours ça à rajouter dans la marmite. Il y avait une basse-cour au couvent, mais elle n’était pas conséquente au point de tuer plusieurs poules par jour. Et elles faisaient des œufs. Quant au coq, il leur servait de réveil matin autant que de géniteur. C’eût été bien contrariant de se passer de pendule même pour un merveilleux coq au vin. On tuait deux agneaux pour Pâques et une dinde à Noël. Occasionnellement, certains dimanches, on améliorait l’ordinaire avec une viande. Et lorsque le porc était suffisamment gras, Firmin se chargeait avec sœur Mathilde et d’autres de lui régler son sort avec un signe de croix en respect pour sa vie donnée généreusement.
Les sœurs converses, elles, s’occupaient d’une partie de l’éducation des jeunes filles, pensionnaires et externes, de l’assistance aux miséreux du village ainsi que des vastes tâches de l’intendance du couvent. Elles devaient servir la communauté autant qu’elle vouait leur vie à Dieu. Une fois les vêpres terminées, sœur Martine et sœur Véronique les accompagnèrent pour la dernière prière du soir avant le souper et le coucher. Sous son voile noir, sœur Véronique affichait les cernes de plusieurs journées harassantes. Le poids de vingt ans au service de Dieu pesait sur son corps que la quinzaine de jeunes enfants énergiques ne ménageaient pas. Loin d’elle l’idée de s’en plaindre. C’était même un plaisir d’expier ses péchés en sacrifiant sa fatigue au service des autres. Quant à sœur Martine, elle était novice. Admirative d’autant de dévotion, elle suivait les pas de son aînée comme son ombre. La mère supérieure lui avait annoncé récemment qu’elle prendrait l’habit dans un mois. Elle redoublait donc de zèle. Sous son voile blanc et sa guimpe, elle affichait le sourire béat d’une dévote sur le visage rond à la peau ingrate de ses quinze ans. Petite, on la distinguait à peine des jeunes pensionnaires en blouses blanches. Seul son maintien impeccable dans sa robe de novice pouvait la repérer parmi les rangs animés et chuchotants.
Sœur Véronique ouvrit lentement la porte de la pièce de prières réservée aux jeunes filles et s’effaça pour laisser entrer les froissements de robes, les souliers traînants et sautillants. Sœur Martine ferma l’entrée derrière le dernier talon. Les enfants dissipées mettaient du temps à s’installer chacune à leur prie-Dieu.
- Mesdemoiselles, veuillez cesser vos divertissements ! ordonna sœur Véronique d’une voix rocailleuse qui ne souffrait pas la contradiction. Agenouillez vous rapidement et prenez votre rosaire. Allez ! …
Les demoiselles s’exécutèrent, étouffant prestement leurs chuchotis, non sans se glisser les unes aux autres des coups d’œil espiègles. Consciencieuse et zélée, sœur Martine se penchait sur les plus tête-en-l’air et les encourageait en leur soufflant à l’oreille les paroles à réciter des mots de Notre Seigneur en égrenant les perles du rosaire. Pendant que sœur Véronique arpentait les rangées, les doigts entrelacés devant la poitrine, scrutant les têtes blondes et brunes, forçant certaines à courber le dos et la tête en signe d’humilité. Il n’était pas question qu’elles rêvassent le nez en l’air.
À l’autre bout du couvent, sœur Marie s’apprêtait à la sortie des externes. Elle était portière. Armée de son important trousseau de clés tintant tout près de son chapelet à la ceinture, elle assurait bien malgré elle les passages et la bonne fermeture de chaque porte. Que ce soit pour les visites aux parloirs, les venues du Père Benoît pour les confessions, le garde-manger et les greniers, les accès aux cellules et aux caves, ainsi que la sacristie et la salle capitulaire, tout devait être scrupuleusement fermé. Deux ans qu’elle était novice au sein du couvent des Ursulines et rien ne la faisait encore changer d’avis ; elle n’avait pas sa place ici. Tout l’ennuyait et lui démontrait combien la vie en communauté auprès de Dieu n’était pas faite pour elle. Contrainte par ses parents de prendre l’habit parce qu’elle était la petite dernière et qu’il était de bon ton qu’une grande famille bourgeoise ait un membre au sein du corps ecclésiastique, elle avait dû se plier à la tradition familiale. Et comme elle était issue d’une fratrie entièrement féminine, faute de compter un curé ou un évêque, on aurait une nonne. C’était dit. Et il était hors de question de contredire les décisions parentales. Sœur Marie avait vingt et un an. Tout juste la majorité. Elle s’était juré que, lors de la vêture, elle crierait haut et fort son refus. Elle voulait trouver un bon parti et se marier, avoir des enfants. Toutes ces disciplines lui donnaient la nausée.
La clé tourna dans la serrure. Elle actionna le levier et tira la lourde porte. Une flopée de gamines en tabliers blancs s’engouffra dans la cour extérieure avec des « Bonsoir, sœur Marie ! » enjoués. « À demain, sœur Marie ! », disait une autre. Elle les regardait sortir en faisant un signe de salut d’une inclinaison de la tête, le visage fermé. La dernière petite fille la regarda avec de tristes yeux brillants, serrant dans sa petite main une grosse mèche de cheveux bruns. On venait visiblement de lui faire une tignasse courte. Humiliation, punition ou vengeance entre filles, sœur Marie n’aurait su le dire. Mais, cela ne faisait que renforcer sa conviction ; cet endroit sentait le secret et la malignité. Sous ses apparences de vertu, le couvent s’enduisait de rancœurs et de frustrations. La dévotion des unes suffirait-elle à consoler les sceptiques et les réfractaires ? La portière coula une mine compatissante à la petite échevelée et sitôt que celle-ci eut franchi la porte d’un pas traînant, elle la ferma derrière elle avec une grosse boule dans la gorge. Elle n’était pas la seule à être malheureuse, ici. Cela ne faisait que la convaincre un peu plus qu’elle avait raison d’envisager une autre vie que celle du couvent.
La cloche du réfectoire se mit à sonner. On servait d’abord la soupe des pensionnaires dans leurs quartiers. Ensuite, ce serait le tour des religieuses. Sœur Mathilde s’activait. Un chaudron pour les pensionnaires fut emporté entre deux converses, suspendu par une grande barre de bois, muni d’un cran creusé dedans afin de loger l’anse et lui éviter de glisser. Ainsi, elles assuraient le transport sans danger. La cuisinière remplissait les écuelles. Sœur Angèle, une autre converse, les portait au fur et à mesure sur les tables en silence. Lorsqu’elle revint chercher une autre écuelle près de l’âtre, elle se pencha sur sa consœur et se mit à parler tout bas.
- Avez-vous su, ma sœur ? s’enquit la converse en lui prenant l’écuelle de la main. …ce qui est arrivé à la petite Simone ?
- Non, quoi ? s’intrigua sœur Mathilde.
- C’était dans la salle des disciplines, expliqua-t-elle. La petite a semblé prendre au pied de la lettre quelque parole dite par sœur Véronique et, pour d’obscures raisons, elle s’est saisie d’une paire de ciseaux et a taillé ses jolis cheveux bruns.
- Oh ! Serait-elle possédée par quelque démon ? interrogea la cuisinière, intriguée.
- C’est inquiétant, assurément, admit sœur Angèle le regard inquiet surveillant l’entrée du réfectoire. Je n’ose imaginer, si c’était le cas, quelles souffrances elle doit endurer. Il semble que quelques enfants soient rebelles et ne trouvent pas de répit pour leur âme. Ce n’est pas la première à qui cela arrive...
- Peut-être devrais-je ajouter quelques plantes dans la soupe pour apaiser leurs tourments, suggéra sœur Mathilde pour elle-même le regard abîmé dans une profonde réflexion, la louche trempée dans la marmite.
Sœur Angèle partit déposer l’écuelle sur la table et revint en pressant le pas pour poursuivre ses messes-basses.
- Je ne sais ni quoi faire, ni quoi en penser non plus. Et c’est d’autant plus inquiétant, ajouta sœur Angèle, que même au sein de notre habit, la rébellion couve…
Sœur Mathilde suspendit sa louche brusquement entre le chaudron et la prochaine écuelle, versant un peu de soupe par terre.
- Vous voulez dire… parmi nous ? … s’inquiéta-t-elle soudain. Certaines sont envoûtées par le …
- Non ! Non, non !… la rassura sœur Angèle. Je ne voulais pas dire que le diable s’insinue… quoique… je ne sais… finalement… tout cela est si inquiétant. Peut-être est-ce juste un doute, rien de plus. Si le Malin s’introduisait dans notre communauté… oh, mon Dieu !
Elle se signa très rapidement, trois fois, le regard inquiet.
Sœur Mathilde ne le savait que trop bien ; le Diable était dans les cœurs de certaines. Pour elle, cela ne faisait aucun doute. Sœur Angèle était très jeune et naïve. Elle buvait les paroles dites dans les pièces du couvent comme paroles d’Evangile. Elle acceptait toutes les disciplines avec ferveur. Elle ne pouvait soupçonner encore les vicissitudes des plus aguerries. Sans parler de la mère supérieure... Évidemment, la cuisinière avait appris à distinguer les ragots de la véritable foi. Cela ne l’empêchait pourtant pas d’être à l’abri des méchancetés de toute sorte. C’était pour cela qu’elle se taisait, qu’elle faisait semblant et qu’elle tentait de garder l’air serein. Elle savait le pouvoir de la nourriture capable de bien des prouesses pour soulager les rancœurs. Mais elle savait aussi quelles sournoises intentions cachaient certaines pour asseoir un tant soit peu de pouvoir sur les autres. Et cela, toutes les plantes du monde, toutes les soupes du pays n’y pourront rien. Elle faisait comme si de rien était et, ainsi, espérait se protéger au maximum.
Les nonnes arrivèrent les unes après les autres dans le réfectoire. En silence, elles rejoignirent chacune leur place à table. En silence, la mère supérieure fit son apparition, courbée par le poids des ans et présida la tablée. En silence, elle autorisa le début du souper. On fit son signe de croix et on récita le bénédicité. Puis, on n’entendit plus que le bruit des cuillères plongeant dans la soupe. Sœur Marthe, une sœur de chœur, juchée sur la chaire, entama la lecture d’une Evangile.
Sur les visages se lisaient toutes sortes d’expressions. Cela allait de l’impassible et immuable conviction de sœur Dominique, qui mangeait sa soupe à un rythme de métronome bien réglé, à la nerveuse sœur Appoline dont les yeux ne cessaient de danser d’un visage à l’autre tout en enfournant ses cuillerées, cherchant une hypothétique réponse à ses inquiétudes muettes. Sœur Béatrice écoutait consciencieusement, le visage dur, la voix de la lectrice. Sœur Mathilde guettait avec curiosité une réaction sur le goût de sa soupe. Sœur Marie, quant à elle, trouvait quelque répit dans ce silence imposé. Elle n’écoutait rien de ce qui était lu et préférait se concentrer sur ce qu’elle mangeait. Tremblotante, la mère supérieure accusait l’âge canonique de soixante-dix ans. Sous son voile, la peau fripée de son visage marquait une ride boudeuse au coin des lèvres. Son corps marquait la rigueur dogmatique et son expression n’envisageait pas la moindre plaisanterie. Lorsque la soupe fut terminée, ses yeux encore vigilants et scrutateurs lancèrent à sœur Mathilde le signal pour apporter le pain et le fromage. La boulangère, sœur Justine, trancha les miches qu’elle avait cuites ce matin même. Le fromage était frais. Il avait été fait avec le lait des trois vaches que comptait la basse-cour. Il y avait aussi le fromage de chèvre, plus affiné, qui provenait du lait des chèvres du couvent. Une partie des céréales était du grenier ; la communauté vivait presque en autarcie. Les portions étaient petites. Elles se savaient en sursit car les réserves ne suffisaient souvent pas pour nourrir tout le monde durant l’année. L’été avait été chaud et fertile, mais une maladie du blé avaient entamé sérieusement les grains sains. Il fallait rationner et surveiller le grenier que les charançons ne l’attaquent pas. La richesse d’un couvent se faisait par le biais d’une riche aspirante à prendre l’habit. On ne pouvait qu’espérer qu’une dot conséquente arrive et arrange les affaires de l’intendance... Le souper restait un repas frugal. Les religieuses devaient faire preuve de pauvreté et de modestie. Un repas durant lequel la faim était entièrement satisfaite aurait été inconvenant. Ainsi, le sort en était jeté ; le Seigneur pourvoyait justement à ses brebis.
Mère Augustine de l’Enfant Jésus, de son nom, se leva et donna le signal de la fin du repas. Toutes sortirent dans les chuchotements des souliers sur le sol de pierres, sauf les converses de service. Elles rejoindraient le groupe à la chapelle pour les dernières prières du soir. Propos d’amendements, actes de contrition, actions de grâce, rien n’était oublié pour se rappeler à Dieu. Les prières s’enchaînèrent dans l’humilité la plus totale ; de profundis, acte d’adoration, litanies à la Sainte-Vierge, Pater, Ave Maria, Credo, Confiteor, In Manus Tuas. Sœur Marie, la portière, bouillait à l’intérieur d’elle-même. Elle sentait la nausée gâter le repas dans son estomac. Elle priait jusqu’à l’écœurement.
L’heure du coucher était venue. À la sortie de la chapelle, les religieuses s’égaillèrent chacune vers sa cellule en se souhaitant la bonne nuit. Sœur Mathilde voulut rejoindre sa cuisine afin d’alimenter de nouveau le foyer pour la nuit mais elle n’en eut pas le temps. La poigne de la zélatrice la retint par le bras.
- J’espère que vous n’avez pas oublié votre devoir de contrition, ma chère, lui chuchota-t-elle à l’oreille les dents serrées.
- Comment pourrais-je l’oublier ? répondit la cuisinière d’une voix blanche.
Et elle l’entraîna jusqu’à sa cellule, faisant mine de se souhaiter le bonsoir. La porte refermée sur les deux nonnes dans l’intime pièce austère, identique à la sienne, la zélatrice darda son regard inquisiteur sur la cuisinière. Les yeux gris craintifs de la jeune converse pouvaient lire dans ses prunelles noires l’implacable détermination à faire appliquer la règle ; Dieu attendait de ses brebis humilité et souffrance. Cette petite cuisinière à l’esprit libre ne pouvait se permettre de désobéir au dogme et elle allait le lui faire entrer dans la chair une nouvelle fois. Continuant d’étudier sévèrement sa consœur, sœur Béatrice fit deux pas en arrière.
- Je n’ai pas besoin de vous expliquer de nouveau le bienfondé des vertus du cilice, sœur Mathilde, commença la zélatrice en ouvrant un placard mural pour y sortir un nouvel objet de torture. Vous savez que je prend ma fonction très à cœur et que je tiens à ce que le zèle de chacune soit observé scrupuleusement. Vous deviez porter le vôtre jusqu’à la nouvelle lune, or, vous l’avez retiré bien avant et j’en déduis donc que vous vous permettez des plaisirs secrets en dehors de mon assentiment. Je ne peux tolérer un tel comportement.
- C’est faux ! protesta sœur Mathilde, crispée au milieu de la pièce.
- Osez m’avouer que vous prenez plaisir avec l’une d’entre elles, soupçonna-t-elle d’une voix doucereuse en s’approchant d’elle comme un chat. Je savais que vous étiez du genre à aimer ça, vilaine fille... vous ne repousseriez pas une caresse si elle vous était donnée d’un tendre doigt. J’en suis sûre.
- Non, c’est faux ! Je ne suis pas de celles-ci.
- Allons bon. Et de laquelle êtes-vous, alors ? rôda-t-elle autour d’elle. L’une de celles qui prend plaisir seule ? ... la faute ne semble pas vous mortifier, puisque vous parvenez à transgresser vos contritions.
- Je... je ne l’ai pas fait pour ça, je le jure...
- Alors, vous avouez prendre plaisir... Et vous jureriez devant Dieu que vous l’avez fait juste en pure bonne foi ? railla la zélatrice avec un sourire moqueur. Allons, allons. Je vous connais... je connais les filles dans votre genre, prêtes à abandonner leur crainte de Dieu pour un petit plaisir... Je le sais... je le vois dans vos yeux.
La cuisinière lui aurait bien jeté à la figure ce qu’elle pensait de sa perversité, mais elle savait que ce serait peine perdue. Sœur Béatrice agissait de sa propre initiative et elle la connaissait suffisamment pour savoir que, si elle ne répondait pas à ses exigences, elle irait informer la mère supérieure à sa manière. Là, le supplice serait décuplé. Elle était du genre à accuser de tous les défauts ce que elle-même faisait sans même se l’avouer. Elle transpirait le plaisir malsain de faire souffrir l’autre, juste pour son propre compte et elle justifiait ses actes en certifiant que Dieu le voulait ainsi. Elle se retranchait derrière son rôle de zélatrice pour exercer sur elle et les plus faibles un ascendant pervers et tout personnel. Sœur Mathilde n’était pas dupe. Mais elle pouvait difficilement échapper à son emprise. Si elle se rebellait, elle savait la punition plus sévère encore. Elle n’avait pas le choix. Elle devait serrer les dents et renfiler le cilice sans rien dire. Se voir privée de sa cuisine pour vivre plusieurs jours enfermée dans sa cellule avec une eau croupie et sans nourriture lui était insupportable, inconcevable, pas du tout envisageable.
La zélatrice lui ouvrit le cilice face à elle avec détermination.
- Soulevez vos jupes et écartez les jambes, ordonna-t-elle.
Elle s’exécuta en silence. Soumise. Devenue aveugle sous le serge qu’elle tenait à hauteur de son visage, elle sentait, tout comme les horribles piquants de l’instrument, ses doigts froids qui s’attardait sur son intimité déjà blessée. Cette perverse en profitait pour s’amuser et prenait tout son temps pour placer les tressages de crins dardés de pointes de fer. Elle se retenait pour ne pas hurler lorsque celles-ci griffèrent les blessures déjà existantes. Son estomac se noua et des larmes franchirent malgré tout la barrière de ses paupières crispées. Dieu, sois miséricordieux !! Faut-il vraiment supporter ça pour mériter votre Amour ? Après, un clic de ferraille et plusieurs nœuds ce crin bouclés bien serrés sur ses reins, les mains froides de sœur Béatrice abaissèrent doucement les jupes que sa victime maintenaient dans ses poings serrés. Elle la fixa d’un regard emprunt d’une tendre compassion, cherchant dans celui de la cuisinière toute la plaisante souffrance offerte à Dieu. La jeune nonne ne s’y trompa pas et lui renvoya un regard dur et fermé. Seule son corps tremblant sous la douleur qui lui ceignait l’entre-jambe et ses yeux brillants trahissaient ce que l’autre avait besoin pour jouir de son emprise. Elle lui décocha un sourire de victoire.
- Vous pouvez aller vous coucher, maintenant, lui dit la zélatrice en s’éloignant sans plus un regard.
Sœur Mathilde fit demi tour, raide, et sortit sans un mot. Dans la coursive du cloître plongée dans le noir et le silence seul s’entendit son soupir glacé. Elle serra son chapelet dans sa main droite le long de sa ceinture et de l’autre, un pan de sa robe d’un poing crispé qui lui donnait l’illusion de combattre sa souffrance et l’horrible envie de retirer sur le champ cet engin de torture. Elle se sentait humiliée et à la foi, son devoir de femme de Dieu lui imposait de mériter la grâce du Seigneur. Son corps n’était qu’un souffre-douleur après tout. Mais elle ne pouvait s’empêcher d’éprouver aussi le besoin de réconfort. Son âme priait un peu de répit.
Plutôt que de s’enfermer immédiatement dans sa cellule et tenter d’y trouver le sommeil, elle se rendit à la cuisine. Son feu. Son foyer. Il ne fallait pas qu’il s’éteigne. Son action de grâce à elle était celui-ci ; entretenir le foyer, quoi qu’il arrive. Vouer à Dieu et aux autres un foyer permanent. Honorer Dieu par la lumière et la flamme d’un âtre constant, symbole de sa foi en Lui, pour la vie. Elle trouvait grâce d’offrir cette tâche ô combien gratifiante. Enfin, c’était ainsi qu’elle le voyait. Elle chargea la cheminée de grosses bûches pour que la flambée tienne toute la nuit, jusqu’à cinq heures du matin, heure du lever pour les matines. La jeune nonne resta un instant là, à plonger ses yeux gris et tristes dans les flammes avant d’aller rejoindre sa cellule et sa paillasse, un bougeoir à la main. Après ses prières, elle s’endormit épuisée, d’un sommeil troublé.
Au petit matin, sœur Mathilde s’éveilla avant le chant du coq. Il faisait encore nuit, dehors. Une soudaine envie de se soulager l’avait sortie du lit dans le froid. Bravant l’appréhension qu’elle avait de satisfaire à ce besoin naturel, malgré le cilice qui lui meurtrissait les chairs, en chemise de nuit et sa chandelle en main, serrant son châle sur ses épaules elle marcha prestement jusqu’au fond du jardin, vers la fosse d’aisance. Le seau à cet usage dans sa cellule ne suffirait pas à des intentions plus ambitieuses. Les couloirs étaient déserts. Elle l’avait déjà fait. Alors, pourquoi pas une autre fois ? La douleur de l’habit de torture était tel qu’elle s’était insinuée dans ses tripes, troublant ses sensations au point de vouloir tout expulser à la fois. Là, au fond du jardin, elle pourrait se libérer seulement sous le regard du Seigneur. Elle priait son indulgence et qu’il accède à son soulagement. Une fois encore, elle retira le cilice en même temps qu’elle rendait à la terre la souffrance de son corps. Personne n’y verrait rien. Elle n’en recherchait que la gratification de Dieu.
Lorsqu’elle sortit de l’endroit, construit sur le tas de compost, son visage était fermé, tendu et, en même temps, soulagé. Elle venait de passer un sale quart d’heure. Elle serrait encore plus fort son châle autour de ses épaules courbées, tentant de se réconforter comme elle pouvait. Elle reprit le chemin inverse, sa chandelle devant elle. Une très vague lueur apparaissait par-delà le mur d’enceinte, à l’Est. Le coq picorait consciencieusement, trônant sur le tas de fumiers qui séparait le jardin et la basse-cour. Seul animal à vaquer à cette heure-là, il avait investi les lieux aussi fièrement qu’un conquérant. Agitant sa crête en ondulant de la tête, il semblait humer l’air frémissant du lever du jour. Tout comme un ténor d’opérette, il bombait le jabot et s’apprêtait à pousser son chant alors que sœur Mathilde s’approchait de la porte de l’intendance. Mais, il n’eut pas le temps de chanter. Un bruit sourd, comme un sac de farine qu’on fait tomber de haut, se fit entendre dans le jardin. Effrayé, le coq battit des ailes avec des « cot-cot » affolés et s’enfuit à toutes ailes pour se réfugier dans le poulailler. Sœur Mathilde stoppa, une main sur le loquet, et se retourna un sourcil levé.
Le silence était revenu. Mais, le son était inhabituel et elle voulu savoir ce que c’était. Elle fit volte-face. Le jardin était plongé dans la pénombre. On ne voyait pas grand chose. Sœur Mathilde plissait les yeux, droit dans la direction d’où était venu le son sourd et s’avança, chandelle toujours en avant. Elle contourna les carrés de légumes et parvint jusqu’au mur d’enceinte. Là, une forme sombre et bombée gisait sur le sol et n’avait rien à faire là. Se pourrait-il que cela vienne de là ? Quelle était cette chose qui venait de faire un tel bruit dans le silence du matin ? Elle s’approcha. Cela ne bougeait pas. Ou plutôt, si, mais juste un peu. Une respiration. Se pourrait-il que ce soit un homme ? Elle suspendit la chandelle au-dessus de la masse sombre. Elle tendit sa main libre et la toucha. C’était tiède. Elle se pencha un peu plus et vit un visage de profil. Un homme inconscient. Elle tira alors vers elle la masse sombre et le corps inerte bascula sur le dos. Le visage tuméfié de l’homme agonisant avait des lèvres moustachues, sanglantes et elles murmuraient quelque chose. Il ouvrit vaguement les yeux et sembla remarquer sa présence.
- Sauvez-moi ! fit-il dans un soupir. Sauvez-moi !
Sous la main qu’elle avait posée sur son bras, elle sentit soudain un liquide lui poisser les doigts. Du sang !
- Mon dieu, mais vous êtes blessé ! s’écria sœur Mathilde.
L’homme n’eut pas le temps d’ajouter autre chose. Il sombra dans l’inconscience. Sous la lumière tremblotante de la chandelle qu’elle promenait au-dessus de son corps, elle vit se dessiner sur son vêtement la croix blanche des mousquetaires, maculée de sang.
- Et il fallait que vous soyez mousquetaire du Roi ! s’exclama-t-elle tout haut en observant le visage de l’homme inconscient, pâle et sanglant.
bénisse ceux qui sont sages et obéissent aux lois
Monsieur Jordan
L'ensemble est parfait tant du point de vu de la forme que de l'histoire. Pour l'instant c'est ce chapitre que je préfère et je ne sais pas exactement comment tu a agencé la suite, mais je me demande si comme accroche, il ne serait pas mieux de le placer au tout début de ton écrit et du coup d'inverser les allés-retours dans les différentes époques, parce que là chapeau, on entre directement dans le truc !! Tous les personnages sont bien campés, on reste en haleine du début à la fin ! C'est vraiment bien. (Je n'ai rien à dire de plus et rien de négatif)
Ça me fait vraiment plaisir, ce que tu me dis.
Maintenant, l'idée d'inverser l'introduction des époques est intéressante et vaut la peine de s'y pencher. Tu veux dire que ce chapitre devrait être en tout début ? Même avant la bribe, ou pas ? Parce que si je fais ça, est-ce que la suite ne va pas être étrange ?... ça me pose question, quand même, mais ça me donne matière à réfléchir. Si tu poursuis ta lecture, tu me diras si cette idée se confirme pour toi ou non dans la présentation de l'histoire.
Biz Vef'
Par contre je ne vois pas ou tu veux en venir concernant l'intrigue de ton histoire. Mais je suppose que je le serais en lisant la suite.
Autre bémol, la longueur du chapitre, j'ai cru que je n'allais jamais arriver à la fin.
J'ai remarqué quelque-chose niveau orthographe, par exemple: "en espérant que sa supérieure l’abandonnerai là" -->, et plusieurs autres fois il y a le verbe conjugué à ce temps, sans "t" .
La première chose qui me frappe dans ce chapitre c'est la philosophie de soeur Mathilde. Très rafraichissante ^^ ... J'avoue qu'en débarquant à cette époque et dans ce milieu je m'attendais bien au genre de fanatisme forcené que montre cette soeur Béatrice. Ca me met franchement mal à l'aise, ça me fiche des frissons (mais après tout, dans le cadre de la lecture ce n'estt pas une mauvaise chose). En tout cas elle a le chic pour alourdir l'atmopshère en deux temps trois mouvements celle-là! D'ailleurs voilà, un moment on a droit aux pensées de soeur Marie qui exprime son dégoût pour le couvent, eh bien c'est tout à fait l'impression que j'ai. Une atmosphère tendue, vicieuse et hypocrite, que tu décris très bien d'ailleurs, chapeau bas ^^
Tu dis que tu t'es beaucoup renseignée sur les Ursulines et en tout cas ça se sent ... pour moi qui n'y connais strictement rien et qui suis une flemmarde sans pareille, ce chapitre est un véritable coup de fouet, mymy mais je suis en totale admiration, l'atmosphère et les moindres aspects historiques sont maîtrisés avec justesse ( enfin c'est l'impression que j'ai eue, je ne me permettrais pas de ramener ma science dans un domaine que je connais plus que mal ^^).
Et puis l'incident de la fin ne présage rien de bon à mon avis ...
Te revoilà, Jam', c'est gentil de repasser ici. Eh oui, on n'a pas toujours le temps de lire régulièrement, je comprend tout à fait, ne t'en fais pas.
Si l'ambiance des religieuses du 17e siècle te donne toutes les impressions que tu aurais pu y trouver alors, je crois que mon travail se trouve récompense. Je te remercie pour ça. Ouais, parce que c'était vraiment pas simple de coller à une réalité historique tout en donnant une atmosphère intrigante à mes personnages.
Merci d'être passée et j'espère que la suite te plaira.
Biz Vef'
C'est vrai que c'est un changement radical, ce contexte historique, mais la logique n'est pas très lointaine !
Je dois avouer que j'ai tout de suite été emportée par ton récit. Mathilde est très attachante, et je suppose que ce n'est pas un hasard si elle aussi est une cuisinière ! ;)
Son approche de la foi, j'y adhère totalement. Ce n'est pas pour rien que le fait de cultiver, récolter, nourrir entre dans les plus anciennes traditions, croyances et symboliques de l'humanité. Il y a un aspect tellement primordial et essentiel.
Il y a une immense marge entre sa vision et celle de sœur Béatrice, qui se sert de sa foi pour justifier ses propres tendaces sadiques et cultive une immense hypochrisie. J'avoue que pour moi le cilice restait une tunique rêche et inconfortabble, j'ai découvert cet instrument de torture à pic par la même occasion... Oo
Je suppose que ce mystérieux blessé va perturber la vie bien ordonnée du couvent !
Tu as dû faire de sacrées recherches sur la vie du couvent, il y a des choses très réalistes, certaines m'ont un peu surprises mais je suis prête à te faire confiance pour avoir tout blindé avec sérieux ! ^^ En somme tu t'en tires vraiment très bien, rien à redire à ce chapitre très bien mené.
La seule chose qui me trouble un peu, c'est les changements de points de vue qui m'ont un peu troublée (j'aurais préféré avoir tout du long celui de Mathilde plutôt que « sauter » occasionnellement vers celui d'autres sœurs, mais je suis une grand maniaque du « une scène, un point devue ». C'est très perso ! ^^)
Encore bravo, Vef' !
Ça change, hein ! J'avoue que quand je me suis lancée dans cette histoire du 17e siècle avec l'envie de raconter ça au sein d'un couvent, je n'imaginais pas à quel point le travail allait être ardu et très instructif. Oui, parce que je voulais un minimum de cohérence historique, même si tout est inventé. Alors de là à avoir blindé la chose, peut-être pas à ce point, mais je pense que je peux argumenter avec sérieux. En tous cas, j'ai été souvent surprise en apprenant les conditions de vie dans un couvent à cette époque et j'ai tenté d'être au plus juste.
Notamment sur les cilices car, oui, il en existe plusieurs. J'ai choisi celui qui sévit directement sur les parties intimes féminines. C'est à dessein que j'ai fait ça. Tu verras si tu poursuis ta lecture. Ce n'est pas sans un certain dégoût que j'ai appris l'ingéniosité et la prolifération des instruments de torture. Mais je dois être maso car je m'étais aussi documentée pour une fanfiction de Pirates dans laquelle je voulais raconter le supplice du Pal. Non non, la Grenouille et Danette ne m'ont pas influencée faut pas croire !!!
J'ai changé de point de vue dans ce chapitre ? Ah ! Ça ne doit pas durer longtemps, alors. Non, oui, parfois, ça m'arrive de faire ça, tout en essayant de ne pas perdre le fil de l'histoire, bien sûr. J'espère que ce n'est pas un trop mauvais point.
Merci d'avoir apprécié, en tous cas. J'espère te revoir pour la suite et que ça continuera de te plaire.
Biz Vef'
j'ai commencé ton récit ... et j'ai adoré le premier chapitre (Bribes). Le parralèle que tu fais entre la nourriture et l'amour est tout simplement merveilleux.
Le reste en revanche m'emballe moins. Mais ne t'inquiètes pas ce n'est pas une question de style ou de mauvaise écriture bien au contraire, je trouve ton style très bien, travaillé et illustratif, ce n'est tout simplement pas mon genre de prédiliction.
Je ne m'attendais pas à une histoire ancrée dans la réalité et le moment présent. Mais plutôt à quelque chose du genre quête initiatique des saveurs. Pourtant, je dois dire quand même que ton chapitre 2 m'a agréablement suprise, je trouve qu'il s'en dégage une simplicité et une générosité vraiment marquante. Bref, malgré mes réticences, cette histoire me plaît bien.
Bon, voilà au moins qui est clair ; ce n'est pas ton sujet de prédilection. C'est légitime. Je n'ai pas de problème avec ça. Pour le côté contemporain, ok. Mais as-tu remarqué le changement d'époque au troisième chapitre ? C'est étrange, tu n'en parles pas. Mais peut-être n'as-tu pas poursuivi ta lecture, si c'était bof pour toi.
En tous cas, c'est amusant mais les bribes semblent remporter tous les suffrages. Je ne pensais pas que ce serait à ce point. Ça me fait très plaisir en tous cas.
Je ne sais pas si je te reverrais pour la suite, mais, j'apprécie que tu aies pris la peine de me faire ton retour.
Biz Vef'
Alors déjà, je suis ressortie de ma lecture complètement bluffée par la richesse de détails. Cette retranscription du quotidien du XVIIe siècle m'a semblé pile ce qu'il fallait. J'ai toujours admiré les personnes qui se documentent autant avant d'écrire car c'est une partie que j'ai toujours réussi à éviter. C'est ça quand on écrit de la SF/fantasy ^^
Je crois que je te l'ai déjà dit dans mon commentaire précédent, mais tu retranscris les ambiances à merveille. Si dans le chapitre d'avant, c'était chaud, estival et lumineux, ici j'ai vu quelque chose de tamisé, intimiste. Mais les ambiances ne font pas tout car on a aussi une flopée de personnages, tous différents aussi bien de physique que de caractère, mais servant tous dieu. Par contre, tu m'excuseras, mais pour les noms, je repasserai, j'ai toujours du mal au début ^^
Par contre, seul point qui m'a un peu sorti du trip - tous ces termes religieux. J'ai toujours évolué dans une atmosphère purement athée, du coup, j'ai toujours eu du mal avec la religion et son jargon ^^ Mais bon, je suis sûre qu'en persévérant, ça ne sera qu'un détail.
Et pour finir, un peu de mystère dans ce couvent, que diable ! Un mousquetaire blessé et très mal en point. Ma foi, voila qui promet pour les chapitres à venir.
Pour la suite, je ne promets pas de lire dans l'immédiat. Mais je vais tenter d'y revenir dès la semaine prochaine pour ne pas retomber dans mes mauvaises habitudes :))
Voici tout mon travail de recherche récompensé par ton commentaire et je t'en remercie chaleureusement. C'est vrai que c'est plus facile quand on écrit de la SF/fantasy, quoi que... on se retrouve sûrement face à d'autres difficultés. Là, c'était la cohérence historique, même si je ne veux pas en faire en faire une tartine sur l'histoire car c'est vraiment pas mon rayon. Comme j'évolue résolument dans un univers réaliste, autant l'être autant que possible, même si je vais y ajouter de l'étrange.
Je ne t'en veux pas d'avoir déjà oublié les noms des personnages. Je sais que c'est pas facile au début quand on apprend à faire connaissance avec un univers. Et si en plus, le jargon religieux t'es particulièrement hermétique, rassures-toi aussi, je crois que c'est le cas pour plein d'autres. Et j'ai fait en sorte pour qu'ils ne prennent pas trop d'importance à part quelques usages dont, j'espère, avoir suffisamment détaillé pour comprendre de quoi il s'agit. Dis toi que je les ai utilisé pour donner l'ambiance, pour vraiment se trouver plongé dans l'atmosphère d'un couvent, mais pas pour que ça serve absolument à la compréhension de l'histoire.
Bon, et donc, si la note mousquetaire de la fin apporte un peu de piment à la piété ambiante, me voilà encore mieux satisfaite.
J'espère te revoir très bientôt ici pour échanger tes impressions. J'apprécie vraiment tes visites.
Biz, Vef'.
Commentaire du Chap 3 : le blessé
Let's go ! <br />
""Il pleuvait à verse dans le jardin du prieuré, ce jour-là. (...)Tout en chantonnant pour elle-même un petit cantique guilleret, la religieuse déplaçait son panier de carré en carré, courbée en avant, dissimulée sous une grande capuche, glanant ici et là, passiflore, camomille, verveine, thym et autre romarin qu’elle préparerait en infusion afin de calmer les esprits déprimés ou énervés. Peu lui importait qu’il pleuve ou non.""
=> Copine !!! Elle est joyeuse sous la pluie ^_____________^. Très beau passage ! J'en ai apprécié chaque mot, chaque virgule, chaque image mentale associée. Et ce côté ancien temps est absolument bien maîtrisé. Spilou sous le charme ! *_*
""Seule, dans le jardin détrempé par la pluie, elle communiait avec les éléments aussi allègrement qu’elle confiait à Dieu tout l’amour qu’elle avait dans le cœur. Sœur Mathilde était heureuse. ""
=> C'est beau ça. Des phrases simples et directes, élémentaires. Ça m'a touchée. J'ai trouvé ça... Oui, ce passage aussi est beau. On transcende la description physique pour rentrer dans des valeurs humaines, morales et spirituelles.
""Lorsqu’elle rentra à l’intérieur, sœur Béatrice s’empressa auprès d’elle :""
=> Oui, allons-y !! Suivons le guide. Après un aperçu aussi magique avec Soeur Mathilde, on ne veut que la suivre pour savoir ce qu'elle fait, où elle vit, ce qu'elle va vivre, ce qui va lui arriver. Crédit curiosité à taux 100%.
""Elle étala délicatement sa cueillette sur la table. ""
=> Ah ?? ça me ferait presque penser à Solenne. Une cuisinière ! Tiens donc !
""La cloche des vêpres se mit à sonner. Dans le couvent, un froufrou à peine chuchoté se déplaça jusqu’à la chapelle. Les sœurs de chœur s’en allèrent prier. Pendant que les sœurs converses, dites les « tantes » pour leurs pensionnaires, firent mettre à genoux et mains jointes leurs élèves en classe de catéchisme. Sœur Mathilde et sœur Béatrice étaient de corvée de repas, ce soir, et elles devaient se contenter d’une génuflexion devant le christ suspendu au-dessus de la chaire de la salle à manger. Pendant que résonnaient quelques cantiques entonnés au loin, les deux nonnes se mirent au travail. Légumes à plucher et mettre un autre chaudron d’eau à bouillir. La cheminée monumentale qui ornait le mur Nord de la cuisine était l’antre de sœur Mathilde. Son foyer se trouvait là, au propre comme au figuré. Elle y exprimait sa foi avec toute la ferveur dont elle était capable.""
=> Passage très intéressant. Belle maîtrise documentaire. C'est du solide, mais du solide qui parle et qui n'assomme pas comme dans certains romans historiques où les descriptions n'ont pas de fin. Et tu as su joindre l'utile à l'agréable. On voit des personnages attachants qui s'activent comme ils le font dans leurs habitudes, et c'est à travers leurs gestes qu'on comprend la nature et l'importance de leurs occupations. C'est original et bien trouvé.
""Tout le cœur et la foi qu’elle mettait dans son labeur se sentaient sous le palais comme un regain de vitalité et de plaisir.""
=> Ici on retrouve des idées évoquées dans ton premier chapitre. Des vérités intemporelles ? Plus ça va, plus Mathilde me fait penser à Solenne.
""Ce n’était pas sans créer quelques dissensions au sein de la communauté, d’ailleurs. Certaines eussent préféré ne rien ressentir en mangeant, estimant qu’il était inconvenant au regard du Christ d’éprouver un quelconque plaisir de quelque manière que ce soit.""
=> C'est dingue ! A croire que tu es allée chercher tes idées directement dans la tête de vraies nonnes/converses pour nous expliquer tout ça. Je suis soufflée et admirative. C'est si vrai, si crédible ! Aucun doute ne serait permis tant ça tombe sous le sens
"" Les actes de contrition comportaient certaines vertus, mais sœur Mathilde avait le plaisir comme guide et elle préférait éprouver le sacrifice dans un autre domaine que celui de la nourriture, quitte à se laver de ses péchés par ailleurs."" <br />
=> Brrrrrr ! Ça faisait froid dans le dos, les actes de contrition de l'époque. Dis-moi pas que Mathilde se torture o_____o' si ? oO"
"" -Mesdemoiselles, veuillez cesser vos divertissements ! ordonna sœur Véronique d’une voix rocailleuse qui ne souffrait pas la contradiction. Asseyez vous rapidement et ouvrez votre abrégé de l’ancien Testament à la page quatre-vingt. Allez ! … et écrivez !""
=> lol, déjà à cette époque on numérotait les pages ? Ce n'était pas plutôt les sermons, les psaumes et les prières qui étaient numérotés ?
""- Je ne voudrais pas ajouter à votre inquiétude, mes chères consœurs, s’insinua sœur Béatrice, mais, j’ai ouï dire qu’au village, il court un vent de conflit. Le duc de Gonzague semble avoir repris quelque prérogative sur Mazarin et il a barré la route de Paris. Il prélève l’impôt pour son compte, désormais. Les mousquetaires du roi sont dans les parages. ""
=> Ah bien ! Prise de contact avec le contexte historique de l'époque. Intéressant. Et la façon dont tu amènes l'inquiétude, l'atmosphère d'insécurité qui flotte à la fois chez ces bonnes soeurs et dans le pays, voilà qui est tout aussi captivant. Tout en petites touches, tout en finesse, à travers le quotidien et les petits aléas.
"" Le cilice qu’elle avait porté quelques semaines auparavant avait laissé des cicatrices sanglantes sur son intimité. Elle voulait offrir encore une fois à la terre la souffrance de son corps, surtout si ladite souffrance était encore assez vive. Elle n’en recherchait que la gratification de Dieu.""
=> Le le le le... Le quoi ???!!!! Couiiiik ! *tombe dans les pommes*
""Lorsqu’elle sortit des latrines, construites sur le tas de compost, son visage était fermé, tendu et, en même temps, soulagé. Elle venait de passer un sale quart d’heure. Elle serrait encore plus fort son châle autour de ses épaules courbées, tentant de se réconforter comme elle pouvait. ""
=> Erf ! Dur dur dur !! ou la la ! Ça fait peur !!! Non mais elle est maso ta bonne soeur ! Vraiment sado masoooo ! oO'
""Chapter End Notes:
Surpris ? ... J'espère ne pas vous avoir déstabilisé de trop. Et oui, on a changé vraiment d'époque ! Mais Solenne n'a pas disparu, ne vous inquiétez pas. Ce chapitre m'a donné du fil à retordre. J'ai dû me plonger dans l'intimité quotidienne d'un couvent d'Ursuline, compulser des documents à la bibliothèque de la faculté catho. J'ai beaucoup travaillé sur ce chapitre.""
=> oui, on peut sans peine imaginer tout ce que tu as dû faire pour rendre ce chapitre aussi captivant et réaliste. C'était à la fois très passionnant, et à la fois choquant de véracité. J'ai eu mal pour soeur Mathilde à travers tes mots. De même on comprend très bien le point de vue des autres soeurs, de la mère supérieure, leur foi, leurs désideratas et puis tout ce qui entoure leur spiritualité et leur humanité.
Bilan de lecture :
Oui, on note une réelle différence d'atmosphère. Tu ne t'es pas foutue de nous en parlant d'autre époque. Autre histoire, autre context, autres personnages. La transition est radicale, et pourtant ce n'est pas ce qu'on pourrait appeler un choc quand on passe du chapitre 2 au 3, mais comme un gros retour aux sources. Des sources profondes, intenses, où les protagonistes vivent leur propre aventure. Mais on sent que cette aventure avec la soeur Mathilde et les dames du couvent ont un lien avec Solenne et le chateau. (Elles ont la cuisine en commun, le goût pour améliorer la vie des autres avec les moyens qu'elles ont, et aucune des deux n'utilise de micro-ondes... C'est un signe !!! Lol ! )
J'ai trouvé brillante toute ta technique de descriptions d'explications historiques sur l'époque, sur les traditions et les croyances des religieuses. Ce fut un incroyable plongeon 3-4 siècles en arrière dont on se retrouve enrichi. Ce luxe de détails, loin d'être rébarbatif, était parfaitement à sa place et équilibré. Pas d'ennui, pas de longueur. Mieux, il y avait là de la crédibilité, du solide. Je n'aurai pas été étonnée qu'une consoeurie comme celle des Converses aie réellement existé, que chaque soeur n'ait pas vraiment vécu et pensé comme tu l'as si bien narré. Les états d'âme des unes, les craintes des autres, les variations de foi et de certitudes... On ressentait ce qu'elles ressentaient quand elles le ressentaient. Par exemple, quand elles mangent et que l'une chope limite la nausée à prier, j'ai eu comme un noeud à l'estomac.
Enfin tout nous ancre dans une situation dont on sent qu'il se produira un évènement majeur très bientôt, mais dont on attend encore l'élément déclencheur. Le calme fébrile qui précède une révolution ? Oui, c'est un peu cela et autre chose en même temps. Il y a un mystère qui s'épaissit. Et en tant que lectrice, c'est avec soulagement que je me repose en toute confiance sur le jugement et les perceptions de soeur Mathilde en me disant : tant qu'elle est là, avec les épaules carrées et la tête bien posée dessus, tant qu'elle garde les pieds sur terre, peu importe ce qui arrive, elle ne sera pas démontée si facilement. C'est bon, on continue. Car autour d'elle, il y a des choses en mouvement. Des changements non perceptibles qui inquiètent et menacent. La suite promet d'être tout sauf tranquille, ça c'est sûr.
Sur ce, je te souhaite une continuation productive et me lancerai à lire/commenter la suite très bientôt. Encore bravo à toi et à bientôt !
Enjoy ! Spilou ^^
Alors, je vais essayer de te répondre avec autant de précision que toi. Enfin, je vais essayer, j'ai dit.... lol !
Tout d'abord, j'ai bien noté ta remarque concernant le foliotage des livres de cette époque. Je me suis rendue compte soudain que je n'avais pas pensé à ce genre de détail et n'ayant que très rarement pu feuilleter de livres très anciens, je n'ai pu noter si le foliotage était de rigueur ou non. Renseignement pris sur Wiki, il semble que ce soit le cas dès le début des impressions de Guttemberg et même du temps des incunables qui précédaient les lettres de plomb. Donc, visiblement, ce n'est pas une erreur de parler de numéros de pages à cette époque. Mais, c'est un fait que j'aurai pu indiquer un psaume ou quelque chose de ce genre pour faire plus dans le ton. En tous cas, merci d'avoir soulevé ce détail. C'est une précision qui peut avoir sa valeur authentique.
Sinon, reprenons dipildébu :
Je suis vraiment très heureuse que tu accroches autant avec Mathilde qu'avec Solenne. Oui, cette religieuse aime toutes les manifestations naturelles. Elle aime tout simplement la vie, c'est pour ça. Et si, à travers mes mots, tu l'apprécies dans ce qu'elle vit, même si c'est dur, et oui, le cilice... gasp... alors, j'en suis vraiment, mais vraiment très heureuse et même flattée.
Et donc, pour ce qui est des actes de contritions, en effet, c'était particulièrement ..... oups ... gloups... difficile. Ils étaient gradués plus ou moins légèrement selon le genre de punition qu'on estimait mériter. Il était donc bien évident que la personne qui se l'infligeait était consentante. C'était fait en accord avec la mère supérieure qui donnait son aval. Le but n'étant pas un simple plaisir sado maso, bien sûr, l'esprit était tout autre, il concernait la recherche du pardon de dieu pour ses pêchers. Le pêcher étant vu même dans les pensées les plus anodines d'aujourd'hui, comme le plaisir, la gourmandise, l'amusement et le divertissement dans son sens détourné de Dieu. Et, bien sûr, les pêchers les plus traqués de l'époque dans un couvent étaient les désirs sexuels. Réprimés violemment, c'est le cas de le dire. Les méthodes étaient radicales et directement châtiées vers l'endroit du délit. Il existait plusieurs sortes de cilices plus ou moins agressifs. Cela allait de la lanière de cuir piqueté de petites pointes qu'on serrait sur la cuisse à celui que je décris pour Mathilde ; en gros, c'est une sorte de string avec des petites pointes de métal qui.... gloups.... blessent jusque dans l'intimité. Ainsi, impossible de n'éprouver un seul désir sexuel. C'est cash, violent et cruel, je sais. Mais, les souffrances du corps étaient bien vues à l'époque. Plus on souffrait, mieux on se rapprochait de Dieu. C'est ainsi qu'on voyait la chose.
*me penche sous le lit pour récupérer Spilou* Allez, ma belle, c'est fini. Je n'en dis pas plus. Tu peux sortir de ton trou.
Pour ce qui est du contexte historique, j'ai en effet inséré quelques indices pour situer l'époque et les circonstances. Je ne me suis pas étalée sur la question, car, loin de moi l'idée de faire de l'histoire, je suis trop quiche en la matière. Donc, tu ne verras pas chez moi ces insipides descriptions historiques qui s'éternisent et qui vous font perdre le fil de l'histoire, c'est sûr. Lol ! Tant mieux pour moi, si ça te conviens parce que j'aurai du mal à développer. Hu hu !
Et c'est vrai que j'ai voulu raconter de l'intérieur cette façon que les réligieuses avaient à vivre leur foi. Aujourd'hui, ça semble extrême et relever de l'aberration pourtant c'est ainsi que c'était vécu. J'ai dû pour cela m'immiscer dans leur peau et dans leur tête pour m'imprégner de leur façon de penser, de prier, d'invoquer Dieu et de vivre avec leur corps, cette relation si particulière où la foi en Dieu était incompatible avec l'enveloppe charnelle. C'était plein d'enseignement pour moi, en tous cas. Si j'ai pu le transmettre dans mon histoire, c'est tant mieux.
Donc, pour toi, la transition entre les deux époques ne t'a pas choquée plus que ça.... ok. Certains, oui. Donc, ça doit dépendre de chacun. Loool !!!! Aucune des deux, ni Mathilde, ni Solenne, n'utilisent le micro-ondes ... mouahahaa ! Et pour cause ! Bon, je sais, c'est de la grosse ficelle, le lien entre Mathilde et Solenne, surtout pour toi. Mais, mon intrigue ne se veut pas insondable comme une enquête policière, alors... voilà, quoi... Tu as saisis l'essentiel de ce qui se trame... enfin presque. L'histoire va aller s'épaississant, puis... bon, bah, tu verras, hein !
Encore tout plein de mercis, .......merci merci merci, pour cette belle review pleine de compliments. Sincèrement, je n'en attendais pas autant d'éloges et ça m'encourage à persévérer. Je vais donc de ce pas me plonger dans la suite avec encore plus de ferveur.
Gros poutous, tout plein !
Vef'
Bon, par où commencer ? Même constat que pour le chapitre précédent, même si l'atmosphère y être très différente : il se dégage une grande richesse de ton écriture. Déjà pour la remarquable reconstitution historique, que je trouve exceptionnelle : j'ai vraiment eu l'impression de m'être retrouvée trois siècles plus tôt. Tu as su donner vie et chair au passé.
Donc, oui, il y a de ça. Mais pas seulement : j'ai envie de dire que ton formidable travail documentaire donne un cadre solide à ton histoire, mais il n'est pas envahissant (ce que je reproche à certains romans historiques >< où j'ai l'impression que l'auteur en profite pour étaler à n'en plus finir sa connaissance de l'époque).
Non, chez toi, il y a l'Histoire en générale et ton histoire en particulier qui s'équilibrent parfaitement. Et dans ton histoire, qui s'esquisse petit à petit, tu réussis un exercice que je juge souvent périlleux : tu passes du point de vue d'un personnage à l'autre, sans coupure, le plus naturellement du monde. Et c'est une vraie réussite car, à chaque fois, j'avais l'impression de ressentir les émotions de chaque Soeur : la bonne humeur communicative de Mathilde, l'aigreur de soeur Marie, etc.
Et le plus beau, dans tout ça, c'est que je ne sais pas du tout où tu me mènes ! J'ai tout simplement pris plaisir à m'immerger dans les jardins, les couloirs et les salles de ce couvent, qui dégage quelque chose d'étrange, parfois d'inquiétant, mais surtout de fascinant. On sent qu'il plane quelque chose, qu'il ne manque qu'un élément déclencheur, mais on ne sait pas d'où ça viendra ni quelles en seront les conséquences. Le mystère dans tout ce que j'aime.
Serait-ce monsieur le mousquetaire du roi qui va tout chambouler ?
Bref, je n'ai qu'une envie : lire la suite !
Oh, avant que je n'oublie, les petites coquilles :
"Avez-vous su, sœur Béatrice ? s’enquit sœur Angèle, son breuvage chaud tout près du visage et sa cuillère en action, ce qui est arrivé à la petite Simone ?" Petit problème de ponctuation ^^
"il avait inverti les lieux aussi fièrement qu’un conquérant" >> investi ?
"Ce pourrait-il que cela vienne de là ?" Se pourrait-il.
Bref, trois fois rien ! Bravo, vefree !
*saute au cou de Cricri*
Si mon travail historique est satisfaisant et sert l'histoire à bon escient, j'en suis vraiment satisfaite. C'est exactement le but que je voulais atteindre. Loin de moi l'idée d'étaler mes connaissances. Je voulais simplement avoir de la cohérence dans le contexte.
Pour ce qui est des personnages, ce que tu m'en dis est très plaisant. J'avais envie d'instaurer une présentation de quelques unes des religieuses et d'entrer dans leur personnalité chacune à leur tour, histoire de raconter à travers elles l'ambiance générale du couvent.
Quant au mousquetaire, eh bien.... certaines révélations viendront au 5e chapitre. Je n'en dis pas plus.
Ah oui, et merci pour avoir relevé ces quelques coquilles, je vais de ce pas les corriger.
Bisous tout plein, Cricri
Vef'
Ce qu'il y a de drôle (ou pas, d'ailleurs xD), c'est que vers mes quinze-seize ans, j'ai envisagé de m'engager dans les ordres ^^ Je ne suis pas sûre que les châtiments corporels existent encore (je ne pense pas, en tout cas j'espère…), c'était plutôt pour la vie simple, en communauté, et surtout, le fait qu'on soit capable de donner sa vie à Dieu… Bref, ça me remplissait d'admiration. Depuis, j'ai un peu perdu la confiance que j'avais dans les institutions chrétiennes alors bon… Ça n'est vraiment plus d'actualité. Mais c'est amusant d'y repenser.
Sinon, en ce qui concerne l'histoire, puisque c'est ce qui nous intéresse ^^ j'ai compris sans mal le lien que tu fais avec la maison récemment rénovée par Solenne et Maxime, et pour introduire ce que tu m'expliques comme étant le don de Solenne, eh bien, je trouve que c'est une très bonne entrée en matière :) Il me tarde d'en apprendre davantage.
J'ai vraiment adoré (bon, façon de parler, disons que je m'y croyais, mais heureusement que la lumière était allumée^^) l'ambiance oppressante que tu as installée dans ce chapitre, la variation du style pour correspondre à une époque différente, les sentiments des nonnes et la description de leur vie, leurs responsabilités respectives, j'ai trouvé tout cela passionnant. J'ai particulièrement apprécié ce que tu fais de tes connaissances culinaires avec la personnalité de sœur Mathilde, ça donne une dimension attachante au personnage (et ça donne faim aussi, mais est-ce que c'est parce que je suis traumatisée par un reportage sur l'huile de palme que j'ai vu hier ? xD) et ça m'a fait du bien !
Bref, je suis vraiment séduite par ce début, j'espère que je pourrai rapidement te donner un avis sur la suite !
Quant à vouloir me rendre ces commentaires, eh bien, ça me touche beaucoup mais sache que je lis ton histoire parce qu'elle m'attire depuis un bout de temps et que ces Plumes d'Or sont l'occasion idéale pour mettre fin (temporairement du moins) la proscratination !!! Alors sincèrement, si mon histoire ne te tente pas, je ne t'en voudrai vraiment pas :) mais ça me fait drôlement plaisir que tu parles d'aller y faire un tour !
Bises ♥
Mimi
Oui, dans ce chapitre, on change d'ambiance et d'époque. Visiblement, ça te touche personnellement. C'est extraordinaire que tu aies un jour songé à entrer dans les ordres. Bon, je te rassure, du moins à ma connaissance, le cilice n'est plus d'actualité depuis un bon moment. Mais dans ces lieux secrets... on ne sait jamais trop ce qui s'y passe. C'est bien pour ça que mes investigations ont été plutôt pas faciles. Mais j'avais de bonnes sources pour pouvoir décrire la vie quotidienne d'un couvent au 17e siècle.
C'est super si tu as repéré que le couvent est le même qu'à l'époque contemporaine. Tu vas ainsi pouvoir mieux te repérer quand on va circuler dedans.
J'aurais bien aimé voir ce reportage sur l'huile de palme. Je n'en sais pas assez sur le sujet et ça m'intéresse. Enfin là n'est pas le sujet, soeur Mathilde aime cuisiner et sait rendre les mets les plus ordinaires goûtu et savoureux. Z'ont d'la chance, ces consœurs, elles se rendent pas compte !!!
J'espère à bientôt, ma chère Mimi.
Biz Vef'
(Je t'ai fait peuuur ?)
Je me remets enfin à la lecture, même si c'est pas le bon moment (gros partiel mercredi), excuse-moi d'avoir tardé. Enroulée dans mon plaid à te lire, j'étais bien, si tu savais ! ^^
Je te félicite vraiment pour ce chapitre. Ca sent la recherche, le souci du détail et de la perfection du détail, et j'aime ça. Et c'est vraiment très intéressant en plus.
J'aime bien Soeur Mathilde... on dirait Solenne, elle a l'air d'aimer la cuisine mais peut-être il y a un "lien" entre les deux ?
Et j'aime beaucoup Soeur Marie aussi. D'ailleurs, elle me fait beaucoup penser à Olympe, dans le roman d'Annie Jay qui s'appelle d'ailleurs "À la poursuite d'Olympe". C'est l'histoire d'une fille noble de 16 ans qu'on a enfermé au couvent, et qui s'évade parce qu'elle ne supporte pas l'endroit. Comme quoi, ça devait être vachement courant à l'époque...
Oh, et je ne sais pas si je te l'ai dit la dernière fois, mais franchement, tes descriptions... MAZEEEETTE ! T_T Ca me fait pleurer de lire de telles descriptions. T_T Pourquoi j'en écris pas comme les tiennes, hein, c'est pas juste ! T_T
Et j'ai aussi adoré la subtilité façon Vefree : "Le seau d’aisance ne suffirait pas à ses intentions plus ambitieuses." XD Ca veut tout de dire, et dit comme ça, c'est trop la classe ! ^^
Bref, je vais faire ma lessive, éventuellement réviser, et je reviens après Madame ! Bisouuus !
Je suis vraiment très heureuse que mon histoire te plaise autant. Mes recherches sur cette époque et la vie dans les couvents sont récompensés par ton retour. Merci beaucoup. Je ne connais pas l'Olympe dont tu parles, mais celle qui ressemble dont je lis l'histoire en ce moment c'est "La Religieuse" de Diderot. Et c'est la même idée.
Je suis aussi vraiment très flattée tout rose que tu apprécies mes descriptions. Huhu ! C'est vrai que je les soigne. J'aime pouvoir donner le ton dans une description, que l'humeur de la circonstance se ressente. Voilà pourquoi, même un petit besoin matinal qui pourrait être banal, s'engage solennellement vers les latrines vertueuses. Bah vi ! La noblesse du ptit coin ! hihi !
Allez, file faire ta lessive et révise, ma belle ! A très bientôt.
Biz
Vef'